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27/09/2017 | FRANCE | N°16/12998

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 27 septembre 2017, 16/12998


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 27 SEPTEMBRE 2017



N°2017/1537















Rôle N° 16/12998







SARL RHONE CHARPENTE COUVERTURE MACONNERIE (RC2M)





C/



[D] [S]

CPAM [Localité 1]



MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE













Grosse délivrée

le :

à :



- Me Ahmed-Cher

if HAMDI, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE



- Me Sophie SEMERIVA, avocat au barreau de MARSEILLE



- CPAM [Localité 1]





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 27 SEPTEMBRE 2017

N°2017/1537

Rôle N° 16/12998

SARL RHONE CHARPENTE COUVERTURE MACONNERIE (RC2M)

C/

[D] [S]

CPAM [Localité 1]

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Grosse délivrée

le :

à :

- Me Ahmed-Cherif HAMDI, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

- Me Sophie SEMERIVA, avocat au barreau de MARSEILLE

- CPAM [Localité 1]

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 31 Mai 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 21402818.

APPELANTE

SARL RHONE CHARPENTE COUVERTURE MACONNERIE (RC2M), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Ahmed-Cherif HAMDI, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE substitué par Me Isabelle ZULIAN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

INTIMES

Monsieur [D] [S], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sophie SEMERIVA, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Djaouida KIARED, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM [Localité 1], demeurant [Adresse 3]

représenté par Mme [U] [D] (Inspectrice du contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial

PARTIE INTERVENANTE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 4]

non comparante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2017

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

La Sarl Rhône Charpente Couverture Maçonnerie (RCCM) a fait appel du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône en date du 31 mai 2016 qui a reconnu sa faute inexcusable comme ayant été à l'origine de l'accident du travail dont son salarié, M.[S], couvreur, a été victime le 18 mars 2011, a ordonné la majoration de la rente versée à la victime, a fixé une provision de 12000 euros et a dit que la caisse primaire d'assurance maladie exercera son action récursoire contre l'employeur.

Le jugement l'a également condamnée à payer à la victime la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 28 juin 2017, elle a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de dire qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable, de rejeter les demandes de M.[S] et de le condamner à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, M.[S] a demandé à la Cour de confirmer le jugement, de lui allouer une provision complémentaire de 25000 euros et de condamner l'appelant à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie a déclaré ne pas avoir d'observations à présenter quant à la faute inexcusable de l'employeur, et, si elle était reconnue, de condamner l'employeur à lui rembourser les sommes dont elle aurait à faire l'avance.

La MNC a été avisée de l'appel.

MOTIFS DE LA DECISION

La société RCCM a rappelé que, le jour de l'accident, M.[S] et son collègue avaient pour unique mission de faire des génoises en rez de chaussée avec interdiction de monter sur le toit, ce qui n'était d'ailleurs pas nécessaire puisque les tuiles n'étaient pas encore livrées, et que c'était ce que la victime avait déclaré à savoir: être tombé d'une échelle appuyée contre un mur pendant qu'il travaillait, en rez de chaussée, pour refaire les génoises de la toiture. Or, c'était trois ans plus tard qu'il avait prétendu travailler sur le toit pour poser un écran sous-toiture, ce qui était faux car c'était le gérant de la société qui l'avait fait la veille de l'accident.

Elle a contesté la nouvelle version des faits de la victime et les nouveaux témoignages versés aux débats.

Elle a justifié de l'achat des moyens de protection nécessaires à son activité avant l'accident.

M.[S] a reconnu qu'il avait fait une fausse déclaration devant les services de police, en disant qu'il était tombé d'une échelle, mais qu'il l'avait fait à la demande de son employeur pour lui éviter des ennuis.

Il a obtenu les attestations de trois personnes qui ont confirmé qu'il était bien tombé du toit, soit de près de 8 mètres de hauteur.

Il a expliqué qu'il devait poser un film isolant sur le toit et qu'en tirant sur ce film, il avait basculé en arrière et était tombé au sol.

Il a fait valoir que son employeur avait commis une faute inexcusable en le faisant travailler sur un toit sans échafaudage ni protection individuelle pour empêcher les chutes.

Il a subi des fractures de l'os frontal gauche, du bassin, du thorax, d'une épaule et de la rate.

La caisse primaire d'assurance maladie lui a reconnu un taux d'incapacité de 53% à la date du 1er avril 2015.

Il a été licencié pour inaptitude physique le 29 avril 2015.

La Cour rappelle que la faute inexcusable de l'employeur ne se présume pas, et que, dans le cadre de l'application de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque le salarié, victime d'un accident du travail (ou d'une maladie professionnelle) entend mettre en cause la faute inexcusable de l'employeur, il doit rapporter la preuve de l'existence de cette faute.

Le 18 mars 2011, des officiers de police judiciaire en patrouille, prévenus par radio d'un accident survenu à 16 h 30, sont arrivés sur place, [Adresse 5], vers 17 heures; les marins pompiers et le Samu 13 étaient déjà sur place.

La victime se plaignait de douleurs aux côtes, à la jambe gauche et aux cervicales.

L'autre ouvrier présent était M.[O] [H].

Leur enquête a permis de constater que, le jour de l'accident, le gérant de l'entreprise, M.[Y], était sur un autre chantier et que trois ouvriers travaillaient au [Adresse 5]: M.[S], la victime, M.[V] et M.[E].

M.[S] a été entendu le 28 octobre 2011, et il a confirmé être tombé de l'échelle; il a cité comme seul témoin, [H] [O].

M. [Y], gérant de l'entreprise, entendu en février 2013, a déclaré qu'il était sur un autre chantier et qu'il avait appris par ses ouvriers que M.[S] était tombé d'une échelle.

M. [V], entendu en février 2013, a déclaré qu'il se trouvait dans le garage lorsqu'il avait entendu un bruit: il était sorti et avait vu son collègue au sol : « et j'ai tout de suite compris qu'il venait de faire une chute de son échelle. ».

M. [E] n'a pas été entendu (du moins aucun PV ne figure dans les pièces versées aux débats).

Aucune personne présente n'a déclaré qu'il était tombé du toit.

Les enquêteurs ont donc acté que M.[S] était tombé d'une échelle posée contre un mur.

Par un certificat médical du docteur [U] en date du 8 juin 2011, M.[S] a été informé que son état de santé ne lui permettrait pas de reprendre son activité de couvreur et qu'il devrait prévoir une reconversion professionnelle.

Le 28 octobre 2011, M.[S] s'est rendu à une convocation des enquêteurs de police (cf. supra) et a été entendu sur les faits, en présence de sa femme qui a servi d'interprète en portugais. Il a maintenu qu'il était tombé de l'échelle et il a cité comme témoin son collègue, « [H] [O] ».

Le 2 novembre 2011, convoqué au commissariat, il a apporté son contrat de travail et a réitéré ses déclarations en disant qu'il avait glissé accidentellement de l'échelle.

Le 18 janvier 2013, un enquêteur de police a téléphoné à M.[S] qui lui a dit qu'il ne désirait pas déposer plainte, puis la procédure a été classée sans suite par le procureur de la république, en février 2013.

Ainsi, pendant toute l'enquête de police et vingt-deux mois après l'accident, M.[S], qui savait depuis juin 2011 qu'il ne pourrait plus exercer son métier dans le bâtiment, qui avait eu le temps nécessaire pour prendre conseil, et qui avait eu plusieurs occasions de réorienter l'enquête de police, a expressément maintenu ses premières déclarations quant aux circonstances exactes de l'accident.

C'est donc à tort qu'il prétend, devant la Cour, avoir décidé de faire valoir la faute inexcusable de son employeur et de dire la vérité sur les circonstances de sa chute en apprenant qu'il ne pourrait plus retrouver son emploi.

En juin 2013, l'assureur « accidents entreprise » de son employeur lui a annoncé qu'il allait bénéficier d'une somme de 8750 euros au titre de son incapacité permanente. Cette somme lui a été versée, après son accord, le 14 décembre 2013 (pièces 13 et 14 de l'intimé).

Puis, au cours du premier trimestre 2014, M.[S] a engagé auprès de la CPAM une action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. La tentative de conciliation ayant échoué, il a saisi le tribunal en mai 2014, fournissant des attestations émanant de trois témoins, et datées de mai 2014.

M.[A], gérant d'une entreprise travaillant au [Adresse 6], a ainsi déclaré avoir été appelé par les trois ouvriers de l'entreprise RCCM pour faire appeler les secours car ils ne parlaient pas français; il a vu qu'il y avait une échelle, mais il a estimé que la chute n'avait pas pu se faire d'une échelle « vu les dégats ».

M.[E] a déclaré que, ce 18 mars 2011, ils avaient commencé à travailler vers 16 heures, que lui-même avait commencé à poser des génoises sur une partie de la façade, que M.[S] « était parti travailler sur un autre toit », qu'il l'avait entendu crier puis l'avait retrouvé au sol. Il avait alors appelé son patron qui lui aurait dit de ne pas dire que son collègue était tombé du toit mais d'une échelle.

M.[C], se disant ancien membre d'un CHSCT, et demeurant [Adresse 7], a établi une attestation en mai 2014, par laquelle il indique qu'il se trouvait dans son jardin qui jouxte le « tennis Queirel », qu'il avait remarqué un couvreur travaillant sur une toiture, sans dispositif de sécurité, et qu'il avait ensuite entendu des cris: il s'était alors rendu sur place et il avait constaté que la victime était ce même homme, qui se trouvait à terre et gémissait.

La société appelante conteste la véracité de ces témoignages, au surplus tardifs.

La Cour note que, d'après les photographies aérienes (« google map ») du quartier, versées aux débats par M.[S], la maison située [Adresse 5] comprend une partie centrale (rez de chaussée et 1 étage; 2 ouvertures par niveau), et deux parties latérales plus étroites en rez de chaussée et de deux hauteurs différentes; l'une des façades donne coté rue et l'autre coté jardin.

Le dossier ne permet pas de savoir à quel endroit s'est produite la chute, coté rue ou coté jardin.

La Cour constate que M.[A] n'a pas assisté à l'accident et que son impression personnelle quant à la réalité d'une chute d'une simple échelle « vu les dégats », n'est pas circonstanciée, d'autant que, d'après le dossier, la victime n'avait aucune blessure ouverte. Cette « impression » n'est pas davantage confortée par les pièces médicales versées aux débats, aucune n'émettant de doute sur le fait que les fractures et lésions internes (rate) auraient pu se produire autrement qu'après la chute d'une échelle de 4 mètres de longueur adossée à un mur.

Concernant l'attestation de M.[E], qui n'était pas signalé comme présent sur les lieux à l'arrivée de la patrouille de police et qui n'avait pas été entendu lors de l'enquête, M.[S] prétend, dans ses conclusions, que ce témoin aurait dit qu'il travaillait sur le toit « le plus haut ».

Or cette citation qu'il donne est fausse et ne figure pas dans l'attestation de ce témoin dans sa version officielle traduite du portugais par « Inter Services Migrants », qui donne la traduction suivante: « [D] est parti travailler sur un autre toit ».

M.[E] ne dit pas à quel endroit exact se trouvait son collègue avant de tomber et il n'a pas non plus assisté à l'accident.

Quant à M.[C], qui dit s'être immédiatement rendu sur place et qui aurait été vu par toutes les personnes présentes, il n'a jamais été cité comme témoin pendant l'enquête, et la victime a attendu trois ans pour le contacter et lui demander son témoignage sur les faits.

Toutefois, ce témoignage qui se veut précis est en réalité insuffisant pour justifier une remise en cause des déclarations recueillies par les services de police.

En effet, les photographies aériennes précitées qui ne mentionnent que l'adresse du [Adresse 5] et montrent les diverses maisons de ce quartier (version 2013), ne montrent aucun tennis et ne permettent pas de localiser la maison de ce témoin, située au [Adresse 7], par rapport à la maison du [Adresse 5].

Il est donc impossible pour la Cour de savoir à quelle distance du 102 Bd Queirel se trouvait le jardin de ce témoin, de comprendre comment ce « témoin » avait pu voir distinctement une personne se trouvant sur un toit, (et sur quel toit '), avait pu affirmer que cette personne n'avait aucun dispositif de sécurité, et enfin, avait pu l'entendre crier puis l'identifier une fois au sol après sa chute.

Ces trois témoignages inexploitables ou très douteux, ne sont pas de nature à remettre en cause, trois ans après l'accident et l'enquête de police, les premières déclarations des personnes interrogées, et ils ne peuvent donc servir à prouver que la victime serait tombée d'un toit de 8 mètres de haut.

La Cour ne se référant qu'aux premières déclarations de la victime et de ses collègues de travail, constate que la chute de M.[S] s'est produite alors qu'il travaillait, comme son collègue [H] [O], à la pose de génoises, sur une simple échelle mesurant 4 mètres de longueur: il ne pouvait donc s'agir que des génoises de l'une des petites parties latérales du rez de chaussée, et non pas de la partie centrale la plus haute du bâtiment qui ferait, selon ses propres déclarations, 8 mètres de hauteur.

Pour un motif indéterminé, cette échelle qui était appuyée contre un mur a glissé sur le coté, provoquant sa chute.

M.[S] n'a pas pu préciser à quelle hauteur effective il travaillait ce jour-là.

Il n'a pas apporté la preuve, qui lui incombait, que la hauteur à laquelle il devait travailler, ce jour-là, aurait exigé que son employeur fasse procéder à l'installation préalable d'un échafaudage sécurisé.

Il n'a pas apporté la preuve que l'employeur devait avoir conscience d'un danger pour son salarié mais n'aurait pris aucune mesure pour l'en préserver.

Aucune faute inexcusable ne peut être reconnue à l'encontre de l'employeur.

La Cour infirme le jugement déféré.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône en date du 31 mai 2016,

Et statuant à nouveau:

Déboute M.[S] de son action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de la Sarl Rhône Charpente Couverture Maçonnerie, à l'origine de son accident du travail du 18 mars 2011, et de toutes ses demandes, avec toutes conséquences de droit,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 16/12998
Date de la décision : 27/09/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°16/12998 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-27;16.12998 ?
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