COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 29 JUIN 2017
jlp
N° 2017/ 564
Rôle N° 16/00296
[J] [Y]
[L] [F]
SCI TIPASA
C/
[G] [F]
[H] [F] épouse [L]
[Y] [F]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Gilbert UGO
SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES
SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 01 Décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 08/01332.
APPELANTES
Madame [J] [Y]
appelante et intimée
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Gilbert UGO, avocat au barreau de GRASSE
Mademoiselle [L] [F]
appelante et intimée
demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Philippe REZEAU, avocat au barreau de PARIS, plaidant
SCI TIPASA,
appelante et intimée,
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité au siège social sis demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Philippe REZEAU, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMES
Monsieur [G] [F]
demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Jean Louis KEITA ., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
Madame [H] [F] épouse [L]
demeurant [Adresse 2]
défaillante
Madame [Y] [F].
demeurant [Adresse 1]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Mai 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2017
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2017,
Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
[G] [F], pour le compte d'une société civile immobilière Laurbéa, dont il était le gérant et l'associé majoritaire, a obtenu, le 4 juin 1987 un permis de construire, par arrêté du maire [Localité 1] en date du 4 juin 1987, en vue de l'édification d'une maison individuelle avec piscine sur le lot [Cadastre 1] du lotissement du « Paradis terrestre » situé à [Adresse 1], sur une parcelle de 4350 m² cadastrée section [Cadastre 2] ; les travaux de construction ont fait l'objet d'une déclaration d'ouverture de chantier, le 18 janvier 1988.
Selon acte reçu le 3 juillet 1990 par Me [E], notaire au [Localité 2], il a été constitué une société civile immobilière dénommée Tipasa entre [G] [F], son épouse née [J] [Y] et ses trois enfants, [H] [F] épouse [L], [L] [F] et [Y] [F] ayant pour objet la propriété, la gestion, l'administration et la disposition des biens dont elle pourrait devenir propriétaire dans la suite, par voie d'acquisition, vente en état futur d'achèvement, apport ou autrement et notamment des biens sis à [Adresse 3] et [Adresse 1].
Le capital a été divisé en 100 parts sociales de 100 Fr. chacune, réparti entre les associés à concurrence de 27 parts pour [G] [F], par ailleurs gérant de la SCI, 28 parts pour [J] [Y] épouse [F] et 15 parts pour chacun de leurs trois enfants.
Le 12 septembre 1990, par acte de Me [N], notaire au [Localité 2], la SCI Laurbéa a vendu à la SCI Tipasa la parcelle [Cadastre 2], formant le lot [Cadastre 1] du lotissement du « Paradis terrestre », au prix de 1 500 000 Fr. ; il n'est pas fait état dans l'acte de la construction d'une maison individuelle sur le terrain ainsi vendu.
Le divorce de [G] [F] et [J] [Y] a été prononcé par un jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 14 décembre 1998 ; M. [F] a continué à habiter une partie de la villa, qui avait été construite sur la parcelle [Cadastre 3] (issue de la division de la parcelle [Cadastre 2]), tandis que Mme [Y] et deux de ses filles en occupaient la plus grande partie.
L'assemblée générale des associés de la SCI Tipasa, convoqués par la nouvelle gérante, [L] [F], a décidé, le 11 mars 2014, de mettre en vente la propriété immobilière de la SCI au prix net vendeur de 8 500 000 €.
Entre-temps, par exploits des 14 et 19 février 2008, M. [F], exposant avoir financé seul l'ensemble de l'opération de construction, a fait assigner la SCI Tipasa, Mme [Y], [H] [F] épouse [L], [L] et [Y] [F] devant le tribunal de grande instance de Grasse pour voir dire que l'octroi de 28 % des parts de la SCI à Mme [Y] s'analyse en une donation déguisée, qui doit être révoquée ou annulée, dire qu'il dispose d'une créance sur la SCI à hauteur de la somme de 1 878 762 € augmentée des intérêts légaux à compter du 3 juillet 1990, date de constitution de la société, somme devant être inscrite à son compte courant d'associé et fixer une indemnité d'occupation devant être versé par les associés occupants dans les comptes sociaux de la SCI.
Par jugement du 4 janvier 2011, confirmé en appel, le tribunal a notamment :
'dit que M. [F] ne démontre pas avoir consenti une donation à Mme [Y] portant sur 28 % des parts sociales, lors de la constitution de la SCI Tipasa,
'débouté M. [F] de sa demande d'annulation de la prétendue donation déguisée et de sa demande subsidiaire en révocation de donation indirecte,
'dit que M. [F] ne démontre ni gestion fautive, ni carence imputable à la gérante de la SCI Tipasa,
'débouté M. [F] de ses demandes fondées sur l'article 1843-5 du code civil,
'débouté M. [F] de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation au profit de la SCI,
'débouté M. [F] de sa demande d'expertise sur la valeur locative de la maison et de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour le compte de la SCI Tipasa,
'avant-dire droit sur la demande relative au compte courant, ordonné une expertise comptable et désigné M. [J] pour y procéder.
L'expert a établi, le 30 octobre 2011, un rapport de ces opérations, aux termes duquel il indique, en l'absence d'observations des parties et de leurs avocats à son pré-rapport du 31 août 2011, que :
'le total des factures (relatives à la construction d'une villa de 400 m² avec jardin et piscine et de deux appartements de 180 m² chacun) avant le 3 juillet 1990 (date de création de la SCI Tipasa) s'élève à 6 700 742 Fr., soit 1 021 521,53 €,
'le total des factures entre le 3 juillet 1990 et le 12 septembre 1990 (date de la vente par la SCI Laurbéa à la SCI Tipasa de la parcelle [Cadastre 2]) s'élève à 554 124 Fr., soit la somme de 84 475,66 €,
'le total des factures après le 12 septembre 1990 s'élève à 3 718 461 Fr., soit 566 875,73 €,
'le total des factures représente une somme de 10 973 328 Fr., soit 1 672 873 €,
'le compte-courant de M. [F], associé dans la SCI Tipasa, s'élève à 11 785 162,91 Fr., soit 1 796 636,50 €.
Parallèlement, par exploit du 17 février 2012, M. [F] a fait assigner la SCI Tipasa devant le tribunal de grande instance de Grasse en vue d'obtenir l'annulation de la résolution d'une précédente assemblée générale du 19 décembre 2011 ayant décidé la vente de la propriété ; il a surtout demandé au tribunal, aux termes de son assignation, de dire que la SCI Tipasa a fait l'acquisition, le 12 septembre 1990, du terrain et non de la villa édifiée sur la parcelle [Cadastre 2] constituant le lot [Cadastre 1] du lotissement du domaine du Paradis terrestre, que cette villa a été intégralement financée par lui et qu'il est fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 555 du code civil relatives à l'indemnité et au droit de rétention du constructeur dans l'attente du paiement de l'indemnité d'accession.
Après jonction des deux instances connexes, le tribunal a, par jugement du 1er décembre 2015 :
'déclaré les demandes de M. [F] recevables,
'fixé la créance de compte courant d'associé de M. [F] dans les livres de la SCI Tipasa à la somme de 409 730,53 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
'ordonné l'inscription de cette somme au profit de M. [F] dans les livres comptables de la SCI Tipasa,
'constaté que la vente de la SCI Laurbéa à la SCI Tipasa, par acte du 12 septembre 1990, a porté uniquement sur le terrain sis à [Adresse 3] et [Adresse 1], constituant le lot [Cadastre 1] du lotissement domaine du Paradis terrestre,
'dit que M. [F] est fondé à obtenir l'indemnité du constructeur prévu à l'article 555 du code civil, pour les constructions édifiées sur ce terrain,
'débouté M. [F] de ses demandes d'annulation des résolutions des assemblées générales en date des 19 décembre 2011 et 11 mars 2014 ayant décidé la mise en vente du bien immobilier,
'débouté M. [F] du surplus de ses prétentions,
'débouté la SCI Tipasa de sa demande de dommages et intérêts,
'dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
'dit n'y avoir lieu application de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamné la SCI Tipasa aux dépens.
[J] [Y], d'une part, [L] [F] et la SCI Tipasa, d'autre part, ont régulièrement relevé appel de ce jugement, le 8 janvier 2016.
Les deux procédures d'appel enrôlées sous les numéros 16/00296 et 16/00303 ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 2 février 2016.
La SCI Tipasa et [L] [F] demandent à la cour (conclusions déposées le 23 mars 2017 par le RPVA) de :
'confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [F] de ses demandes d'annulation des résolutions des assemblées générales en date des 19 décembre 2011 et 11 mars 2014 ayant décidé la mise en vente du bien immobilier,
(')
'infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
'dire et juger que la vente entre la SCI Laurbéa et la SCI Tipasa en date du 12 septembre 1990 a porté sur le terrain et la construction édifiée,
'constater que le coût de construction supporté par M. [F] est antérieure à la vente du 12 septembre 1990 et antérieur à la constitution de la SCI Tipasa,
'constater que M. [F] ne justifie pas le paiement effectif des factures versées aux débats,
'constater que M. [F] ne rapporte pas la preuve des fonds ayant servi à ces paiements,
'constater que la créance n'a jamais été porté à la connaissance de la SCI Tipasa, ni enregistrée en comptabilité,
'débouter M. [F] de sa demande tendant à établir une créance en compte-courant sur la SCI Tipasa,
Subsidiairement :
'écarter toutes les factures relatives au coût de construction,
'constater que le constructeur au titre de l'article 555 du code civil ne peut diriger sa demande que contre le propriétaire du terrain lors de la construction,
'constater l'absence de tout accord entre la SCI Laurbéa et la SCI Tipasa sur cette date,
'déclarer M. [F] irrecevable et mal fondé à dire et juger sa demande sur le fondement de l'article 555 du code civil à l'encontre de la SCI Tipasa,
'débouter M. [F] de toutes demandes de ce chef,
Plus subsidiairement :
'constater le comportement fautif de M. [F],
'condamner M. [F] à garantir la SCI Tipasa de toutes sommes auxquelles elle pourrait être condamnée à son profit au titre du coût de la construction,
'débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
'le condamner à payer à la SCI Tipasa et à [L] [F] une indemnité de 12 000 €, chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Formant appel incident, M. [F] sollicite de voir (conclusions déposées le 10 avril 2017 par le RPVA) :
'dire sans objet, nulle et non avenue la résolution de l'assemblée générale de la SCI Tipasa en date du 19 décembre 2011 ayant décidé de la mise en vente de la totalité de la propriété sise à [Adresse 1] et[Adresse 3], cadastrée section [Cadastre 2], constituant le lot [Cadastre 1] du lotissement du domaine du Paradis terrestre, au prix net vendeur minimum de 15 000 000 €, faute pour la SCI d'avoir acquis la propriété de la construction ou d'avoir décidé d'indemniser le constructeur de bonne foi, en application des dispositions de l'article 555 du code civil, et versé l'indemnité due,
'dire sans objet, nulle et non avenue la résolution de l'assemblée générale de la SCI Tipasa en date du 11 mars 2014 ayant décidé de la mise en vente de la totalité de la propriété ('), au prix net vendeur de 8 500 000 €, faute pour la SCI d'avoir acquis la propriété de la construction ou d'avoir décidé d'indemniser le constructeur de bonne foi, en application des dispositions de l'article 555 du code civil, et versé l'indemnité due.
Il conclut la confirmation du jugement pour le surplus et à la condamnation de la SCI Tipasa à lui verser la somme de 10 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Egalement appelante du jugement, Mme [Y] n'a pas conclu.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 25 avril 2017.
Le 9 mai 2017, la SCI Tipasa et [L] [F] ont déposé une pièce nouvelle n° 28 et sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture, ce à quoi M. [F] s'est opposé.
MOTIFS de la DECISION :
1-la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :
Il n'est justifié d'aucune cause grave au sens de l'article 784 du code de procédure civile, applicable par renvoi de l'article 907, de nature à justifier la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 25 avril 2017 ; si M. [F] a déposé des conclusions le 10 avril 2017, soit quinze jours avant le prononcé de l'ordonnance, la SCI Tipasa et [L] [F] avaient elles-mêmes conclu le 23 mars 2017, alors que l'affaire avait été fixée à l'audience depuis le 22 décembre 2017, les parties ayant été informées de la date de clôture de l'instruction ; il n'y a donc pas lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et la pièce n° 28 déposée le 9 mai 2017 par la SCI Tipasa et [L] [F] doit être écartée des débats.
2-l'appel de [J] [Y] :
L'article 1635 bis P du code général des impôts institue un droit d'un montant de 225 € dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire devant la cour d'appel, qui est acquitté par l'avocat postulant pour le compte de son client soit par voie de timbres mobiles, soit par voie électronique, le produit de ce droit étant affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoué dans le cadre de la réforme de la représentation devant la cour d'appel ; il résulte de l'article 963 du code de procédure civile que lorsque l'appel entre dans le champ d'application de l'article 1635 bis P du code général des impôts, les parties justifient, à peine d'irrecevabilité de l'appel ou des défenses selon le cas, de l'acquittement du droit prévu à cet article et de l'article 964 du même code, qu'est notamment compétente pour prononcer l'irrecevabilité de l'appel en application de l'article 963, la formation de jugement.
En l'occurrence, l'affaire a été fixée à l'audience de la cour par avis du greffe en date du 22 décembre 2016, rappelant aux parties qu'en cas de non régularisation de la procédure au regard des timbres, l'irrecevabilité prévue par l'article 964 du code de procédure civile sera prononcée d'office ; Mme [Y] ne s'étant pas acquittée du droit de 225 € prévu par l'article 1635 bis P du code général des impôts, alors que son appel entre dans le champ d'application de ce texte, et n'ayant pas régularisé le paiement malgré l'avis du greffe, il convient de déclarer d'office irrecevable son appel, enrôlée sous le numéro 16/00296.
3-l'appel de la SCI Tipasa et [L] [F] :
-le compte courant d'associé de M. [F] :
Le premier juge a retenu le principe d'une créance en compte courant d'associé de M. [F], dont il a fixé le montant à la somme de 2 687 656,08 Fr. ou 409 730,53 €, après avoir considéré que seules les dépenses engagées par l'intéressé pour la construction de la villa postérieurement au 12 septembre 1990, date de la vente du terrain par la SCI Laurbéa, devaient être prises en compte, dès lors, d'une part, qu'à défaut de reprise des engagements souscrits pour le compte de la SCI Tipasa dans les statuts ou en vertu d'une résolution de l'assemblée générale des associés, celle-ci ne pouvait être redevable de dettes constituées antérieurement à sa création et qu'entre le 3 août 1990, date d'immatriculation de la SCI, et le 12 septembre 1990, la société n'avait eu aucune activité, ce dont il résultait que les factures liées aux dépenses de fonctionnement (Lyonnaise des Eaux, Edf, entretien du jardin, nettoyage ') ne pouvaient, non plus, être mises à sa charge ; M. [F] demande la confirmation du jugement ayant fixé à la somme de 409 730,53 € sa créance en compte courant.
Pour autant, M. [F] ne s'est prévalu d'une créance sur la SCI Tipasa que 18 ans après la vente du terrain à celle-ci par la SCI Laurbéa, alors que l'essentiel des travaux de construction de la villa sur la parcelle [Cadastre 2] avait été effectué entre janvier 1988 et mars 1990 ; il résulte surtout de l'article 8 des statuts de la SCI Tipasa consacré aux « comptes courants d'associés », que chaque associé peut, sur la demande de la gérance, et avec le consentement de ses co-associés, verser à la caisse sociale en compte courant ou laisser sur sa part de bénéfices, les sommes dont la société pourrait avoir besoin ; le versement par un associé dans la caisse sociale, sur des fonds qui lui sont propres ou provenant de sa part dans les bénéfices, de sommes nécessaires à la société en vue de la réalisation de son objet social suppose ainsi, selon les statuts, le consentement de ses coassociés, consentement qui a pour effet de faire naître une créance de l'associé sur la SCI ; il en est logiquement de même mutatis mutandis en ce qui concerne le règlement direct par l'associé de dépenses nécessaires à la réalisation de l'objet social.
Or, en l'espèce, il n'est pas justifié, ni même allégué, de résolutions prises par l'assemblée générale des associés de la SCI, qui auraient approuvé l'affectation par M. [F] des dépenses de construction de la villa, réglées par lui, en compte courant d'associé ; s'il a été communiqué à l'expert, M. [J], une balance « fournisseurs », un extrait du grand livre général faisant apparaître le compte courant de M. [F] et un bilan mentionnant également au passif ledit compte courant, établis par un expert-comptable (M. [D]) relativement à la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1994, force est de constater que ces documents comptables ont été établis a posteriori et ne sauraient donc établir l'existence d'un compte courant, alors qu'aucune approbation des comptes sociaux n'a été soumise à l'assemblée générale durant la période de 1990 à 2002 au cours de laquelle M. [F] a été le gérant de la SCI.
Le jugement entrepris doit en conséquence être réformé en ce qu'il a fixé la créance de compte courant d'associé de M. [F] à la somme de 409 730,53 € et ordonné l'inscription de cette somme à son profit dans les livres de la SCI Tipasa, les appelantes étant fondées à contester le principe même de l'existence d'un compte courant.
-l'indemnité fondée sur l'article 555 du code civil :
Pour considérer que M. [F] est en droit d'invoquer, dans ses rapports avec la SCI Tipasa, les dispositions de l'article 555 du code civil, le premier juge a justement retenu, en l'état des éléments d'appréciation qui lui étaient soumis, que la vente intervenue le 12 septembre 1990 entre la SCI Laurbéa et la SCI Tipasa a porté seulement sur le terrain de 4350 m² cadastré section [Cadastre 2] formant le [Cadastre 1] du lotissement du Paradis Terrestre ; le bien vendu est, en effet, clairement identifié dans l'acte, pages 1 et 2, comme consistant en un terrain à bâtir destiné par l'acquéreur à la construction d'une maison individuelle dont les trois quarts au moins de la superficie globale seront affectés à l'habitation, précision faite qu'il (l'acquéreur) s'engage à effectuer dans le délai de quatre ans à compter de ce jour sauf prorogation valablement obtenue les travaux nécessaires pour l'édification de cette construction ; aucune mention de l'acte ne fait état, vraisemblablement pour des raisons fiscales, de l'existence de constructions sur le terrain vendu et il importe peu qu'à la date de la vente, les travaux de construction de la villa, dont le chantier avait démarré en janvier 1988, se trouvaient achevés pour l'essentiel et que la villa était même habitée depuis juin 1990 par M. [F] et sa famille ; comme l'a également relevé le premier juge, le prix de 1 500 000 Fr., comparé aux prix des ventes des lots 115 et 117 du lotissement du Paradis Terrestre intervenues en avril et en juillet 1980 à des prix de 1 200 000 Fr. et 1 500 000 Fr. pour des terrains de superficies comparables (5200 m² et 6750 m²), correspond bien au prix de vente du terrain nu, sans les constructions, et dans le cadre des statuts établis le 3 juillet 1990, les associés de la SCI Tipasa ont expressément mandaté le gérant, M. [F], à l'effet de procéder immédiatement dans l'attente de l'immatriculation de la société, à l'acquisition du terrain au prix de 1 500 000 Fr.
En acquérant la propriété de la parcelle [Cadastre 2] en vertu de l'acte du 12 septembre 1990, la SCI Tipasa a également vocation à devenir propriétaire, par accession conformément à l'article 551 du code civil, des constructions édifiées sur le sol, à charge pour elle d'indemniser l'auteur des constructions en application de l'article 555, alinéa 3 du code civil, à moins qu'elle ne préfère en demander la démolition, ainsi qu'il est prévu à l'article 555, alinéa 2 ; la SCI Tipasa à laquelle il appartiendra d'exercer l'option prévue par ce texte, ne peut soutenir, la construction de la villa étant achevée lorsqu'elle est devenue propriétaire du terrain le 12 septembre 1990, que l'indemnité éventuellement due ne peut être réclamée qu'à la SCI Laurbéa, qui était propriétaire du terrain lorsque les travaux ont été réalisés ; en effet, il est de principe que l'action fondée sur l'article 555 doit être dirigée contre le propriétaire actuel du sol, susceptible de devenir propriétaire des constructions par le mécanisme de l'accession ; il importe donc peu qu'aucune cession de l'indemnité due au constructeur n'ait été formalisée dans les rapports entre la SCI Laurbéa et la SCI Tipasa et si l'acte de vente du 12 septembre 1990 ne contient aucune disposition particulière relativement à une telle indemnité, il s'en déduit alors que, le sort des constructions n'ayant pas été réglé, l'article 555 du code civil doit nécessairement s'appliquer.
L'application de l'article 555 dans les rapports entre la SCI Tipasa et M. [F] est étrangère au règlement des effets patrimoniaux du divorce entre celui-ci et Mme [Y], prononcé le 14 décembre 1998, et rien ne permet d'affirmer que M. [F] a entendu financer les travaux de construction de la villa, animé d'une intention libérale à l'égard de son épouse et de ses deux enfants, en dépit de sa demande, dont il a été débouté aux termes du jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 4 janvier 2011, confirmé en appel, tendant à faire requalifier en donation, l'acquisition par Mme [Y] de ses 28 parts de la SCI Tipasa.
Il résulte des énonciations du rapport d'expertise et des pièces produites que si le prix d'acquisition du terrain a été financé au moyen d'un prêt de 2 000 000 Fr. contracté en novembre 1990 par une société Simolux, dont M. [F] était l'unique actionnaire, auprès de la Banque Générale du Luxembourg, les travaux de construction ont été, pour l'essentiel, réglés par M. [F], à l'ordre duquel les factures étaient libellées, soit par des règlements en espèces, soit par des chèques tirés sur la banque de Neuflixe, Schlumberger, Mallet (NSM) ou la Lyonnaise de Banque sur des comptes ouverts à son nom ; la SCI Tipasa, qui ne disposait d'aucune ressource propre et qui n'a été créée qu'en juillet 1990, n'a nullement contribué au financement des travaux de construction et d'ailleurs ne le soutient pas, pas plus que les autres associés de la SCI, eux-aussi sans ressources propres, du moins au cours de la période 1988-1990 au cours de laquelle la plupart des travaux ont été réalisés ; certes, les ex-époux [F] ont vendu, en juin et juillet 1990, divers biens immobiliers, dont ils étaient propriétaires indivis, étant mariés sous le régime de la séparation de biens, pour un montant total de 4 950 000 Fr. (3 800 000 Fr. + 1 150 000 Fr.), dont il est permis de penser qu'il a été affecté, en tout ou partie, au paiement des travaux, mais force est de constater que la participation de M. [F] au financement des travaux a été majoritaire, si l'on considère que le montant total des factures comptabilisées par l'expert au cours de la période 1988-1995, s'élève à la somme de 10 973 328 Fr.
Enfin, la question de savoir si M. [F] doit être considéré de mauvaise foi au sens de l'article 555 du code civil, pour avoir construit sciemment une villa sur un terrain, dont il n'était pas propriétaire, se posera seulement dans l'hypothèse où la SCI Tipasa sollicite la démolition des constructions ; dans le cas contraire, qu'il soit considéré comme de bonne ou de mauvaise foi, il ne pourra pas être privé de son droit à indemnisation.
Le jugement doit ainsi être confirmé en ce qu'il a, d'une part, constaté que la vente de la SCI Laurbéa à la SCI Tipasa, par acte du 12 septembre 1990, a porté uniquement sur le terrain situé à [Adresse 3] et [Adresse 1], constituant le lot [Cadastre 1] du lotissement domaine du Paradis terrestre et, d'autre part, dit que M. [F] est fondé à obtenir l'indemnité du constructeur prévu à l'article 555 du code civil, pour les constructions édifiées sur ce terrain.
-l'annulation des résolutions des assemblées générales des 19 décembre 2011 et 11 mars 2014 ayant décidé la mise en vente :
C'est à juste titre, par des motifs pertinents, que le premier a considéré, pour débouter M. [F] de sa demande, que la créance d'indemnité de celui-ci ne constituait pas un motif d'annulation de résolutions régulièrement adoptées par les assemblées générales et qu'elle ne faisait pas obstacle à la vente du bien, l'indemnité susceptible de lui être reconnue se reportant sur le produit de la vente ; il convient d'ajouter que le droit de rétention de M. [F] a précisément pour vocation de garantir le paiement de l'indemnité lui revenant, sachant qu'il lui appartient, après avoir mis la SCI Tipasa en demeure d'exercer son option, de faire chiffrer ladite indemnité, au besoin par voie d'expertise, puisque, selon l'article 555, alinéa 3, celle-ci est égale, au choix du propriétaire du fonds, à une somme égale soit à la plus-value apportée par les constructions, soit au coût des matériaux et au prix de la main d''uvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état actuel des constructions ; le jugement doit en conséquence être confirmé de ce chef.
-les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, chacune des parties, conservera à sa charge les dépens personnellement exposés en cause d'appel ; il n'y a pas lieu, dans ces conditions, à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Ecarte des débats la pièce n° 28 déposée le 9 mai 2017 par la SCI Tipasa et [L] [F],
Déclare l'appel de [J] [Y], enrôlée sous le numéro 16/00296, irrecevable,
Au fond, réforme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 1er décembre 2015, mais seulement en ce qu'il a fixé la créance de compte courant d'associé de M. [F] à la somme de 409 730,53 € et ordonné l'inscription de cette somme à son profit dans les livres de la SCI Tipasa,
Statuant à nouveau de ce chef,
Déboute [G] [F] de sa demande tendant à la fixation d'une créance en compte courant d'associé sur la SCI Tipasa,
Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,
Rejette toutes autres demandes,
Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens personnellement exposés en cause d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du même code,
LE GREFFIERLE PRESIDENT