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07/09/2017 | FRANCE | N°16/00398

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre a, 07 septembre 2017, 16/00398


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 07 SEPTEMBRE 2017

sl

N°2017/622













Rôle N° 16/00398







[P] [Z]





C/



[M] [Q]

[Y] [Q]

[O] [D]

[D] [Y] ÉPOUSE [I] épouse [I]

[T] [J] [I]

[Q] [J]



[C] [Q] épouse [W]

[W] [Q]

[V] [Q]































Gros

se délivrée

le :

à :



Me Isabelle GUILLAUME



Me Françoise

MICHOTEY



Me Mathieu JACQUIER



Me Etienne DE VILLEPIN





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 08 Décembre 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 12/07609.





APPELANT



Madame [P] [Z]

d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 07 SEPTEMBRE 2017

sl

N°2017/622

Rôle N° 16/00398

[P] [Z]

C/

[M] [Q]

[Y] [Q]

[O] [D]

[D] [Y] ÉPOUSE [I] épouse [I]

[T] [J] [I]

[Q] [J]

[C] [Q] épouse [W]

[W] [Q]

[V] [Q]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Isabelle GUILLAUME

Me Françoise

MICHOTEY

Me Mathieu JACQUIER

Me Etienne DE VILLEPIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 08 Décembre 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 12/07609.

APPELANT

Madame [P] [Z]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Isabelle GUILLAUME de la SCP GUILLAUME-POUEY-SANCHOU ARNAULT, avocat au barreau de TOULON, plaidant

INTIMES

Monsieur [M] [Q], décédé, et de son vivant demeurant [Adresse 2]

Madame [Y] [Q]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Françoise MICHOTEY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Didier COLLIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [D] [Y] épouse [I]

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Françoise MICHOTEY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Didier COLLIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Monsieur [T] [J] [I]

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Françoise MICHOTEY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Didier COLLIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Monsieur [O] [D]

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Mathieu JACQUIER de la SCP SCP JACQUIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Monsieur [Q] [J]

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Adriana IVANOVA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIES INTERVENANTES

Madame [C] [Q] épouse [W]

ès qualités d'héritier de M.[M] [Q] (décédé)

conclusions d'intervention volontaire le 06.06.2016

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Françoise MICHOTEY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Didier COLLIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Monsieur [W] [Q]

ès qualités d'héritier de M.[M] [Q] (décédé)

conclusions d'intervention volontaire le 06.06.2016

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Françoise MICHOTEY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Didier COLLIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Monsieur [V] [Q]

ès qualités d'héritier de M.[M] [Q] (décédé)

conclusions d'intervention volontaire le 06.06.2016

demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Françoise MICHOTEY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Didier COLLIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et Madame Sophie LEONARDI, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Sophie LEONARDI, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Madame Sophie LEONARDI, Conseiller

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Septembre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Septembre 2017.

Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [P] [Z] épouse [S] possède depuis le 28 juin 1993 sur la commune du [Localité 1] les parcelles cadastrées section G n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] qui confrontent :

- le fonds cadastré même section n°[Cadastre 3] acheté par M. [Q] [J] le 28 juillet 2003;

- et le bien cadastré même section n°[Cadastre 4] acquis par M. [M] [Q] et son épouse Mme [Y] [Q] le 20 juillet 2004 et revendu le 11 septembre 2013 aux époux [I].

Suivant jugement rendu le 6 septembre 2005 par le tribunal d'instance de Draguignan confirmé en appel le 11 décembre 2007, Mme [S] a été déclarée irrecevable en son action possessoire tendant à voir faire cesser les troubles causés à la servitude de passage revendiquée par elle.

Par jugement rendu le 4 janvier 2011, ce tribunal a fixé les limites séparatives des fonds [Z]/[Q]/[J] et l'assiette de servitude dont bénéficie Mme [S] sur la base du rapport d'expertise judiciaire de M. [R] en date du 27 mai 2009.

Par actes des 26, 27 juillet 2012, 19 mars 2013 et 6 mars 2014, Mme [S] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Draguignan les époux [Q], M. [J], les époux [I] et M. [D] géomètre-expert en vue d'obtenir, sous le bénéfice l'exécution provisoire, la condamnation :

- des époux [Q] à respecter le bornage de la servitude et à remettre en état la servitude initiale sous astreinte de 100 € par jour de retard, d'une part en effectuant les travaux de remise en état nécessaires, d'autre part en détruisant tout obstacle ou végétation qui viendrait obstruer l'assiette de cette servitude ;

- de M. [J] à reconstruire la servitude de passage qu'il a détruite en respectant totalement l'assiette et en mettant en oeuvre du balastre et du tout venant sur l'assiette de cette dernière en s'assurant d'un écoulement normal des eaux pluviales, ceci sous astreinte de 100 € par jour de retard ;

- de M. [J] à contraindre sa locataire de cesser tous agissements nuisibles à la juste jouissance par la requérante de l'usage de la servitude et de son fonds, sous peine d'une amende civile de 100 € par infraction constatée ;

- de M. [J] à verser 150.000 € au titre d'un préjudice financier ;

- des époux [Q] à verser 10.000 € en réparation d'un préjudice de jouissance ;

- de M. [D] à garantir M. [J] et les époux [Q] des condamnations à intervenir, en ce qu'il est selon la demanderesse, à l'origine du litige ;

- des défendeurs in solidum à verser 30.000 € en réparation d'un préjudice moral et financier outre 5.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, et à assumer les dépens, en ce compris les frais de trois expertises de bornage et de constats.

Par jugement rendu le 8 décembre 2015, le tribunal a :

- déclaré Mme [S] irrecevable en ses demandes de dommages-intérêts à hauteur de 150.000 € contre M. [J] et en réparation d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral contre les époux [Q], pour autorité de la chose jugée ;

- déclaré Mme [S] irrecevable en sa demande de garantie contre M. [D], faute de qualité à agir ;

- rejeté le surplus des prétentions de la demanderesse faute de preuve ;

- rejeté les demandes reconventionnelles ;

- condamné Mme [S] à indemniser les défendeurs de leurs frais irrépétibles.

Mme [S] a régulièrement relevé appel, le 11 janvier 2016, de ce jugement en vue de sa réformation.

Dans ses conclusions déposées le 3 mai 2017 par le RPVA, elle demande à la cour de :

' Recevoir Madame [S] en son appel.

L'y declarant bien fondé.

Infirmer purement et simplement la décision déférée.

Statuant à nouveau,

Vu les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil.

Vu les dispositions de l'article 701 du code civil.

Vu les pièces versées aux débats.

Déclarer recevable l'action de Madame [S].

Sur les exceptions d'irrecevabilité

Dire et juger que s'agissant de l'autorité de la chose jugée, celle-ci ne peut être opposée en l'espèce dans la mesure où les faits tranchés par le tribunal d'instance de Draguignan par jugement du 4 janvier 2011, n'ont vocation à s'appliquer qu'aux demandes effectuées par Madame [S] pour la période antérieure à l'établissement des droits de celle-ci et notamment, à la validation de la servitude de passage bénéficiant à son fonds.

Dire et juger que l'autorité de la chose jugée n'a donc vocation à s'appliquer qu'à la

période antérieure au jugement rendu le 4 janvier 2011.

Dire et juger que s'agissant des demandes postérieures, celles-ci ne se heurtent à aucune autorité de la chose jugée et sont donc parfaitement recevables.

Réformer la décision entreprise sur ce point.

Dire et juger par ailleurs que les demandes formulées par Madame [S] ne visent pas à obtenir qu'il soit mis fin à un trouble possessoire, mais à assurer l'exercice par celle-ci de ses droits tels qu'ils résultent de la servitude de passage dont bénéficie son fonds.

Dire et juger en conséquence que l'action diligentée par Madame [S] résulte des droits réels immobiliers dont elle est propriétaire

Dire et juger en conséquence, que la prescription propre à l'action possessoire ne peut lui être opposée en l'espèce.

Débouter en conséquence Monsieur [J] de ses demandes de ce chef.

Sur le fond

Constater qu'il est établi, tant par les pièces versées aux débats que par les procédures initiées par Madame [S], que celle-ci détient une servitude de passage de 4 mètres

ou plus, au droit de la propriété de Monsieur et Madame [Q], et au droit de la propriété [J].

Constater que cette servitude de passage n'a été partiellement respectée, par Monsieur et Madame [Q] d'une part, Monsieur [J] d'autre part, qu'après que Madame [S] ait engagé, au fond, la présente procédure, puisque Monsieur [J] a

démoli le mur barrant cette servitude, postérieurement à l'exploit introductif d'instance, de même que Monsieur et Madame [Q] ont déplacé une partie de leur mur de clôture, également postérieurement à l'introduction de la présente procédure.

Constater par ailleurs que les pièces versées aux débats témoignent de ce que la servitude, aujourd'hui, n'est toujours pas pleinement respectée par Monsieur et Madame [Q], ou leurs auteurs, Monsieur et Madame [I], d'une part, Monsieur [J], d'autre part.

Constater qu'entre le moment où la servitude a été définitivement établie par le rapport

de Monsieur [R] et l'exploit introductif de la présente instance, le terrain de Madame [S] cadastré section AG [Cadastre 2] a été placé en zone inconstructible.

Constater qu'il en est résulté, bien sûr pour Madame [S], un préjudice financier évident résultant de la perte de chance de vendre un terrain constructible.

Constater que la perte de valeur de son terrain est établie par les documents versés aux

débats.

Dire et juger que cette perte de chance n'est que le résultat de la résistance abusive de Monsieur [J] à se conformer au bornage entériné par le tribunal d'instance le 4 Janvier 2011.

Constater que Monsieur [J] a opposé à Madame [S] une résistance

permanente alors même que la présente procédure établit la réalité des droits de Madame [S] et ce, notamment en refusant de consigner les honoraires de l'expert géomètre désigné par le tribunal d'instance de Draguignan en vue du bornage.

Constater que Monsieur [J] continue de ne pas respecter les droits de Madame [S] puisqu'il n'a pas remis en 'uvre la servitude telle qu'elle avait été initialement

créée aux frais de Madame [S].

Constater par ailleurs que Monsieur [J] ne se préoccupe pas des actes d'exactions

de ses locataires à l'encontre des plantations et autres installations de Madame [S].

Constater que la réalité des préjudices évoqués par Madame [S] est donc

apportée.

Concernant les époux [Q] aux droits desquels viennent les époux [I]

Constater que ceux-ci ne respectent toujours pas précisément l'assiette de la servitude puisque les pièces versées aux débats témoignent de débordements sur cette servitude d'une part de leur clôture, d'une part, et des végétaux plantés en limite même des servitudes d'autre part.

Constater que la preuve est rapportée de ce que les consorts [Q] n'ont pas hésité, pendant des années, à déverser de l'eau sur l'assiette de la servitude rendant celle-ci impraticable.

Constater que les époux [Q] sont donc à l'origine d'un certain nombre de

préjudices de jouissance de cette servitude causés à Madame [S].

Dire et juger que les défendeurs devront donc répondre des différents préjudices ainsi causés à Madame [S].

Recevoir Madame [S] en sa demande d'indemnisation laquelle se décline de la

façon suivante :

A l'égard de Monsieur [J]

Condamner Monsieur [J] à reconstruire la servitude de passage qu'il a détruite en

respectant totalement l'assiette de celle-ci et en mettant en 'uvre du ballastre et du tout-venant sur cette dernière, en s'assurant d'un écoulement normal des eaux pluviales, ceci, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter de la décision

à intervenir.

Condamner Monsieur [J] à contraindre sa locataire à cesser tous agissements nuisibles à la jouissance paisible par Madame [S] de son bien immobilier et de l'usage de cette servitude, ceci, sous peine d'une amende civile de 100,00 euros par infraction constatée.

Condamner Monsieur [J] à payer à Madame [S] la somme de 150.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier qu'elle a subi, du fait de la perte de chance de vendre un terrain constructible.

A l'égard des époux [Q]

Condamner les époux [Q], aux droits desquels viennent les époux [I], à respecter le bornage de la servitude et à remettre en état la servitude de passage initiale,ceci, sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.

Condamner Monsieur et Madame [Q] à payer à Madame [S] la somme de 10.000,00 euros, en réparation de son préjudice de jouissance, tel qu'il résulte de la perte de jouissance établie par la procédure présente et les procédures initiales.

Condamner Monsieur [D], solidairement avec Monsieur [J] et avec Monsieur et Madame [Q] aux condamnations ci-dessus énoncées, celui-ci étant à l'origine du différend ayant opposé les parties.

Condamner in solidum Monsieur et Madame [Q], Monsieur [J] et Monsieur [D] à payer à Madame [S] la somme de 30.000,00 euros en réparation de son préjudice moral et de son préjudice matériel, tel qu'il résulte de la perte de temps occasionnée par les différentes procédures engagées, outre 5.000,00 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du cpc.

Condamner solidairement Monsieur et Madame [Q], Monsieur [J] et Monsieur [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les trois expertises de bornages et constats, distraits au profit de la Scp Guillaume Arnaultt, avocats aux offres de droit.'

M. [J] sollicite de voir, suivant conclusions déposées par le RPVA le 3août 2016 :

Vu les articles 1382 du code civil, 122, 123, 480, 700, 1264, 1265 et 1266 du code de procédure civile,

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de Mme [S] relatives aux préjudices financiers, de jouissance et moral,

- l'infirmer en ce qu'il a déclaré recevables le surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau,

- déclarer Mme [S] irrecevable en l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement,

- débouter Mme [S] des fins de son appel,

A titre infiniment subsidiaire,

- condamner M. [D] à garantir M. [J] de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

En tout état de cause,

- recevoir M. [J] en son appel incident,

- condamner Mme [S] à payer 5000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral outre la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles.

Mme [C] [Q] épouse [W], M. [W] [Q], M. [V] [Q] tous trois ès qualités d'héritiers de M. [M] [Q] décédé le [Date décès 1] 2015, Mme [Y] [Q], et les époux [I] ont déposé par le RPVA des conclusions aux termes desquelles ils demandent que :

- il soit donné acte de l'intervention volontaire des trois premiers ;

- l'appel soit déclaré recevable mais non fondé ;

- le jugement rendu le 8 décembre 2015 soit intégralement confirmé ;

- Mme [S] soit condamnée au paiement de la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [D], dans ses écritures déposées le 27 septembre 2016, conclut :

Vu les articles 1382 et 1356 ancien du du code civil,

- à la confirmation du jugement entrepris ;

- au débouté de toutes demandes dirigées à son encontre ;

- à la condamnation de Mme [S] à lui régler la somme de 3000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 9 mai 2017.

MOTIFS de LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de Mme [S]

M. [J] soulève, sur le fondement de l'article 1264 du code de procédure civile, l'irrecevabilité de l'action de Mme [S] dont il prétend qu'elle est possessoire et tardive comme intentée plus d'un an après le trouble litigieux qui a commencé en 2003.

Mme [S] fonde cependant expressément ses demandes sur l'article 701 du Code civil aux fins de voir rétablir la servitude de passage dont son fonds bénéficie de sorte qu'elle agit bien au pétitoire et non au possessoire ainsi que sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil en indemnisation de ses préjudices.

Aucune irrecevabilité n'est donc encourue au visa de l'article 1264 du code de procédure civile pas plus par conséquent que sur le fondement de l'article 1265 dudit code relatif au non cumul du pétitoire et du possessoire.

M. [J] soulève en deuxième lieu fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée.

S'agissant du jugement du tribunal d'instance de Draguignan rendu le 6 septembre 2005 confirmé en appel le 11 décembre 2007, l'action possessoire de Mme [S] a été déclarée irrecevable comme tardive de sorte qu'il ne saurait en aucun cas y avoir autorité de chose jugée au regard dela présente action pétitoire.

Dans son jugement rendu le 4 janvier 2011, ce même tribunal :

- a rejeté la demande de démolition des constructions faisant obstacle à la servitude de passage dont bénéficie Mme [S] comme ne relevant plus de sa compétence et a invité les parties à mieux se pourvoir de ce chef ;

- a rejeté les demandes indemnitaires de Mme [S] pour perte de chance de vendre la parcelle [Cadastre 2] constructible et réparation de ses troubles de jouissance dans la mesure où l'étendue de ses droits n'a pu être fixée que dans le cadre de cette procédure.

C'est donc à tort que M [J] invoque la chose jugée concernant les demandes de Mme [S] tendant à voir sanctionner toute atteinte à l'exercice de la servitude de passage dont l'assiette a été délimitée à compter du jugement rendu le 4 janvier 2011, ainsi que les demandes de dommages-intérêts dés lors qu'il est sollicité la réparation de préjudices survenus postérieurement à cette date et notamment la perte de chance de vendre la parcelle [Cadastre 2] désormais devenue inconstructible.

Sur les demandes dirigées contre M. [J]

Il n'est plus discuté que les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2] de Mme [S] bénéficient d'une servitude conventionnelle de passage de 4 mètres de large créée le 28 juin 1993 sur les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 3] appartenant respectivement aux consorts [Q] aux droits desquels viennent les époux [I] et à M. [J], dont l'assiette est constituée par la ligne 1-2-3-4-5-6-7-8-9-A-B-10C'-C-C-1 figurant au plan annexe 15 de l'expertise faite par M. [R] et homologuée par le tribunal d'instance de Draguignan dans son jugement du 4 janvier 2011.

Il est constant le mur de clôture du terrain appartenant à M. [J] barrait le chemin objet du litige empêchant l'accès à la parcelle [Cadastre 2].

Celui-ci a procédé à la démolition du mur courant 2013.

Mme [S] fait valoir néanmoins et en premier lieu que :

- l'assiette de la servitude n'est pas totalement respectée du fait de la présence du compteur d'eau de M. [J] ainsi que de sa fosse septique ;

- les lieux n'ont pas été remis dans leur état initial ;

- en particulier, du fait des travaux effectués par M. [J], l'assiette de la servitude se trouve décaissée et inondée.

Les pièces produites par elle, à savoir les photographies, les constats d'huissier et les témoignages ne permettent toutefois, pas en l'absence de constatations faites par des techniciens ni de déterminer l'origine des désordres ni de vérifier la réalité des prétendus empiètements.

Elles ne suffisent pas non plus à justifier de l'état originaire du chemin.

Mme [S] doit être déboutée de sa demande tendant à voir condamner M. [J] à remettre les lieux en leur état antérieur.

Mme [S] soutient en deuxième lieu être victime de divers actes d'exaction de la part de M. [J] ou sa locataire occupant la parcelle [Cadastre 3] : véhiculés garés sur le passage, plantations dégradées, actes d'intimidation...

Les constats d'huissier et photographies qu'elle produit ne permettent pas d'imputer la responsabilité des faits allégués à M. [J].

En revanche, et en application de l'article 701 du code civil, il est légitime de faire interdiction à celui-ci ou tous occupants de son chef d'encombrer l'assiette de servitude, notamment en stationnant des véhicules ou en déposant des végétaux, et ce à peine d'astreinte de 500 € par infraction constatée.

Mme [S] argue en troisième lieu avoir subi un préjudice financier en ce que :

- elle a construit sa maison sur la parcelle [Cadastre 1] et la servitude de passage avait été convenue pour permettre aussi un accès à sa parcelle contiguë [Cadastre 2] en vue d'une revente;

- le nouveau PLU du [Localité 1] en Provence établi le 8 mai 2013 a placé la parcelle [Cadastre 2] en zone naturelle inconstructible ;

- ainsi la démolition tardive du mur par M.[J] alors que le rapport de M. [R] remonte au 27 mai 2009 l'a privée d'une chance de vendre un terrain constructible.

M. [J] prétend que cette parcelle [Cadastre 2] était inconstructible car d'une superficie cadastrale de 1185 m2 pour une constructibilité de 1200 m2 minimum.

Or, sa superficie réelle est de 1213m2 de sorte que cet argument ne peut être utilement retenu.

En revanche, Mme [S] ne justifie pas des demandes d'acquisition alléguées par elle ni ne prouve que les candidats acquéreurs aient été découragés par l'obstruction du chemin du fait du mur, à l'exception d'un unique témoignage de Mme [N].

En outre, il convient de relever, comme l'indique M. [J] sans être contredit, que la configuration des lieux permet un accès à la parcelle [Cadastre 2] par l'autre parcelle n°[Cadastre 1] restant appartenir à Mme [S].

Celle-ci doit donc être déboutée de sa demande de réparation d'un préjudice financier à hauteur de 150000 €.

Sur les demandes dirigées contre les époux [Q]

Il est établi, suivant constat d'huissier dressé le 19 septembre 2012, que M. [M] [Q] et son épouse ont procédé à la démolition du mur qui longeait la servitude litigieuse et empiétait sur son assiette.

Comme dit plus haut, les pièces produites par Mme [S], en l'absence de constatations de techniciens ne permettent pas de justifier des reproches que Mme [S] continue de formuler à l'encontre des consorts [Q] qui pour leur part fournissent un constat d'huissier du 22 janvier 2013 venant contredire les allégations de l'appelante.

Ses demandes aux fins de remise en état et réparation d'un préjudice de jouissance dont la réalité n'est pas établie seront donc rejetées.

Sur les demandes dirigées contre M. [D]

Il ressort du dossier que M. [D] est intervenu en 2003 à l'occasion de la division de la parcelle [Cadastre 5] en deux parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 3] ensuite vendues aux intimés.

Il n'a donc pas pas été chargé d'un bornage contrairement à ce que mentionne la décision de l'ordre des géomètres-experts en date du 8 janvier 2013et le plan de division dressé par lui mentionne expressément que les servitudes figurées le sont à titre indicatif et que seules celles définies sur un ou des actes notariés ont une existence réelle.

Dés lors, Mme [S] ne peut valablement arguer que M. [D] est à l'origine du conflit opposant les parties en ce qu'il ne l'a pas convoquée à ses opérations, n'a pas mentionné correctement la servitude objet du litige sur son plan du 29 avril 2003 et n'a pas ultérieurement tenté de trouver une solution amiable.

Au surplus, il n'est pas établi de lien de causalité entre l'erreur de tracé de la servitude commise par M. [D] et les préjudices allégués dés lors que c'est l'inertie des intimés auteurs des empiètements qui a conduit à l'introduction de la présente instance et qu'ils n'y ont mis fin qu'après plusieurs années de procédure.

Toutes demandes dirigées contre M. [D] ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur la réparation des préjudices subis pour perte de temps

L'expert [R] a déposé son rapport le 27 mai 2009 contenant les limites de l'assiette de servitude, le jugement entérinant ces limites a été rendu le 4 janvier 2011.

Or, les époux [Q] et M. [J] bien que n'ayant pas interjeté appel de cette décision n'ont respectivement démoli leur mur empiétant sur l'assiette de servitude qu'en 2012 et 2013 après assignation délivrée par Mme [S].

Leur inertie est fautive et Mme [S] a ainsi du attendre plusieurs années pour obtenir le respect de ses droits.

Il doit lui être alloué la somme de 5000 € en réparation des préjudices subis pour la perte de temps occasionnée.

Les consorts [Q] et M. [J] seront donc condamnés in solidum au paiement de ladite somme.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par M. [J]

M. [J] succombant ne saurait arguer d'un préjudice moral et sa demande de dommages-intérêts ne peut donc être accueillie.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution du litige donnée en appel, M. [J] et les consorts [Q], parties succombantes, doivent être condamnés aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Mme [S] la somme de 3500 € au titre des frais non taxables que celle-ci a du exposer ( y compris les frais de constats), sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sans que la cour puisse revenir sur les dépens des précédentes instances et sans qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de ce texte au profit de M. [D].

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme en toutes ses dipositions le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 8 décembre 2015,

Statuant à nouveau,

Déclare Mme [P] [Z] épouse [S] recevable en ses demandes,

Fais interdiction à M. [Q] [J] ou tous occupants de son chef d'encombrer l'assiette de la servitude de passage bénéficiant aux parcelles section G [Cadastre 1] et [Cadastre 2] notamment en stationnant des véhicules ou en déposant des végétaux, et ce à peine d'astreinte de 500€ par infraction constatée,

Rejette les demandes tendant à la condamnation de M. [Q] [J] à reconstruire la servitude et à payer 150000 € de dommages-intérêts pour perte de chance de vendre un terrain constructible,

Déboute Mme [P] [Z] épouse [S] de ses demandes tendant à voir condamner les consorts [Q] à remettre les lieux en l'état et à respecter le bornage de la servitude ainsi qu'à payer la somme de 10000 € pour préjudice de jouissance,

Condamne in solidum M. [Q] [J], Mme [C] [Q] épouse [W], M. [W] [Q], M. [V] [Q] et Mme [Y] [Q] à payer à Mme [S] la somme de 5000 € de dommages-intérêts pour perte de temps,

Rejette les demandes dirigées contre M. [O] [D],

Rejette la demande de dommages-intérêts formée par M. [Q] [J],

Condamne in solidum M. [Q] [J], Mme [C] [Q] épouse [W], M. [W] [Q], M. [V] [Q] et Mme [Y] [Q], aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à Mme [P] [Z] [S] la somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/00398
Date de la décision : 07/09/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°16/00398 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-07;16.00398 ?
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