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05/07/2017 | FRANCE | N°16/15085

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 05 juillet 2017, 16/15085


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2017



N°2017/1111















Rôle N° 16/15085





CPCAM DES BOUCHES DU RHONE





C/



SAS ARCELORMITTAL MEDITERRANEE



MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE





















Grosse délivrée le :

à :



- CPCAM DES BOUCHES DU RHON

E



- Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 30 Juin 2016, enregistré au répertoire général...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 05 JUILLET 2017

N°2017/1111

Rôle N° 16/15085

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

C/

SAS ARCELORMITTAL MEDITERRANEE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Grosse délivrée le :

à :

- CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

- Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 30 Juin 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 21500394.

APPELANTE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]

représenté par Mme [B] [L] (Inspectrice du contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

SAS ARCELORMITTAL MEDITERRANEE, venant aux droits de la société SOLLAC MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE INTERVENANTE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]

non comparante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Mai 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller entendue en son rapport

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2017

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*-*-*

EXPOSE DU LITIGE

[U] [A], ancien salarié de la S.A.S. ARCELOR-MITTAL MEDITERRANEE, a présenté un cancer broncho-pulmonaire dont il est décédé le [Date décès 1] 2013. La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône a pris en charge la maladie et le décès au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles.

Après rejet de sa contestation par la commission de recours amiable, la S.A.S. ARCELOR-MITTAL MEDITERRANEE a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône de deux recours. Elle a demandé que les décisions de la caisse lui soient déclarées inopposables.

Par jugement du 30 juin 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale a :

- joint les deux recours,

- rejeté le moyen tiré du défaut de signature,

- déclaré inopposables à la S.A.S. ARCELOR-MITTAL MEDITERRANEE les décisions de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône de prendre en charge la maladie et le décès de [U] [A] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le jugement a été notifié le 8 juillet 2016 à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône qui a interjeté appel le 26 juillet 2016.

L'affaire a été fixée à l'audience du 26 avril 2017 et a été renvoyée. Elle a été retenue à l'audience du 17 mai 2017 à laquelle les parties ont comparu volontairement.

Mention en a été portée sur la note d'audience signée par le président et le greffier.

Par conclusions visées au greffe le 17 mai 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône :

- précise que les conséquences de la maladie ont été imputées au compte spécial,

- affirme que la procédure est régulière et que l'absence de signature de la décision de prise en charge est dénuée d'incidence dans la mesure où la décision fait apparaître clairement qu'elle émane de la caisse,

- fait valoir que [U] [A] a accompli les travaux lésionnels figurant au tableau n° 30 bis des maladies professionnelles pendant son emploi au sein de la S.A.S. ARCELOR-MITTAL MEDITERRANEE de 1973 à 1997, que [U] [A] a souffert d'un cancer broncho-pulmonaire primitif tel que désigné au tableau n° 30 bis et que le délai de prise en charge n'était pas expiré,

- en déduit que la maladie est présumée d'origine professionnelle et souligne que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère au travail,

- ajoute que la maladie a causé le décès,

- demande que la maladie professionnelle de [U] [A] et son décès soient jugés opposables à la S.A.S. ARCELOR-MITTAL MEDITERRANEE et est au rejet des prétentions de cette dernière.

Par conclusions visées au greffe le 17 mai 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. ARCELOR-MITTAL MEDITERRANEE :

- allègue la nullité de la décision de prise en charge au motif qu'elle est dépourvue de signature, se prévaut de l'article 4 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et de la jurisprudence administrative, observe qu'une interprétation divergente des deux ordres de juridictions conduit à une rupture de l'égalité des citoyens et des administrations devant la loi et porte atteinte à la garantie des droits et ajoute que la décision lui fait grief,

- tire de cette nullité relative que la décision de la caisse lui est inopposable,

- conteste l'origine professionnelle de l'affection présentée par son salarié, note qu'il appartient à la caisse de démontrer le bien fondé de ses décisions de prise en charge, demande que le rapport du médecin conseil de la caisse soit écarté des débats, prétend que son salarié n'effectuait pas les travaux lésionnels figurant au tableau des maladies professionnelles, relève l'absence de preuve que la pathologie du salarié correspond à la maladie désignée au tableau et demande la confirmation du jugement entrepris.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'inopposabilité des décisions de la caisse tirée du défaut de signature :

Les deux décisions de prise en charge de la maladie professionnelle et du décès adressées par la caisse à l'employeur mentionnent le nom et le prénom du salarié, son numéro de sécurité sociale, le numéro d'identifiant, la date de la maladie, la date du décès, le numéro du dossier, le nom et le prénom de l'auteur de la décision et sa qualité de correspondant risques professionnels. Elles sont à l'en-tête de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône. Elles ne sont pas signées.

L'article 4 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations impose qu'une décision administrative soit signée.

En premier lieu, ce texte ne prévoit pas explicitement de sanction et les circulaires de la Direction de la sécurité sociale du 30 janvier 2002 NOR MESS0230125C et du 21 août 2009 DSS/2C mises en avant par la société pour soutenir l'illégalité d'une décision non signée des caisses d'Assurance Maladie sont dépourvues de toute valeur normative.

En deuxième lieu, l'indépendance de l'autorité judiciaire consacrée par la Constitution autorise les juridictions de cet ordre à rendre, relativement à un même texte de loi, des décisions qui sont contraires à celles rendues par les juridictions de l'ordre administratif. La société ne peut donc pas invoquer utilement une rupture d'égalité devant la loi et une atteinte à la garantie des droits pouvant naître des interprétations divergentes de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 faites par les juridictions de l'ordre judiciaire et celles de l'ordre administratif.

En troisième lieu, les décisions comportent des indications suffisamment précises pour permettre à l'employeur de connaître exactement leur étendue et leur portée.

En quatrième lieu, l'employeur a la possibilité de contester devant une juridiction le bien fondé de la décision de la caisse et les modalités de sa mise en 'uvre ce qu'il a d'ailleurs fait.

Dans ces conditions, le défaut de signature des décisions de la caisse est inopérant.

En conséquence, le moyen d'inopposabilité des décisions de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône soulevé par la S.A.S. ARCELOR-MITTAL MEDITERRANEE et tiré du défaut de signature doit être rejeté.

Le jugement entrepris doit être confirmé.

Sur l'inopposabilité des décisions de la caisse tirée du défaut de l'origine professionnelle de la pathologie :

La nature de la pathologie qui a atteint [U] [A] constitue un fait dont la preuve peut être rapportée par tous moyens. Il n'y a donc pas lieu d'écarter l'avis du médecin conseil de la caisse et il appartient à la cour d'apprécier l'ensemble des éléments qui lui sont soumis.

La caisse qui a pris en charge une maladie professionnelle doit démontrer qu'elle a été provoquée par le travail.

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale présume d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladie professionnelle et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles désigne le cancer broncho-pulmonaire primitif et donne une liste limitative des travaux lésionnels dans laquelle figure les «travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante».

S'agissant de la maladie :

Le certificat médical initial du 30 mars 2014 fait état d'un adénocarcinome pulmonaire primitif. Un certificat médical du 11 décembre 2013 mentionne un adénocarcinome bronchique lobaire, une dégradation rapide de l'état de santé du fait de l'évolution défavorable de la pathologie et un décès survenu le [Date décès 1] 2013. Un certificat médical du 21 juillet 2014 énonce que [U] [A] est décédé des suites d'un adénocarcinome pulmonaire primitif. Le médecin conseil de la caisse a rendu un avis détaillé dans lequel il explique que la notion de primitivité est attestée par le certificat médical initial du pneumologue, que celui-ci s'est basé sur le résultat histologique après biopsie du 23 septembre 2013 qui conclut à la primitivité et que ce document lui a été fourni.

La société n'apporte aucun élément contraire.

Les documents médicaux prouvent que [U] [A] a été atteint de l'affection désignée au tableau n° 30 bis des maladies professionnelles et est décédé de cette affection.

S'agissant de l'exposition aux risques :

La caisse a diligenté une enquête qui a établi que [U] [A] a travaillé pour la S.A.S. ARCELOR-MITTAL MEDITERRANEE du 18 septembre 1973 au 30 juin 2007 au département cokerie, en qualité de machiniste enfourneur, de régleur, de chef d'équipe expédition, de chef d'équipe entretien fours, de technicien entretien fours, de technicien exploitation et de technicien chauffage-manutention. Le responsable sécurité de la société a reconnu que [U] [A] a pu être exposé à l'amiante dans les années 1980 en tant que chef d'équipe et a précisé que son rôle consistait à assurer l'entretien systématiques des fours vides, la maintenance curative et le nettoyage de la zone.

[U] [A] a été chef d'équipe entretien fours du 1er décembre 1979 au 1er juin 1988.

La société n'apporte aucune pièce sur le travail de [U] [A].

Il s'évince de ces éléments que la condition du tableau n° 30 bis tenant aux travaux lésionnels, travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante, est remplie. Les autres conditions ne sont pas querellées.

La maladie et le décès de [U] [A] sont donc présumés d'origine professionnelle.

L'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que la maladie et le décès ont une cause totalement étrangère au travail.

Dès lors, le moyen d'inopposabilité des décisions de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône soulevé par la S.A.S. ARCELOR-MITTAL MEDITERRANEE et tiré du défaut de l'origine professionnelle de la maladie et du décès doit être rejeté.

*****

En conséquence, les décisions de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône de prendre en charge au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles le cancer et le décès de [U] [A] doivent être déclarées opposables à l'employeur, la S.A.S. ARCELOR-MITTAL MEDITERRANEE.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté le moyen d'inopposabilité des décisions de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône soulevé par la S.A.S. ARCELOR-MITTAL MEDITERRANEE et tiré du défaut de signature,

Déboute la S.A.S. ARCELOR-MITTAL MEDITERRANEE de sa demande tendant à voir écarter des débats l'avis du médecin conseil de la caisse,

Infirmant pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant,

Déclare opposables à l'employeur, la S.A.S. ARCELOR-MITTAL MEDITERRANEE, les décisions de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône de prendre en charge au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles le cancer et le décès de [U] [A].

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 16/15085
Date de la décision : 05/07/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°16/15085 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-07-05;16.15085 ?
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