COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 05 JUILLET 2017
N°2017/1089
Rôle N° 16/11239
URSSAF PROVENCE ALPES COTE-D'AZUR
C/
SARL BOHEMIAN BAZAR MANUFACTURE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée
le :
à :
- URSSAF PROVENCE ALPES COTE-D'AZUR
- Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des ALPES DE HAUTE PROVENCE en date du 20 Avril 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 21500030.
APPELANTE
URSSAF PROVENCE ALPES COTE-D'AZUR, demeurant [Adresse 1]
représenté par Mme [H] [J] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMEE
SARL BOHEMIAN BAZAR MANUFACTURE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Claire BENSASSON, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]
non comparante
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2017
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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L'URSSAF a procédé à un contrôle de la Sarl Bohémian Bazar Manufacture dont le siège est à [Localité 1] et portant sur les années 2011, 2012 et 2013.
Une lettre d'observation datée du 13 juin 2014 a relevé quatre chefs de redressement dont un seul (point 2) a été contesté, le point 1 faisant l'objet d'une demande de remise des majorations de retard et de délais de paiement. L'URSSAF et la commission de recours amiable ont rejeté ces demandes et maintenu le redressement dans sa totalité.
La société Bohémian Bazar Manufacture a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes de Haute Provence qui, par jugement du 20 avril 2016, a rejeté les demandes relatives au point 1 et a « confirmé la décision de la commission de recours amiable » concernant le point 2 du redressement.
L'URSSAF a fait appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 24 mai 2017, l'URSSAF a demandé à la Cour d'infirmer le jugement concernant le point 2 du redressement, et de condamner la Sarl Bohémian Bazar Manufacture à lui payer la somme de 87 609 euros au titre du redressement et la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la Sarl Bohémian Bazar Manufacture a demandé à la Cour de confirmer le jugement, de fixer à 38 002 euros le montant des cotisations à régulariser sur 2011 et 2012, d'annuler le redressement sur le point 2 soit la somme de 49 607 euros et de condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience du 24 mai 2017, il a été convenu qu'à l'exception du jugement dont appel (pièce 50), les nouvelles pièces communiquées tardivement par l'intimée (à savoir les pièces 51, 52 et 53) seront écartées des débats.
La MNC a été avisée de l'appel.
MOTIFS DE LA DECISION
La société Bohémian Bazar Manufacture (BBM), société de droit français, a une activité de commerce de gros, procédant à l'importation d'articles fabriqués à l'étranger, en vue de leur revente en France; elle a son siège et ses activités (entrepôt, stock, gestion,...) dans la zone artisanale de [Localité 1] (04).
L'Urssaf a constaté que les salaires versés par la société pendant la période contrôlée n'avaient pas été soumis à cotisations sociales et a procédé au redressement (points 1 et 2), déduction faite des crédits dégagés en sa faveur (points 3 et 4).
Les salaires non soumis à cotisations sociales représentaient, en 2011 et 2012, une somme totale de 121774 euros: le principe du redressement n'a pas été contesté, mais la société contrôlée a demandé une remise des majorations de retard et des délais de paiement.
Pour l'année 2013, les salaires versés au gérant, M.[C], au comptable, M.[T], et à un commercial, M.[R], n'ont pas été soumis à cotisations sociales. Le responsable de la société a expliqué que les activités de la société se développant, une présence sur place était devenue nécessaire, le gérant s'installant au Maroc, le comptable en Mauritanie et le commercial voyageant dans les pays asiatiques: selon lui, leurs salaires n'avaient pas à être soumis à cotisations en France car ces trois salariés bénéficiaient de la qualité d'expatriés puisqu'ils cotisaient aux régimes de sécurité sociale locaux et, à titre complémentaire, à la caisse des Français de l'étranger (CFE), et qu'ils avaient leur résidence et leurs centres d'intérêts à l'étranger. Par ailleurs la preuve d'une succursale était apportée pour le Maroc.
Ni l'inspecteur de l'Urssaf ni la commission de recours amiable n'ont retenu ces arguments et le redressement a été maintenu dans sa totalité.
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Concernant les demandes de remise des majorations de retard et de délais de paiement, la Cour confirme le jugement en ce qu'il a rappelé qu'elles n'étaient pas de la compétence de la juridiction de sécurité sociale.
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Concernant le point 2 du redressement, la Cour constate que, de son propre aveu, la société intimée ne peut justifier d'aucune succursale au Maroc durant la période contrôlée puisque les seuls documents versés aux débats, concernent une Sarl « BBP Design Manufacture » mentionnée sur un cachet humide apposé sur quelques documents administratifs, concernent l'année 2014 qui n'a pas fait l'objet du contrôle. Par ailleurs, il n'est justifié d'aucune activité commerciale au Maroc pendant la période contrôlée.
De plus, il était résident fiscal en France et il avait gardé une adresse en France ( à [Localité 1]) où, lors du contrôle, il avait déclaré revenir quelques jours par mois, et où vivait sa compagne Mme [B] en 2013 avant d'aller le rejoindre au Maroc postérieurement.
Le choix de M.[C] de vivre au Maroc (bail, factures, ...), même s'il était affilié au régime de la CFE, était un choix personnel, mais sa qualité d'expatrié en 2013 n'est pas établie. Les salaires versés par la société BBM devaient être soumis à cotisations sociales en France.
En Mauritanie, s'agissant de M.[T], qui exerçait la professione de comptable, il est justifié de ce qu'à partir de janvier 2013 il a pris à bail un logement à [Localité 2] et a été immatriculé au régime de sécurité sociale mauritanien et affilié à la CFE pour l'année 2013. Cependant la couverture sociale du régime mauritanien ne ressort pas des pièces versées et il est étonnant de constater que M.[T] a continué d'être enregistré au régime de sécurité sociale français à une adresse située à [Localité 3] (Oise), à l'adresse de [Y] [T] (voir ci-dessous).
La société Bohémian Bazar Manufacture est inscrite au registre du commerce de Nouakchott à la date du 14 janvier 2013 mais ce document ne peut suffire à justifier d'une activité effective sur le territoire mauritanien.
Par ailleurs, il ressort des pièces versées qu'il avait conservé un domicile en France, à [Localité 3], où vivait sa mère, mais aussi, à une autre adresse, où vivait Mme [Y] [T]; M.[T] était ainsi affilié à la CNAF de l'Oise pour les prestations familiales et au RSI (professions libérales) pour la maladie-maternité et ceci, sans interruption depuis 2007 et 2010 jusqu'en 2015-2016: voir contrat de travail de 2012, relevé informatique de l'Urssaf de 2015 et relevé de la CFE adressé à [Y] [T] en 2016.
La société intimée ne s'est pas expliquée sur cette situation.
La Cour considère, compte tenu de ces pièces, que le choix de M.[T] de vivre en Mauritanie, même s'il était affilié au régime local et au régime de la CFE, était un choix personnel, mais que sa qualité d'expatrié en 2013 n'est pas établie. Les salaires versés par la société BBM devaient être soumis à cotisations sociales en France.
Pour ce qui concerne M.[R], il s'agissait d'un commercial embauché par CDD renouvelable de janvier à juin 2013, dont il a été dit qu'il se consacrait au secteur asiatique et vivait à l'hôtel: l'Urssaf a relevé qu'il était resté domicilié en France, à [Localité 4], et il n'a été justifié ni d'une activité réelle à l'étranger, ni d'une immatriculation dans un régime de sécurité sociale autre que la CFE (et jusqu'en juillet 2013 seulement), ce qui ne suffit pas à justifier de la qualité d'expatrié.
Les salaires versés par la société BBM devaient être soumis à cotisations sociales en France.
En conséquence, la Cour valide le 2ème point du redressement et infirme le jugement déféré.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire,
Ecarte les pièces 51, 52 et 53 de l'intimée,
Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes de Haute Provence du 20 avril 2016 en ce qu'il a rejeté les demandes de remise des majorations de retard et de délais de paiement présentées par la Sarl Bohémian Bazar Manufacture,
L'infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau :
Valide le 2ème point du redressement,
Condamne la Sarl Bohémian Bazar Manufacture à payer à l'URSSAF la somme de 87 609 euros au titre du redressement, majorations de retard incluses,
Déboute l'intimée de ses demandes,
Condamne la Sarl Bohémian Bazar Manufacture à payer à l'URSSAF la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT