COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 22 SEPTEMBRE 2017
N°2017/ 598
Rôle N° 15/14592
[V] [O]
C/
RTM
Grosse délivrée le :
à :
Me Henri TROJMAN, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Béatrice DUPUY, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 08 Juillet 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/4583.
APPELANT
Monsieur [V] [O], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Henri TROJMAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE
RTM, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Béatrice DUPUY, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre
Madame Hélène FILLIOL, Conseiller
Madame Virginie PARENT, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2017
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2017
Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
[V] [O] a été embauché par la RÉGIE DES TRANSPORTS DE MARSEILLE (RTM) suivant deux contrats à durée déterminée en date du 12 juin 2001 au 31 octobre 2001 puis 1er avril 2002 au 31 octobre 2002 en qualité de chauffeur ;
Le 1er juin 2002, il a été victime d'un accident du travail ; la RTM mettait fin au contrat à son échéance, soit le 31 octobre 2002 ;
Par arrêt du 3 novembre 2005, la cour d'appel d'Aix en Provence jugeait le licenciement nul et condamnait la RTM à verser à [V] [O] la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts, outre diverses sommes liées à la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
Le pourvoi initié par [V] [O] à l'encontre de cet arrêt était déclaré irrecevable le 21 mars 2007;
Le 17 juillet 2008 [V] [O] saisissait le conseil de prud'hommes au fond aux fins d'obtenir sa réintégration et des rappels de salaire ; la procédure a été radiée le 30 novembre 2009 ;
Le 23 juillet 2009, [V] [O] saisissait le conseil de prud'hommes en référé des mêmes demandes lesquelles faisait l'objet d'une ordonnance de rejet en date du 27 août 2009 ; le 17 mai 2010, [V] [O] se désistait de son appel interjeté à l'encontre de cette décision ;
Le 14 novembre 2013, [V] [O] saisissait le conseil de prud'hommes d'une demande tendant aux mêmes fins outre le paiement de diverses indemnités ;
Par jugement en date du 8 juillet 2015, le conseil de prud'hommes de Marseille jugeait l'action de [V] [O] 'irrecevable en principe d'unicité de l'instance aux termes de l'article R 1452-6 du code du travail, déboutait les parties de l'ensemble de leurs demandes et condamnait le demandeur aux dépens' ;
[V] [O] a relevé appel de la décision le 23 juillet 2015 indiquant dans son courrier recommandé qu'il n'avait plus d'avocat ;
Son conseil, Me TROJMAN interjetait pourtant appel en son nom le 14 août 2015 ;
A l'audience du 13 juin 2017, [V] [O], au terme de ses conclusions reprises et soutenues oralement, demande à la cour de :
Réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;
Et statuant à nouveau,
Dire et juger recevables et fondées les demandes de M. [O] ;
Dire et juger que la demande de réintégration actuelle trouve sa naissance postérieurement à l'arrêt du 30 septembre 2008 et n'est pas soumise au principe de l'unicité de l'instance ;
Enjoindre à la RTM de réintégrer M. [O] en ses services, suite au licenciement nul relevé par la Cour d'Appel d'Aix en Provence dans son arrêt du 3 novembre 2005, ce à compter du 1er novembre 2002;
Condamner la RTM à verser les sommes suivantes à M. [O] dans le cadre des effets de la nullité du licenciement :
- 161.098,45 euros bruts au titre des rappels de salaire pour la période du 14/06/2002 au 30/06/2009 ;
- 14.778,80 euros bruts au titre des congés payés pour la même période ;
- 17.275,58 euros au titre des primes du 13ème mois, primes de vacances, primes 1/10ème A ;
- 8.207,06 euros nets au titre des remboursements de la mutuelle pour la même période ;
Le tout avec intérêts légaux à compter de chaque échéance utile.
- 271.500,00 euros à titre de provision au titre des rappels des salaires, congés payés, prime de 13ème mois, primes de vacances et primes 1/10ème A, remboursements mutuelle pour la période courant du 1er juillet 2009 jusqu'à l'arrêt à intervenir ;
- 10.000,00 euros bruts à titre de provision sur les primes de dimanches et jours fériés obligatoires, primes de non-accident, primes de conduite et recette ;
- 9.000,00 euros à titre de provision pour les avantages Comité d'entreprise et carte de libre circulation ;
Condamner la RTM à régulariser les salaires concernant l'arrêt pour accident du travail pour la période du 14 juin 2002 au 03 février 2003 d'un montant de 13.857 euros et de 8774 euros au titre des intérêts légaux suite à l'arrêt rendu le 30 septembre 2008 par la Cour d'appel ;
Condamner la RTM à payer à M. [O] la somme de 11.000,00 € de dommages et intérêts pour résistance abusive pendant plus de 11 ans et demi et 11.000,00 € pour ses dépenses personnelles de trajets ;
Dire et juger l'omission de statuer et la demande de retranchement recevables et bien fondées en procédure de droit commun, sauf à rétablir s'il y a lieu le véritable exposé des prétentions respectives des parties ;
Dire et juger que le fait pour le salarié de demander la réintégration à son employeur constitue une atteinte à la dignité du salarié violant l'article 1er de la charte européenne des libertés fondamentales de l'union européenne ;
Ordonner la revalorisation et la reconstitution desdits salaires selon l'ancienneté depuis le 14 juin 2002 jusqu'à l'arrêt à intervenir ;
Enjoindre à la RTM de fournir à M. [O] ses fiches de paye sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et réserver le droit à M.[O] de ressaisir le conseil des prud'hommes en cas de manquement à la reconstitution des salaires et autres droits ;
Rejeter toutes les prétentions de la RTM ;
Condamner la RTM à payer M. [O] la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 CPC ;
Suivant ses conclusions déposées à l'audience et plaidées la RTM sollicite de la cour qu'elle :
Vu l'arrêt définitif rendu par la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence le 3 novembre 2005,
Vu les articles R 1452-6 du Code du Travail applicable au présent litige et 480 du Code de Procédure Civile,
Dise et juge que l'action initiée par Monsieur [O] contre la RTM est doublement irrecevable,
Déboute en conséquence Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes et le condamner reconventionnellement à verser à la RTM une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Laisse les dépens à la charge de la RTM.
MOTIFS
Attendu qu'au visa de l'article R 1452-6 du code du travail et de l'article 480 du code de procédure civile relatif à l'autorité de la chose jugée, la société RTM fait valoir que les demandes présentées par [V] [O] en réintégration et en rappel de salaires sont irrecevables pour n'avoir jamais été formulées ni devant le conseil de prud'hommes lors de sa saisine initiale, ni devant la cour d'appel et que l'arrêt rendu par celle-ci le 3 novembre 2005 est devenu définitif par suite de la non admission du pourvoi initié par [V] [O] ;
Attendu que [V] [O] objecte pour sa part que l'article R 1452-6 du code du travail n'a pas vocation à s'appliquer dans la mesure où il justifie avoir par courrier recommandé reçu le 7 septembre 2005, soit avant la clôture des débats intervenue à l'audience du 12 septembre 2005, adressé à la cour et à la RTM, une demande portant tant sur sa réintégration que sur les rappels de salaire ; qu'il précise qu'il a retrouvé ce courrier le 15 mai 2017 et fait état de la mauvaise foi de la RTM qui bien que connaissant son existence, n'en a pas fait état ;
qu'il estime qu'en conséquence, ses demandes à nouveau initiées en 2013, sont recevables, la cour d'appel ayant manifestement omis de statuer sur ces chefs de demandes ; qu'il fait valoir à cet égard que l'article 463 du code de procédure civile qui autorise ' la victime d'une omission de statuer à exercer une action de droit commun non soumise au délai d'un an est ouverte dans le cadre de l'unicité de l'instance applicable dans la présente instance' ; qu'enfin il soutient que la chose jugée ne peut lui être opposée puisque l'arrêt du 3 novembre 2005 ne s'est pas prononcé sur ces demandes ;
Attendu que [V] [O] communique à la procédure :
- un courrier en date du 3 septembre 2005 adressé au président de la cour d'appel le 5 septembre, reçu le 7 septembre 2005 au terme duquel il indique qu'il entend modifier ses demandes avant l'audience du 12 septembre, précisant que 'la demande concernant le premier contrat à durée déterminée est inchangé, que pour le 2ème contrat à durée déterminée, il demande la nullité de l'acte discriminatoire constitué par la lettre du 25 juillet 2002 avec les conséquences de droit qui en découle à savoir la réintégration et tout les salaires depuis le 1er novembre 2002' ;
- le même courrier en date du 5 septembre 2005 adressé à Maître FRUCTUS, conseil de la RTM, reçu le 6 septembre 2005
Attendu qu'il y a lieu de constater qu'à l'audience du 12 septembre 2005, [V] [O] était représenté par un avocat ;
Attendu qu'il convient de rappeler le principe de l'oralité de la procédure en matière prud'homale posé aux article R 1453-3 et R 1461-2 du code du travail ;
Attendu qu'il en résulte que la cour quelles que soient la nature et la portée des écrits reçus, avant l'audience, a été saisie uniquement des demandes soutenues oralement devant elle, à son audience du 12 septembre 2005; qu'il ressort de la lecture de l'arrêt qu'aucune ne porte sur une demande de réintégration et de rappel de salaires ;
Attendu que par suite la cour n'était nullement tenue de répondre aux demandes additionnelles formées par le courrier de [V] [O] du 5 septembre 2005 dès lors que son conseil ne les a pas reprises à l'audience du 12 septembre 2005 ;
Attendu que l'arrêt du 3 novembre 2005 a acquis force de chose jugée par l'effet de la non admission du pourvoi ;
Attendu que dès lors, [V] [O] ne pouvait initier une nouvelle instance le 14 novembre 2013, ayant le même objet et c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a fait application de l'article R 1452-6, le fondement des prétentions n'étant nullement né ou révélé postérieurement à l'arrêt de la cour d'appel en date du 3 novembre 2005 ; qu'il convient de confirmer dans son intégralité le jugement du 8 juillet 2015 ;
Attendu qu'il n'existe pas de motif justifiant qu'il soit fait droit à la demande de la RTM, en dommages-intérêts pour procédure abusive, en l'absence d'abus caractérisé ;
Attendu qu'en revanche, l'équité commande que sa demande en frais irrépétibles soit admise à hauteur de 500 € ; qu'il convient de débouter [V] [O] de sa demande sur le même fondement ;
Attendu que les dépens comme en première instance sont mis à la charge de [V] [O];
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme dans son intégralité le jugement de première instance ;
Par ajout,
Déboute la RÉGIE DES TRANSPORTS DE MARSEILLE de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive;
Condamne [V] [O] à lui payer la somme de 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Déboute [V] [O] de sa demande sur ce fondement ;
Condamne [V] [O] aux dépens .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT