COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 25 AOUT 2017
N°2017/1238
Rôle N° 16/13324
URSSAF PROVENCE ALPES COTE-D'AZUR
C/
SAS L'EUROPEENNE D'EMBOUTEILLAGE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée
le :
à :
- URSSAF PROVENCE ALPES COTE-D'AZUR
- Me Elise BOUSTIERE, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du VAR en date du 27 Mai 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 21400617.
APPELANTE
URSSAF PROVENCE ALPES COTE-D'AZUR, demeurant [Adresse 1]
représenté par Mme [U] [Q] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMEE
SAS L'EUROPEENNE D'EMBOUTEILLAGE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Elise BOUSTIERE, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]
non comparante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Août 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Août 2017
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*-*-*
EXPOSE DU LITIGE
L'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur a procédé à un contrôle de la S.A.S. EUROPEENNE D'EMBOUTEILLAGE relativement à son agence de [Localité 1] sur les années 2010, 2011 et 2012. A l'issue du contrôle, l'Union a opéré un redressement sur trois chefs puis a mis en demeure la société de lui payer la somme de 265.568 euros au titre des cotisations et des majorations de retard.
Après rejet de sa contestation par la commission de recours amiable, la S.A.S. EUROPEENNE D'EMBOUTEILLAGE a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var. Elle a contesté les redressements portant sur l'indemnité transactionnelle et l'intéressement.
Par jugement du 27 mai 2016 référencé sous le numéro 21400617, le tribunal des affaires de sécurité sociale a :
- annulé le redressement afférent à l'accord de participation,
- confirmé le redressement afférent à la transaction conclue avec [A] [H],
- condamné la S.A.S. EUROPEENNE D'EMBOUTEILLAGE à payer à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 4.155 euros ainsi que les majorations de retard qui seront recalculées par l'Union,
- dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles.
Le jugement a été notifié le 6 juin 2016 à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur qui a interjeté appel le 6 juillet 2016. L'Union a précisé qu'elle formait un appel total portant sur toutes les dispositions du jugement.
L'affaire a été fixée à l'audience du 16 mars 2017 et a été renvoyée contradictoirement à la demande des parties à l'audience du 14 juin 2017.
Par conclusions visées au greffe le 14 juin 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur :
- s'agissant du redressement afférent à la transaction conclue avec monsieur [H] :
* soutient que la somme versée en vertu d'une transaction doit être analysée et qu'en l'espèce, la part de l'indemnité transactionnelle correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis doit être soumise à cotisations,
* est au maintien du redressement,
- s'agissant du redressement afférent à l'intéressement :
* précise que la direction du travail opère une vérification purement administrative de l'accord d'intéressement et qu'elle est en droit de vérifier la notion de critère,
* critique le critère de l'efficacité financière des lignes de production et estime que la formule retenue par l'employeur n'est pas aléatoire s'agissant de l'année 2010,
* observe que les efficacités financières n'ont pas été déposées à la direction du travail,
* exclut tout caractère aléatoire de l'intéressement lorsque le versement des prime traduit la simple activité de l'entreprise et non la contribution des salariés aux performances de l'entreprise,
* dénie tout accord tacite né d'un précédent contrôle et souligne que le contrat d'intéressement en litige est différent de celui existant lors du précédent contrôle,
* est au maintien du redressement,
- s'agissant des sommes dues :
* demande la condamnation de la société à lui verser la somme de 204.171 euros,
- s'agissant des frais irrépétibles :
* sollicite la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées au greffe le 14 juin 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. EUROPEENNE D'EMBOUTEILLAGE qui interjette appel incident :
- s'agissant du redressement afférent à la transaction conclue avec monsieur [H] :
* objecte qu'elle n'a pas renoncé à asseoir le licenciement sur une faute grave et qu'ainsi, l'indemnité transactionnelle n'englobait pas l'indemnité compensatrice de préavis,
* est à l'annulation du redressement,
- s'agissant du redressement afférent à l'intéressement :
* expose que l'intéressement résulte d'un accord et dépend de trois critères, que le critère de l'efficacité est aléatoire et objectif et que l'accord a été validé par la direction du travail et transmis à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales,
* oppose l'existence d'un accord tacite de l'Union s'agissant du critère de l'efficacité lequel est strictement identique à celui issu de l'accord d'intéressement précédent et qui a donné lieu à un contrôle en 2008,
* allègue une erreur de calcul de l'Union,
* est à l'annulation du redressement,
- s'agissant des frais irrépétibles :
* sollicite pour l'ensemble des dossiers concernant ses quatre établissements la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le redressement afférent à la transaction conclue avec [A] [H] :
La société a licencié [A] [H] pour faute grave le 28 octobre 2011. Les parties ont conclu une transaction le 2 novembre 2011 et la société a payé à [A] [H] une indemnité de 16.980 euros.
L'Union a réintégré dans l'assiette des cotisations la somme brute de 7.911 euros correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis. La société ne verse ni la lettre de licenciement ni la transaction.
Le licenciement pour faute grave est privatif de toute indemnité dont l'indemnité compensatrice de préavis. En l'absence de tout élément, le règlement par la société d'une indemnité implique qu'elle a admis que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave. Le licenciement pour faute simple maintient l'indemnité compensatrice de préavis. Dans ces conditions, l'indemnité transactionnelle englobait nécessairement l'indemnité compensatrice de préavis.
En conséquence, le redressement afférent à la transaction conclue avec [A] [H] doit être validé et la S.A.S. EUROPEENNE D'EMBOUTEILLAGE doit être condamnée à payer à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 4.155 euros ainsi que les majorations de retard qui seront recalculées par l'Union.
Le jugement entrepris doit être confirmé.
Sur le redressement afférent à l'intéressement des salariés :
Est en cause l'intéressement versé en vertu d'un accord du 7 août 2009. Il retient un mode de calcul lié aux performances et trois critères, le taux de fréquence des accidents du travail avec arrêt, l'efficacité financière des lignes de production et l'absentéisme.
Dans la lettre d'observations, l'inspecteur du recouvrement explique que la vérification des critères retenus, des formules de calculs et du calcul des primes d'intéressement montre que l'accord d'intéressement aux progrès des performances mis en place ne permet pas d'appréhender l'amélioration des performances. Il relève également que l'accord prévoit des avenants annuels afin de renégocier les critères choisis et que l'avenant du 28 mai 2010 ne fait pas suite à des négociations tandis que les autres avenants n'ont pas été déposés.
En réponse aux observations de la société, l'Union a accepté l'exonération des cotisations sociales sur les primes d'intéressement calculées sur les points acquis par les salariés en vertu des critères taux de fréquence des accidents du travail avec arrêt et absentéisme. Elle a maintenu le redressement sur les primes d'intéressement calculées sur les points acquis par les salariés en vertu du critère efficacité financière des lignes de production. Elle a, en effet, écarté le caractère aléatoire de la formule de calcul au motif que, s'agissant de l'année 2009, la société a retenu l'efficacité financière budgétisée alors qu'elle avait, à la date de l'accord, une idée précise de l'état d'avancement de l'efficacité financière réelle et qu'ainsi le seuil de déclenchement de l'intéressement a procédé du pouvoir discrétionnaire de l'employeur. L'Union a considéré que les efficacités financières réelles retenues pour l'exercice 2011 n'ont pas fait l'objet d'un dépôt à la direction du travail. L'Union a estimé que la société avait modifié des lignes de production et que ces modifications rendaient certaines la réalisation des objectifs.
Au soutien du redressement, l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur avance plusieurs arguments : la formule de calcul utilisée exclut tout aléa, l'avenant de 2010 n'a pas été négocié, un avenant pour l'exercice 2011 n'a pas été déposé auprès de la direction du travail, l'employeur a apporté des modifications parfois importantes aux lignes de production. Il convient d'analyser successivement ces arguments.
S'agissant de la formule de calcul :
L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dispose en son dernier alinéa : « L'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme ».
L'accord du 7 août 2009 stipule en ce qui concerne le critère efficacité des lignes : « calculé comme la moyenne des efficacités financières de l'ensemble des lignes rapportées aux efficacités financières budget et pondérée selon le nombre de cols produits. Les efficacités financières budget retenues pour l'exercice 2009 figurent en annexe. L'objectif médian à atteindre est de 98,75 % ».
La société avait conclu un précédent accord d'intéressement le 29 juin 2006. Cet accord stipulait en ce qui concerne le critère efficacité des lignes : « calculé comme la moyenne des efficacités financières de l'ensemble des lignes rapportées aux efficacités financières budget et pondérée selon le nombre d'heures de fonctionnement de chaque ligne. Les efficacités financières budget retenues pour l'année 2006 figurent en annexe. L'objectif médian à atteindre est de 100 % ».
Lors d'un contrôle opéré sur les années 2005, 2006 et 2007, l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur avait pris connaissance de l'accord d'intéressement du 29 juin 2006 et n'avait formulé aucune observation. Ces faits ne sont pas discutés et sont confirmés par la lettre d'observations du 27 octobre 2008.
Ainsi, la formule de calcul adoptée en 2006 a été reprise en 2009, l'Union a eu connaissance de la formule de calcul de 2006 lors de son précédent contrôle et l'Union n'a pas formulé d'observations sur cette formule.
Dans ces conditions, la société est en droit de se prévaloir d'un accord tacite de l'Union lequel interdit tout redressement motivé par l'absence de caractère aléatoire de la formule de calcul.
S'agissant des avenants à l'accord :
L'accord du 7 août 2009 ouvrait une faculté de dénonciation et de révision et prévoyait une renégociation annuelle des critères actée par avenant.
Un avenant a été conclu le 28 mai 2010. Il a été négocié lors de la réunion extraordinaire du comité central d'entreprise qui s'est tenue le 13 avril 2010. Il a couvert les exercices 2010 et 2011. Il a stipulé que l'indicateur des efficacités sera le réel de l'année précédente et non le budget de l'année en cours. Enfin, il a été déposé à la direction du travail le 17 juin 2010.
Il s'évince de ces éléments la parfaite régularité de l'avenant du 28 mai 2010. Les parties à l'accord et à l'avenant pouvaient choisir de regrouper dans cet avenant les deux exercices 2010 et 2011 et de ne pas entrer en voie de nouvelles négociations pour l'exercice 2011.
Ainsi, ce moyen ne peut légitimer le redressement.
S'agissant de la modification des lignes de production en vue d'une augmentation de leur rentabilité :
L'inspecteur du recouvrement écrit dans la lettre d'observations : «Par ailleurs, l'employeur n'a apporté aucune information si des gros investissements en matériel ont été réalisés sur les lignes de production venant modifier de manières importantes les résultats». D'une part, l'inspecteur du recouvrement ne prouve pas qu'il a interrogé la société, et d'autre part, l'inspecteur du recouvrement était parfaitement à même d'avoir la réponse à sa question dans la mesure où la lettre d'observations démontre qu'il a consulté les bilans, les comptes de résultats, le grand livre et le rapport du commissaire aux comptes.
Ainsi, cet argument ne peut légitimer le redressement.
En conséquence, le redressement portant sur les primes d'intéressement versées aux salariés doit être annulé.
Le jugement entrepris doit être confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les droits de procédure :
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de débouter les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur, appelante succombant, doit être dispensée du paiement du droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dispense l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur, appelante succombant, du paiement du droit prévu à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.
LE GREFFIERLE PRESIDENT