COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 27 SEPTEMBRE 2017
N°2017/1539
Rôle N° 17/01065
URSSAF PACA
C/
ONYX MEDITERRANEE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée
le :
à :
- URSSAF PACA
- Me Bénédicte SOREL, avocat au barreau de PARIS
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du VAR en date du 18 Novembre 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 21400890.
APPELANTE
URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]
représentée par Mme [P] [Q] (Inspectrice du contentieux) en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE
ONYX MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Bénédicte SOREL, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]
non comparante
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2017
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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L'URSSAF, qui avait procédé à un contrôle de la SA ONYX Méditerranée courant 2013, et lui avait notifié un redressement concernant ses trois établissements situés dans le Var pour les années 2010, 2011 et 2012 pour un total de 534840 euros, a fait appel du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Var du 18 novembre 2016 en ce qu'il a annulé les redressements afférents aux indemnités de salissure et à l'accord d'intéressement, le surplus relatif aux primes de panier n'étant pas contesté par l'appelante.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 28 juin 2017, l'URSSAF a demandé à la Cour d'infirmer le jugement concernant les indemnités de salissure et l'accord d'intéressement, de débouter l'intimée de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme totale, majorations incluses, de 315767 euros, 51485 euros et 167588 euros, respectivement pour chacun des trois établissements ([Localité 1], [Localité 2] et [Localité 3]), outre la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la SA ONYX Méditerranée a demandé à la Cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'accord tacite suite à un contrôle antérieur de 2010, d'annuler les mises en demeure des 19 et 20 novembre 2013 pour la somme totale de 241793 euros, de débouter l'appelante de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La MNC a été avisée de l'appel.
MOTIFS DE LA DECISION
1-) Concernant l'accord tacite allégué, la Cour constate que le contrôle opéré en 2010 n'avait pas porté sur les indemnités de salissure et les primes de panier et que, concernant les accords d'intéressement en vigueur avant 2010 ils n'ont pas été examinés, le contrôle suivi d'un redressement s'étant limité à constater une difficulté de pure forme: la date de conclusion de l'accord de 2007, trop tardive puisque déposée à la DDTE en octobre 2007 et non pas avant le 15 juillet 2007 (pièce 23 page 14).
La société ONYX ne peut donc valablement invoquer un accord tacite de l'URSSAF sur ces trois points.
2-) Concernant les primes d'intéressement, qui doivent être prévues par des accords et leurs avenants déposés à la DIRECCTE, l'article L3314-2 du code du travail prévoit qu'elles sont exonérées de cotisations sociales si elles présentent un caractère aléatoire et résultent d'une formule de calcul liée aux résultats ou aux performances de l'entreprise, à partir d'éléments clairs et objectivement mesurables et chiffrés.
La société ONYX a précisé les 3 critères de performance pour chaque établissement: sécurité, accidents-valorisation des déchets-productivité, et rentabilité.
Pour justifier du caractère aléatoire de l'intéressement, l'accord ou l'avenant doit préciser les objectifs chiffrés et les seuils « critiques ».
L'Urssaf fait valoir que la société ONYX n'a pas justifié de ce caractère aléatoire pour tous les objectifs.
La société ONYX qui conteste cette critique, a versé aux débats l'accord d'intéressement et deux avenants.
La Cour constate que l'accord du 6 juin 2010 a été conclu pour 2010, 2011 et 2012 et qu'il a fait l'objet de deux avenants des 17 juin 2011 et 29 mai 2012, déposés à la DIRECCTE respectivement les 30 juin 2011 et 8 juin 2012 (pièces 13, 14, 15 et 16).
L'accord détaille les trois critères retenus (cf. supra) et le mode de calcul avec application des pourcentages, mais ne fixe pas d'objectifs chiffrés dont il est dit qu'ils seront fixés par chaque comité d'établissement, actualisés annuellement et mentionnés dans une « annexe annuelle » (page 10 de l'accord).
Or, pour les sommes versées en 2011 qui ne pouvaient être déterminées que sur la base d'objectifs fixés en 2010, force est de constater qu'aucun objectif chiffré n'est précisé dans l'accord du 6 juin 2010 ni dans une annexe déposée à la DIRECCTE.
Même le tableau récapitulatif (pièce 28) ne chiffre pas les objectifs.
Pour les objectifs/sommes, déterminés les années suivantes (en 2011 pour 2012 et en 2012 pour 2013), les procès-verbaux des comités centraux d'entreprise sont produits et comportent un tableau et les détails chiffrés des objectifs à inscrire à l'avenant.
Ces objectifs chiffrés sont, en effet, mentionnés dans les deux avenants précités: celui de 2011 et celui de 2012, et pour chacun des trois critères.
L'Urssaf ne critique que le critère n°2 de chaque exercice en faisant valoir que ce critère n'est pas chiffré et que, malgré une demande expresse de ses agents, la société ONYX n'a pas justifié d'un avenant déposé à la DIRECCTE.
Ces critiques sont incompréhensibles puisque, pour chaque exercice, le critère n°2 (économique) précise un objectif chiffré (respectivement 19,2% et 21,14%) et que l'Urssaf relève, comme la Cour l'a constaté également, que les avenants des 17 juin 2011 et 29 mai 2012 ont été déposés à la DIRECCTE respectivement les 30 juin 2011 et 8 juin 2012.
Les critères 1 (sécurité) et 3 (opérationnelles) ne sont pas critiqués par l'Urssaf.
Seuls les redressements opérés sur les sommes versées en 2011 par les trois établissements du Var (l'établissement du Vaucluse n'est pas concerné : pièce 1 de l'intimée) étaient donc justifiés, soit les sommes de 13136 euros pour [Localité 3], 35875 euros pour [Localité 1], et 3942 euros pour [Localité 2].
Les autres sommes (sur 2012) ne pouvaient pas faire l'objet du redressement, soit respectivement: 9390 euros, 3760 euros et 5167 euros qui seront déduites du montant à payer.
Les sommes versées en 2013 sur la base de l'avenant de 2012 n'ont pas fait l'objet d'un redressement dans la lettre d'observations, la société ONYX étant invitée à régulariser sa situation.
La Cour ne déduira du redressement que les sommes précitées, les majorations de retard devant être recalculées ultérieurement par l'Urssaf.
3-) Concernant les indemnités de salissure versées aux salariés en contact avec des déchets, le dossier révèle que la société ONYX fournit à ses salariés et en trois ou sept exemplaires (pantalons, vestes, tee-shirts, polos, blousons, gilets, sweat-shirts), les éléments composant une tenue complète de travail, à l'exception des sous-vêtements, et qu'elle en assure le remplacement nécessaire et le nettoyage par la société Elis, toujours à l'exception des sous-vêtements qui restent la propriété des salariés.
En pratique, ces indemnités de salissures ne concerneraient donc que les sous-vêtements, ce que reconnaît la société ONYX. Or, les vêtements professionnels sont conçus pour assurer une protection complète au sens des articles R4321-1 et suivants du code du travail. Rien ne permet de dire en quoi ces sous-vêtements seraient affectés par les odeurs dégagées par les déchets et devraient être lavés dans la machine familiale séparément des autres vêtements.
Ces indemnités de salissure qui ne correspondent pas à des frais supplémentaires pour les salariés, ne pouvaient pas être exonérées de cotisations sociales et le redressement était donc justifié.
Le jugement est infirmé sur ce point.
4-) Concernant les primes de panier de jour (ou de casse-croûte), qui ne sont exonérées de cotisations sociales que s'il est démontré que le salarié est exposé à des frais supplémentaires de repas du fait d'une situation de déplacement, la société ONYX a fait valoir que la convention collective impose cette indemnité pour les salariés des niveaux 1 à 4 effectuant au moins 5 heures de travail par jour en une seule séance.
Le tribunal avait constaté que les plannings mentionnant les plages horaires des salariés assurant les tournées de ramassage n'étaient pas complets et ne permettaient donc pas de justifier que la condition prévue par la convention collective était remplie.
Devant la Cour, la société ONYX critique la méthode de l'échantillonnage adoptée par l'agent contrôleur et se fonde sur le fait que ses salariés débutent leurs tournées très tôt le matin et doivent faire une collation en cours de matinée.
D'une part, l'Urssaf a rapporté la preuve que la méthode de l'échantillonnage avait été signalée à la société contrôlée qui l'avait acceptée par un mail du 13 mai 2013 non contesté par l'appelante.
D'autre part, la société ONYX présente une « synthèse des horaires/ indemnités de casse-croûte » de la période 2010-2012 (pièce 22), mais ce document d'une page concernant les établissements du Var, du Vaucluse et des Bouches du Rhône est insuffisante pour avoir valeur probatoire.
Quant au document détaillant les horaires de travail de tous les salariés, il a fait l'objet du pointage par l'Urssaf et a servi au calcul du redressement, la méthode de l'échantillonnage étant la seule possible pour connaître les plages horaires, salarié par salarié, et sur toute la période du contrôle.
La société ONYX n'a pas apporté de preuve contredisant les dernières constatations de l'agent contrôleur de l'Urssaf relatées par l'Urssaf dans ses conclusions.
La Cour valide le redressement et, adoptant les motifs rappelés avec précision par le tribunal, confirme le jugement sur ce point.
Il résulte de cette analyse que restent dues par la société ONYX les sommes suivantes, établissement par établissement et par ordre alphabétique:
- mise en demeure du 22 novembre 2013 pour [Localité 3]: cotisations (147032 ' 9390 =) 137642 euros;
- mise en demeure du 22 novembre 2013 pour [Localité 1]: cotisations (278063 ' 3760 =) 274303 euros;
- mise en demeure du 20 novembre 2013 pour [Localité 2] / Argens: (45499 ' 5167 = ) 40332 euros;
Pour chacun de ces trois établissements, l'Urssaf recalculera les majorations de retard.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Var du 18 novembre 2016 en ce qu'il a validé le redressement relatif aux primes de panier (ou casse-croûte),
L'infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau:
Valide les trois mises en demeure contestées pour les sommes se décomposant ainsi:
- Etablissement de [Localité 3]: cotisations: 137642 euros (+ majorations de retard à recalculer);
- Etablissement de [Localité 1]: cotisations : 274303 euros (+ majorations de retard à recalculer);
- Etablissement de [Localité 2]: cotisations : 40332 euros (+ majorations de retard à recalculer);
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Les dispense de payer le droit prévu par l'article R144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT