La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2017 | FRANCE | N°16/02711

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre a, 28 septembre 2017, 16/02711


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 28 SEPTEMBRE 2017



N°2017/ 388













Rôle N° 16/02711







[O] [P] épouse [V]





C/



[C], [A], [J] [V]





































Grosse délivrée

le :

à :ME KEITA

ME FICI









Décision déférée Ã

  la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 29 Décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00811.





APPELANTE



Madame [O] [P] épouse [V]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]



comparante en personne, assistée de Me Samira KEITA d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 28 SEPTEMBRE 2017

N°2017/ 388

Rôle N° 16/02711

[O] [P] épouse [V]

C/

[C], [A], [J] [V]

Grosse délivrée

le :

à :ME KEITA

ME FICI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 29 Décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00811.

APPELANTE

Madame [O] [P] épouse [V]

née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Samira KEITA de l'ASSOCIATION KEITA J L KEITA S., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [C], [A], [J] [V]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 2]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Nathalie RICHARDIER de la SELARL RICHARDIER NATHALIE, avocat au barreau de GRASSE, Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Juin 2017, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Joël MOCAER, Président, et Madame Monique RICHARD, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Monique RICHARD Conseiller a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Joël MOCAER, Président

Madame Christine PEYRACHE, Conseiller

Madame Monique RICHARD, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Martine MEINERO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2017.

Signé par Monsieur Joël MOCAER, Président et Madame Martine MEINERO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel interjeté le 17 février 2016 par Mme [O] [P] à l'encontre du jugement rendu le 29 décembre 2015 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains,

Vu les dispositions de l'article 388-1 du code civil et l'audition d'[P] en date du 17 mai 2016,

Vu l'ordonnance d'incident en date du 19 janvier 2017,

Vu les conclusions au fond de M. [C] [V] en date du 10 juillet 2016,

Vu les conclusions au fond de Mme [O] [P] en date du 12 juin 2017,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 juin 2017 pour l'audience fixée au 27 juin 2017,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [O] [P] et M. [C] [V] se sont mariés le [Date mariage 1] 2009 devant l'officier d'état civil de [Localité 3] (06), sans contrat de mariage préalable.

Un enfant est issu de cette union : [P], née le [Date naissance 3] 2009.

M. [V] est par ailleurs père de deux enfants issus d'une précédente union, [U] et [D].

Le 30 avril 2012, Mme [P] a déposé une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Grasse, territorialement compétent eu égard au domicile des époux.

Par conclusions du 31 mai 2012, M. [V], avocat inscrit au Barreau de Nice, a sollicité la dé-localisation de l'affaire en application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 17 juin 2013, le juge aux affaires familiales de Grasse a accueilli l'exception et renvoyé le dossier devant le tribunal de Digne-les-Bains.

Par ordonnance de non conciliation en date du 8 octobre 2013, le juge aux affaires familiales de Digne-les-Bains a pour l'essentiel :

- attribué à l'épouse la jouissance du domicile conjugal à titre gratuit au titre du devoir de secours, à charge pour l'époux de régler le prêt afférent pour le compte de l'indivision, ainsi que les impôts et taxes à titre d'avance,

- fixé le montant de la pension alimentaire due par l'époux à l'épouse au titre du devoir de secours à 2 500 euros par mois,

- dit n'y avoir lieu à enquête sociale et à audition de l'enfant,

- et ordonné une expertise psychologique de la famille.

Dans l'attente du retour de cette mesure, le juge aux affaires familiales a :

- prévu un exercice conjoint de l'autorité parentale,

- fixé la résidence habituelle de l'enfant mineur au domicile maternel,

- organisé le droit de visite et d'hébergement du père,

- fixé la contribution paternelle à l'entretien et à l'éducation de l'enfant à hauteur de 500 euros par mois avec indexation, avec prise en charge par le père de frais de scolarité d'[P] dans un établissement privé jusqu'en fin de primaire,

- désigné un professionnel qualifié,

- et alloué à l'épouse une provision ad litem de 6 000 euros et une avance sur sa part dans la liquidation de 11 000 euros.

Par acte d'huissier en date du 17 janvier 2014, Mme [P] a fait assigner M. [V] en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.

Par jugement en date du 4 juillet 2014, le juge de la mise en état a pour l'essentiel :

- sursis à statuer sur la demande de M. [V] tendant au transfert de la résidence de l'enfant à son domicile jusqu'au dépôt du rapport d'expertise psychologique ordonnée,

- et maintenu pour l'essentiel les modalités de résidence d'[P] telles que prévues par l'ordonnance de non conciliation.

Le rapport d'expertise psychologique a été déposé le 18 août 2014.

Par décision du 18 novembre 2014, confirmée par arrêt du 28 mai 2015, le juge de la mise en état, saisi par M. [V] par conclusions d'incident, a ensuite :

- fixé la résidence habituelle de l'enfant au domicile paternel, en accordant à la mère un droit de visite et d'hébergement élargi,

- débouté le père de sa demande de contribution à l'entretien d'[P],

- et débouté Mme [P] de sa demande d'audition d'[P] et de sa demande d'expertise psychiatrique.

Par jugement en date du 29 décembre 2015 dont appel, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains a :

- prononcé le divorce des époux [V] aux torts partagés,

- condamné l'époux à payer à l'épouse une prestation compensatoire en capital de 90 000 euros sous la forme d'une rente mensuelle indexée de 1 500 euros pendant cinq ans,

- prévu un exercice conjoint de l'autorité parentale,

- fixé la résidence habituelle de l'enfant au domicile paternel,

- accordé à la mère de larges droits de visite et d'hébergement,

- ordonné l'exécution provisoire, sauf en ce qui concerne les dispositions relatives à la prestation compensatoire,

- et condamné l'époux à payer à l'épouse la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [O] [P] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions d'incident déposées le 20 juillet 2016, Mme [P] a saisi le conseiller de la mise en état afin de solliciter :

- la fixation de la résidence habituelle d'[P] au domicile maternel,

- l'autorisation de scolariser l'enfant au collège [Établissement 1] de [Localité 3],

- l'aménagement des droits de visite et d'hébergement du père,

- la fixation d'une contribution paternelle à l'entretien de l'enfant à hauteur de 900 euros par mois, outre la prise en charge par le père des frais scolaires et extra-scolaires de l'enfant, en ce compris le golf,

- et la condamnation de M. [V] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Mme [P] a rappelé que le juge doit rechercher l'intérêt supérieur de l'enfant et a fait état d'un élément nouveau, à savoir l'audition d'[P] par un magistrat de la cour. Elle a en outre soutenu être plus disponible pour sa fille que M. [V], très occupé par son activité professionnelle.

M. [V] a demandé pour sa part que Mme [P] soit déboutée de toutes ses demandes et condamnée au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'incident, en faisant valoir que la demande de transfert de résidence est tardive et non fondée.

A titre reconventionnel, il a demandé à être autorisé à reprendre le cours des consultations d'orthodontie de l'enfant, en indiquant notamment qu'il en assumera la totalité du coût.

M. [V] a en outre demandé qu'il soit statué sur le droit de garde de l'enfant pendant les vacances scolaires de fin d'année.

M. [V] a fait valoir qu'[P] a trouvé un équilibre au foyer paternel et qu'il faut la laisser en dehors du conflit conjugal.

Il déplore que Mme [P] ait instrumentalisé l'enfant qu'elle a utilisé comme un moyen de lui porter atteinte à travers de nombreuses procédures, ce qui a nécessairement affecté [P].

Il a ajouté passer beaucoup de temps avec sa fille, être sans doute plus strict que Mme [P] sur le plan éducatif et scolaire et a mis en exergue les bons résultats scolaires d'[P], en faisant valoir qu'il ne serait pas judicieux de la changer d'établissement scolaire en cours d'année.

Par ordonnance d'incident en date du 19 janvier 2017, le conseiller de la mise en état a :

- donné acte aux parties de l'accord intervenu sur l'audience du 28 novembre 2016 quant à la répartition des vacances scolaires de fin d'année, accord entériné par mention au dossier,

- débouté Mme [P] de l'ensemble de ses demandes,

- dit que M. [V] pourra, dans l'intérêt de l'enfant, reprendre le cours des consultations d'orthodontie de l'enfant auprès du docteur [M] ou de tout autre médecin compétent en la matière, à charge pour lui d'en assumer le coût, si cela s'avère nécessaire,

- rejeté le surplus des demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- et laissé à chaque partie la charge de ses frais et dépens d'appel.

L'affaire vient à présent sur le fond devant la cour.

Mme [O] [P] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, afin :

- de prononcer le divorce aux torts exclusifs du mari,

- de fixer la résidence habituelle d'[P] au domicile maternel,

- d'autoriser la scolarisation d'[P] au collège [Établissement 1] de [Localité 3],

- d'aménager le droit de visite et d'hébergement du père,

- la fixation d'une contribution paternelle à l'entretien de l'enfant à hauteur de 850 euros par mois avec indexation, outre la prise en charge par le père des frais scolaires et extra-scolaires de l'enfant, en ce compris le golf,

- de désigner un notaire,

- d'allouer à l'épouse une prestation compensatoire sous la forme d'un capital d'un montant de 800 000 euros,

- et de condamner l'époux au versement d'une indemnité de 30 000 euros sur le fondement de l'article 266 du code civil et d'une indemnité de 30 000 euros sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil, outre la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Sur la cause du divorce, l'appelante reproche à son mari des violences conjugales répétées, accompagnées de harcèlement et d'injures quasi quotidiennes.

Elle produit en ce sens des certificats médicaux, des plaintes et des attestations d'amis, de proches et de l'association 'Accueil Femmes Solidarité '.

Outre les violences physiques et psychologiques, l'appelante reproche à son époux d'avoir entretenu pendant le mariage de nombreuses relations adultères, avant d'officialiser sa liaison avec sa collaboratrice que Mme [P] avait appris par une lettre anonyme.

S'agissant d'[P], l'appelante s'oppose toute demande reconventionnelle de retrait de l'autorité parentale et fait valoir que l'enfant retrouverait auprès d'elle l'environnement social qu'elle a toujours connu à [Localité 3] et une mère totalement disponible et attentive a ses besoins.

Concernant ses demandes financières, Mme [P] reprend un à un les critères des articles 270 et 271 du code civil :

- 6 ans de mariage, mais13 ans de communauté de vie,

- Mme, titulaire d'un BEP d'agent administratif et d'un DUT de gestion des administrations et des entreprises, a cessé de travailler pour s'occuper d'[P] et des deux enfants de son époux avocat d'affaires depuis 2001(plus de 37 000 euros par mois), de sorte qu'elle est à présent sans emploi et que ses droits à la retraite seront faibles,

- le couple a acquis un patrimoine immobilier de plus d'un million d'euros et l'époux a constitué une épargne toute aussi importante, ce qui justifie la désignation d'un notaire liquidateur.

M. [C] [V] demande pour sa part à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- prononcé le divorce aux torts partagés et sollicite le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l'épouse,

- rejeté sa demande relative à un exercice exclusif de l'autorité parentale à l'égard d'[P],

- et alloué à l'épouse une indemnité de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles et une prestation compensatoire d'un montant trop élevé.

Sur ce point, il propose au principal de verser à Mme [P] une prestation compensatoire de 50 000 euros sous la forme d'une rente mensuelle pendant cinq ans. A titre subsidiaire, il conclut à la confirmation du montant de 90 000 euros fixé en première instance.

Il conclut au rejet des demandes de dommages et intérêts comme étant irrecevables et non fondées et de désignation d'un notaire.

L'intimé revient sur le contexte du divorce et soutient que les griefs articulés à son encontre sont inexacts et étayés par aucune pièce.

Il fait valoir que son épouse a cherché à le salir et à lui nuire par tous moyens, y compris en mettant leur fille [P] au coeur du conflit familial, et indique avoir été empêché, dans ces conditions, de voir sa fille avant que celle-ci ne soit entendue par un magistrat.

Il souligne que Mme [P] a été condamnée par le tribunal correctionnel pour ces faits par jugement en date du 5 novembre 2014. Il ajoute qu'il sera ensuite contraint pour les vacances de l'été 2014 d'engager une procédure de référé d'heure à heure.

Il reproche ensuite à son épouse d'avoir laissé le domicile conjugal dans un total état d'abandon, préférant sortir sur Saint Topez plutôt que s'investir dans son foyer. Il produit des constats d'huissier dressés le 3 mai, le 29 mai et le 2 juin 2013. Il s'est alors inquiété de l'état psychologique et de la santé physique de sa fille et a continué à aider financièrement son épouse.

Il conteste vivement les accusations et les griefs de violences formulés par son épouse qu'il considère comme extrêmement graves et met en avant les exigences de celle-ci, manipulatrice, qui ne cessait de le harceler en lui imposant des dépenses somptuaires et de l'agresser.

Il indique avoir déposé plainte suite aux agissements de son épouse, qui aurait sciemment consulté des sites sur internet dans le but de le discréditer.

M. [V] s'appuie ensuite sur le rapport d'expertise duquel il ressort que Mme [P] s'emparait de la vie de son mari, de sa vie privée, professionnelle et familiale qu'elle souhaitait régenter.

Il ajoute avoir été, comme ses amis et ses proches, persécuté, menacé et inondé de SMS par son épouse, mais il lui reproche surtout d'avoir utilisé et instrumentalisé leur fille [P].

L'intimé se dit très proche de ses trois enfants, auxquels il consacre beaucoup de temps. Il produit de nombreuses attestations le décrivant comme un père aimant, attentionné, soucieux du bien être et de l'équilibre de ses enfants.

Il déplore que le principe d'une autorité parentale conjointe ne soit pas respecté par la mère.

L'intimé combat enfin les demandes financières de l'appelante, qu'il qualifie d'exorbitantes. Il ajoute qu'elles ne sont pas justifiées, notamment au vu du rapport de M. [G]. Il fait valoir que de surcroît Mme [P] n'a jamais eu de volonté sérieuse de trouver un emploi et que dès lors son offre doit être déclarée satisfactoire.

[P] a été entendue par un magistrat de la cour le 17 mai 2016. Elle a indiqué qu'elle souhaiterait vivre auprès de sa mère, avec laquelle elle s'entend bien et qui est moins strict que son père.

Elle souhaiterait également que les vacances d'été soient fractionnées par quinzaine afin qu'elle soit auprès de sa mère le jour de l'anniversaire de celle-ci, le 4 [Date naissance 1].

Par courrier en date du 20 juin 2017, le conseil de Mme [P] a sollicité une nouvelle audition de l'enfant par la cour.

M. [V] s'y oppose sans réserve, afin de ne plus exposer l'adolescente.

Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour entend se référer, pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties, à leurs dernières écritures ci-dessus visées.

SUR CE :

- Sur l'audition de l'enfant

La cour est passée outre la demande d'une nouvelle audition de l'enfant, manifestement dilatoire et non fondée, dès lors qu'[P] s'est déjà exprimée à trois reprises en deux ans, devant le juge de la mise en état de Grasse en février 2014, dans le cadre de l'expertise psychologique familiale déposée le 18 août 2014 et plus récemment devant un magistrat de la cour le 17 mai 2016.

- Sur la cause du divorce

Aux termes des dispositions de l'article 242 du code civil, il appartient à chaque époux de prouver les faits imputables à l'autre qui constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et qui rendent intolérables le maintien de la vie commune.

En l'espèce, par des motifs pertinents longuement développés que la cour entend adopter, le premier juge a estimé avec raison que les pièces versées aux débats par Mme [P], à l'appui des griefs qu'elle invoque, sont insuffisamment probantes, en ce qu'il n'est pas démontré de lien certain entre les documents produits et M. [W].

De même, les certificats médicaux et les ordonnances communiqués par l'appelante ne démontrent pas l'imputabilité de l'infection vaginale dont elle a souffert en septembre 2009 à son époux, ni la responsabilité de celui-ci dans la survenance de cette affection.

Sur les violences alléguées, l'appelante produit des attestations d'amis ou de proches relatant de manière indirecte sa propre version des événements dont ils n'ont pas été témoins.

Il convient en outre d'écarter des débats l'attestation remarquablement rédigée par l'ancienne femme de ménage du couple, Mme [Q], dont il est démontré qu'elle ne peut manifestement pas être l'auteur, intellectuel tout au moins, du document, puisqu'elle sait à peine écrire le français.

Le certificat médical du médecin traitant de Mme [P] et l'ensemble des pièces médicales produites se bornent à retranscrire les dires de la patiente, mais ne mentionnent aucune trace de violence physique caractérisée et visent pour la plupart des faits antérieurs au mariage, qui a eu lieu quatre mois plus tard.

Par ailleurs, Mme [P], orientée vers un médecin légiste aux fins de constations et d'expertise par une association qu'elle a sollicitée, ne produit pas ce type de pièce, pas plus d'un dépôt de plainte.

Bien plus, il apparaît que Mme [P] a tenté en vain d'obtenir une ordonnance de protection, mais elle a été déboutée de sa demande non fondée.

Le juge du premier ressort a en revanche retenu à bon droit contre le mari la relation adultère qu'il entretient, de son propre aveu, avec une jeune collaboratrice depuis le mois de juillet 2013, constitutive d'une violation grave et renouvelée du devoir de fidélité et par conséquent d'une faute.

Le juge de première instance a par ailleurs estimé que M. [V] justifiait par les pièces produites et les procédures engagées, avoir été harcelé par son épouse, qui a cherché à lui nuire par tous les moyens en tant qu'homme, en tant que père et en tant qu'avocat.

Il démontre ainsi que Mme [P] instrumentalise dangereusement leur fille [P], en la manipulant et en dénigrant l'image du père, ce qui est susceptible de caractériser une faute au sens de l'article 242 du code civil.

Bien que chacun des époux conteste les griefs allégués par l'autre, sont néanmoins ainsi établis à l'encontre de chaque époux des faits, qui ne s'excusent pas entre eux et qui constituent une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune et justifiant le prononcé du divorce à leurs torts partagés. Le jugement sera confirmé de ce chef.

- Sur les dommages et intérêts

L'appelante sollicite l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 266 et de l'ancien article 1382 du code civil.

La demande formulée sur le fondement de l'article 266 du code civil est irrecevable au vu du prononcé du divorce aux torts partagés des époux.

Pour le surplus, il est constant que les parties, entre lesquelles régnait une profonde mésentente, ont chacune commis des excès expliquant le comportement en réponse de l'autre. Mme [P] ne démontre pas en l'état avoir subi un préjudice matériel ou moral spécifique, distinct de celui né de la dissolution du mariage du fait des griefs retenus à l'encontre de l'autre conjoint. Sa demande sera donc rejetée et le jugement querellé confirmé sur ces deux points.

- Sur la prestation compensatoire

L'article 270 du code civil prévoit que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire, destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.

L'article 271 du code civil précise que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

Le juge prend ainsi en considération :

- la durée du mariage,

- l'âge et la santé des époux,

- leur qualification et leur situation professionnelle,

- les conséquences des choix professionnels faits pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,

- le patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu'en revenu après liquidation du régime matrimonial,

- leurs droits existants et prévisibles,

- et leur situation respective en matière de pension de retraite.

En l'espèce, les époux se sont mariés le [Date mariage 1] 2009, après plusieurs années de vie commune. Mme [P] a déposé une requête en divorce en avril 2012, soit moins de trois ans après le mariage.

Mme [P], née en [Date naissance 1] 1964, avait 44 ans au jour du mariage. Elle est âgée à présent de 53 ans.

M. [V], né en [Date naissance 2] 1967, était âgé de 42 ans au jour du mariage. Il est âgé désormais de 50 ans.

Les époux sont mariés sous le régime de communauté et ont eu une fille née avant mariage, en 2003.

Comme l'a relevé le premier juge dans la décision attaquée, Mme [P] est titulaire d'un BEP d'agent administratif. Elle a travaillé de 2000 à 2003, puis a cessé de travailler à la naissance d'[P]. Elle n'a pas travaillé pendant le mariage et se trouve aujourd'hui encore sans emploi, alors qu'elle n'invoque aucun problème de santé suffisamment grave pour l'empêcher de travailler, ne serait-ce qu'à mi temps.

M. [V] est avocat depuis 2001. Il exerce à titre individuel et a déclaré au titre du revenu imposable cumulé de 2012 à 2014 une moyenne oscillant entre 175 000 euros et 234 000 euros.

Il aura droit à une retraite de 2 650 euros par mois à 62 ans.

Il est locataire avec sa nouvelle compagne et a deux enfants issus d'une précédente union, encore à charge.

La communauté se compose d'un bien immobilier, au sein duquel M. [V] exerce son activité professionnelle, acheté 560 000 euros en 2009, estimé aujourd'hui à dire d'expert à 616 549 euros, dont il convient de déduire le capital restant du sur le prêt immobilier souscrit, soit 466 157 euros.

Il convient de rappeler que la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes, ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les conjoints.

Au vu de l'âge respectif des époux et de leurs ressources qui laisse apparaître une disparité, le juge de première instance a alloué à l'épouse une prestation compensatoire en capital d'un montant de 90 000 euros sous forme de rente mensuelle indexée de 1 500 euros pendant cinq ans.

Il est manifeste que la situation respective des parties est restée sensiblement la même. En l'absence d'éléments nouveaux, le jugement de première instance, parfaitement motivé, sera donc confirmé.

- Sur la désignation d'un notaire

En application des dispositions de l'article 267 du code civil, il sera fait droit à la demande conjointe des parties tendant à voir désigner un notaire.

- Sur la résidence habituelle de l'enfant et les mesures subséquentes

Le couple a eu une fille, [P], née avant mariage en [Date naissance 3] 2003.

Les parents sont opposés quant au lieu de résidence habituel de l'enfant mineur.

A défaut de convention amiable des parents séparés quant à l'organisation de la résidence de leur enfant, le juge aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts de l'enfant mineur conformément aux dispositions de l'article 373-2-6 du code civil et peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l'effectivité des liens de l'enfant avec chacun des parents.

En l'espèce, il est constant qu'à la suite de la séparation de ses parents, [P] a d'abord résidé auprès de sa mère, avant de vivre, depuis le mois de novembre 2014, au domicile paternel où elle évolue dans de bonnes conditions.

Comme l'ont observé à la fois la juridiction du premier ressort et le conseiller de la mise en état, saisi sur incident, les parties sont en l'état de nombreuses procédures civiles et pénales, qui démontrent à l'évidence les difficultés qui ont jalonné leur séparation et leur incapacité à trouver un terrain d'entente dans l'intérêt de leur fille devenue une jeune adolescente de 14 ans.

Le juge aux affaires familiales a fort justement constaté que l'enfant [P] était 'engluée dans le conflit parental', ce que confirme le rapport d'expertise psychologique en tant que de besoin. Il est manifeste que Mme [P], totalement centrée sur le conflit qui l'oppose à son ex-mari, est dans l'incapacité de respecter l'exercice conjoint de l'autorité parentale, ainsi que les droits du père et à prendre des décisions dans le seul intérêt d'[P], qu'elle a, inconsciemment ou non manipulé, influencé, instrumentalisé.

L'expert psychologique commis par le juge conciliateur par ordonnance du 8 octobre 2013 a ainsi mis en évidence dans son rapport déposé le 18 août 2014 le risque d'aliénation parentale auquel [P] était exposée.

C'est donc à juste titre que le juge de première instance en novembre 2014, la cour d'appel en mai 2015 et le conseiller de la mise en état plus récemment en janvier 2017 ont sanctionné le comportement exclusif de la mère, en ordonnant le transfert de résidence d'[P], afin de la préserver du conflit parental au centre duquel sa mère la plaçait.

M. [V] fait valoir que sa fille a progressivement trouvé un équilibre auprès de lui. Il rappelle qu'il a deux autres enfants issus d'une précédente union, [U] et [D], et démontre s'être toujours impliqué dans l'éducation de ses enfants.

Aucun élément nouveau n'est intervenu depuis ces décisions de novembre 2014 et mai 2015, si ce n'est l'audition d'[P] visée par le conseiller de la mise en état dans son ordonnance du 19 janvier 2017, pour constater que la jeune adolescente parle essentiellement du conflit parental - dans lequel elle ne devrait pas être impliquée - tout en admettant ne pas avoir assisté à des scènes de violence entre ses parents.

[P] indique dans son audition ne pas apprécier son nouveau collège, mais elle ajoute que le niveau y est plus élevé que dans son collège précédent et reproche essentiellement à son père d'être plus strict que sa mère.

Les capacités éducatives du père ne sont par ailleurs pas remises en cause.

Au vu de ces éléments, la décision du juge aux affaires familiales de Digne-les-Bains, reprise par ordonnance d'incident du 19 janvier 2017, déboutant Mme [P] de sa demande de transfert de résidence, sera confirmée.

Par voie de conséquence, les dispositions relatives aux modalités d'exercice des droits de visite et d'hébergement de la mère et l'absence de contribution maternelle à l'entretien de l'enfant, que les parties n'ont pas remises en cause devant la cour, seront également confirmées par adoption de motifs.

- Sur les demandes annexes

Compte tenu du caractère familial du litige, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel, ceux de première instance restant répartis conformément à la décision entreprise.

Par ailleurs, l'équité ne justifie pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats non publics,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 décembre 2015 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains ;

Statuant à nouveau,

Désigne Maître [R] [A], notaire à [Localité 4],

ou à défaut tout autre notaire membre de l'étude notariale FLBL,

située [Adresse 3],

en vue de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Laisse à chaque partie la charge de ses frais et dépens de l'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/02711
Date de la décision : 28/09/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6A, arrêt n°16/02711 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-28;16.02711 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award