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06/07/2017 | FRANCE | N°15/20951

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre a, 06 juillet 2017, 15/20951


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2017

sl

N° 2017/ 590













Rôle N° 15/20951







SARL ANTIBES LAND





C/



[X] [U]



























Grosse délivrée

le :

à :



Me Philippe DAN



Me Gilles BROCA

















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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 03 Novembre 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/05044.





APPELANTE



SARL ANTIBES LAND prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 1]



représentée par Me Philippe DAN, avocat au barreau de...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 06 JUILLET 2017

sl

N° 2017/ 590

Rôle N° 15/20951

SARL ANTIBES LAND

C/

[X] [U]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Philippe DAN

Me Gilles BROCA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 03 Novembre 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/05044.

APPELANTE

SARL ANTIBES LAND prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 1]

représentée par Me Philippe DAN, avocat au barreau de GRASSE, substitué par Me Sung Soon EGBERTSEN, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

Madame [X] [U]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Gilles BROCA, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie LEONARDI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Sophie LEONARDI, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juillet 2017

Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [X] [U] demeure à [Adresse 3] à proximité immédiate du parc d'attractions exploité par la SARL Antibes Land.

Se plaignant de nuisances sonores, elle a, conjointement avec d'autres voisins, obtenu la désignation d'un expert suivant ordonnance de référé rendue le 21 décembre 2011.

M. [F] a établi un rapport le 25 novembre 2013.

Par acte d'huissier délivré le 17 septembre 2014, Mme [U] a fait assigner la SARL Antibes Land devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins d'obtenir :

- l'homologation de l'expertise ;

- la condamnation de la défenderesse à se conformer aux normes et à la règlementation en vigueur relatives aux nuisances sonores, notamment en ce qu'elles interdisent toutes activités nocturnes dépassant un certain seuil, à peine d'astreinte de 2000 € par jour de retard à compter du jugement ;

- le paiement de la somme 66800 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis au cours des années 2008 à 2013, et début de la saison 2014, à parfaire ;

- le versement de la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil.

Par jugement rendu le 27 août 2015, le tribunal a notamment :

- déclaré Mme [U] recevable en son action ;

- condamné la SARL Antibes Land à se conformer aux normes et à la règlementation en vigueur relative aux nuisances sonores, telles qu'édictées par les articles R1334-31 et suivants du code de la santé publique, et ce, dans le délai de cinq mois à compter de la signification du présent jugement à peine d'astreinte de 2000 € par infraction constatée ;

- rejeté toutes autres demandes ;

- condamné Mme [U] à payer à la SARL Antibes Land la somme de 3000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Antibes Land a régulièrement relevé appel, le 26 novembre 2015, de ce jugement en vue de sa réformation.

Dans ses conclusions déposées le 17 juin 2016 par le RPVA, elle demande à la cour de :

- déclarer Mme [U] irrecevable à défaut d'établir sa qualité et son intérêt à agir ;

- à défaut, la déclarer irrecevable en application de l'article L112-16 du code de la construction et de l'habitation ;

- à défaut, dire que les mesures réalisées par M. [F] et les résultats obtenus par lui ne sont pas conformes aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur et notamment en regard des obligations imposées par la norme NF S 31010 ;

- dire que Mme [U] n'était pas fondée à solliciter la condamnation d'Antibes Land à se conformer aux normes et à la réglementation en vigueur relative aux nuisances sonores compte tenu de l'ensemble des aménagements qui ont été réalisés pour concilier les objectifs de développement des activités loisirs et notamment l'exploitation du parc d'attractions situé au c'ur de la zone de la Brague ;

- dire que le jugement faisant droit à la demande de mise en conformité à la réglementation sur les nuisances sonores n'est assortie d'aucune mesure permettant de mettre Antibes Land en mesure de l'exécuter ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par Mme [U] ;

- dire que celle-ci n'établit ni la réalité ni l'étendue de son préjudice ;

- rejeter l'intégralité de ses prétentions ;

- la condamner à régler la somme de 6000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [U] sollicite de voir, suivant conclusions déposées parle RPVA le 18 avril 2016 :

Vu les articles 788 à 792 du code de procédure civile, 1382 du code civil,

Vu la théorie des troubles anormaux de voisinage,

- confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne l'obligation de la SARL Antibes Land de se conformer aux normes en vigueur ;

- infirmer le jugement s'agissant de l'indemnisation du préjudice ;

- constater que la SARL Antibes Land viole de manière caractérisée les dispositions du code de la santé publique ainsi que la réglementation locale de police administrative applicable ;

- dire que la violation manifeste de la réglementation applicable en matière de nuisances sonores fait échec à l'application de l'article L 112-16 du code de la construction et de l'habitation ;

- condamner la SARL Antibes Land au paiement de la somme de 82400 € en réparation des préjudices subis au cours des années 2008 à 2015, somme à parfaire ;

- la condamner au paiement de la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 2 mai 2017.

MOTIFS de LA DÉCISION

Sur l'intérêt et la qualité à agir de la SARL Antibes Land

La SARL Antibes Land reproche à Mme [U] de ne pas produire son titre de propriété lui permettant de justifier de son intérêt et qualité à agir.

Toutefois, le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage s'applique à tous voisins quelque soit leur titre d'occupation.

En l'occurrence, il n'est pas discuté que Mme [U] demeure près du parc de loisirs litigieux de sorte qu'elle a bien intérêt et qualité à agir.

Sur l'article L112-16 du code de la construction et de l'habitation

Il ressort de l'article L112-16 du code de la construction et de l'habitation que les dommages causés aux occupants du bâtiment par des nuisances dues à des activités commerciales n'entrainent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les concernant mais à la condition que ces actuvités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou règlementaires en vigueur et qu'elles se soient poursuivies dans les mêmes conditions.

En l'espèce, il n'est pas contesté que :

- la SARL Antibes Land exploite son parc d'attractions depuis 1981,

- Mme [U] s'est installée postérieurement, même si cette dernière se garde de préciser la date.

Il doit donc être vérifié la conformité de l'activité exploitée.

Mme [U] reproche d'abord à la SARL Antibes Land de ne pas respecter les horaires prescrits par la municipalité.

Elle produit pour ce faire deux arrêts municipaux de 2010 et 2011 imposant une heure de fermeture à 23h30 mais jusqu'au 30 septembre 2010 et jusqu'au 30 septembre 2011 et un extrait de site internet 2016 faisant état d'une fermeture nocturne entre minuit et 2h.

Ces pièces ne suffisent cependant pas à justifier une quelconque infraction de ce chef.

S'agissant des normes sonores, elles résultent des articles R1334-31 et suivants du code de santé publique, complétées par l'arrêté du 5 décembre 2006 et la norme AFNOR S 31-010.

Il ressort de l'expertise faite par M. [F] que :

- les mesures acoustisques de jour comme de nuit prises chez Mme [U] établissent une non conformité répétée aux limites règlementaires ;

- la synthèse des mesures révèle des débordements pouvant dépasser 15 dB pour les émergences globales et 10dB pour les émergences sceptrales ;

- notamment, le 28 juillet 2012, jusqu'à 1h30 du bruit pouvant atteindre 80dBA parvient jusqu'à la résidence de Mme [U] et la synthèse des mesures révèle que l'émergence globale est de 13db ( alors que l'émergence acceptable est de 5 dB) tandis que l'émergence sceptrale varie de 12,5 à 13 dB (alors que l'émergence acceptable est entre 7 à 5 dB);

- le 27 juillet 2013, et comme la première fois, de la musique se fait entendre ainsi que des sifflets et surtout des cris en provenance des manèges, l'un d'entre eux étant particulièrment nocif, l'émergence globale est de 8 dB (pour une émergence globale de 3 dB) et l'émergence sceptrale varie entre 3 à 12 dB (pour une émergence acceptable de 7 à 5 dB) ;

- le 13 août 2013 de jour, la non conformité est particulièrement ressentie entre 20h et 22h avec un niveau de bruit supérieur à 60dB dans le jardin de la demeure de Mme [U], l'émergence globale est de 11 dB ( pour une émergence acceptable de 5 dB) et l'émergence sceptrale varie entre 11,5 et 2,5 dB (pour une émergence acceptable de 7 à 5dbB) ;

La SARL Antibes Land critique ce rapport en arguant qu'il ne fait aucune référence à une quelconque phase de calibrage au moins avant et après chaque série de mesurage, qu'il repose sur les seuls certificats de vérification de l'appareillage en juillet 2013, et qu'il n'est pas justifié que l'obligation d'autovérification du sonomètre et de la chaîne de mesurage ont été respectées de sorte que les résultats sont faussés et contraires aux prescriptions réglementaires.

Elle conteste également la méthodologie de l'expert.

Or l'expert dans son rapport précise :

- quels sont les paramètres propres à l'instrumentation de la campagne de mesure et les paramètres propres à chaque enregistrement (page 7) ;

- que la méthodologie utilisée est conforme à la norme AFNOR et favorable à la SARL Antibes Land ( pages 46-47) ;

- que les mesures ont été prises avant et après la fermeture de Marineland (parc marin) situé à proximité pour tenir compte de l'incidence de celui-ci qui s'avère négligeable ;

- que les mesures ont été effectuées avec un sonomètre en cours de validité dont l'étalonnage a été vérifié ( suivant annexes) et ont été conduits en totale conformité avec les textes en vigueur ( page 50).

La SARL Antibes Land ne rapporte pas la preuve contraire dés lors que les critiques émises par elle ne sont étayées par aucun élément justificatif et que les témoignanges produits ne sauraient contredire utilement l'avis circonstancié du technicien désigné en référé.

Au surplus les dépassements sonores relevés excèdent les seuils règlementaires dans une proportion telle qu'il ne peut qu'être admis leur non conformité.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, le principe de pré-occupation prévu à l'article L112-16 du code de la construction et de l'habitation ne peut être retenu.

Sur le trouble anormal de voisinage

L'exercice, même légitime, du droit de propriété peut engager la responsabilité s'il occasionne un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Pour apprécier l'anormalité du trouble, il convient d'apprécier in concreto les faits dénoncés au regard notamment de l'environnement et de la réglementation applicable.

En l'occurrence, l'expertise révèle que :

- la villa occupée par Mme [U] située en face de l'une des entrées d'Antibes Land se trouve directement exposée au bruit mécanique de deux manèges au sol diffusant de la musique et parfois des annonces parlées, ce premier plan étant doublé par les cris et bruit des manèges aériens et ascenseurs d'apesanteur (Skytower) s'élevant à plusieurs dizaines de mètres du sol;

- les niveaux sonores engendrés chez Mme [U] par l'exploitation du parc dépassent de manière répétée et dans des proprotions parfois considérables les valeurs limites définissant le caractère avéré d'une nuisance acoustique aux termes de la règlementation en vigueur ;

- les cris de détresse émis par les clients des manèges à sensations constituent un facteur émotionnel aggravant lorsqu'ils sont enregistrés après minuit à des niveaux spectaculaires dépassant 70dBA jusqu'à 80dBA ;

- un tel environnement rendu invasif par les sources de bruit provenant d'équipements situés à 40 m du sol voire davantage interdit tout sommeil avant la fermeture du site entre 1h30 et 2h30.

Il doit par ailleurs être tenu compte du fait que le parc d'attraction d'Antibesland qui est ouvert d'avril à septembre se situe dans une zone touristique et de loisirs dans laquelle sont également exploités à proximité immédiate Marineland, Aquasplash, La Ferme du Far West et Adventure Golf.

Mme [U] ne pouvait pas l'ignorer lorsqu'elle y a installé sa résidence.

Néanmoins, cet environnement s'il doit être pris en considération n'octroie pas à la SARL Antibes Land un droit à causer un trouble anormal et ne saurait empêcher Mme [U] d'obtenir réparation dés lors que l'article L112-16 du code de la construction et de l'habitation est écarté.

Il permet seulement de relever le seuil acceptable de nuisance.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il doit être considéré que les troubles causés par le parc d'attractions dépassent les inconvénients normaux du voisinage.

Ils justifient, qu'à titre de réparation, il soit enjoint à la SARL Antibes Land, comme l'a jugé le tribunal, de se conformer aux normes relatives aux nuisances sonores qui sont définies de manière précise, mais également que Mme [U] soit indemnisée à hauteur de 10000€ sur la période de 2008 à 2015.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant sur son appel, la SARL Antibes Land doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à Mme [U] la somme de 3000 € au titre des frais non non taxables que celle-ci a du exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Réforme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 3 novembre 2015, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts présentée par Mme [U],

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la SARL Antibes Land à payer à Mme [X] [U] la somme de 10000€ de dommages-intérêts,

Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,

Condamne la SARL Antibes Land aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à Mme [X] [U] a somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre a
Numéro d'arrêt : 15/20951
Date de la décision : 06/07/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°15/20951 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-07-06;15.20951 ?
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