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23/06/2017 | FRANCE | N°17/05554

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 23 juin 2017, 17/05554


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2017



N° 2017/801













Rôle N° 17/05554





[G] [W]





C/



GIE AGPM

































Grosse délivrée

le :

à :Me Rozenn BARCELO

Me Emmanuel BLANC









Copie certifiée conforme délivrée aux parties leÂ

 :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de TOULON - section AD - en date du 17 Novembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1622.







APPELANTE



Madame [G] [W], demeurant [Adresse 1]



comparante en personne, assistée de Me Rozenn BARCELO, avocat au b...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2017

N° 2017/801

Rôle N° 17/05554

[G] [W]

C/

GIE AGPM

Grosse délivrée

le :

à :Me Rozenn BARCELO

Me Emmanuel BLANC

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de TOULON - section AD - en date du 17 Novembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1622.

APPELANTE

Madame [G] [W], demeurant [Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Rozenn BARCELO, avocat au barreau de TOULON, vestiaire : 0015

INTIMEE

GIE AGPM, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Emmanuel BLANC, avocat au barreau de VERSAILLES

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Mai 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe RUIN, Président

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2017.

Signé par Monsieur Christophe RUIN, Président et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Madame [G] [W] a été embauchée par contrat du 3 octobre 2005 par le Gie Agpm Gestion (ci-après Agpm) en qualité de rédactrice de point d'accueil.

Par acte du 28 décembre 2012, Madame [G] [W], avec d'autres salariés, a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon à l'encontre d' Agpm aux fins de demander la régularisation de commissionnements qui lui ont été prélevés, ainsi que la condamnation de son employeur à des dommages et intérêts pour comportement déloyal dans l'exécution du contrat de travail.

Par jugement de départage en date du 17 novembre 2015, cette juridiction a débouté Madame [G] [W] de ses demandes, débouté les parties de leurs réclamations au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné le demandeur aux dépens.

Madame [G] [W] a interjeté appel de cette décision le 10 décembre 2015.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions, déposées et soutenues oralement, Madame [G] [W] demande l'infirmation du jugement dans toutes ses dispositions et la condamnation de l'Agpm à lui verser 1 606,35 + 160,63 euros en ce qui concerne les sommes allouées au titre de la régularisation des commissions et congés payés afférents, ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement abusif et déloyal de son employeur, avec intérêts de droit sur les condamnations à caractère salarial depuis la saisine du conseil de prud'hommes, outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle précise qu'il n'a jamais donné son accord express à cette règle des débits, que cette dernière n'a fait l'objet d'aucune négociation annuelle obligatoire, que toute clause de variabilité doit avoir des causes objectives et ne peut pas faire peser sur le salarié le risque entreprenarial. Elle en conclut que cette règle lui est inopposable et doit donner lieu à restitution des débits.

Aux termes de ses écritures déposées et soutenues oralement à l'audience, le Gie Agpm Gestion conclut à la confirmation du jugement, au rejet des demandes de Madame [G] [W] et subsidiairement et à titre reconventionnel, si la cour venait à considérer la règle des débits non applicable à l'appelante, demande que soit ordonné le remboursement par Madame [G] [W] de la différence entre la rémunération minimale annuelle (ou RMA) et la rémunération versée par elle à cette dernière, à savoir la somme de 62 258 euros, faisant valoir que c'est tout le fonctionnement de la rémunération variable qui doit alors être remis en cause et non seulement la règle des débits intégrée à celui-ci.

Il demande enfin la condamnation de Madame [G] [W] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose que cette salariée est soumise à un régime salarial comprenant le versement d'une rémunération fixe outre une part variable individuelle et une part variable collective, fixées selon des barèmes annexés aux contrats de travail et intégrant la règle des débits, règle ne constituant pas une retenue ou une sanction pécuniaire mais intégrant la spécificité du contrat d'assurance et sa rentabilité.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il sera référé à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.

MOTIFS

Il ressort des pièces produites aux débats( contrat de travail, avenants, accord collectif du 13 janvier 1993) que les délégués commerciaux et rédacteurs du Gie Agpm Gestion disposent d'une rémunération comportant :

- une partie fixe,

- une partie variable dite 'individuelle' définie au contrat de travail comme un intéressement, en fonction de la production du salarié concerné, à la souscription des différents produits et services proposés au nom des entités du groupe Agpm, constituée de forfaits déterminés par lignes de produits et susceptibles d'évolution à la hausse, à la baisse ou maintenus en fonction de la politique commerciale définie par la direction de l'entreprise dans un barème des rémunérations,

- une partie variable 'collective'constituée par le versement de sommes dont le montant est calculé sur la production des différents salariés de la région.

Par ailleurs, quels que soient les montants de la rémunération globale (fixe + variable) il est prévu par l'accord collectif du 13 janvier 1993 que la rémunération effective du conseiller commercial ne pourra jamais être inférieure à celle résultant de la rémunération minimale annuelle (ou RMA).

Madame [G] [W] fait valoir que son employeur ne respecte pas le contrat de travail signé entre les parties, appliquant un dé-commissionnement non contractuellement prévu, et illicite comme représentant une sanction pécuniaire puisqu'il retire de son salaire, une partie de la commission perçue à l'occasion de la souscription d'une assurance lorsque celle-ci est résiliée par le client.

Le Gie Agpm Gestion réplique que les contrats de travail et les barèmes qui leurs sont annexés stipulent précisément ce mode de rémunération variable et cette règle des débits en cas de résiliation de contrat dans une durée déterminée, que cette partie de rémunération à l'intéressement est versée sous forme d'avance et n'est pas acquise au moment de la souscription des assurances, la rentabilité des contrats signés présentant un aléa en cas de résiliation rapide, aléa indépendant de la survenance de sinistres pesant quant à lui uniquement sur l'entreprise.

Cette règle des débits consiste à verser à la souscription du contrat d'assurance passé entre le client et le délégué commercial, la partie variable adéquate au délégué commercial à l'origine de cette souscription, avec application possible d'un débit de 90 % ou de 50 % si le contrat est résilié et selon la date de résiliation par l'adhérent.

Il n'est pas contesté que les contrats de travail comme les avenants liant les parties ne comportent pas cette clause telle qu'elle est précisément sus-définie, ceux-ci se contentant dans la définition de la partie variable individuelle de la rémunération de se référer à des valeurs forfaitaires visées dans des barèmes de rémunération joints en annexe et susceptibles d'être revus à la hausse, à la baisse ou maintenus en fonction de la politique commerciale de la direction, les actualisations du barème et des objectifs étant notifiés par tout moyen avant leur mise en place.

Surtout ces contrats et avenants, seuls documents signés par les parties, ne visent à aucun moment une règle de débits ou dé-commissionnement sur des commissions versées et des salaires obtenus, quelqu'en soient les modalités, pas plus qu'ils ne visent de quelconques avances sur commissions.

La rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que cette modification ne porte que sur la partie variable et que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié

Il appartient au juge de déterminer s'il y a eu modification de la rémunération indiquée dans le contrat de travail, cette modification s'entendant du montant mais aussi de la structure ou du mode de calcul de la rémunération prévue contractuellement. Il lui appartient également de déterminer si cette modification, sauf à ce qu'elle porte sur la fixation unilatérale des objectifs, est intervenue avec l'accord express du salarié.

En l'espèce, il n'est pas établi au regard des contrats de travail produits que ceux-ci comportaient des annexes ou barèmes signés par les parties et visant précisément cette règle des débits, et qu'il y a bien eu accord express et en toute connaissance de cause de la salariée à une clause du contrat portant sur un dé-commissionnement en cas de résiliation dans un délai donné de l'assurance souscrite par l'adhérent.

Par ailleurs, le fait de recevoir et accepter mensuellement des relevés mentionnant les débits relevés par l'employeur, des bulletins de paie sans protestation et réserves ainsi que de nouveaux barèmes en cas d'évolution, ne constitue pas une acceptation expresse de la modification du contrat de travail.

A défaut d'acceptation expresse de la salariée, il convient de dire que cette règle des débits est inopposable à Madame [G] [W] et ne saurait trouver application.

Qui plus est, toute clause de variation de salaire est licite si :

- la variation de la rémunération du salarié est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur,

- le salarié ne doit pas supporter le risque de l'entreprise,

- l'application de cette clause ne doit pas avoir pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux ou conventionnels,

- elle ne permet pas indirectement à l'employeur d'infliger une sanction pécuniaire prohibée au salarié.

En l'espèce, le fait de réduire de moitié, voire de 90% le forfait obtenu par le salarié lors de la souscription du contrat d'assurance et de le débiter d'autant à l'occasion de la rupture de ce dernier par l'adhérent dans un délai plus ou moins court (soit moins de deux ans ou moins d'un an après la souscription), revient bien à faire supporter au délégué commercial ou au rédacteur le risque de l'entreprise et la diminution de la rentabilité du contrat signé, et ce indépendamment de toute sinistralité intervenue à l'occasion dudit contrat d'assurance, et peut donc s'analyser comme une sanction pécuniaire infligée au salarié, cette règle des débits ayant pour effet de priver les salariés d'une partie des commissions qui leur étaient dues sur des contrats effectivement réalisés.

Le Gie Agpm Gestion demande subsidiairement et reconventionnellement, qu'à défaut d'application de cette règle des débits, il soit appliqué à la salariée, la RMA à la place des salaires qu'il a versé et qui intégraient les règles de la variabilité, entrainant ainsi un trop-perçu en sa faveur dont il réclame remboursement.

Pour autant, seule la clause relevant de la règle des débits doit être écartée et non celle relevant plus généralement des parties variables du salaire et intégrée dans le contrat de travail et les avenants. Il convient donc de rejeter cette demande reconventionnelle.

Sur la demande de dommages et intérêts de Madame [G] [W], le comportement déloyal de l'employeur est caractérisé par le fait qu'il faisait notamment supporter aux délégués commerciaux et rédacteurs un risque économique non imputable à ces derniers. Quand au préjudice subi, celui-ci est également établi, dans la mesure où la salariée était imposée fiscalement sur des sommes qui lui étaient ensuite déduites par son employeur.

Au vu de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions, dire les demandes de Madame [G] [W] fondées, condamner le Gie Agpm Gestion à verser à Madame [G] [W] les sommes de :

- 1 606,35 euros à titre de régularisation de commissions, outre 160,63 euros au titre des congés payés afférents pour la période allant de janvier 2008 à décembre 2012 (suivant décomptes produits aux débats), avec intérêts légaux à compter de la saisine de la juridiction prud'homale en application de l'article 1153-1 du code civil,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement abusif et déloyal,

et rejeter les demandes reconventionnelles de l'Agpm.

L'équité commande de condamner le Gie Agpm Gestion à payer à Madame [G] [W] la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

L'agpm qui succombe sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, rendu publiquement en matière prud'homale,

Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne le Gie Agpm Gestion à payer à Madame [G] [W] les sommes de :

- 1 606,35 euros à titre de régularisation de commissions, ainsi que 160,63 euros au titre des congés payés afférents, pour la période allant de janvier 2008 à décembre 2012 avec intérêts légaux à compter de la saisine de la juridiction prud'homale,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement abusif et déloyal,

- 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes et reconventions plus amples ou contraires,

Condamne le Gie Agpm Gestion aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 17/05554
Date de la décision : 23/06/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B8, arrêt n°17/05554 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-23;17.05554 ?
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