La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/09/2017 | FRANCE | N°16/01806

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre a, 28 septembre 2017, 16/01806


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 28 SEPTEMBRE 2017

jlp

N° 2017/ 663













Rôle N° 16/01806







[E] [X]





C/



Commune SAINT TROPEZ





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Romain CHERFILS



Me Alain MASSABIAU









Décision déférée à la Cour :

>
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 10 Novembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/10032.





APPELANTE



Madame [E] [X]

demeurant [Adresse 1])



représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Michel...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 28 SEPTEMBRE 2017

jlp

N° 2017/ 663

Rôle N° 16/01806

[E] [X]

C/

Commune SAINT TROPEZ

Grosse délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Alain MASSABIAU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 10 Novembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/10032.

APPELANTE

Madame [E] [X]

demeurant [Adresse 1])

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Michel LABORDE de la SCP LABORDE FOSSAT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

Commune SAINT TROPEZ

représenté par son maire en exercice,

[Adresse 2]

représentée par Me Alain MASSABIAU de la SELARL MASSABIAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, assistée de Me Jean CAPIAUX, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Juin 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Sophie LEONARDI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2017,

Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

La parcelle de terre située à [Localité 1], lieu-dit « la Citadelle », cadastrée section A n° [Cadastre 1], dont [S] [I] et [U] [O] étaient propriétaires, figurait en emplacement réservé pour la réalisation d'un espace vert dans le plan d'occupation des sols de la commune de [Localité 1] publié le 7 janvier 1977 et mis à jour le 17 avril 1980 ; MM. [I] et [O] ayant mis la commune en demeure de l'acquérir, le juge de l'expropriation du département du Var, par un jugement du 20 septembre 1982, rectifié le 24 janvier 1983, a prononcé le transfert de propriété au profit de la commune de la parcelle AL n° [Cadastre 2] (issue de la parcelle A n° [Cadastre 1]) pour 1981 m² et de la parcelle AL n° [Cadastre 3] (issue de la parcelle A n° [Cadastre 4]) pour 119 m² et a fixé à la somme de 2 310 000 Fr. le prix d'acquisition des parcelles; par un arrêt 8 novembre 1983, la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre des expropriations), réformant le jugement du 20 septembre 1982, a fixé à la somme de 800 000 Fr. le prix de la parcelle A n° [Cadastre 1], donné acte aux parties de leur accord sur l'acquisition par la commune de 125 m² de terrain prélevé sur la parcelle A n° [Cadastre 4] et renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront en vue de la détermination du prix de ce terrain.

Un accord est intervenu le 30 novembre 1993 entre M. [O] et la commune de Saint-Tropez par lequel, en contrepartie du terrain de 125 m² prélevé sur la parcelle A n° [Cadastre 4] (parcelle A n° [Cadastre 3]), la commune s'engageait à rétrocéder une bande de terre en limite de sa propriété, à prélever sur la parcelle AL n° [Cadastre 2] lui appartenant.

Le 22 décembre 2008, la commune de Saint-Tropez a procédé, par le ministère de Me [P], notaire, à la vente aux enchères de la parcelle AL n° [Cadastre 3], de la parcelle AL n° [Cadastre 5] et de la parcelle AL n° [Cadastre 6], cette dernière provenant de la division de l'ancienne parcelle AL n° [Cadastre 7] elle-même issue de la division de la parcelle AL n° [Cadastre 2] ; à l'issue des enchères, la SA Fimas a été déclarée adjudicataire desdites parcelles, moyennant le prix de 5 320 000 € ; cette société a obtenu, le 18 octobre 2011, un permis de construire pour l'édification d'une villa individuelle avec piscine et garage.

Venant aux droits de MM. [I] et [O], [E] [X] a, par exploit du 29 octobre 2013, fait assigner la commune de Saint-Tropez devant le tribunal de grande instance de Draguignan en vue d'obtenir le paiement de la somme de 5 198 041 € à titre de dommages et intérêts compensatoires de son préjudice consécutif à la revente des parcelles, dont ses auteurs avaient été dépossédés.

Elle a fondé sa demande sur les dispositions de l'article L. [Cadastre 1]'6 du code de l'expropriation et a soutenu, le droit de rétrocession prévu par ce texte étant impossible à mettre en 'uvre en raison de la revente des parcelles à la société Fimas, qu'elle pouvait prétendre à l'octroi de dommages et intérêts ; elle a fait valoir pour l'essentiel que le préfet du Var a nécessairement déclaré d'utilité publique l'acquisition de la parcelle A n° [Cadastre 1], objet de l'emplacement réservé n° 34 au plan d'occupation des sols de la commune, dans les termes de l'article 1042 du code général des impôts alors applicable, le jugement du 20 septembre 1982 rectifié le 24 janvier 1983 et l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 8 novembre 1983 ayant été, en effet, publiés à la conservation des hypothèques avec la mention « UP gratis », et qu'en supprimant l'emplacement réservé et en modifiant le zonage pour rendre la parcelle constructible, la commune, qui avait revendu un terrain constructible dans un but purement lucratif, a réalisé une plus-value de plus de 5 000 000 €.

Le tribunal, par jugement du 10 novembre 2015 a notamment :

'déclaré recevable l'action de Mme [X] en qualité d'ayant droit des propriétaires originaires de la parcelle délaissée,

'rejeté la demande de dommages et intérêts de celle-ci,

'condamné Mme [X] à payer à la commune de Saint-Tropez la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [X] a régulièrement relevé appel, le 1er février 2016, de ce jugement.

Reprenant les moyens qu'elle avait soumis au premier juge, elle demande à la cour (conclusions déposées le 28 juin 2016 par le RPVA) de :

Vu les dispositions des articles L. [Cadastre 1]'6 et R. [Cadastre 1]'6 à [Cadastre 1]'11 du code de l'expropriation,

Vu les dispositions de l'article 1042 du code général des impôts applicables entre le 1er janvier 1979 et le 1er janvier 1983,

(')

'réformer le jugement du 10 novembre 2015 rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan et statuant à nouveau,

'dire et juger qu'elle réunit les conditions d'exercice du droit de rétrocession de l'article L. [Cadastre 1]'6 du code de l'expropriation,

'constater que la rétrocession de l'immeuble est impossible en raison de la cession de ce dernier par la commune de Saint-Tropez,

'condamner, en conséquence, la commune de Saint-Tropez à lui payer la somme, toutes causes confondues, de 5 198 041 € au titre du préjudice qu'elle subit en suite de la dépossession de son immeuble pour la somme de 121 950 €, immeuble que la commune a revendu moyennant le prix de 5 320 000 €.

La commune de Saint-Tropez sollicite, pour sa part, de voir confirmer le jugement aux motifs duquel elle se réfère et condamner Mme [X] à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 mai 2017.

MOTIFS de la DECISION :

Il résulte du premier alinéa de l'article L. [Cadastre 1]-6 du code de l'expropriation, devenu l'article L. 421-1 dans la nouvelle rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014, que si les immeubles expropriés en application du présent code n'ont pas reçu dans le délai de cinq ans la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique ; le droit de rétrocession ainsi prévu par ce texte permet aux anciens propriétaires ou à leurs ayants droit à titre universel de revendiquer devant le tribunal de grande instance la propriété de l'immeuble exproprié lorsque celui-ci n'a pas reçu ou cessé de recevoir la destination prévue par l'acte déclaratif d'utilité publique pris en application des articles L. 11-1 à L. 11-7 et R. 11-1 à R. 11-18 du code de l'expropriation, pris après enquête et détermination contradictoire des parcelles à exproprier et de leurs propriétaires et autres titulaires de droits.

La jurisprudence a admis que le droit de rétrocession s'applique en cas de cession amiable consentie par le propriétaire avant que n'intervienne l'ordonnance d'expropriation, après déclaration d'utilité publique, et que l'ancien propriétaire est également fondé à obtenir l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité, du fait de la cession à un tiers, d'obtenir la rétrocession de l'immeuble exproprié, correspondant à la valeur du bien, appréciée à la date à laquelle le droit de rétrocession est judiciairement reconnu et la rétrocession déclarée impossible, de laquelle doit être déduite l'indemnité d'expropriation perçue, augmentée des intérêts au taux légal appliqués, année par année, à ladite indemnité.

Il est de principe que l'exercice du droit de délaissement d'un terrain inscrit en emplacement réservé ne permet pas au cédant de solliciter la rétrocession du terrain sur le fondement de l'article L. [Cadastre 1]-6 du code de l'expropriation et a fortiori l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité, en cas de cession à un tiers, d'obtenir cette rétrocession, puisque la procédure de délaissement, hors toute déclaration d'utilité publique en vue de l'expropriation au profit d'une collectivité publique, n'est que la mise en 'uvre d'une réquisition d'achat à l'initiative du propriétaire du terrain réservé par un plan d'urbanisme ; le premier juge a d'ailleurs rappelé la décision n° 2013'325 QPC du 21 juin 2013 par laquelle le Conseil constitutionnel a considéré que l'article L. 123-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 16 de la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 portant réforme de l'urbanisme, est conforme à la Constitution, en dépit du fait qu'il ne prévoit pas un droit de rétrocession analogue à celui qui existe en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique.

En l'occurrence, c'est bien dans le cadre de l'exercice du droit de délaissement découlant des articles L. 123-9 et R. 123-32 du code de l'urbanisme, que MM. [I] et [O] ont, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 janvier 1980, mis la commune de [Localité 1] en demeure d'acquérir la parcelle A n° [Cadastre 1] comprise dans la réserve n° 34 au plan d'occupation des sols en vue de la création d'un espace vert et que le juge de l'expropriation du département du Var a été saisi, le 10 mars 1982, par la commune de [Localité 1] en vue de la fixation du prix du terrain comme en matière d'expropriation, ainsi qu'il est dit à l'article L. 123-9 ; le jugement rendu le 20 septembre 1982 par le juge de l'expropriation, le jugement rectificatif du 24 janvier 1983 et l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 8 novembre 1983 sont suffisamment explicites relativement au cadre juridique de la saisine de la juridiction de l'expropriation aux fins de transfert de la propriété du terrain et de fixation du prix d'acquisition, en dépit du visa, inapproprié, dans le jugement du 20 septembre 1982 de la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique des immeubles et portions d'immeubles et droits réels immobiliers reconnus nécessaires à la réalisation d'espaces vert sur le territoire de la commune de Saint-Tropez.

Mme [X] persiste à soutenir qu'elle remplit les conditions d'exercice du droit de rétrocession de l'article L. [Cadastre 1]-6 du code de l'expropriation dans la mesure où les décisions de justice prononçant le transfert de propriété et fixant le prix ont été publiées gratuitement par la commune de [Localité 1] auprès de la conservation des hypothèques avec la mention « UP », c'est-à-dire « utilité publique », dans le cadre des dispositions de l'ancien article 1042 du code général des impôts, ce dont il résulte, selon elle, que la commune a nécessairement et obligatoirement (sic) bénéficié d'une déclaration d'utilité publique de son acquisition par le préfet du Var ; il est constant que, saisis tant par la commune que par le conseil de Mme [X], les services de la préfecture du Var ont indiqué n'avoir trouvé aucune trace d'une demande d'utilité publique relativement à l'opération considérée.

Pour autant, l'article 1042 du code général des impôts, dans sa version en vigueur du 1er janvier 1979 au 1er janvier 1983, énonce que sous réserve des dispositions de l'article 257-7°, les acquisitions faites à l'amiable et à titre onéreux par les départements, communes ou syndicats de communes et par les établissements publics, départementaux ou communaux, ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor lorsqu'elles sont destinées à l'enseignement public, à l'assistance ou à l'hygiène sociales, ainsi qu'aux travaux d'urbanisme et de construction, et qu'un arrêté préfectoral a déclaré, en cas d'urgence, l'utilité publique de ces acquisitions sans qu'il soit besoin de procéder aux formalités d'enquête ; ce texte a pour seul objet de permettre aux collectivités et établissements intéressés d'obtenir rapidement, en cas d'urgence, la déclaration d'utilité publique de leurs acquisitions et de bénéficier ainsi des immunités fiscales, notamment l'exemption des droits de mutation, sans être obligés de faire l'avance de l'impôt et d'en demander ensuite la restitution, l'utilité publique de ces acquisitions étant, par analogie avec les règles applicables en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, déclarée par un arrêté préfectoral ; il est de principe que la déclaration d'utilité publique prise en vertu de l'ancien article 1042 du code général des impôts, qui a pour seule finalité de permettre à la collectivité intéressée d'être exonérée des droits prévus par ce texte, ne peut être assimilée à la déclaration d'utilité publique préalable à une expropriation pour cause d'utilité publique, ce dont il se déduit qu'en l'espèce, l'acquisition par la commune de [Localité 1] de la parcelle A n° [Cadastre 1], même si elle a été exonérée de droits de mutation en application de l'article 1042 du code général des impôts alors applicable, ne procède pas d'une déclaration d'utilité publique prise en application des articles L. 11-1 à L. 11-7 et R. 11-1 à R. 11-18 du code de l'expropriation.

Par ces motifs et ceux non contraires du premier juge, qui a considéré à bon droit que Mme [X] ne disposait pas du droit de rétrocession prévu par l'article L. [Cadastre 1]-6 du code de l'expropriation, le jugement entrepris doit être confirmé dans toutes ses dispositions.

Succombant sur son appel, Mme [X] doit être condamnée aux dépens et à payer à la commune de Saint-Tropez la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 10 novembre 2015,

Condamne Mme [X] aux dépens d'appel et à payer à la commune de Saint-Tropez la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/01806
Date de la décision : 28/09/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°16/01806 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-28;16.01806 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award