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29/06/2017 | FRANCE | N°16/15554

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 29 juin 2017, 16/15554


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2017



N° 2017/ 317













Rôle N° 16/15554







[A] [H] épouse [M]





C/



[I] [Q]

[V] [M]



le PROCUREUR GENERAL





















Grosse délivrée

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SELARL BOULAN

Me TOURNAIRE

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Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 22 Juillet 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2015/04621.





APPELANTE



Madame [A] [H] épouse [M],

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 29 JUIN 2017

N° 2017/ 317

Rôle N° 16/15554

[A] [H] épouse [M]

C/

[I] [Q]

[V] [M]

le PROCUREUR GENERAL

Grosse délivrée

le :

à :

SELARL BOULAN

Me TOURNAIRE

PG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 22 Juillet 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2015/04621.

APPELANTE

Madame [A] [H] épouse [M],

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Jean-François CASILE, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMES

Maître [I] [Q]

ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT,

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Véronique TOURNAIRE-CHAILAN, avocat au barreau de TARASCON

Monsieur [V] [M],

né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

Me François CORNUT, avocat au barreau de LYON

Monsieur le PROCUREUR GENERAL,

demeurant [Adresse 3]

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Mai 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président rapporteur

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2017

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2017,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte en date du 10 janvier 2014, la S.A.R.L. ADB a été assignée en redressement judiciaire par l'U.R.S.S.A.F. des Bouches du Rhône et déclarée en redressement judiciaire le 14 février 2014.

Ce jugement a été confirmé par la cour d'appel.

La SARL Alpilles Durance Bâtiment a été déclarée en liquidation judiciaire le 23 mai 2014.

Sur l'assignation du liquidateur judiciaire et par jugement en date du 22 juillet 2016, le tribunal de commerce de Tarascon a prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [V] [M] et fixé sa durée à 10 ans, prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de Mme [H] et fixé sa durée à 10 ans, constaté que la liquidation judiciaire de la SARL Alpilles Durance Bâtiment faisait apparaître une insuffisance d'actif certaine qu'il y avait lieu de fixer provisoirement la somme de 420 000 €, constaté que M. [V] [M] et Mme [H] en s'abstenant de tenir une comptabilité régulière et conforme aux dispositions légales, avaient commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de ladite société, en conséquence condamné M. [V] [M] et Mme [H] à supporter conjointement et solidairement la totalité de l'insuffisance d'actif de la société Alpilles Durance Bâtiment qui résultera des opérations de liquidation judiciaire de ladite société, ordonné l'exécution provisoire du jugement, rejeté les autres demandes, prescrit les mesures de publicité légale et statué sur les dépens.

Mme [H] a fait appel de ce jugement par déclaration en date du 24 août 2016, enrôlée sous le numéro 16/15 554.

M. [V] [M] a fait appel de ce jugement par déclaration en date du 24 août 2016, enrôlée sous le numéro 16/15 556.

Les deux instances ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 19 septembre 2016 sous le numéro 16/15 554.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 2 mai 2017 par Mme [A] [H],

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel, de juger qu'elle n'a pas commis de faute en faisant signer à M. [V] [M] une délégation de pouvoirs portant sur la souscription d'un chantier unique avec la municipalité de Fontvieille à une période où elle était hospitalisée, alors que la délégation de paiement signée par elle ne pouvait conduire les acteurs de ce chantier à se méprendre sur sa qualité de gérante de droit de la société ADB, de juger que le tribunal a extrapolé lorsqu'il a considéré que la signature de ce marché emportait comme conséquence la gestion de fait de M. [V] [M], de juger que les fautes de gestion retenues par le tribunal concernent une période où elle n'était pas gérante de droit, ni gérante de fait, de dire que la mention de la période de 2011 à 2013 durant laquelle la créance de la société ADB pour 212 171,39 € à l'encontre de la SCI Le Hameau de Coulon n'apparaît pas en comptabilité, ne permet pas de rattacher ce fait à une fate de gestion qui lui est imputable, à titre principal d'ordonner une expertise aux frais avancés du liquidateur judiciaire afin de vérifier la matérialité d'une créance de 236 000 € sur la société Rubis Avignon et Medipole, surseoir à statuer le temps de l'expertise dès lors qu'elle conteste le montant de l'insuffisance d'actif, subsidiairement, dire que les fautes de gestion ne sont pas démontrées ni le détournement d'actifs à une époque où M. [V] [M] était le gérant de droit , rejeter la demande tendant au prononcé d'une mesure de faillite personnelle et celle au paiement d'une somme de 420 000 € au titre de l'insuffisance d'actif, condamner Me [Q], ès qualités, à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, distraits au profit de son avocat.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 3 mai 2017 par M. [V] [M],

Il demande à la cour de débouter Me [Q], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Alpilles Durance Bâtiment de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , outre les dépens distraits au profit de son avocat.

M. [V] [M] fait valoir qu'après sa démission, son épouse, Mme [H] dont il a divorcé, a pris sa succession à la gérance ; que comme elle est tombée malade, il a dû signer un contrat pour le compte de la société, que cela ne lui confère la qualité de gérant de droit ni de fait de la société ; que la procédure collective a été ouverte sur l'assignation délivrée par l'URSSAF, après qu'il ait quitté la gérance et n'a pas été délivrée au gérant de droit qui était malade ; qu'en d'autres termes, la procédure a été ouverte en l'absence du gérant ; que ceci a provoqué une accumulation du passif qui n'a d'ailleurs pas été vérifié ; qu'il a été poursuivi par Me [Q] en paiement de l'insuffisance d'actif et condamné à ce titre, condamnation cependant réduite de moitié par la cour d'appel de Nîmes, dont l'arrêt a été annulé par la Cour de cassation au motif d'une difficulté concernant le recouvrement d'une créance.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 26 avril 2017 par Me [I] [Q], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Alpilles Durance Bâtiment,

Il demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre des deux appelants, les a condamnés conjointement et solidairement à supporter la totalité de l'insuffisance d'actif de la SARL Alpilles Durance Bâtiment et a rejeté leurs demandes, de l'infirmer quant au surplus, sur la durée de la mesure de faillite personnelle, de juger qu'en leur qualité de gérants de droit et/ou de fait de la S.A.R.L. ADB, ils ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la S.A.R.L. ADB, de juger irrégulière, voire fictive, la comptabilité remise tant à lui-même ès qualités qu'à l'administration fiscale, de juger que les appelants se sont rendus coupables de détournement d'actifs, de condamner M. [M] et Mme [H] épouse [M], conjointement et solidairement à combler l'insuffisance d'actif de la SARL Alpilles Durance Bâtiment, à raison de la somme de 416.157,92 €, de prononcer à leur encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de 15 ans, de juger que lui-même n'est en la cause qu'en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Alpilles Durance Bâtiment, se déclarer incompétente pour statuer sur une éventuelle responsabilité professionnelle, conformément aux dispositions de l'article R662-3 du Code de Commerce, déclarer irrecevables les demandes dirigées contre lui à titre personnel, rejeter les autres demandes de M. et Mme [M] et les condamner, solidairement à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Vu l'ordonnance en date du 17 mai 2017 révoquant l'ordonnance de clôture du 3 mai 2017 et prononçant la clôture de l'instruction.

SUR CE, LA COUR,

1. Mme [H] soutient que, comme le procès-verbal la désignant en qualité de gérant a été publié le 20 septembre 2013, c'est à compter de cette date seulement qu'elle doit être considérée comme gérante de droit de la société ADB.

Mais, le défaut de publicité de la désignation du gérant ne peut avoir pour effet de soustraire celui-ci aux responsabilités attachées aux fonctions qu'il a acceptées et exercées (Cass. Com. 8 juill. 2003, n° 18-250).

Or, elle a accepté la gérance, ce qu'indique M. [V] [M] dans ses conclusions et qu'elle ne conteste pas et l'a exercée effectivement.

C'est dans ce cadre qu'elle a donné délégation de pouvoirs à son mari de signer le 23 avril 2013 un marché public avec la commune de [Localité 3].

Par ailleurs, indépendamment de cet acte ponctuel, elle a géré ce marché, ce qu'elle indique elle-même.

Elle doit donc répondre des actes et de la responsabilité attachés à la gérance de droit à compter du 6 mars 2013, date de sa nomination par une assemblée générale extraordinaire.

2. Me [I] [Q], qui souligne que M. [V] [M], époux divorcé de Mme [H], a été impliqué dans au moins quatre autres procédures de faillite, fait valoir que ce dernier a été le gérant de droit de la S.A.R.L. ADB du 1er janvier 2010 au 6 mars 2013, alors même que le 4 septembre 2012, il avait fait l'objet d'une mesure de faillite personnelle ; que la banque de la société n'a jamais été informée du changement de gérance ; qu'il avait, seul, la signature sur le compte bancaire de la S.A.R.L. ADB et a signé un marché public avec la commune de [Localité 3] le 23 avril 2013 pour un montant T.T.C. de 326.887,08 euro TTC, ce qui caractérise une gestion de fait.

Il produit, émanant de la banque, le relevé des opérations précédant la liquidation judiciaire et le carton de signatures comportant effectivement celle M. [V] [M], ainsi que le nom de [Z] [M].

Le relevé des opérations bancaires précédant la liquidation judiciaire ne permet pas d'identifier l'auteur de nombreux virements, dont il n'est pas soutenu qu'ils ont été faits sur les instructions de M. [V] [M].

Ni ce relevé, ni la signature ponctuelle du marché public passé avec la commune de [Localité 3] ne font la preuve suffisante M. [V] [M] a accompli des actes positifs de gestion ou de direction en toute indépendance.

Il ne peut donc être qualifié de gérant de fait de la société ADB et ne doit donc répondre que des faits commis avant le 6 mars 2013, c'est-à-dire à l'époque où il était gérant de droit de cette société.

3. La SARL ADB a fait l'objet d'un contrôle fiscal qui a donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal en date du 23 juin 2014 constatant le rejet de la comptabilité et à une proposition de rectification, suite à vérification de comptabilité, notifiée le 31 juillet 2014.

Au regard du procès-verbal daté du 23 juin 2014, Me [Q] est fondé à soutenir que l'administration fiscale a mis en évidence le fait que la comptabilité de la société débitrice ne pouvait être considérée comme sincère, régulière et probante , en raison de ce que les pièces justificatives ne portaient aucune référence particulière permettant de suivre les écritures en comptabilité, qu'il n'y avait pas de chronologie dans l'établissement des factures clients, ce qui interdisait tout contrôle, qu'il n'y avait pas de pièces justificatives correspondant aux virements bancaires listés sur une annexe 1 et enfin, que la créance client enregistrée « An 01.01.2011 sur le Grand Livre ;compte 411.002 : S.C.I. Félibrige » n'était pas justifiée, s'agissant d'une créance de 238 490,55 € réglée par la S.C.I. Félibrige par délégation de paiement auprès des fournisseurs de la S.A.R.L. ADB.

Quant à la proposition de rectification de l'administration fiscale, elle a repris ces constatations et ainsi retenu que les pièces justificatives ne portaient aucune référence particulière permettant de suivre les écritures en comptabilité, ainsi qu'une absence de chronologie dans l'établissement des factures clients ne permettant pas de procéder au contrôle exhaustif des produits, ce qui concernait 7 factures sur 10 de l'exercice 2011 non comptabilisées au titre de l'exercice 2011, 18 factures pour l'exercice 2012 et 10 factures pour l'exercice 2013. Elle a également retenu une absence de pièces justificatives correspondant à des paiements par virements bancaires à hauteur de 202.714,59 euros, une absence de justification de la créance client enregistrée au 01.01.2011 sur le Grand Livre compte 411002 S.C.I. Félibrige, créance payée par la S.C.I. Félibrige par l'intermédiaire d'une délégation de paiement auprès des fournisseurs de la S.A.R.L. ADB, une absence de comptabilisation de prestations réalisées et d'encaissements bancaires (18 factures pour un montant total de 277 882,44 € émises au nom de la S.C.I. Le Hameau du Coulon, non comptabilisées) et l'absence de comptabilisation de chèques émis par la S.C.I. Le Hameau du Coulon à hauteur de 212.171,39 euros, en dépit de ce qu'ils avaient été encaissés, quoique n'apparaissant pas sur le compte bancaire de la S.A.R.L. ADB.

Ces constatations se rapportent aux exercices 2011 et 2012, années durant lesquelles le gérant de droit était M. [V] [M], mais également à l'exercice 2013, année au cours de laquelle Mme [H] a été nommée gérante de la société, ainsi que cela a été dit précédemment.

À cet égard il est établi que plusieurs factures, établies entre le 31 mars 2013 et le 31 octobre 2013 n'avaient pas été comptabilisées.

Ces manquements caractérisent la tenue d'une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard de l'article L. 653-5 du code de commerce, comme l'a justement retenu le tribunal au soutien de sa condamnation à une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [V] [M] et de Mme [A] [H].

4. Le liquidateur judiciaire a adressé Mme [H] une demande d'explication en date du 24 juin 2014, ainsi rédigée : « J'ai obtenu de la banque Chaix les relevés de compte pour la période du 21 février 2014 au 23 mai 2014. Il ressort de ces documents (') que vous avez procédé par virement au règlement de : [A] [M] : 2837,91 €, [Z] [M] : 17 949,80 €, [M] [M] : 3779,78 €. Par la présente, je vous mets en demeure de m'indiquer à quoi correspondent ces règlements en adressant également les pièces justificatives comptables correspondantes. Sans réponse de votre part sous huitaine, je déposerai une plainte pénale pour banqueroute par détournement d'actifs ».

Les justificatifs attendus n'ont pas été produits.

Mme [H] prétend que le grief portant sur l'omission de comptabilisation de la somme de 212 171,39 €, correspondant à des chèques remis par le client SCI Hameau du Coulon, entre 2011 à 2013, est imprécis ; que les relevés bancaires de la Banque Chaix selon lesquels il existe des virements en faveur des comptes bancaires du couple [M] depuis le compte de la société ( 2.837,91 € au profit d'elle-même, 17.949,80 € au profit de M. [Z] [M] et 3.779,78 euros au profit de M. [M] [M]), ne permettent pas d'identifier leur auteur ; qu'au demeurant, à l'époque des faits elle n'était ni gérante de droit ni gérante de fait de la société ; qu'en outre la cour doit savoir qu'en 2010, à l'occasion d'un découvert important, la banque Chaix a coupé les moyens de paiement à la société, ce qui a obligé M. [Z] [M] à garantir les dettes de la société pour la somme de 65.000 € , raison pour laquelle la société a utilisé le chéquier de [Z] [M] pour pouvoir maintenir son activité ; qu'en toute hypothèse, Me [Q] disposait, du fait de la garantie de caution donnée par M. [Z] [M] à hauteur de 65 000 € de la possibilité d'obtenir le remboursement par lui des sommes de 2837,91 €, 17 949,80 € et 3779,78 €.

Mais, l'article L.653-4 du Code de commerce (1e et 5e) institue un cas de faillite personnelle du dirigeant qui a disposé des biens de la personne morale comme les siens propres ou dans le cas de détournement d'actif.

La question n'est donc pas celle de la prétendue garantie offerte par M. [Z] [M], mais de la légitimité des opérations en cause au regard de l'intérêt social, le fait n'étant en effet nullement établi que les sommes en cause ont servi à régler des fournisseurs.

Ainsi que le soutient Me [Q], le détournement porte sur la somme de 212 171,39 € qui correspond aux chèques établis par la S.C.I. Le Hameau du Coulon pour les exercices 2011, 2012 et 2013 , mais qui n'apparaissent ni en comptabilité, ni sur le compte bancaire de la société ADB, mais également sur les sommes visées dans la lettre de mise en demeure du 24 juin 2014.

M. [V] [M] , mais également Mme [H], pour les détournements postérieurs au 6 mars 2013 , date à laquelle elle est devenue gérante, sont donc dans le cas prévu à l'article L.653-4 du Code de commerce (1e et 5e), observation étant faite que le liquidateur judiciaire ne disposait évidemment pas des documents qu'il a réclamés dans la lettre du 24 juin 2014, à laquelle Mme [H] n'a apporté aucune réponse en temps voulu.

En conséquence, la décision du tribunal sur la mesure de faillite personnelle sera intégralement confirmée.

5. Mme [H] prétend qu'il existait des créances, notamment une créance de 260 000 € sur la société Rubis Matériaux qui n'a jamais été payée à la société ADB ; qu'il en est de même d'une créance non recouvrée de 100 000 € correspondant au chantier Medipole ; que si ces sommes avaient été recouvrées par le mandataire judiciaire le passif serait moindre ; qu'en outre, la société SGC a été en relation contractuelle avec la société Rubis Avignon pour la réalisation par SG Construction en 2007 d'un chantier pour le compte de la société Vaucluse Logement qui via une économie d'échelle, payait les prestations commandées en dessous du prix du marché ; que la société Rubis, consciente de la difficulté dans laquelle allait se trouver la société SGC, sollicita la garantie hypothécaire, pour être garantie dans le paiement des fournitures de marchandises et lui demanda le paiement, au titre de l'année 2009 d'une somme de 154 046,54 € , avant de solliciter de M. [L] [M] l'intervention de la société ADB pour la réalisation d'un important chantier; que la société ADB a alors réalisé pour le compte de [D] [I], alors gérant d'une SCI dite Le Hameau du Coulon, la réhabilitation d'un village entier sis à [Localité 4] ; qu'un accord est intervenu entre les parties afin de solder par compensation auprès de la société Rubis la dette de la société SGC via la réalisation du chantier d'[Localité 4], par la société ADB, afin de conduire la société Rubis à renoncer à se prévaloir d'une l'hypothèque prise sur l'immeuble personnel de M. [Z] [M], fils de [L] ; que pour ce chantier, la société ADB était fournie en matériel directement par la société Rubis et facturait elle-même la SCI Le Hameau de Coulon , qui finançait l'opération, qui représentait la somme totale de 639.060,32 € entre 2011 à 2013 ; que sur cette somme il restait à payer à la société ADB la somme de 257 000 € ; que comme la société Rubis avait réussi à obtenir dans le cadre de différentes procédures collectives le paiement d'une grande partie de sa créance (179 000 € sur 200 000 €), il demeurait un solde impayé en sa faveur de 21 000 €, qui fut déduite des 257 000 € et ne furent jamais payées par Rubis à ADB ; que le tribunal n'a pas pris en compte cette situation dont il résulte qu'entre 2011 et 2013 la société ADB a réalisé des travaux pour le compte du Hameau du Coulon pour un montant de 646.962,64 €, somme sur laquelle la société Rubis a retenu celle de 245 991,25 € pour se payer l'équivalent des sommes garanties au titre de l'hypothèque prise sur l'immeuble personnel de M. [Z] [M], motif pour lequel la Cour constatera qu'il ressort des grands livres comptables de la société ADB sur les années 2011 à 2013 que sur les 646 962,64 € dus par la société Rubis, seuls 401 671,39 euros furent payés et qu'après avoir remboursé à la société Rubis la somme de 179 000 € via des délégations de paiements provenant d'autres chantiers, elle se trouva créancière de 236 000 € qui ne furent jamais payés dans le cadre de la procédure collective de la société ADB et ne furent jamais réclamés par Me [Q], défaillance sur laquelle il doit s'expliquer, car cela a placé la société ADB dans une situation financière inextricable, ce qui doit aussi conduire la cour à réévaluer le passif .

Mais ces allégations ne sont appuyées d'aucune preuve comptable, Me [Q] soutenant ici sans être sérieusement contredit qu'aucune créance à l'encontre de la société Rubis Matériaux ne figure dans la comptabilité et que selon le bilan et la balance globale arrêtés au 31 décembre 2013, les clients débiteurs étaient : la SCI Le Hameau du Coulon à hauteur de 1.631,43 €, la SCI Félibrige à hauteur de 240.156,25 €, la SCI Polynome à hauteur de 29.690,43 €, la Marie d'[Localité 5] à hauteur de 17.461,60 € et les Voyages Arnaud à hauteur de 1.497,39 € ; que s'agissant de la créance de 100 000 €, pour la réalisation du chantier Medipole, elle paraît devoir s'appliquer à une créance de la SCI Polynome, qui a été placée en liquidation judiciaire le 22 avril 2014 dont le liquidateur lui a délivré un certificat d'irrecouvrabilité .

En définitive, la seule créance importante figurant en comptabilité est celle qui serait détenue à l'encontre de la SCI Félibrige.

Or, il ressort du contrôle fiscal, que cette créance avait été réglée par ladite SCI, par l'intermédiaire de délégations de paiement auprès des fournisseurs, lesquels n'ont pas été inscrits en comptabilité.

Les griefs de Mme [H] ne sont donc pas fondés, ni sa demande tendant à ce que soit ordonnée une expertise.

6. Ainsi que l'a énoncé le tribunal, en ne tenant pas une comptabilité régulière et conforme aux dispositions légales, se privant ainsi du moyen de percevoir l'évolution réelle de la situation financière de la société ADB, de contrôler la rentabilité ou leur ayant permis de déceler les difficultés que la société ne pouvait plus surmonter, les dirigeants mis en cause ont commis une faute de gestion ayant contribué à l'aggravation du passif.

7. À cette faute de gestion s'ajoute celle ayant consisté à détourner des fonds appartenant à la société, directement en lien avec l'aggravation de l'insuffisance d'actif.

8. L'actif social correspond au solde du compte bancaire s'élevant à la somme de 15 065,92 € et le passif s'élève à la somme de 431 223,84 €, le tribunal ayant exactement relevé que par ordonnance du 14 janvier 2015, le juge-commissaire avait admis la créance du service des impôts des entreprises pour une somme de 378 982 € à titre privilégié.

L'insuffisance d'actif est donc indéniable.

9. La contribution à l'insuffisance d'actif sera fixée à proportion des fautes commises par chacun des deux gérants, ayant contribué à l'insuffisance d'actif, soit 200.000 € pour M. [V] [M] et 20.000 € pour Mme [H], sans solidarité.

10. Mme [H] reproche à Me [Q] divers manquements, dans l'exercice de son mandat, à quoi ce dernier réplique que la cour n'est pas compétente pour statuer sur son éventuelle responsabilité professionnelle.

Mais, en dépit des arguments qu'elle développe dans ses conclusions, Mme [H] n'élève aucune prétention à l'encontre de Me [Q], à titre personnel.

11. Il sera statué sur les dépens et les frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a retenu que M. [V] [M] avait exercé la gérance de fait de la société Alpilles Durance Bâtiment et en ce qu'il l'a condamné, solidairement avec Mme [A] [H] à payer au liquidateur judiciaire, au titre de l'insuffisance d'actif, la totalité de l'insuffisance qui résultera des opérations de liquidation judiciaire,

Réformant de ce chef et statuant à nouveau,

Vu les articles L. 651-1 et suivants du code de commerce,

Condamne M. [V] [M] à payer au liquidateur judiciaire de la société Alpilles Durance Bâtiment, au titre des fautes de gestion commise par lui ayant contribué à l'insuffisance d'actif, la somme de 200.000,00 euros, outre la somme de 1500 €, au titre des frais irrépétibles,

Condamne Mme [A] [H] à payer au liquidateur judiciaire de la société Alpilles Durance Bâtiment au titre des fautes de gestion commise par elle ayant contribué à l'insuffisance d'actif, la somme de 20.000,00 euros outre la somme de 1500 €, au titre des frais irrépétibles,

Rejette toute autre demande,

Condamne M. [V] [M] et Mme [A] [H], pour moitié chacun, aux dépens de l'instance,

LA GREFFIERE,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/15554
Date de la décision : 29/06/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°16/15554 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-29;16.15554 ?
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