COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 15 SEPTEMBRE 2017
N°2017/1470
Rôle N° 16/12825
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE
C/
[G] [U]
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée le :
à :
-CPCAM DES BOUCHES DU RHONE
- Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 07 Juin 2016,enregistré au répertoire général sous le
n° 21403065.
APPELANTE
CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Mme [O] [V] (Inspectrice du contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMEE
Madame [G] [U], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]
non comparante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gérard FORET-DODELIN, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2017
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2017
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Madame Nathalie ARNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon déclaration reçue au Greffe de la Cour le 4 juillet 2016, la Caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône a relevé appel des dispositions d'un jugement contradictoirement prononcé le 7 juin 2016 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône, qui a déclaré [G] [H] recevable en son recours en contestation de la décision de la Commission de recours amiable de la Caisse, et dit que l'accident survenu au temps et au lieu du travail de celle-ci le 18 septembre 2013 à 9heures30 est un accident du travail et doit être pris en charge par la Caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône avec toutes conséquences de droit.
En vue de l'audience devant la Cour, le représentant habilité de la Caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône a déposé des conclusions dont il a développé oralement le contenu lors de celle-ci, pour solliciter la confirmation de la décision de la Commission de recours amiable du 15 avril 2014 et le rejet des prétentions de [G] [H].
Le Conseil de [G] [H] a déposé des conclusions développées oralement, pour solliciter la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu le caractère professionnel de l'accident subi par elle, voir condamner la Caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement de voir dire qu'elle peut se prévaloir d'une décision implicite de reconnaissance de son accident du travail et voir condamner la Caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône au versement de la même somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
ET SUR CE :
Attendu qu'aux termes de la déclaration d'accident du travail établie le 19 septembre 2013 par son employeur, la Société CONFORTABLEMENT VOTRE, [G] [H] agent à domicile a été victime d'un accident au siège de l'entreprise, dès lors qu'elle s'est présentée pour sa reprise de travail le 18 septembre 2013 à 9 heures avec une visite médicale de reprise programmée pour le lendemain en l'état de son arrêt de travail précédent, qu'elle a contesté son planning qui avait dû changer suite à son absence et après discussion elle a déclaré s'être sentie mal, conduisant l'employeur à devoir faire intervenir les marins pompiers.
Que le CMI établi le jour même par le service des urgences des Hôpitaux de [Localité 1] fait état d'une « attaque de panique » ;
Que dans une déclaration complémentaire jointe à la déclaration de l'employeur, [G] [H] déclare « à la demande de la direction de l'association, je suis passée au bureau afin de récupérer mon nouveau planning et établir la mise en place d'un nouveau dossier. Sortant d'une dépression difficile et au vu de tous ces changements effectués sur mon planning, j'ai été submergée par l'émotion et prise de sensations d'étouffement puis je ne me souviens pas. Je me suis retrouvée à l'hôpital » ;
Que pour faire droit à la demande de [G] [H] en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident subi par elle le 18 septembre 2013, le Tribunal a considéré qu'il n'était pas soutenu que le malaise de [G] [H] ait été simulé et que l'incident de refus de mission constitue un évènement soudain en relation avec le malaise survenu sur le lieu et dans le temps du travail ;
Qu'au soutien de sa demande d'infirmation du jugement, la Caisse argue que les évènements décrits par [G] [H] ne revêtent aucun caractère violent et soudain et ne sauraient constituer un accident du travail ;
Que [G] [H] conclut à la confirmation en reprenant le détail de son argumentation développée par elle devant le Tribunal et subsidiairement à la reconnaissance implicite de l'accident du travail pour défaut de respect des délais d'instruction auxquels la Caisse était tenue ;
Que la Cour observe que quoique cette demande ait été présentée de manière subsidiaire par [G] [H], il convient nécessairement d'examiner ce chef de prétention en premier, dès lors que s'il est admis il rend sans objet l'examen au fond des circonstances de déroulement de l'accident litigieux ;
Sur la régularité de la procédure d'instruction conduite par la Caisse :
Attendu que [G] [H] fait grief à la Caisse de ne pas avoir respecté le délai de 30 jours qui lui était ouvert en suite de la déclaration de l'accident du travail et de la réception du CMI, pour ne l'avoir avisée de ce qu'elle recourait à un délai complémentaire que le 4 novembre 2013 soit après l'expiration du délai de 30 jours de l'article R.441-10 du Code de la sécurité sociale ;
Que la Caisse s'oppose à cette prétention ;
Attendu qu'il résulte des pièces produites que le 28 octobre 2013, la Caisse a notifié à [G] [H] qu'elle avait besoin d'un délai complémentaire pour instruire son dossier ;
Que la Caisse compute à bon droit le premier délai de 30 jours dont elle a fait usage sur le fait que ce n'est qu'à la date du 3 octobre 2013 qu'elle a reçu le dernier des deux éléments déclaratifs dont elle avait besoin pour commencer à instruire le dossier en l'espèce la déclaration d'accident du travail, le CMI lui étant parvenu le 25 septembre 2013 ;
Qu'il n'existe pas de raison objective de mettre en doute la réalité de cette dernière réception par la Caisse le 3 octobre 2013, [G] [H] n'étant pas en mesure de justifier aux débats qu'ils auraient été reçus antérieurement par la Caisse ;
Qu'il s'en déduit qu'en notifiant à [G] [H] la demande de recours à un délai supplémentaire le 28 octobre 2013, la Caisse a inscrit cet avis au sein du délai initial de trente jours dont elle bénéficiait ;
Que la demande de reconnaissance implicite de l'accident telle que sollicitée par [G] [H] est dès lors dénuée de pertinence et ne pourra qu'être rejetée ;
Sur la matérialité de l'accident intervenu le 18 septembre 2013 :
Attendu que la Caisse conteste que les évènements décrits par [G] [H] soient constitutifs d'un accident du travail ;
Que pour solliciter la confirmation du jugement, [G] [H] expose que son contrat de travail avait donné lieu à plusieurs avenants, qu'en septembre 2012 elle avait été élue en qualité de déléguée du personnel ce qui a conduit à voir empirer ses conditions de travail, qu'à la suite d'un premier syndrome anxio-dépressif résultant d'une dégradation massive de ses conditions de travail elle a été placée en arrêt de travail à compter du 1er juillet 2013 et que lors de sa reprise le 18 septembre, elle s'est vue imposer un nouveau dossier impliquant un nouveau planning qu'elle a refusé et qu'à la suite de cet agissement fautif de la part de sa direction elle a été victime d'un malaise ;
Attendu qu'il convient de rappeler que pour constituer un accident du travail, la victime doit démonter qu'elle a fait l'objet d'un évènement soudain et anormal sur le lieu et pendant le temps du travail ;
Qu'il résulte des circonstances de l'espèce que [G] [H] rentrait le jour des faits d'un précédent arrêt de travail qu'elle avait subi du chef de dépression, lequel par sa longueur avait nécessairement conduit l'employeur à devoir réaménager son service pour tenir compte des besoins des usagers, l'employeur étant une société d'aide à la personne ;
Qu'en tout état de cause elle n'établit pas que la modification apportée par son employeur à son planning habituel lui aurait fait perdre la possibilité de continuer d'aider sa mère dépendante ;
Que la Cour observe que l'ensemble des doléances de [G] [H] pour voir reconnaître qu'elle a été victime d'un accident du travail, se cristallise autour de ses conditions de travail dont elle considère qu'elle se sont dégradées, en ajoutant que son employeur a eu le jour des faits, un comportement fautif à son endroit, doléances qui sont nécessairement irrecevables devant la juridiction de sécurité sociale puisqu'elles ne portent que sur les conditions de déroulement du contrat de travail la liant à son employeur ;
Attendu que la convocation de [G] [H] par sa direction pour se voir remettre un nouveau planning s'est manifestement réalisée dans des conditions normales dès lors qu'aucun témoin ne fait état de manifestation violente ou excessive ;
Que la notification d'un nouveau planning ne saurait constituer intrinsèquement une manifestation violente de la part de l'employeur, dès lors que cette modification résultait de l'absence précédente de [G] [H] et a été réalisée selon le mode le plus normal de déroulement des relations de travail au sein d'une entreprise ;
Que l'intimée n'établit pas que le refus de mission qu'elle a cru devoir adopter soit la conséquence d'un comportement violent ou vexatoire ou inutilement humiliant de la part de son employeur ;
Qu'elle-même a déclaré que « sortant d'une dépression difficile et au vu de tous ses changements effectués sur mon planning, j'ai été submergée par l'émotion et prise d'étouffement' » ;
Que cet état pathologique antérieur est établi par le certificat établi par le Docteur [P] du 5 février 2014, selon lequel « cette patiente, victime d'un harcèlement au travail, a développé une dépression pour laquelle un traitement a été instauré depuis juillet 2013. Son état ne s'est pas amélioré et il est à prévoir une aggravation si elle se retrouvait de nouveau en conflit avec ses employeurs' » ;
Que le changement de planning d'un salarié est un évènement anodin dans la vie de celui-ci, sauf s'il présente un état pathologique antérieur qui vient amplifier les conséquences psychologiques de celui-ci ;
Qu'il est constant en l'espèce que l'attaque de panique dont elle a été victime relève d'une cause totalement étrangère au travail ;
Que le jugement sera infirmé et [G] [H] sera déboutée de ses prétentions ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant contradictoirement en matière de sécurité sociale, par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au second alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
Déclare la Caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône recevable en son appel,
La déclare fondée en sa demande,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Déboute [G] [H] de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident subi par elle le 18 septembre 2013,
Confirme la décision de la Commission de recours amiable du 15 avril 2014,
Et la présente décision a été signée par le Président et le Greffier.
Le Greffier,Le Président.