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21/06/2017 | FRANCE | N°16/15588

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 21 juin 2017, 16/15588


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2017



N°2017/990













Rôle N° 16/15588







[H] [K]





C/



[N] [R]

CPAM DES [Localité 1]



































Grosse délivrée

le :

à :



- Me Henri LABI, avocat au barreau de [Localité 2]



- Me Cath

erine CLAVIN, avocat au barreau de [Localité 2]



- CPAM DES [Localité 1]





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des [Localité 1] en date du 30 Juin 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 21500508.





APPELANT



Mon...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 21 JUIN 2017

N°2017/990

Rôle N° 16/15588

[H] [K]

C/

[N] [R]

CPAM DES [Localité 1]

Grosse délivrée

le :

à :

- Me Henri LABI, avocat au barreau de [Localité 2]

- Me Catherine CLAVIN, avocat au barreau de [Localité 2]

- CPAM DES [Localité 1]

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des [Localité 1] en date du 30 Juin 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 21500508.

APPELANT

Monsieur [H] [K], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Henri LABI, avocat au barreau de [Localité 2]

INTIMES

Monsieur [N] [R], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Catherine CLAVIN, avocat au barreau de [Localité 2]

CPAM DES [Localité 1], demeurant [Adresse 3]

représentée par Mme [I] [E] (Inspectrice Juridique) en vertu d'un pouvoir spécial

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2017

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [K], victime d'un accident du travail le 11 janvier 2013, a fait appel d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des [Localité 1] du 30 juin 2016 qui a déclaré bien fondée son action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, M. [R], a ordonné une expertise médicale et lui a alloué une provision de 30 000 euros, condamnant M. [R] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, mais a rejeté sa demande de prise en charge de l'accident du travail par la caisse primaire d'assurance maladie.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 10 mai 2017, il a demandé à la Cour d'infirmer le jugement en ce que sa demande de prise en charge de l'accident du travail par la caisse primaire d'assurance maladie avait été rejetée.

Il n'a pas maintenu sa demande écrite d'évocation sur les indemnisations de ses préjudices après dépôt de l'expertise du docteur [N] mais il a demandé une somme de 60 000 euros à titre de provision.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, M. [R] a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de déclarer irrecevables les demandes de l'appelant en raison de l'absence de déclaration d'accident du travail dans les deux ans de cet accident, subsidiairement de les rejeter, les causes de l'accident étant indéterminées, et encore plus subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de prise en charge de l'accident par la caisse. Il a contesté la demande de provision.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie a demandé la confirmation du jugement concernant son refus de prise en charge. Subsidiairement, elle a déclaré ne pas avoir d'observations à présenter quant à la faute inexcusable de l'employeur, et, si elle était reconnue, elle a demandé la condamnation de l'employeur à lui rembourser les sommes dont elle aurait à faire l'avance.

La MNC a été avisée de l'appel.

MOTIFS DE LA DECISION

Le 11 janvier 2013, M. [K], peintre de formation, qui travaillait sur un pont-levant (ou nacelle) pour réaliser une rénovation de façade sur un chantier situé à [Localité 2], a glissé et a fait une chute d'environ quatre mètres provoquant des fractures dorsales ; il a subi une intervention chirurgicale dès son admission à l'hôpital. Une ITT prévisible a été fixée à un an.

Lors de l'enquête de police, il a déclaré que depuis cinq ans il travaillait pour M. [R] mais que, depuis décembre 2012, il n'avait pas de contrat de travail car la société n'existait plus ; il ne savait pas si, le jour de l'accident, il travaillait pour la société PRF gérée par M. [R] ou par la société BMP gérée par un certain [X], mais qu'en tout cas c'était M. [R] qui lui avait dit de faire les travaux en façade le jour de son accident ; M. [X] a contesté avoir embauché M. [K] qui, le jour de l'accident travaillait bien pour M. [R], mais il a reconnu que M. [R] le lui avait demandé car sa société PRF était en liquidation et qu'il s'était engagé à terminer le chantier que lui avait sous-traité le client, la société SPACE gérée par M. [U] ; M. [U] a envoyé son conducteur de travaux, M. [P], devant les enquêteurs et celui-ci a confirmé qu'à partir de février 2012, certains travaux avaient été confiés à la société PRF « hors contrat de sous-traitance » pour la somme de 45 000 euros car il avait déjà fait travailler M. [R]. Ce dernier a confirmé ces arrangements, évaluant le prix de sa prestation à 55 000 euros. M. [X] est décédé 10 heures après son audition.

M. [R] a été cité devant le tribunal correctionnel de [Localité 2] le 11 septembre 2013 sous les préventions de travail dissimulé (pour deux ouvriers) et de blessures involontaires causées à M. [K], avec incapacité supérieure à 3 mois pour des travaux en hauteur sans équipement préservant du risque de chute, « dans le cadre d'une relation de travail, en qualité d'employeur ».

Par jugement du 23 septembre 2013, il a été reconnu coupable de ces infractions et condamné à 12 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d'amende, outre des dommages-intérêts pour les membres de la famille de M. [K] au titre de leur préjudice moral. Aucun appel n'a été relevé contre ce jugement.

La caisse primaire d'assurance maladie a refusé la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle en faisant valoir que la demande lui avait été faite, par la victime uniquement, plus de deux ans après l'accident.

I - Concernant la prise en charge de l'accident du 11 janvier 2013 au titre de la législation professionnelle, le tribunal a considéré qu'aucune demande n'avait été faite à la caisse primaire d'assurance maladie dans les deux ans ayant suivi l'accident et que celle-ci était fondée à refuser toute rente et indemnité.

M. [K] dont l'appel est dirigé contre cette partie du dispositif de ce jugement, a fait valoir d'une part que la caisse primaire d'assurance maladie lui avait versé des indemnités journalières à partir du 11 janvier 2013 dans le cadre de l'assurance maladie et qu'elle avait donc eu une parfaite connaissance de ses arrêts de travail; il a fait valoir d'autre part qu'il avait fait délivrer à la caisse une citation par acte d'huissier du 29 août 2013, pour comparaître à l'audience pénale du tribunal correctionnel, devant lequel M. [R] était poursuivi en sa qualité d'employeur, pour l'infraction de travail dissimulé et pour l'infraction de blessures involontaires commises dans le cadre du travail, mais qu'elle n'avait pas comparu; il a fait valoir, enfin, qu'il avait saisi la caisse le 6 janvier 2015 d'une tentative de conciliation en vue de mettre en cause la faute inexcusable de son employeur et que cette réunion avait bien eu lieu sans remise en cause du caractère professionnel de l'accident. En conséquence, il a considéré que la caisse, qui était avisée de l'accident du travail dès le 29 août 2013, ne pouvait valablement lui opposer la forclusion de deux ans pour défaut de déclaration dans les deux ans suivant l'accident.

La caisse primaire d'assurance maladie a fait valoir qu'elle n'avait pas reçu de déclaration d'accident du travail ni de la part de l'employeur, ni de la part de la victime dans le délai de deux ans. Elle a considéré que, ni la citation devant le tribunal correctionnel, ni la tentative de conciliation organisée en janvier 2015, à la demande de la victime qui voulait engager une action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ne valaient déclaration d'accident du travail et n'emportaient reconnaissance, par ses services, du caractère professionnel de l'accident. Elle a fait valoir que la déclaration d'accident du travail lui avait été présentée plus de deux ans après l'accident, le 13 octobre 2015, par une lettre de l'avocat de la victime, ce qui lui permettait d'opposer la forclusion à ses demandes de rente et de prestations sociales.

La Cour rappelle que, si l'employeur ne procède pas à la déclaration d'accident du travail à l'organisme social, « la déclaration à la caisse peut être faite par la victime ou ses représentants jusqu'à l'expiration de la deuxième année qui suit l'accident » (article L441-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale).

L'accident ayant eu lieu le 11 janvier 2013, ce délai a expiré le 31 décembre 2015.

La déclaration faite par lettre du 13 octobre 2015 par laquelle il lui était demandé d'instruire la demande de reconnaissance de l'accident du travail, et dont la caisse reconnaît expressément qu'elle valait déclaration d'accident du travail, a donc été faite dans le délai.

Ni la caisse ni M. [R] ne peuvent se prévaloir d'une forclusion.

La caisse disposait déjà du certificat médical initial en arrêt maladie mais pouvait solliciter des documents complémentaires si elle l'estimait nécessaire.

L'absence de réponse ou de réaction de la caisse dans le délai de 30 jours ayant suivi cette déclaration emporte reconnaissance du caractère professionnel de l'accident. (article LR441-10 du code de la sécurité sociale).

La Cour, sans avoir à répondre aux arguments présentés par l'appelant et par la caisse, infirme le jugement sur ce point.

II - Concernant la recevabilité de l'action engagée par M.[K] contre M.[R], ce dernier fait valoir que, le jour de l'accident, l'employeur de M.[K] était la société PRF et il soulève l'irrecevabilité de l'action dirigée contre lui.

M. [K] soutient qu'il travaillait bien pour M. [R] le jour de l'accident, la société PRF étant en liquidation judiciaire depuis novembre 2012.

La Cour constate que lors de l'enquête de police, il a été démontré que M.[R] avait bien tenté de faire embaucher M. [K] par son collègue [X] pour finir le chantier « SPACE » débuté en Février 2012, mais que celui-ci avait refusé et que, le jour de l'accident, c'était bien M. [R] qui avait donné l'ordre à M. [K] de travailler sur le pont-levant. La société PRF (SAS à associé unique) étant en liquidation judiciaire depuis novembre 2012, ce que tous les protagonistes de ce litige savaient fort bien, elle ne pouvait pas avoir embauché M. [K] en février 2012, date du début des travaux sur le chantier « SPACE ». De plus, M. [R] n'a pas relevé appel du jugement du tribunal correctionnel de [Localité 2] en date du 23 septembre 2013 qui l'a condamné en sa qualité d'employeur de M. [K] du chef de l'infraction de blessures involontaires causées à celui-ci à l'occasion du travail.

Enfin, comparaissant à la réunion de conciliation organisée par la caisse le 3 juin 2015, il n'a pas contesté sa qualité d'employeur de la victime.

L'action est recevable.

Le jugement est confirmé sur ce point.

III - Concernant la faute inexcusable, la Cour rappelle que la victime d'un accident du travail (ou d'une maladie professionnelle), qui considère que cet accident (ou cette maladie) a eu pour cause la faute inexcusable de son employeur et veut bénéficier d'indemnités complémentaires, doit engager l'action prévue par l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale. Ce texte ne créant aucune présomption, le demandeur doit rapporter la preuve de l'existence de cette faute.

M. [K] a considéré que son employeur avait commis une faute inexcusable en le faisant travailler en hauteur sans aucune protection et sans aucune formation préalable.

Il a déclaré que M. [R] lui avait demandé de travailler sur le chantier où s'était produit l'accident, qu'il venait de terminer les travaux de peinture à l'intérieur du bâtiment lorsque M. [R] lui avait demandé de peindre la façade en utilisant la nacelle déjà installée à l'extérieur. C'est alors qu'il se trouvait sur cette nacelle, à environ quatre mètres de hauteur, qu'il avait glissé et qu'il était tombé sur le dos; il se souvenait avoir repris connaissance dans le véhicule de secours.

M. [R] rappelle que la victime disposait des moyens de protection et ne les avait pas utilisés, que la nacelle sur laquelle il se trouvait avant de chuter pouvait avoir été défectueuse, et qu'en tout cas, les causes exactes de l'accident restaient indéterminées ; il a contesté toute faute inexcusable de sa part.

La Cour rappelle que M. [R] n'a pas fait appel du jugement du tribunal correctionnel de [Localité 2] du 23 septembre 2013 l'ayant condamné pour les infractions de travail dissimulé (pour deux ouvriers) et de blessures involontaires causées à M. [K], avec incapacité supérieure à 3 mois pour des travaux en hauteur sans équipement préservant du risque de chute.

Les salariés qui travaillent en hauteur doivent recevoir au préalable une formation appropriée et doivent porter des équipements de sécurité (en l'espèce le port d'un baudrier aurait empêché la chute). L'employeur doit s'assurer que le salarié porte les équipements de sécurité mis à sa disposition et doit en donner la consigne précise, ce qui n'a pas été fait en l'espèce, et il doit veiller à ce que les engins utilisés (nacelle ou pont-levant) sont en parfait état de fonctionnement, même si ce matériel est fourni par un tiers comme en l'espèce puisque c'est le client, SPACE, qui avait installé les échafaudages sur ce chantier. M. [R] fait part, devant la Cour, de ses réserves et de ses interrogations sur la fiabilité du pont-levant, aggravant ainsi sa faute puisqu'il admet ainsi qu'il a laissé son ouvrier l'utiliser sans s'assurer au préalable de son bon état et, à tout le moins sans avoir exigé de son ouvrier qu'il utilise le baudrier de sécurité.

Les circonstances de l'accident sont parfaitement déterminées puisque, même s'il n'a pas pu expliquer pour quelle raison il avait glissé, M. [K] s'est souvenu qu'il se trouvait bien sur le pont-levant avant de tomber au sol.

Les éléments de fait ainsi relevés permettent à la Cour de constater que M. [R] a exposé M.[K] en toute connaissance de cause à un danger pour sa santé, sans prendre les mesures nécessaires pour le protéger.

La preuve d'une faute inexcusable est rapportée.

IV - Concernant la demande de provision , la Cour la rejette, faute de preuve de l'insuffisance de la provision de 30 000 euros déjà fixée par le tribunal.

*********

La Cour faisant droit aux demandes des parties, y compris de l'appelant lui-même, qui souhaitent bénéficier du double degré de juridiction, renvoie l'affaire devant le tribunal pour lui permettre de statuer sur les demandes indemnitaires après dépôt du rapport d'expertise.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des [Localité 1] du 30 juin 2016, sauf en ce qu'il a dit que la caisse primaire d'assurance maladie n'avait pas à prendre en charge l'accident du travail dont M. [K] a été victime le 11 janvier 2013,

Et statuant à nouveau :

Constate que la déclaration d'accident du travail a été faite le 13 octobre 2015, dans le délai prévu par l'article L441-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, et qu'elle n'encourt aucune forclusion,

Dit que l'absence de réponse de la caisse dans le délai de 30 jours ayant suivi cette déclaration emporte reconnaissance par l'organisme social du caractère professionnel de l'accident,

En conséquence, renvoie M. [K] devant les services de la caisse primaire d'assurance maladie pour y être rempli de l'intégralité de ses droits dans le cadre de la législation professionnelle, et sous le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur qui entraîne la majoration de la rente susceptible d'intervenir,

Ordonne d'ores et déjà la majoration de la rente dont M. [K] pourrait devenir bénéficiaire,

Déboute M. [K] de sa demande de provision complémentaire,

Renvoie la cause et les parties devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des [Localité 1], pour faire trancher les demandes indemnitaires après dépôt du rapport d'expertise.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 16/15588
Date de la décision : 21/06/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°16/15588 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-21;16.15588 ?
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