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07/07/2017 | FRANCE | N°15/13637

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 07 juillet 2017, 15/13637


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 07 JUILLET 2017



N°2017/535



Rôle N° 15/13637







[G] [U]





C/



SA SOULEIADO

















Grosse délivrée le :



à :





Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON



Me Renaud DAT, avocat au barreau de TARASCON















Copie certifiée conforme d

élivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES - section C - en date du 02 Juillet 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/370.





APPELANTE



Madame [G] [U], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Franç...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 07 JUILLET 2017

N°2017/535

Rôle N° 15/13637

[G] [U]

C/

SA SOULEIADO

Grosse délivrée le :

à :

Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

Me Renaud DAT, avocat au barreau de TARASCON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES - section C - en date du 02 Juillet 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/370.

APPELANTE

Madame [G] [U], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

INTIMÉE

SA SOULEIADO, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Renaud DAT, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2017, délibéré prorogé au 7 Juillet 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2017

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président, et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

[G] [U] a été engagée par la SA SOULEIADO suivant contrat à durée indéterminée en date du 26 décembre 2011 en qualité de vendeuse ;

La convention collective applicable aux relations contractuelles est celle des maisons à succursales de vente au détail de l'habillement ;

Le 5 février 2014, elle a fait l'objet d'un avertissement ;

Elle a saisi le 30 septembre 2014 le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire, de nullité d'avertissement et de paiement d'heures supplémentaires outre de divers dommages-intérêts ;

[G] [U] a été licenciée le 6 janvier 2015 pour inaptitude ;

Par jugement en date du 2 juillet 2015, le conseil de prud'hommes d'Arles a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes ;

Celle-ci a relevé appel de la décision le 16 juillet 2015 ;

Suivant conclusions déposées à l'audience du 2 mai 2017, oralement soutenues, [G] [U] demande à la cour de :

- Réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Vu les dispositions des L3171-4 du Code du travail ;

- condamner la SA SOULEIADO au paiement de la somme de 2.661, 85 € à titre de rappel d'heures supplémentaires outre la somme de 266,19 € à titre d'incidence congés payés.

- condamner la SA SOULEIADO au paiement de la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la concluante du fait de l'exécution déloyale par l'employeur du contrat de travail, par application de l'article L1222-1 du Code du travail.

Vu les dispositions de l'article L1333-1 et L1333-2 du code du travail ;

Vu les dispositions des articles L1153-3, L1152-2 et L1232-1 du Code du travail ;

- prononcer la nullité de l'avertissement du 5 février 2014.

- En conséquence, condamner la SA SOULEIADO au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi.

Sur la rupture du contrat de travail :

Au principal :

Vu les dispositions de l'article 1184 du Code civil ;

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [G] [U] aux torts de l'employeur.

- En conséquence, condamner la SA SOULEIADO au paiement des sommes suivantes :

- 3.600 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, représentant deux mois de salaire ;

- 360 € à titre d'incidence congés payés ;

- 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

Subsidiairement :

Vu les dispositions de l'article L1226-2 du Code du travail ;

- dire et juger que le licenciement de Madame [U] ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse.

- En conséquence, condamner la SA SOULEIADO au paiement des sommes suivantes :

- 3.600 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, représentant deux mois de salaire ;

- 360 € à titre d'incidence congés payés ;

- 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

En tout état de cause :

- ordonner la remise d'un certificat de travail et d'une attestation POLE EMPLOI, conformes aux prescriptions de la décision à intervenir, sous

astreinte de 100 € par jour de retard à compter de sa notification.

- condamner la SA SOULEIADO au paiement de la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC

- condamner la SA SOULEIADO aux entiers dépens.

Suivant conclusions déposées et plaidées, la SA SOULEIADO sollicite de la cour qu'elle :

- dise et juge que Madame [U] se contentant de produire des attestations non circonstanciées faites pour Madame [O] et ne produisant aucune pièce susceptible d'étayer les horaires de travail q'elle invoque, elle ne peut donc pas obtenir le paiement d'un rappel d'heures supplémentaires,

- dise et juge que les accusations de Madame [U] revêtant un caractère mensonger caractérisant ainsi la mauvaise foi de l'intéressé, l'avertissement est justifié

- dis et juge que Madame [U] n'établit aucun fait qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement

- dise et juge que les manquements qu'elle invoque ne sont pas établis et que remontant à plusieurs mois ils n'ont pas fait obstacle à l'exécution du contrat,

- dise et juge que les faits dénoncés, à les supposer établis, n'ont pas fait obstacle à la poursuite du contrat de travail qui avait été rompu avant que les premiers jugent ne statuent,

- qu'ainsi elle devait être déboutée de sa demande de résiliation judiciaire

- dise et juge que des recherches sérieuses de reclassement ont été effectuées,

- confirme dans l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'ARLES en date du 2 juillet 2015

- déboute Madame [U] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamne Madame [U] au versement d'une somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

A/ sur les heures supplémentaires

Attendu qu'aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Attendu que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucun des parties, et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Attendu que [G] [U] qui réclame à ce titre la somme de 2661,85 € outre les congés payés afférents communique au débat :

- des attestations de commerçants voisins ou d'anciens salariés indiquant que la salariée était à la boutique vers 9h30

- l'historique des heures de désactivation et d'activation de l'alarme pour la période du 7 septmbre 2013 au 6 décembre 2013 montrant que celle-ci était désactivée autour de 9h30, quelques minutes auparavant ou après ;

- un mail de la responsable du magasin indiquant le 12 novembre 2013 que l'ouverture du magasin est de 10 h à 19 h, arrivée du personnel vers 9 h 30 et départ vers 19 h 30 ;

- un tableau récapitulatif établi par la salariée à partir du 26 décembre 2011, jour par jour, jusqu'au 31 décembre 2013 aboutissant à un total de 224,25 heures supplémentaires correspondant à la somme de 2661,25 €

Attendu que la salariée communique ainsi des éléments de nature à étayer sa demande et pouvant être discutés par l'employeur ;

Attendu que ce dernier fait valoir :

- que les attestations produites sont de complaisance ou trop imprécises pour être prises en considération

- que l'historique du système d'alarme n'établit pas la présence de la salariée

- que le courriel de la responsable du magasin ne prouve rien étant donné que les demandes de la salariée sont pour 96 % antérieures à la date d'envoi de ce mail

- que le tableau produit par la salariée n'est corroboré par aucun élément extérieur et à l'évidence a été établi le même jour pour les besoins de la cause compte-tenu de la souplesse de l'écriture et l'utilisation du même stylo ;

Attendu que la société SOULEIADO communique pour sa part les plannings qui servent à l'établissement des bulletins de salaire intégralement signés par la salariée, qui ne mentionnent aucune prise de poste antérieure à 10 h, le moindre dépassement d'horaire y étant mentionné, la salariée bénéficiant dans ces conditions d'heures de récupération conformément à l'accord du 7 novembre 2011 conclu avec le délégué du personnel relatif aux horaires individualisés dans la société ;

Attendu que deux des témoignages produits par la salariée émanent de personnes certifiant l'avoir rencontrée vers 9h 10 ou 9H 20 ' qui allait faire l'ouverture du magasin à 9 h30 '

Attendu que sont également communiquées les attestations de deux anciens salariés ayant travaillé avant et pendant l'emploi de l'appelante, certifiant que la directrice de la boutique faisait venir les employés une demi-heure plus tôt pour faire le nettoyage du magasin ;

Attendu que les horaires de désactivation de l'alarme établissent qu'une personne dont l'identité n'est pas définie se trouvait bien tous les jours au magasin vers 9 h 30 et parfois avant ce qui corrobore les attestations et le mail de la directrice indiquant que l'alarme est désactivée vers 9 h 30 ;

Attendu que l'accord relatif aux horaires individualisés démontre que l'horaire habituel de travail était de 10 h à 19 h ou 10h 30- 19h30 ou 10 h 18 h ou 11h-19 h ; qu'il existait également des plages horaires mobiles selon lesquelles l'arrivée du matin s'effectuait entre 9h30 et 11 h ;

Attendu que les plannings remis par l'employeur entre le 9 janvier 2012 et le 20 avril 2013, signés par [G] [U] révèlent que les horaires matinaux de la salariée étaient fixés entre 10 h, 10 h30, 11 h, 13 h sur toute la période de travail ; qu'il en était de même pour les autres salariées aucune d'entre elles n'apparaissant avoir jamais un horaire de travail débutant à 9h30 ;

Attendu que la comparaison avec le tableau remis par [G] [U] démontre que chaque fois que la salariée était censée commencer à 10 h et finir à 19 h, celle-ci a ajouté 30 minutes pour la période 9h30-10 h et quelques minutes variant entre 5 et 20 après 19 h ;

Attendu que la cour constate que sur les plannings arrêtés en avril 2013, il pouvait arriver à de nombreuses reprises que deux personnes soient mentionnées comme prenant leur service à 10 h; qu'il ne peut en être déduit automatiquement comme le considère [G] [U] que c'était elle qui assurait l'ouverture à 9h30 et la fermeture après 19 h ;

Attendu que par ailleurs, l'employeur n'explique pas pourquoi, les plannings postérieurs à avril 2013 ne sont pas versés au débat ;

Attendu que l'employeur ne peut utilement soutenir que les heures supplémentaires ont déjà été récupérées ainsi que le démontrent les plannings puisque celles sollicitées par la salariée sont celles qui n'ont pas été prises en compte par la direction de la société celles reconnues par cette dernière étant récupérées sous forme de jours de repos mentionnés aux plannings ;

Attendu que l'employeur ne donne aucune indication sur les personnes affectées au nettoyage de la boutique et les horaires auxquels il y était procédé ;

Attendu dans ces circonstances, la cour considère établie, à partir des documents communiqués de part et d'autre, la circonstance qu'il existait bien une personne chargée d'ouvrir le magasin à 9h 30 et d'assurer la fermeture ; qu'elle admet en conséquence le principe d'heures supplémentaires non comptabilisées et non payées mais pas dans les proportions réclamées par l'appelante ; qu'elle infirme la décision prud'homale et décide d'allouer à [G] [U] la somme de 1500 € de ce chef outre les congés payés correspondants ;

B/ sur l'avertissement du 5 février 2014

Attendu que l'avertissement fait suite à plusieurs échanges avec la direction ;

Attendu que le 13 janvier 2014, la salariée écrivait ainsi au président-directeur-général de la société:

' je soussignée, ... vous sollicite un entretien :

J'aime mon travail, je le fais avec passion, je suis volontaire et m'investit beaucoup, je suis attachée aux valeurs de l'entreprise SOULEIADO et j'ai choisi d'y travailler ;

Je venais travailler avec plaisir mais depuis septembre 2013, soudainement et sans raison apparente, le comportement de Mme [P] [H], responsable de la boutique s'est dégradé;

Son comportement nous affecte, moi et ma collègue Mme [O] [E] au point que nos conditions de travail s'en trouvent altérées et notre santé également ( migraines, dos bloqué, palpitations du au stress)

Je vous remercie par avance de bien vouloir m'accorder un entretien afin de vous expliquer la situation et ce dans le but de tenter de rétablir des relations et des conditions de travail normales et satisfaisantes';

Attendu qu'il lui était ainsi répondu le 17 janvier 2014 :

' Compte-tenu de la dégradation de vos conditions de travail que vous me décrivez, un entreien s'impose effectivement afin que vous m'exposiez de manière plus concrète et factuelle votre problème ;

Je suis cependant surpris que vous ne m'ayez pas fait part de vos difficultés, le 10 décembre dernier lors de ma visite en boutique ;

L'entreprise étant dotée de délégués du personnel, il ne me semble pas qu'ils aient été alertés d'une quelconque problématique sur le magasin d'[Localité 1] ;

Je vous demande de bien vouloir contacter Mme [N] afin de fixer un rendez-vous pour tenter de trouver la solution la mieux adaptée ;

Compte-tenu de la situation, j'organiserai dès votre retour une visite médicale de reprise afin que vous puissiez également faire part de vo soucis au médecin du travail' ;

Attendu que l'avertissement adressé le 5 février 2014 était rédigé en ces termes :

' Je fais suite à votre courrier du 13 janvier 2014 et à notre entretien du 21 janvier 2014 ;

J'ai mené une enquête précise sur les éléments que vous m'avez rapportés ; il m'a fallu attendre le retour de [E] [O] pour clôturer et revenir vers vous ;

Il ressort de cette enquête que beaucoup d'affirmations ne sont pas le reflet de la réalité ;

Un responsable de magasin a, outre la responsabilité de son poste, la mission délicate de gérer une équipe et donc il n'est pas dans son intérêt de générer des conflits ou de les laisser s'installer;

Son rôle est en conséquence de soutenir son équipe même si parfois cela passe par des remarques ;

Vos explications sur la détérioration du relationnel avec votre chef de magasin, m'ont laissé perplexe alors qu'il existe au sein de l'entreprise de nombreux réseaux d'alerte que vous n'avez pas activés dont les délégués du personnel ou l'assistante ressources humaines ; de plus je me suis rendu personnellement plusieurs fois dans le magasin entre septembre et décembre, dont une fois en l'absence du chef de magasin;

De plus, contrairement à ce que vous affirmez, les différentes personnes que nous avons interrogées n'ont pas noté de modification d'ambiance au sein du magasin que ce soit en décembre ou auparavant, à l'exception, bien entendu, de Mme [O] ;

Mais je constate que c'est surtout les événements de la journée du 28 décembre 2013 qui ont généré la situation aigue du mois de janvier, perturbant de fait lourdement la gestion du magasin et dont votre chef de magasin a été très affectée ;

Le 28 décembre 2013, vous avez en effet fait l'objet d'un rappel à l'ordre oral, qui portait sur une vitrine réalisée sans accord préalable de votre chef de magasin, contrairement aux habitudes;

Je vous rappelle que déjà lors de votre entretien de fin d'année 2012, il était mentionné par votre chef de magasin la nécessité de faire moins d'erreurs dans les procédures administratives et d'améliorer votre productivité à la vente ;

Il est tout à fait normal que votre chef de magasin puisse faire part de ses remarques professionnelles qui me semblent justifiées en l'espèce ;

En conséquence, nous vous notifions par la présente un avertissement ;

Cette sanction revêt un caractère disciplinaire et elle sera classée dans votre dossier personnel;

Je souhaite Madame, que vous adoptiez, à l'avenir, un comportement nouveau en magasin et un plus grand respect pour le travail de votre chef de magasin ; '

Attendu que par courrier du 10 février, [G] [U] répondait ainsi :

'Effectivement, j'ai fait une erreur, je ne savais pas que je pouvais contacter la déléguée du personnel mais en l'absence d'activité de sa part, je ne pensai pas que cela était possible ; en effet, je n'étais pas au courant des réunions mensuelles ni des ordres du jour, conformément code du travail art L 2315-8 ;

De plus je n'avais pas à ma disposition les coordonnées de la déléguée du personnel Mme [Y] [U] car celles-ci ne sont pas affichées ;

Je conteste l'avertissement que vous venez de m'infliger car c'est moi qui vous ait sollicité pour un entretien pour vous faire part des dégradations de mes conditions de travail et des heures supplémentaires qui me sont dues ;

J'aimerai avoir des précisions quant à certaines de mes affirmations qui selon vos dires ne sont pas le reflet de la réalité ; vous me dites avoir interrogé différentes personnes, hors il s'avère que vous n'avez pas interrogé toute l'équipe de la boutique, ni l'équipe de la boutique antérieure à celle-ci ;

Je reviens sur le fait des heures supplémentaires qui me sont dues...

La boutique est équipée d'un système de vidéo-surveillance qui est utilisé pour surveiller les salariés ( fait que je vous avais déjà signalé lors de mon précédent entretien du 21 janvier 2014) et cela continue car Mme [P] [H] a passé un bon moment l'après midi du 5 février2014 à visionner les caméras de la veille (jour de son repos) pour savoir ce que l'on avait fait ma collègue et moi ; ...

Autre fait, il y avait également l'atteinte à la liberté individuelle quand Mme [P] [H] m'a fait changé de coiffure, ou si le maquillage collier que je portai ne lui plaisaient pas, tout comme le gilet qui me grossissait...

J'aimerai que toutes ces questions soient portées par la déléguée du personnel à l'ordre du jour de votre prochaine réunion mensuelle et cela conformément à ses prérogatives ;

Avez vous informé la déléguée du personnel de votre enquête ' Je demanderai donc des précisions à la déléguée du personnel ( à son retour d'arrêt de maladie)

J'aimerai que ce courrier soit également placé dans mon dossier personnel ; '

Attendu que pour solliciter l'annulation de la mesure disciplinaire [G] [U] fait valoir:

- qu'il existait un vrai problème de management également signalé par sa collègue Mme [O]

- que les 'ressources humaines étaient sacrifiées sur l'autel de la culture du chiffre d'affaires et que des bras armés de la direction exerçaient une pression permanente sur les salariées'

- que Mmes [O] et [T] ont été licenciées pour avoir dénoncé le comportement de la DRH

- que la déléguée du personnel a été victime d'un arrêt de travail en février 2014 pour dépression réactionnelle à ses conditions de travail

- que la soeur de [G] [U] indique avoir reçu les confidences de deux autres salariés s'étant plaint du comportement de Mme [P], celle-ci étant connue des autres commerçants de la rue, pour être ' très particulière' ;

Attendu que juridiquement, elle rappelle les dispositions de l'article L 1153-3 (lire 1152-2) interdisant de prononcer une sanction disciplinaire pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; qu'elle soutient que tout acte contraire encourt la nullité sauf à caractériser la mauvaise foi du salarié laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce; qu'en l'espèce elle estime qu'aucune mauvaise foi n'a présidé à la rédaction de son courrier en date du 13 janvier 2014 et ce d'autant que son droit à l'expression ne saurait être bridé sauf à faire état de propos mensongers ou injurieux;

Attendu enfin qu'elle ajoute que le second grief relatif à l'initiative intempestive s'agissant de la mise en place de la vitrine n'est pas établi et qu'il ne peut être que la conséquence de la dénonciation du comportement de Mme [P] ;

Attendu que la SA SOULEIADO observe que la salariée renonce à soutenir qu'elle a été victime de harcèlement moral tel qu'il est défini dans le code du travail, se contentant de produire l'attestation de sa soeur ; qu'il y a lieu d'en conclure qu'elle a dénoncé des faits qu'elle savait être faux dans le but de nuire à sa supérieure hiérarchique et qu'elle a fait ainsi montre de mauvaise foi;

Attendu qu'elle relève que la salariée a écrit au président de la société pour accuser Mme [P] d'être responsable de ses problèmes de santé mais qu'elle ne l'accuse pas de harcèlement moral ;

que l'employeur note l'étrange concomitance de la dénonciation du comportement de la responsable de la boutique par une autre salariée et estime que la concertation est manifeste entre elles ;

Attendu que la société fait valoir qu'elle a pris toutes les mesures nécessaires pour entendre la salariée, avoir connaissance d'éléments factuels et ensuite procéder à une enquête laquelle n'a révélé aucun dysfonctionnement, des témoignages étant versés attestant de l'estime portée à Mme [P] qui a en charge la formation des nouveaux vendeurs ; qu'à son sens, l'avertissement est donc totalement justifié ;

Attendu que le conseil de prud'hommes estimant qu'il n'y avait pas matière à harcèlement moral a débouté [G] [U] de sa demande d'annulation de la sanction ;

Attendu que la cour constate que la demande d'annulation est fondée au visa des articles L 1153-3, L 1152-2, L 1232-1, L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; qu'en vertu de l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code précité, toute disposition contraire ou tout acte contraire est nul ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être sanctionné pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce ;

Attendu que la preuve de la mauvaise foi repose sur l'employeur ;

Attendu qu'en réalité il s'agit de savoir si [G] [U] a agi uniquement dans l'intention de nuire à sa responsable en invoquant avec mauvaise foi des faits inexacts, l'employeur estimant que tel était le cas, son enquête n'ayant révélé aucun comportement inadapté de celle-ci ;

Attendu que ne peut être pris en considération que le courrier du 13 janvier 2014 lequel a pour seul objet une demande d'entretien suite 'au comportement dégradé de la responsable depuis 4 mois ayant eu des conséquences sur la santé de l'appelante et celle d'une autre collègue' ;

Attendu que cette rédaction ne recèle en elle-même aucun excès, est mesurée et ne comporte pas en elle-même l'expression d'une mauvaise foi ;

Attendu qu'il résulte du courrier d'avertissement qu'à la suite de l'entretien qui a été accordé dans des délais brefs témoignant de l'attention qu'a portée l'employeur à la lettre de la salariée, ' que beaucoup d'affirmations ne sont pas le reflet de la réalité' ; que la cour est dans l'incapacité d'en vérifier la teneur, faute de précisions dans ce courrier ; qu'il ne peut être reproché à la salariée d'avoir directement saisi le président de la société au lieu de passer par le canal des délégués du personnel ou de l'assistante des ressources humaines ; que selon l'employeur, il apparaît que le courrier serait en lien direct avec 'les événements du 28 décembre' relatifs à la réalisation intempestive d'une vitrine ayant donné lieu à un rappel à l'ordre verbal, érigé en deuxième grief à l'appui de l'avertissement alors qu'à l'évidence l'initiative de la salariée, à la supposer établie et fautive, n'avait en toute hypothèse pas mérité de plus amples développements qu'une remarque ;

Attendu qu'il en résulte que la mesure disciplinaire prononcée fait en réalité suite au courrier de [G] [U] ; que l'employeur échouant dans la démonstration de la mauvaise foi qui aurait animé la salariée, la sanction disciplinaire ne peut qu'être annulée ; qu'il ne saurait être admis, sauf à vouloir annihiler toute initiative de ce genre et interdire aux salariés d'exprimer leur sentiment, justifié ou non, d'une souffrance au travail, que la réponse soit assortie directement d'une sanction disciplinaire ;

Attendu que dans ces conditions, la cour infirmant la décision de première instance, annule l'avertissement prononcé le 5 février 2014 ;

Attendu que [G] [U] sollicite la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts indiquant que 'depuis ces faits', elle est en arrêt de maladie en réaction à la sanction et au comportement de sa supérieure hiérarchique ;

Attendu qu'à ce titre est produit une attestation de l'assurance maladie établissant que la salariée a été en arrêt à compter du 5 janvier 2014 soit un mois avant la délivrance de l'avertissement ;

Attendu que dans les circonstances de l'espèce, la cour estime que la réception de l'avertissement a pu provoquer un préjudice moral méritant réparation ; qu'elle alloue à ce titre à [G] [U] la somme de 2000 € ;

C/ sur la demande de résiliation judiciaire

Attendu que le salarié peur demander en justice la résiliation judiciaire du contrat de travail par application des articles L 1231-1 du Code du Travail, 1134 et 1184 du Code Civil dans leur rédaction à l'époque des faits ;

Attendu que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur;

Attendu que lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement;

Attendu que pour emporter la résiliation judiciaire, les manquements de l'employeur doivent être suffisamment graves pour justifier la rupture des relations contractuelles ;

Attendu qu'au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, formalisée le 30 septembre 2014, [G] [U] qui était toujours en arrêt de maladie, invoque :

- le non paiement des heures supplémentaires

- la violation par l'employeur de son obligation de sécurité en ne prenant pas les dispositions nécessaires pour faire cesser le trouble causé par la responsable de magasin

- l'utilisation abusive du pouvoir disciplinaire

Attendu que la cour a donc reconnu l'existence d'heures supplémentaires impayées et une mise en oeuvre inappropriée aux circonstances de l'espèce du pouvoir disciplinaire ; que la loyauté requise dans l'exécution des relations contractuelles commande que l'employeur rétribue exactement le salarié en fonction des heures exécutées et use avec clairvoyance et adéquation de son pouvoir disciplinaire ce qui n'a pas été le cas, l'avertissement ayant été délivré pour sanctionner injustement la salariée ; que ces faits constituent une faute suffisamment grave pour justifier la rupture des relations contractuelles aux torts de l'employeur et rendre fondée la demande de résiliation judiciaire qui est fixée à la date du licenciement soit le 6 janvier 2015 ; qu'il convient d'infirmer le jugement de première instance ;

D/ sur les conséquences

Attendu que la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que [G] [U] est dès lors en droit de prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois et aux congés afférents, peu important qu'elle n'ait pas été en mesure de le faire, son arrêt de travail prolongé ayant abouti à un licenciement pour inaptitude définitive ; qu'il convient de condamner la SA SOULEIADO au paiement de la somme brute de 3600 € outre les congés payés afférents ;

Attendu que [G] [U] ne donne pas de renseignement sur sa situation personnelle et professionnelle depuis 2015 ; que disposant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une société employant plus de 11 salariés, la cour lui alloue l'indemnité prévue à l'article L 1235-3 du code du travail soit la somme de 13.000 € ;

E/ sur les autres demandes

Attendu que la cour constate que [G] [U] sollicite dans le dispositif de ses conclusions une somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale par l'employeur du contrat de travail en application de l'article L 1222-1 du code du travail ; que cette demande ne fait pas l'objet d'explications dans la motivation de sorte qu'il y a lieu de confirmer la décision de première instance l'ayant rejetée ;

Attendu qu'il convient d'ordonner la remise d'un certificat de travail et d'une attestation pôle-emploi conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire de prévoir une astreinte ;

Attendu que l'équité commande d'allouer à [G] [U] la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la SA SOULEIADO étant déboutée de sa demande de ce chef , la décision de première instance étant confirmée quant au rejet de la demande reconventionnelle ;

Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société SOULEIADO;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement de première instance sauf en ce qu'il a débouté [G] [U] de sa demande en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et rejeté la demande en frais irrépétibles de la SA SOULEIADO ;

Statuant à nouveau, par ajout et substitution :

Annule l'avertissement décerné le 5 février 2014,

Condamne la SA SOULEIADO à payer à [G] [U] la somme de 2000 € en réparation de son préjudice moral,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur à la date du 6 janvier 2015,

Condamne la SA SOULEIADO à payer à [G] [U] :

- la somme brute de 1500 € à titre d'heures supplémentaires outre celle de 150 € au titre des congé payés afférents

- la somme brute de 3600 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- la somme brute de 360 € à titre de congés payés afférents

- la somme de 13.000 € à titre de dommages-intérêts

Ordonne la délivrance d'un certificat de travail et d'une attestation pôle-emploi conformes à la présente décision sans nécessité de prévoir une astreinte

Condamne la SA SOULEIADO à payer à [G] [U] la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SA SOULEIADO aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 15/13637
Date de la décision : 07/07/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°15/13637 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-07-07;15.13637 ?
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