COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 22 JUIN 2017
Am
N° 2017/ 551
Rôle N° 15/22854
SARL AGENCE DU LITTORAL
C/
[D] [L]
[V] [L]
[F] [F]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP ROUILLOT - GAMBINI
l'ASSOCIATION JEAN CLAUDE BENSA & ASSOCIES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 26 Novembre 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/03647.
APPELANTE
SARL AGENCE DU LITTORAL
dont le siège social est [Adresse 1]
représentée par Me Maxime ROUILLOT de la SCP ROUILLOT - GAMBINI, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [D] [L]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Laurence CRESSIN de l'ASSOCIATION JEAN CLAUDE BENSA & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Louis BENSA, avocat au barreau de NICE
Madame [V] [L]
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Laurence CRESSIN de l'ASSOCIATION JEAN CLAUDE BENSA & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Louis BENSA, avocat au barreau de NICE
Madame [F] [F] Veuve [L]
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Laurence CRESSIN de l'ASSOCIATION JEAN CLAUDE BENSA & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Louis BENSA, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès MOULET, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
Madame Agnès MOULET, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2017, à cette date le délibéré a été prorogé au 22 Juin 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2017
Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
M. [D] [L], Mme [V] [L] et Mme [F] [F], veuve [L] résidant à [Localité 1] (Italie) ont confié selon mandat du 19 décembre 2012 à la SARL Agence du Littoral la gestion de leur villa située à [Localité 2]. Cette dernière l'a donnée en location à M. [L] [C], ressortissant russe, pour une durée d'un an allant du 6 janvier 2013 au 5 janvier 2014 moyennant paiement d'un loyer annuel de 200'000 €. Selon avenant du 23 décembre 2013, le bail a été renouvelé pour une durée d'un an expirant au 6 janvier 2015, le loyer annuel étant porté à la somme de 250'000 € payable à concurrence de 125'000 € au jour de l'avenant et du solde au plus tard le 30 mai 2014.
Aucun loyer n'ayant été réglé au titre de la reconduction du bail, un commandement de payer a été délivré au locataire le 12 mai 2014 ; le tribunal d'instance de Menton a ordonné son expulsion le 19 août 2014 et l'a condamné à payer aux bailleurs la somme de 250'000 € qui n'a pas été recouvrée, le locataire étant retourné dans son pays d'origine. Considérant que la SARL Agence du Littoral avait commis une faute de gestion, les consorts [L] l'ont assignée en déclaration de responsabilité et paiement de dommages-intérêts devant le tribunal de grande instance de Nice qui par jugement réputé contradictoire du 26 novembre 2015 a condamné la SARL Agence du Littoral à payer aux consorts [L] les sommes de 187'500 € à titre de dommages-intérêts, de 16 670 € en remboursement du dépôt de garantie et de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL Agence du Littoral a régulièrement relevé appel de cette décision et soutient principalement dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 4 juillet 2016, auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé des moyens, que :
' elle n'est pas responsable des dégradations commises dans les lieux par l'occupant ;
' le locataire ayant réglé intégralement les loyers de l'année 2013, il ne peut lui être reproché l'absence de garantie qu'au demeurant les consorts [L] n'ont pas réclamée ;
' elle a initié des mesures de poursuite dès le mois de mars 2014 ;
' les consorts [L] n'établissent aucun lien de causalité entre la faute prétendue et le préjudice subi ;
' le dépôt de garantie à hauteur de 10'000 € a été utilisé pour régler les charges locatives et ne peut être remboursé aux bailleurs.
La SARL Agence du Littoral conclut à l'infirmation du jugement déféré, au rejet des demandes des intimés et à leur condamnation au paiement d'une indemnité de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ces derniers, par conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique le 16 mai 2016, auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé des moyens, soutiennent principalement en réplique que :
' le locataire n'a pas réglé la somme de 125'000 € dès la signature de l'avenant et la SARL Agence du Littoral a attendu le 12 mai 2014 pour lui délivrer un commandement de payer ; de même elle n'a délivré aucun commandement pour le solde exigible au 30 mai 2014 ;
' un procès-verbal de constat du 18 juillet 2014 établit la dégradation des locaux ayant nécessité des travaux de réfection de telle sorte que la villa n'a pu être louée durant l'année 2014 ;
' la SARL Agence du Littoral a manqué de prudence et n'a pas pris les précautions utiles en temps opportun pour protéger leurs intérêts ;
' elle ne justifie d'aucun paiement de charges locatives pour leur compte.
Les consorts [L] concluent à la confirmation du jugement sauf à condamner la SARL Agence du Littoral au paiement de la somme de 250'000 € à titre de dommages-intérêts ; ils sollicitent également paiement d'une indemnité de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état de la procédure le 28 février 2017.
MOTIFS de la DECISION
Les termes du « mandat gestion de location saisonnière » souscrit à titre onéreux pour une durée d'un an reconductible par les consorts [L] le 19 décembre 2012 ne sont pas contestés ; il oblige principalement le mandataire à rechercher des locataires, établir les baux, procéder aux travaux urgents indispensables, percevoir toutes sommes et aviser immédiatement les bailleurs d'une difficulté d'exécution (cf. Paragraphe dispositions générales). L'article 1992 du code civil prévoit que « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. Néanmoins la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire ».
Il appartient aux consorts [L], selon les règles gouvernant la responsabilité contractuelle, d'établir une faute ayant occasionné directement le préjudice qu'ils invoquent. Si les parties admettent que la SARL Agence du Littoral ne peut répondre des dégradations commises par le locataire, s'agissant du fait d'autrui, le débat demeure pour la perte intégrale des loyers de l'année 2014.
La SARL Agence du Littoral plaide utilement que le locataire ayant réglé intégralement les loyers de l'année 2013 sans incident, elle n'avait pas à lui faire souscrire de garantie particulière lors de la mise en 'uvre de l'avenant et ce d'autant que d'une part une telle obligation ne figure pas au mandat et que d'autre part les consorts [L] n'ont jamais demandé la mise en 'uvre d'une garantie quelconque. Aucun manquement ne peut donc être reproché de ce chef au mandataire.
En revanche, la SARL Agence du Littoral a manqué de diligences puisqu'elle n'a pas procédé à l'encaissement du premier loyer de 125'000 € payable au jour de l'avenant, soit le 23 décembre 2013, que ces premiers courriels datent du 26 mars 2014 et que le commandement de payer n'a été délivré qu'au 14 mai suivant. Cependant la preuve d'un lien de causalité entre ces négligences et la perte d'une chance, qui doit être sérieuse, de recouvrer tout ou partie des loyers impayés n'est aucunement rapportée par les intimés ; en effet il est acquis que le locataire a quitté les lieux du jour au lendemain en y laissant même ses effets personnels, qui plus est après l'engagement de pourparlers quant à l'achat de la villa ; si les consorts [L] prétendent que les condamnations pécuniaires prononcées à son encontre n'ont pu être exécutées faute d'adresse, la cour relève qu'une résidence à [Localité 3] est bien mentionnée au bail du 19 décembre 2012. Il faut encore rappeler que la location portant sur une villa meublée, la réaction tardive de la SARL Agence du Littoral n'a pu priver les consorts [L] d'une saisie éventuelle du mobilier à titre de garantie.
Pour le surplus, ils n'indiquent pas les autres « précautions utiles en temps opportun pour protéger -leurs-intérêts » ( cf conclusions page 6 alinéa 12).
En conséquence, la demande doit être rejetée.
S'agissant du dépôt de garantie dont le montant de 10'000 € n'est pas discuté, la SARL Agence du Littoral justifie avoir réglé différentes factures d'entretien, conformément à son mandat, pour un montant total de 3031 € ( cf pièce n° 6 de son dossier) qui doit nécessairement venir en déduction de la demande de remboursement des intimés.
***
Aucune circonstance économique ou d'équité ne conduit à faire en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les parties succombant partiellement dans leurs prétentions respectives, chacune d'elles conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Déboute les consorts [L] de leur demande en déclaration de responsabilité et paiement de dommages-intérêts ;
Condamne la SARL Agence du Littoral à leur rembourser la somme de 6969 € au titre du dépôt de garantie ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT