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22/09/2017 | FRANCE | N°17/05439

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 22 septembre 2017, 17/05439


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2017



N°2017/921















Rôle N° 17/05439







[X] [C]





C/



SCP [D] [U]

UNEDIC - AGS DELEGATION REGIONALE DU SUD EST



















Grosse délivrée le :

à :

Me David TRAMIER

Me Béatrice DUPUY

Me Michel FRUCTUS









Copie c

ertifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de MARSEILLE - section - en date du 22 Janvier 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 11-14-3910.





APPELANT



Monsieur [X] [C], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me David TRAMIER, ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 22 SEPTEMBRE 2017

N°2017/921

Rôle N° 17/05439

[X] [C]

C/

SCP [D] [U]

UNEDIC - AGS DELEGATION REGIONALE DU SUD EST

Grosse délivrée le :

à :

Me David TRAMIER

Me Béatrice DUPUY

Me Michel FRUCTUS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de MARSEILLE - section - en date du 22 Janvier 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 11-14-3910.

APPELANT

Monsieur [X] [C], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me David TRAMIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

SCP [D] [U], mandataire judiciaire en qualité de liquidateur de la SNCM, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Béatrice DUPUY, avocat au barreau de MARSEILLE

UNEDIC - AGS DELEGATION REGIONALE DU SUD EST, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS substitué par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Christophe RUIN, Président

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2017

Signé par Monsieur Christophe RUIN, Président et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 5 juin 2013, Monsieur [X] [C], dans le cadre d'une demande de versement de dommages et intérêts par la SA Société Nationale Maritime Corse Méditerranée (dénommée ci-après SNCM), en réparation de préjudices d'anxiété et de modification des conditions de vie, a saisi la direction départementale des territoires et de la mer (préfecture des Bouches-du-Rhône) aux fins de conciliation.

Un procès-verbal de non-conciliation a été dressé en date du 7 juillet 2014 par le chef du service mer et littoral de la direction départementale des territoires et de la mer et signé par celui-ci ainsi que par le salarié et le représentant de l'employeur.

Par acte d'huissier du 30 juillet 2014, reçu au greffe le 1er août 2014, Monsieur [X] [C] a saisi le tribunal d'instance de Marseille aux fins de voir condamner la SNCM à lui verser des dommages et intérêts, au titre de l'indemnisation de son préjudice d'anxiété, et une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 28 novembre 2014, le tribunal de commerce de Marseille a :

- ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SNCM ;

- désigné la SCP [G] [J] et la SEL [B] ès qualités d'administrateurs judiciaires ;

- désigné la SCP [Z] [D] et A [U] en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 20 novembre 2015, le tribunal de commerce de Marseille a notamment (avec exécution provisoire) :

- retenu l'offre de reprise présentée par Monsieur [F] [K] ;

- ordonné la cession de l'entreprise SNCM au profit de Monsieur [F] [K] (avec faculté de substitution) ;

- pris acte que Monsieur [F] [K] offre de reprendre 845 contrats de travail et ordonné le licenciement du personnel non repris (583 contrats de travail) ;

- maintenu en fonction la SCP [G] [J] et la SEL [B], ès qualités d'administrateurs judiciaires, pour la mise en oeuvre du plan jusqu'à la réalisation de la cession ;

- fixé à six mois la durée pour la signature des actes de cession ;

- prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire à l'égard de la SNCM ;

- désigné la SCP [Z] [D] et A [U], représentée par Maître [Z] [D], en qualité de liquidateur judiciaire de la SNCM ;

- désigné la SCP [G] [J], représentée par Maître [R] [G], et la SEP [B], représentée par Maître [H] [B], co-administrateurs judiciaires de la SNCM, avec mission d'assurer l'administration de l'entreprise pendant la durée du maintien de l'activité en liquidation judiciaire ainsi que la mise en oeuvre du plan, en ce compris la notification des licenciements pour motif économique, jusqu'à la signature des actes de cession.

Par jugement rendu en date du 22 janvier 2016, le tribunal d'instance de Marseille a notamment:

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale ;

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action du salarié ;

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de reprise régulière de l'instance suspendue par la procédure collective ;

- débouté Monsieur [X] [C] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Monsieur [X] [C] aux entiers dépens ainsi qu'à payer des sommes aux défendeurs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 19 février 2016, Monsieur [X] [C] a interjeté appel de ce jugement.

Appelée à une première audience, l'affaire a fait l'objet d'un retrait du rôle, demandé par les parties et constaté par un arrêt rendu en date du 10 février 2017.

Le 22 février 2017, le conseil de Monsieur [X] [C] a sollicité le réenrôlement de l'affaire.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures reprises oralement lors de l'audience du 12 mai 2017, Monsieur [X] [C] conclut que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les exception de procédure, mais infirmé pour le surplus, et demande que :

- une somme de 20.000 euros soit fixée au passif de la SNCM, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice d'anxiété ;

- il soit constaté qu'il a été pendant toute son activité professionnelle en contact avec l'amiante sans protection, quel que soit son poste de travail, et que de ce fait la SNCM a commis l'infraction de mise en danger d'autrui ;

- il soit jugé que du fait de son exposition à l'amiante sans protection il a droit à des dommages et intérêts même s'il ne présente aucun trouble psychologique ;

- une somme de 20.000 euros soit fixée au passif de la SNCM, à titre de dommages et intérêts, en réparation d'un préjudice spécifique résultant d'une mise en danger de la vie d'autrui imputable à l'employeur ;

- sa créance porte intérêts au taux légal à compter de la saisine de la direction départementale des territoires et de la mer, avec capitalisation des intérêts ;

- l'arrêt soit déclaré opposable aux organes de la procédure collective ainsi qu'au CGEA;

- l'exécution provisoire soit ordonnée ;

- les défendeurs soient condamnés aux entiers dépens ainsi qu'à lui verser une somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Dans ses dernières écritures reprises oralement lors de l'audience du 12 mai 2017, la SCP [Z] [D] et A [U], représentée par Maître [Z] [D], ès qualités de liquidateur de la SNCM, sollicite que la cour :

- à titre principal : infirme le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale ;

- à titre subsidiaire : confirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [X] [C] de sa demande d'indemnisation ;

- à titre très infiniment subsidiaire : juge que les sommes qui seraient dues au salarié soient garanties par l'AGS.

Dans ses dernières écritures reprises oralement lors de l'audience du 12 mai 2017, le CGEA de Marseille soutient que les demandes de Monsieur [X] [C] sont irrecevables car prescrites. À titre subsidiaire, il conclut que :

- le seul préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat que le salarié peut invoquer en l'espèce en matière d'amiante est le préjudice d'anxiété ;

- le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [X] [C] de sa demande d'indemnisation ;

- toute créance reconnue à Monsieur [X] [C] au titre de son exposition à l'amiante n'est pas garantie par l'AGS ;

- toutes les demandes à son encontre seront rejetées.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées qui ont été oralement reprises lors de l'audience.

MOTIFS

- Sur la compétence et la saisine du tribunal d'instance -

La SCP [Z] [D] et A [U], représentée par Maître [Z] [D], ès qualités de liquidateur de la SNCM, conclut que le tribunal des affaires de sécurité sociale était seul compétent pour statuer sur les demandes de Monsieur [X] [C] et qu'elle ne saurait être privée du double degré de juridiction.

Le liquidateur fait valoir que puisque Monsieur [X] [C] se plaint d'un préjudice d'anxiété caractérisé par un trouble psychologique grave, ce salarié doit être considéré comme souffrant d'une pathologie devant entraîner ou relevant d'une déclaration de maladie professionnelle. Elle rappelle que les litiges portant sur l'existence ou les conséquences d'une maladie professionnelle, avec éventuellement reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur, relèvent de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale et que selon l'alinéa 2 de l'article L. 1411-4 du code du travail, le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi, notamment par le code de la sécurité sociale en matière d'accidents du travail et maladies professionnelles

Monsieur [X] [C] soutient que le tribunal d'instance était bien compétent en la matière et qu'en tout état de cause la cour d'appel doit statuer au fond.

Aux termes des dispositions de l'article R. 221-13 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal d'instance connaît des contestations relatives à la formation, à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail entre l'employeur et le marin, dans les conditions prévues par le livre V de la cinquième partie du code des transports (dans la version antérieure au décret n° 2015-219 du 27 février 2015 : 'Le tribunal d'instance connaît des contestations relatives au contrat d'engagement entre armateurs et marins dans les conditions prévues par le code du travail maritime.').

Aux termes des dispositions de l'article L. 5542-48 du code des transports (dans sa version antérieure à la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013) : ' Le différend qui peut s'élever, à l'occasion des périodes d'embarquement, entre l'employeur et le marin est porté devant le juge judiciaire. Sauf en ce qui concerne le capitaine, cette instance est précédée d'une tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'Etat.'.

Aux termes des dispositions de l'article L. 5542-48 du code des transports (dans sa version modifiée par la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013) :

' Tout différend qui peut s'élever à l'occasion de la formation, de l'exécution ou de la rupture d'un contrat de travail entre l'employeur et le marin est porté devant le juge judiciaire. Sauf en ce qui concerne le capitaine, cette instance est précédée d'une tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'Etat.

Lors de la conciliation, lorsque le litige porte sur la rupture du contrat, l'employeur et le marin peuvent convenir, ou l'autorité compétente de l'Etat proposer, d'y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l'employeur au marin d'une indemnité forfaitaire, dans les conditions et selon le barème prévus aux deux premiers alinéas de l'article 1235-1 du code du travail.

Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.'

Aux termes des dispositions de l'article L. 5542-48 du code des transports (modifié par la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016) dans sa version actuelle :

' Tout différend qui peut s'élever à l'occasion de la formation, de l'exécution ou de la rupture d'un contrat de travail entre l'employeur et le marin est porté devant le juge judiciaire. Sauf en ce qui concerne le capitaine, cette instance est précédée d'une tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'Etat.

Lors de la conciliation, lorsque le litige porte sur la rupture du contrat, l'employeur et le marin peuvent convenir, ou l'autorité compétente de l'Etat proposer, d'y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l'employeur au marin d'une indemnité forfaitaire, dans les conditions et selon le barème prévus aux deux premiers alinéas de l'article 1235-1 du code du travail.

L'accusé de réception de la demande aux fins de tentative de conciliation interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir.

Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.'

Aux termes des dispositions de l'article L. 5511-1 du code des transports, dans sa version applicable avant la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013, est considéré comme marin toute personne, remplissant les conditions de qualification professionnelle et d'aptitude physique mentionnées à l'article L. 5521-1, qui contracte un engagement envers un armateur ou s'embarque pour son propre compte, en vue d'occuper à bord d'un navire un emploi relatif à la marche, à la conduite, à l'entretien et au fonctionnement du navire. Est considéré comme 'gens de mer' tout marin ou toute autre personne exerçant, à bord d'un navire, une activité professionnelle liée à son exploitation.

Aux termes des dispositions de l'article L. 5511-1 du code des transports, dans sa version actuelle (modifié par la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 puis par la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016), sont considérés comme marins les gens de mer (toutes personnes, salariées ou non salariées, exerçant à bord d'un navire une activité professionnelle à quelque titre que ce soit), salariés ou non salariés, exerçant une activité directement liée à l'exploitation du navire.

Le terme " bord " désigne le navire, ses embarcations et ses moyens de communication fixes avec la terre. L'équipage comprend le capitaine et les marins définis au 3°de l'article L. 5511-1. Les membres de l'équipage sont considérés comme embarqués pendant toute la durée de leur inscription sur la liste d'équipage.

Aux termes des dispositions de l'article R. 5511-1 du code des transports, l'exploitation à bord comporte, pour l'application du 3° de l'article L. 5511-1, les activités professionnelles relatives à la marche, à la conduite ou à l'entretien ainsi que celles qui sont nécessaires pour assurer l'ensemble des fonctionnalités du navire.

Aux termes des dispositions de l'article R. 5511-2 du code des transports, sont réputées figurer au nombre des marins, au sens du 3° de l'article L. 5511-1, les personnes exerçant l'une des activités ou fonctions mentionnées ci-après :

1° A bord de l'ensemble des navires : a) Préparation ou service des repas pour les gens de mer ; b) Hydrographe ; c) Pilotage maritime ; d) Lamanage ; e) Médecin ou infirmier, lorsque l'embarquement est exigé par la réglementation maritime ;

2° A bord des navires à passagers et des navires de plaisance à utilisation commerciale, a) Propreté ; b) Hôtellerie, restauration ; c) Vente ; d) Accueil des passagers ; e) Ecrivain de bord ;

3° A bord des navires affectés à l'exploitation de parcelles concédées sur le domaine public maritime nécessitant une navigation totale de trois milles ou plus : les personnels armant ces navires.

Ne relèvent pas de du 3° de l'article L. 5511-1 et ne sont donc pas considérés comme marins : - à bord des navires d'exploration et d'exploitation, les personnels qui préparent ou servent les repas aux personnels employés dans l'une des activités suivantes : a) Installations et constructions d'unités de productions sous-marines ; b) Forage de puits, champs pétroliers ou gaziers ; c) Plates-formes, îles artificielles, ouvrages ou installations en mer (R. 5511-3) ; - les agents employés par les entreprises privées de protection des navires et titulaires d'une carte professionnelle délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité (R. 5511-4).

Aux termes des dispositions de l'article L. 5541-1 du code des transports, dans sa version antérieure à la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013, le code du travail est applicable aux marins salariés des entreprises d'armement maritime et des entreprises de cultures marines ainsi qu'à leurs employeurs, sous réserve des dispositions particulières prévues par le présent titre. Ces dispositions s'appliquent également aux autres gens de mer.

Aux termes des dispositions de l'article L. 5541-1 du code des transports (modifié par la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013), dans sa version actuelle, le code du travail est applicable aux marins salariés des entreprises d'armement maritime et des entreprises de cultures marines ainsi qu'à leurs employeurs, sous réserve des dérogations ou des dispositions particulières ainsi que des mesures d'adaptation prises par voie réglementaire dans les conditions prévues par le présent titre.

Aux termes de l'article 79 du code de procédure civile, lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la décision attaquée est susceptible d'appel dans l'ensemble de ses dispositions et si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente. Dans ce cadre, selon une jurisprudence constante, la cour d'appel qui, saisie d'un déclinatoire de compétence ratione matériae à l'égard d'une décision ayant statué sur le fond du litige, a décidé que la juridiction dont la décision lui était déférée était incompétente et relevé qu'elle-même était juridiction d'appel à la fois de la juridiction incompétente et de celle estimée par elle compétente, est tenue de statuer sur le fond du litige.

En l'espèce, Monsieur [X] [C] invoque avoir le statut de salarié marin (ou personnel navigant) au sens des dispositions précitées, ce qui est établi par les documents produits concernant l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM (cf infra) et n'est d'ailleurs pas contesté par les autres parties.

Il résulte de la combinaison des articles susvisés, y compris dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 et au décret n° 2015-219 du 27 février 2015, que le tribunal d'instance est seul compétent pour connaître, après tentative de conciliation devant l'administrateur des affaires maritimes, des litiges entre employeur (ou armateur) et marin portant sur la conclusion, l'exécution ou la rupture du contrat de travail.

Monsieur [X] [C] demande réparation d'un préjudice moral ou psychologique, qualifié notamment de préjudice d'anxiété, en rapport avec une exposition alléguée à l'amiante dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM, causé par un manquement de l'employeur à ses obligations en matière de sécurité. Le salarié marin n'évoque ni accident du travail, ni maladie professionnelle, ni faute inexcusable de l'employeur, au sens du code de la sécurité sociale.

Relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Toutefois, dès lors que la demande en réparation d'un préjudice extra-patrimonial formée par le marin salarié est fondée sur l'inexécution par l'employeur de l'obligation de sécurité de résultat dérivant du contrat de travail qui les aurait liés, que le préjudice d'anxiété allégué correspond non pas à une maladie professionnelle répertoriée mais à l'inquiétude de déclencher à tout moment une maladie en rapport avec une exposition à l'amiante, le tribunal d'instance est compétent pour connaître du litige.

En outre, il échet de rappeler que s'agissant d'une demande qui ne s'inscrit pas dans une action en réparation d'accidents ou maladies telles que visées par les articles L. 451-1 ou L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale, mais tend à l'indemnisation du préjudice d'anxiété subi par le salarié marin à la suite d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, d'une part, le juge n'a pas à rechercher d'office si le salarié n'a pas fait l'objet d'une prise en charge au titre d'une maladie professionnelle causée par l'amiante et, d'autre part, le tribunal d'instance reste compétent dès lors qu'une déclaration de maladie professionnelle et le contentieux auquel elle peut donner lieu devant la juridiction de sécurité sociale ne prive pas le salarié du droit de demander au tribunal d'instance la réparation du préjudice d'anxiété subi avant la déclaration de la maladie.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence. Surabondamment, il échet de rappeler les dispositions précitées de l'article 79 du code de procédure civile.

S'agissant de la saisine du tribunal d'instance, outre les dispositions susvisées, les articles 4 et 5 du décret du 20 novembre 1959 relatif aux litiges entre armateurs et marins, alors applicables mais abrogés au 1er mars 2015, stipulent qu'en cas d'échec de la tentative de conciliation, l'administrateur des affaires maritimes dresse un procès-verbal dont il est remis au demandeur une copie contenant permission de citer devant le tribunal d'instance compétent ; les citations devant le tribunal d'instance, dans les litiges relatifs au contrat d'engagement, sont délivrées par le greffier du tribunal d'instance.

Le défaut de saisine régulière d'un tribunal constitue une fin de non-recevoir. Or, s'agissant d'un litige s'élevant à l'occasion de la formation, de l'exécution ou de la rupture d'un contrat de travail entre l'employeur et le marin, sauf en ce qui concerne le capitaine, cette instance est précédée d'une tentative de conciliation devant l'autorité compétente de l'Etat. Il en résulte que la saisine du tribunal d'instance en la matière serait irrecevable faute d'avoir été précédée du préalable de conciliation. Toutefois, en l'espèce, vu le procès-verbal de non-conciliation dressé en date du 7 juillet 2014 par le chef du service mer et littoral de la direction départementale des territoires et de la mer, il apparaît que Monsieur [X] [C] a bien respecté le préalable de conciliation et a saisi la juridiction de première instance dans les formes prescrites. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Comme pour la juridiction prud'homale (L. 625-3 du code du commerce), s'agissant d'un litige s'élevant à l'occasion de la formation, de l'exécution ou de la rupture d'un contrat de travail entre l'employeur et le marin, l'instance en cours devant le tribunal d'instance, à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, est poursuivie en présence du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance ou ceux-ci dûment appelés.

L'instance en cours à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective n'est en conséquence ni interrompue ni suspendue. Il appartient au mandataire judiciaire, ou selon le cas au liquidateur, d'informer la juridiction de l'ouverture de la procédure collective. Il ne saurait être imposé au salarié de faire assigner le mandataire judiciaire, le liquidateur ou l'AGS. Par contre, lorsque la juridiction est informée de l'ouverture de la procédure collective, elle est tenue de convoquer les organes de la procédure collective ainsi que l'AGS, ce qui a été le cas en l'espèce.

L'article L. 622-24 du code de commerce exclut les salariés de la procédure de déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire. L'article L. 625-6 du même code prévoit que les relevés des créances résultant d'un contrat de travail, établis par le mandataire judiciaire et visés par le juge-commissaire, ainsi que les décisions rendues par la juridiction prud'homale sont portés sur l'état des créances déposé au greffe. Alors que la demande du salarié, fondée sur le manquement allégué de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, découle directement du contrat de travail, le premier juge a légitimement relevé que les règles relatives à l'arrêt des poursuites individuelles et à l'interruption des instances en cours énoncées par les articles L. 622-21 et suivants du code du commerce ne sont pas applicables au présent litige.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine ou de reprise régulière de l'instance.

- Sur la prescription -

Le CGEA de Marseille conclut à l'irrecevabilité des demandes du salarié comme prescrites, en relevant notamment que le tribunal d'instance a été saisi après le 19 juin 2013 et que la saisine préalable de l'autorité compétente de l'Etat pour une tentative de conciliation n'est pas interruptive de prescription.

Avant son abrogation au 17 juin 2013, l'article L. 5542-49 du code des transports stipulait que, sous réserve des dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail, les actions ayant trait aux différends liés à l'embarquement se prescrivent par un an après la fin du voyage. Cet article L. 5542-49 du code des transports correspond à l'article 11 du décret n° 59-1337 du 20 novembre 1959, modifiant le titre VII du code du travail maritime et relatif aux litiges entre armateurs et marins, article abrogé depuis, qui précisait : ' Toutes actions ayant trait au contrat d'engagement sont prescrites un an après le voyage terminé.'.

Le Conseil d'Etat, par décision du 27 novembre 2006, a déclaré que l'article 11 du décret n° 59-1137 du 20 novembre 1959 est illégal. Toute déclaration d'illégalité d'un texte réglementaire par le juge administratif s'impose au juge civil.

En conséquence, en l'état de cet arrêt du Conseil d'Etat, rendu sur question préjudicielle posée par la Cour de cassation, déclarant illégal l'article 11 du décret n° 59-1337 du 20 novembre 1959 relatif aux litiges entre armateurs et marins aux termes duquel 'toutes actions ayant trait au contrat d'engagement sont prescrites un an après le voyage terminé', la prescription extinctive annale ne saurait être appliquée en l'espèce.

La prescription trentenaire était la prescription extinctive de droit commun avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (publiée au JORF du 18 juin 2008), soit le 19 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La prescription quinquennale était déjà applicable auparavant aux actions en paiement des salaires et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts (ancien article 2277 du code civil).

La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 (publiée au JORF du 16 juin 2013), applicable à compter du 17 juin 2013 (date d'entrée en vigueur), a réduit le délai de prescription à trois ans pour le paiement du salaire et de ses accessoires, mais à deux ans pour toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail, telle celle aux fins de réparation d'un préjudice résultant du manquement de l'employeur à ses obligations.

Les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Au regard des demandes présentées par Monsieur [X] [C], le préjudice d'anxiété allégué par le salarié est né à la date à laquelle celui-ci a eu connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'activité de la SNCM sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA, soit le 22 juillet 2000, date de publication au JORF de l'arrêté du 7 juillet 2000.

Aux termes des articles 2241 et 2242 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure ; l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

Avant même la modification de l'article L. 5542-48 du code des transports par la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016, ajoutant que l'accusé de réception de la demande aux fins de tentative de conciliation interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir, il était de jurisprudence constante que la tentative de conciliation devant l'administrateur des affaires maritimes exigée par l'article 2 du décret n° 59-1337 du 20 novembre 1959 préalablement à la soumission au tribunal d'instance de tout litige concernant les contrats d'engagement régis par le code du travail maritime, entre les armateurs et les marins, à l'exception des capitaines, constitue un acte interruptif de prescription.

Il en résulte que la saisine de l'autorité compétente de l'Etat aux fins de procéder à la tentative de conciliation prévue par l'article L. 5542-48 du code des transports interrompt la prescription.

En l'espèce, s'agissant de préjudices invoqués du fait d'une exécution fautive du contrat de travail imputée à l'employeur, la prescription extinctive quinquennale, applicable depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, aurait produit ses effets au 19 juin 2013. Or, le premier juge a relevé que Monsieur [X] [C] justifiait avoir saisi en date du 5 juin 2013 la direction départementale des territoires et de la mer (préfecture des Bouches-du-Rhône) aux fins de procéder à la tentative de conciliation prévue par l'article L. 5542-48 du code des transports, ce qui n'est pas contesté par les parties.

C'est donc par une exacte application de la loi que le premier juge a écarté la prescription annale et décidé que la prescription extinctive n'était pas acquise en l'espèce.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action du salarié.

- Sur l'indemnisation -

Sur le fondement des dispositions de l'ancien article 1147 du code civil (responsabilité contractuelle de l'employeur / désormais articles 1231 et suivants du code civil) et de l'article L. 4121-1 du code du travail, Monsieur [X] [C] demande d'abord l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété causé selon lui par une exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM. Il fait valoir l'obligation de sécurité de résultat incombant à l'employeur en matière de protection et de santé des travailleurs dans l'entreprise.

Le salarié soutient ainsi qu'il a été exposé à l'amiante lors de l'exécution de sa prestation de travail au sein des navires de la SNCM, notamment sur le 'NAPOLÉON BONAPARTE' et sur le 'CORSE', en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. En tout état de cause, il expose que la SNCM ne démontre pas avoir pris, s'agissant de l'exposition des salariés à l'amiante, avant 1996-1997 et même après, des mesures de prévention et/ou de protection sur les navires de l'entreprise.

Monsieur [X] [C] demande également la condamnation de son employeur à lui verser des dommages et intérêts sur le fondement des articles 121-3 et 223-1 du code pénal, 4, 4-1 et 10 du code de procédure pénale, L. 4121-1 du code du travail. Il fait ainsi valoir qu'il a droit à une indemnisation, hors existence d'un préjudice d'anxiété ou d'un trouble psychologique quelconque, du fait que l'employeur a commis l'infraction de mise en danger délibérée de la vie d'autrui puisqu'il a été pendant toute son activité professionnelle en contact avec l'amiante, quel que soit son poste de travail, sans protection. Il prétend que tout salarié se trouvant exposé à l'amiante doit être indemnisé par l'employeur auteur de l'infraction, sans autres conditions ou considérations.

La SCP [Z] [D] et A [U], représentée par Maître [Z] [D], ès qualités de liquidateur de la SNCM, fait valoir que Monsieur [X] [C] ne remplit pas les conditions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et ne bénéficie pas d'une présomption d'exposition à l'amiante générant un préjudice d'anxiété, alors que si certains établissements de la SNCM sont mentionnés sur la liste établie par les arrêtés du 7 juillet 2000 et du 26 mai 2015, aucun des navires de l'entreprise n'a jamais été considéré comme un établissement Acaata. Pour le surplus, l'intimée relève que le salarié ne démontre pas avoir été exposé, dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, de manière significative à l'inhalation de fibres d'amiante et avoir subi un préjudice d'anxiété en raison d'un manquement fautif de l'employeur à son obligation de sécurité.

Le CGEA de Marseille relève que la demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété devra être rejetée comme ne répondant pas aux conditions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 comme à celles fixées par la jurisprudence. Il expose notamment que les navires de la SNCM ne sont pas visés par la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité. Il ajoute que le salarié ne démontre ni que l'employeur aurait manqué à son obligation de résultat en matière de sécurité ni l'existence d'un préjudice en découlant. Le CGEA de Marseille indique également que la demande d'indemnisation du préjudice spécifique telle que présentée par Monsieur [X] [C] n'est pas en lien avec l'exécution du contrat de travail et ne saurait être garantie par l'AGS. À titre subsidiaire, le CGEA de Marseille demande une réduction du montant des dommages et intérêts.

Suite aux conséquences sanitaires de l'utilisation de l'amiante durant plusieurs décennies, le législateur a créé, par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, dite 'de financement de la sécurité sociale pour 1999", un dispositif spécifique de départ anticipé à la retraite (l'Allocation de Cessation Anticipée d'Activité des Travailleurs de l'Amiante, autrement appelée Acaata) en faveur des salariés qui ont été particulièrement exposés à l'amiante.

Ce dispositif s'applique aux salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, aux salariés des établissements de flocage et de calorifugeage à l'aide d'amiante, aux salariés des établissements de construction et de réparation navales, aux ouvriers dockers professionnels et personnels portuaires assurant la manutention.

En application de ce dispositif, les salariés démontrant travailler ou avoir travaillé dans un des établissements ou ports inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel, peuvent solliciter, à partir de l'âge de 50 ans, et sous réserve de cesser toute activité professionnelle, le bénéfice de l'Acaata. Cette allocation est ensuite versée jusqu'à ce que le salarié remplisse les conditions pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein.

La chambre sociale de la Cour de cassation, en sa formation plénière, a consacré l'existence d'un préjudice d'anxiété pour les salariés relevant du dispositif de l'Acaata.

Hors dispositions spécifiques, seuls les salariés exposés à l'amiante dans un établissement inscrit sur la liste établie par arrêté ministériel comme susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante peuvent obtenir réparation d'un préjudice d'anxiété. En outre, s'agissant des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales inscrits sur la liste établie par arrêté ministériel, un salarié ayant travaillé dans un établissement inscrit, mais n'y ayant pas exercé l'un des métiers visés par cette même liste, n'est pas éligible au dispositif de l'Acaata et est dès lors aussi exclu de la réparation d'un préjudice d'anxiété.

En revanche, le salarié, pour bénéficier de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, n'a pas à rapporter la preuve de son anxiété ni d'avoir été exposé personnellement ou directement à l'amiante au sein de l'établissement listé dans lequel il travaillait. Un salarié ayant travaillé dans un établissement inscrit sur la liste des sites ouvrant droit au bénéfice de l'Acaata, mais qui n'a pas demandé à percevoir cette allocation, peut néanmoins obtenir réparation de son préjudice d'anxiété. Les salariés, qui ont travaillé dans un établissement inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'Acaata pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, peuvent obtenir la réparation de leur préjudice spécifique d'anxiété, qu'ils aient ou non adhéré au dispositif légal et peu important leur âge à la date de la mise en place de ce dispositif.

L'indemnisation des salariés exposés à l'amiante, dans les conditions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, ne peut prendre la forme que d'un préjudice patrimonial réparé par l'Acaata d'une part et d'un préjudice extra-patrimonial réparé par l'allocation de dommages et intérêts au titre du seul préjudice d'anxiété d'autre part. Cette double indemnisation couvre la totalité des préjudices subis par ces salariés, lesquels ne peuvent obtenir d'autre réparation résultant de l'exposition à l'amiante.

Le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est donc constitué par le seul préjudice d'anxiété.

Ainsi, le salarié ne peut, s'agissant de son préjudice extra-patrimonial, être indemnisé, en supplément du préjudice d'anxiété, pour un autre préjudice qui résulterait d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. En conséquence, les dommages et intérêts alloués au titre du préjudice d'anxiété reconnu aux travailleurs de l'amiante, éligibles à l'allocation de cessation anticipée d'activité, réparent l'intégralité du préjudice lié au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Pour pouvoir prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral, en tout cas extra-patrimonial, au titre de son exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il appartient donc à Monsieur [X] [C] d'établir qu'il a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, ou en tout cas au juge d'en faire le constat.

La SNCM n'est pas mentionnée sur la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante et des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante, susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité (arrêté du 3 juillet 2000 publié au JORF du 16 juillet 2000).

À la lecture de l'arrêté du 7 juillet 2000 (publié au JORF du 22 juillet 2000) et de l'arrêté du 26 mai 2015, s'agissant de la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, seuls les établissement suivants de la SNCM sont mentionnés :

- De 1950 à 2014 :

* [Adresse 4],

* [Adresse 5],

* [Adresse 6] ;

- A compter de l'année 2014 :

* [Adresse 7],

* [Adresse 8].

Monsieur [X] [C] expose qu'il a été employé par la SNCM en qualité de personnel navigant (marin) à compter du 24 juin 1983. Il produit trois bulletins de paie (année 2013) mentionnant une fonction statutaire de maître d'hôtel (personnel naviguant), titulaire depuis le 1er janvier 1990 (numéro d'inscription maritime : 1983L4611MA).

Monsieur [X] [C] produit également un relevé de carrière (détail et ventilation des services du marin) mentionnant qu'il a occupé, entre juin 1983 et avril 2013, des fonctions de novice, garçon, garçon commandant, chef de comptoir, barmaid, chef de salon, maître d'hôtel, chef caviste, assistant officier stagiaire service général, chef de bordée, maître d'hôtel intendant, intendant, dans les services 'pont' et 'service général' (aucune fonction exercée dans le service 'machine' ou le service 'polyvalence'). Ce document mentionne également le nom des navires sur lesquels Monsieur [X] [C] a exercé les fonctions précitées, à savoir plusieurs navires de la SNCM ('LIBERTE' ; 'CYRNOS' ; 'CORSE' ; 'ESTEREL' ; 'NAPOLEON' ; 'PROVENCE' ; 'ILE DE BEAUTE' ; 'DANIELLE CASANOVA' ; 'NGV LIAMONE' ; 'MEDITERRANEE' ; 'NVG ALISO' ; 'NAPOLÉON BONAPARTE' ; 'NGV ASCO' ; 'PAGLIA ORBA' ). Outre les congés payés ou périodes de repos, il est également mentionné quelques périodes de formation professionnelle ou de mission à terre, mais sans localisation indiquée.

Les établissements de la SNCM listés au titre des établissements (et des métiers) de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante (cf supra) ne sont jamais mentionnés dans le détail et ventilation des services du marin concernant Monsieur [X] [C], document qui est pourtant assez précis quant aux lieux d'affectation du salarié sur la période considérée et pendant toute sa carrière professionnelle au sein de l'entreprise SNCM.

Si l'adresse [Adresse 4], figure sur les bulletins de paie produits par le salarié, c'est en tant que siège social de l'entreprise (jusqu'en 2014 / par la suite : [Adresse 7] et donc lieu d'établissement des documents administratifs, non en tant qu'établissement où Monsieur [X] [C] aurait travaillé.

Le salarié ne saurait soutenir que du fait de l'inscription de certains établissements de la SNCM sur les arrêtés du 7 juillet 2000 et du 26 mai 2015, dont le siège social sis [Adresse 4] puis [Adresse 7], tous les établissements ou sites de l'entreprise non listés seraient également susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante par assimilation (ou connexité) à une société qui serait globalement qualifiée 'entreprise amiante'. L'inscription du siège social d'une société sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante ne vaut pas présomption pour tous les établissements, sites ou biens de l'entreprise. Il en est de même en cas d'inscription d'un site ou d'une partie des établissements pour tous les autres sites ou établissements (non listés) de l'entreprise.

Au regard des pièces versées aux débats, il n'est nullement établi que Monsieur [X] [C] aurait travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, en sorte que le salarié ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral (ou extra-patrimonial) au titre de l'exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Surabondamment, les fonctions exercées par Monsieur [X] [C], dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM, ne figurent pas sur la liste des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante.

Monsieur [X] [C] n'invoque pas en l'espèce le dispositif spécifique et autonome prévoyant le bénéfice d'une allocation de cessation anticipée d'activité pour les marins (ou anciens marins) ayant exercé des fonctions à la machine et/ou polyvalentes à bord de navires à passagers construits avant le 1er janvier 1999. En tout état ce cause, Monsieur [X] [C], qui n'a jamais exercé une fonction listée à bord d'un navire à passagers de la SNCM, n'est pas éligible à l'allocation dite C3A et ne pourrait donc prétendre à une présomption de préjudice d'anxiété au titre des dispositions du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002.

Pour le surplus, sont produits des documents concernant, de façon générale, la réglementation amiante, le risque amiante et les actions de prévention en la matière au sein de l'entreprise SNCM. Sont également versées aux débats une note assez générale du 16 juillet 2003 sur les risques amiante à bord des navires (pas de mention précise des salariés ou navires concernés), de diffusion étendue et signée par la direction, ainsi qu'une attestation délivrée le 18 juillet 2003 par la direction de l'entreprise à Monsieur [X] [C] pour indiquer que ce dernier exerce ou a exercé ses fonctions dans le services ADSG à bord de navires construits avant le 1er janvier 1997, date de mise en application du décret 96-1132 du 24 décembre 1996 interdisant l'utilisation de composants amiantés dans la construction navale et donc susceptibles de comporter de tels matériaux.

Il échet de relever que Monsieur [X] [C] ne fait pas état de l'existence d'une action pénale en matière de mise en danger délibéré d'autrui pas plus qu'il ne précise la nature du préjudice qu'il aurait effectivement subi mais ne relèverait pas du domaine de l'anxiété. Force est de constater que le salarié semble avancer, à titre complémentaire, une demande d'indemnisation fondée sur une responsabilité civile sans préjudice ou avec un préjudice nécessairement causé par un contact, voire la présence sans contact effectif, d'amiante dans son environnement de travail ou même extra-professionnel.

Au regard des pièces produites, il n'est nullement établi, nonobstant la présence éventuelle d'amiante dans certaines parties des navires les plus anciens de la SNCM, que Monsieur [X] [C] aurait dans ce cadre, directement et personnellement, subi un préjudice ou même été exposé à un risque en matière de santé.

Le régime de droit commun de la responsabilité civile implique la démonstration de la faute d'autrui, d'un préjudice et d'un lien de causalité direct et certain entre eux. Monsieur [X] [C], qui ne fait pas état d'un préjudice indemnisable autre que celui relevant du préjudice d'anxiété précité, ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct ou spécifique en lien avec un manquement de l'employeur (SNCM) à ses obligations contractuelles. Il n'est pas plus établi qu'en dehors de l'exécution du contrat de travail, que ce soit comme passager ou dans un autre cadre indéterminé, la SNCM aurait commis une faute délictuelle en relation directe avec un préjudice subi par Monsieur [X] [C].

Monsieur [X] [C] ne peut pas plus invoquer la violation des articles L.4121-1 et suivants du code du travail pour réclamer des dommages et intérêts, alors qu'il n'est pas établi que le salarié a, dans le cadre de l'exécution du contrat de travail le liant à la SNCM, été exposé à un risque en matière d'amiante du fait du non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise. Monsieur [X] [C] ne saurait ainsi soutenir qu'il a nécessairement subi un préjudice du fait de la présence d'amiante dans certains navires, notamment les plus anciens, de la SNCM.

Surtout, comme cela a été rappelé dans les attendus qui précèdent, en matière d'exposition à l'amiante dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail, alors que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété (ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque), l'indemnisation de ce préjudice n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements ou sites susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité comme figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, et ce, pendant une période précisée par cet arrêté, voire sous la condition cumulative d'avoir exercé l'un des métiers mentionnés par l'arrêté s'agissant du domaine de la construction et de la réparation navales, de sorte que le salarié ne remplissant pas les conditions précitées ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral au titre de l'exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ou du droit commun de la responsabilité civile ou de la notion de mise en danger d'autrui.

En conséquence, Monsieur [X] [C] sera débouté de toutes ses demandes d'indemnisation en matière d'exposition à l'amiante et le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Les décisions de justice sont de plein droit opposables à l'AGS.

Monsieur [X] [C], qui succombe totalement en son recours, sera condamné aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire,

- Déboute Monsieur [X] [C] de toutes ses demandes d'indemnisation en matière d'exposition à l'amiante ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Condamne Monsieur [X] [C] aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 17/05439
Date de la décision : 22/09/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B8, arrêt n°17/05439 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-22;17.05439 ?
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