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20/06/2017 | FRANCE | N°16/06490

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre b, 20 juin 2017, 16/06490


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2017



N° 2017/299









Rôle N° 16/06490







[T] [U]





C/



[N] [L] [W] [I] épouse [U]

































Grosse délivrée

le :

à :SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE



Me MICHEL







Décision déférée à la Cour :<

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Jugement du Juge aux affaires familiales de DRAGUIGNAN en date du 12 Juin 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/03199.





APPELANT



Monsieur [T] [U]



né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]



de nationalité Française,



demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

6e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2017

N° 2017/299

Rôle N° 16/06490

[T] [U]

C/

[N] [L] [W] [I] épouse [U]

Grosse délivrée

le :

à :SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE

Me MICHEL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge aux affaires familiales de DRAGUIGNAN en date du 12 Juin 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/03199.

APPELANT

Monsieur [T] [U]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Henry JEAN BAPTISTE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [N] [L] [W] [I] épouse [U]

née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 2] (ALGERIE), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joëlle MICHEL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Mai 2017 en chambre du conseil. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Benoit PERSYN, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Benoît PERSYN, Conseiller

Madame Marie-France SEREE, Conseiller

Madame Nadine MOUTTET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Marie-Sol ROBINET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2017.

Signé par Monsieur Benoît PERSYN, Conseiller et Madame Marie-Sol ROBINET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu le 16 avril 2015 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan sous le n° 11/02994,

Vu le jugement rectificatif rendu le 12 juin 2015 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan sous le n° 15/03199,

Vu l'appel général intejeté le 8 avril 2016 par Monsieur [T] [U],

Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 4 novembre 2016,

Vu les conclusions récapitulatives de l'appelant notifiées le 26 avril 2017,

Vu les conclusions récapitulatives de l'intimée notifiées le 26 avril 2017,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 27 avril 2017,

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [T] [U] et Madame [N] [I] se sont mariés sans contrat préalable le 27 octobre 2010.

Quatre enfants sont issus de cette union :

- [R] née le [Date naissance 3] 1993

- [Z] née le [Date naissance 4] 1995

- [P] née le [Date naissance 5] 1998

- [K] né [Date naissance 6] 2000.

Le 6 avril 2011 Madame [I] a déposé une requête en divorce.

Par suite de l'ordonnance de non conciliation en date du 1er juin 2011 le juge aux affaires familiales de Draguignan a essentiellement :

- constaté que les époux résident séparément

- attribué à l'époux la jouissance du logement familial et des meubles le garnissant à charge pour lui de prendre en charge les frais et impôts y afférents

-dit que Monsieur [U] prendra en charge provisoirement le remboursement du crédit-relais de 214.000 euros contracté pour effectuer les travaux dans son bien propre si celui-ci n'était pas remboursé par la vente du bien commun à l'échéance de novembre 2011

- constaté que l'autorité parentale à l'égard des enfants est exercée conjointement par les deux parents

- fixé la résidence habituelle des deux enfants mineurs [Z] et [P] chez la mère, le père bénéficiant d'un droit de visite et d'hébergement classique

- fixé la résidence habituelle de l'enfant [K] en alternance chez ses deux parents

- dit que les frais fixes de l'enfant [K] seront partagés par moitié entre les parents sur présentation de justificatifs

- dit n'y avoir lieu à fixer de contribution alimentaire à la charge du père compte tenu de son impécuniosité

- ordonné une mesure d'enquête sociale et enjoint les parties de rencontrer un médiateur familial.

Le rapport d'enquête sociale a été déposé le 12 août 2011. Il y est relevé que le conflit parental est encore très présent. Il est suggéré que la résidence habituelle des trois enfants soit fixée chez leur mère, le père bénéficiant d'un droit de visite et d'hébergement usuel pour les deux filles et élargi pour le garçon.

Selon le rapport de l'organisme de médiation déposé le 14 décembre 2011 la communication parentale reste difficile malgré une évolution.

Le 26 novembre 2013 Madame [I] a assigné son époux en divorce sur le fondement de l'altération définitive du lien conjugal.

Par jugement avant dire droit rendu le 27 juin 2014 le juge aux affaires familiales de Draguignan a ordonné une expertise psychologique familiale afin d'examiner notamment le lieu de résidence le plus approprié pour l'enfant [K].

En raison de l'absence de consignation dans les délais impartis la caducité de la désignation de l'expert a été prononcée le 21 novembre 2014.

Par jugement contradictoire rendu le 16 avril 2015 le juge aux affaires familiales de Draguignan a notamment :

- prononcé le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal

- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux existant entre les parties

- condamné Monsieur [U] à payer à Madame [I] une somme de 380.000 euros à titre de prestation compensatoire

- dit que l'autorité parentale sur les enfants mineurs sera exercée conjointement par les deux parents

- fixé la résidence des enfants [P] et [K] au domicile de la mère et accordé au père un droit de visite et d'hébergement classique

- fixé la contribution mensuelle à l'entretien et l'éducation des enfants mise à la charge du père à la somme de 300 euros par enfant majeur, à celle de 200 euros pour l'enfant [P] et à celle de 150 euros pour l'enfant [K], soit une somme totale de 950 euros

- ordonné le partage des frais de scolarité, du permis de conduire et des voyages scolaires ou d'études sur présentation de justificatifs

- condamné Monsieur [U] à payer à Madame [I] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 juin 2015 le juge aux affaires familiales de Draguignan a ordonné la rectification du jugement rendu le 16 avril 2015 et ajouté au dispositif de cette dernière décision la mention suivante : 'condamne Monsieur [T] [U] à remettre à Madame [N] [I] ses effets et objets personnels dans les 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous peine d'une astreinte de 30 euros par jour de retard'.

Monsieur [U] a relevé appel de ces deux jugements par déclaration au greffe reçue le 8 avril 2016.

Par suite d'une ordonnance rendue le 4 novembre 2016 le conseiller de la mise en état a :

- déclaré nulle la signification en date du 18 juin 2015 des jugements rendus les 16 avril 2015 et 12 juin 2015 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan

- déclaré recevable l'appel interjeté le 8 avril 2016 par Monsieur [T] [U] à l'encontre des jugements rendus les 16 avril 2015 et 12 juin 2015 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan.

Dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 26 avril 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens et prétentions, l'appelant demande à la cour de :

- faire droit à sa demande reconventionnelle et prononcer le divorce aux torts exclusifs de l'épouse

- infirmer la décision ayant mis à la charge du mari une prestation compensatoire et la supprimer, subsidiairement sur ce point ordonner avant dire droit la justification par l'épouse du chiffre d'affaires et du bénéfice réalisés par le bureau d'études qu'elle exploite pour les trois derniers exercices ainsi qu'une mesure d'expertise des biens immobiliers du mari

- dire n'y avoir lieu à un quelconque paiement de pension à la charge du père et subsidairement sur ce point ordonner avant dire droit la justification des allocations perçues par la mère et de ce que les deux aînées se trouveraient effectivement à la charge de la mère

- dire sans objet la demande de modification de la garde de l'enfant [K] bientôt âgé de 17 ans et qui a librement choisi de vivre avec son père

- infirmer enfin la partie du jugement ayant mis à la charge du mari une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau condamner Madame [I] à verser à son époux une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner Madame [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 26 avril 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens et prétentions, l'intimée sollicite la confirmation du jugement déféré sauf à :

- fixer le montant de la prestation compensatoire à la somme de 386.000 euros et celui de la contribution due pour l'enfant [P] à la somme mensuelle de 300 euros

- condamner Monsieur [U] à payer la moitié des frais engagés pour les enfants sur présentation de justificatifs, et ce depuis la délivrance de l'assignation du 26 novembre 2013. A titre infiniment subsidiaire, si la cour ordonnait une expertise judiciaire des biens de Monsieur [U], il est demandé de dire et juger que cette mesure d'instruction se fera aux frais avancés de l'appelant. Enfin l'intimée réclame une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et demande que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Il y a lieu de rappeler à titre liminaire, d'une part qu'en vertu de l'article 954, alinéa 2 du code de procédure civile, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif, et d'autre part que la cour ne statue que sur les demandes énoncées au dispositif des dernières conclusions.

La décision déférée sera donc confirmée dans l'ensemble des dispositions non soumises à la censure de la cour.

En outre les demandes de donner acte ou tendant à constater ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile de sorte que la cour n'a pas à y répondre.

Sur le prononcé du divorce

L'article 242 du code civil dispose que le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.

Selon l'article 245 du code civil les fautes de l'époux qui a pris l'initiative du divorce n'empêchent pas d'examiner sa demande; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu'il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce. Ces fautes peuvent aussi être invoquées par l'autre époux à l'appui d'une demande reconventionnelle en divorce. Si les deux demandes sont accueillies, le divorce est prononcé aux torts partagés. Même en l'absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l'un et de l'autre.

En vertu de l'article 246 du code civil si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute. S'il rejette celle-ci, il statue sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Sur la demande de l'époux tendant au divorce pour faute

En l'espèce il convient d'examiner tout d'abord la demande reconventionnelle en divorce pour faute présentée pour la première fois en cause d'appel.

Monsieur [U] allègue tout d'abord l'adultère de sa femme et l'abandon par celle-ci du domicile conjugal.

Il évoque ainsi le contenu de l'enquête sociale alors que selon les dispositions du dernier alinéa de l'article 373-2-12 du code civil celle-ci ne peut être utilisée dans le débat sur la cause du divorce.

Au soutien de ses explications il ne produit en définitive qu'une attestation selon laquelle Madame [I] entretient depuis avril 2010 une relation adultère avec Monsieur [F] [A] et qu'elle vit au domicile de celui-ci depuis fin janvier 2012 (pièce 4 de l'appelant). Cette attestation, qui n'est corroborée par aucun autre élément de preuve, est susceptible d'être entâchée de partialité puisqu'elle a été établie par Madame [G] [P] qui n'est autre que l'ex-femme de Monsieur [F] [A], actuel compagnon de vie de Madame [I].

Ce seul élément est donc insuffisant pour établir une relation adultère ancienne et durable qui serait à l'origine de la rupture de la vie commune.

En outre l'intimée démontre qu'elle a fini par quitter le domicile conjugal en fin d'année 2010 au regard de l'absence d'implication de son mari dans la vie commune et la prise en charge notamment financière de la famille. Elle justifie avoir loué tout d'abord un gîte à [Localité 3] puis un appartement à [Localité 4] où elle explique avoir demeuré jusqu'à l'automne 2013 (pièces 91 et 92 de l'intimée).

Ce départ du domicile conjugal ne saurait donc être retenu comme étant lui seul à l'origine de la rupture de la vie commune alors que par son comportement l'époux a également contribué à cette situation de fait.

Enfin, s'il est de jurisprudence constante que la demande en divorce ne confère pas aux époux, encore dans les liens du mariage, une immunité faisant perdre leurs effets normaux aux griefs postérieurs à l'ordonnance de non conciliation ou à l'assignation, il est également admis que le devoir de fidélité est nécessairement moins contraignant du fait de la longueur de la procédure de sorte que l'adultère reconnu par Madame [I] à compter de la fin d'année 2013 ne saurait être retenu comme constituant une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune, et ce alors que les époux vivaient séparément depuis déjà trois ans.

Monsieur [U] invoque ensuite à l'encontre de son épouse la revendication frauduleuse d'avantages indus aux fins d'obtenir une prestation compensatoire et des pensions alimentaires.

Outre le fait qu'il procède le plus souvent par voie d'affirmations péremptoires, il apparaît nécessaire de rappeler à l'appelant que le fait d'ester en justice, en l'espèce faire des demandes dans le cadre d'une procédure de divorce, ou le fait de mentir, à supposer que cela soit prouvé, dans le cadre d'une procédure judiciaire ne sauraient sérieusement constituer des griefs alors que chacune des parties est en droit de se défendre et d'utiliser, dans le respect de la loi, tous moyens qu'elle juge nécessaires à l'exercice de sa défense.

Sur la demande de l'épouse tendant au divorce pour altération définitive du lien conjugal

Au visa de l'article 238 du code civil l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation en divorce.

En l'espèce il est suffisamment démontré, et d'ailleurs non contesté, que la vie commune entre les époux a cessé en fin d'année 2010 ou de façon certaine en début d'année 2011 de sorte que le divorce sera prononcé en application des dispositions des articles 237 et 238 du code civil, Madame [I] ayant délivré l'assignation en divorce le 26 novembre 2013.

Sur les demandes de mesures d'instruction sollicitées

Avant d'aborder la question des conséquences, notamment financières, du divorce, il convient de s'assurer que la cour dispose des éléments suffisants pour statuer sur les questions de la prestation compensatoire et des contributions à l'entretien et l'éducation des enfants, l'appelant sollicitant en effet, certes à titre subsidiaire, des mesures avant dire droit.

Il est ainsi demandé la production par Madame [I] du chiffre d'affaires et du bénéfice réalisés par le bureau d'études qu'elle exploite ainsi que la justification des allocations perçues et de ce que les deux aînées des enfants sont à la charge effective de leur mère, autant d'éléments qui figurent au dossier puisque l'intimée a versé ses avis d'imposition (pièces 8,9,36 à 42, 55 et 58 de l'intimée) où apparaissent ses bénéfices non commerciaux professionnels ainsi qu'une attestation de la caisse d'allocations familiales en date du 28 mars 2017 dont il ressort qu'elle ne perçoit plus aucune prestation depuis le 1er février 2015 (pièce 90 de l'intimée) et tous justificatifs nécessaires en rapport avec les enfants communs du couple.

Il est également sollicité par l'appelant une mesure d'expertise afin de déterminer la valeur de ses propres biens. La cour rappelle tout d'abord les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 145 du code de procédure civile selon lesquelles, en aucun cas, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve. En l'espèce il échet de souligner que Monsieur [U] pouvait lui même, et sans difficulté, produire tous éléments nécessaires, notamment des avis d'évaluation de ses biens immobiliers. En outre la cour dispose d'éléments suffisants puisque l'intimée a versé aux débats un rapport établi par un expert en matière d'évaluation immobilière en date du 18 novembre 2013 à propos duquel l'appelant a pu faire toutes observations et fournir toutes pièces complémentaires utiles.

Il s'en suit qu'il n'y pas lieu d'ordonner les mesures avant dire droit sollicitées par l'appelant.

Sur la prestation compensatoire

Selon les dispositions de l'article 270 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours entre les époux prévu par la loi, mais l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.

En application de ce texte c'est au moment de la dissolution du mariage que doivent être appréciées les conditions d'attribution éventuelle de la prestation compensatoire. En l'espèce, en l'état d'un appel général, c'est à la date où la cour statue qu'il convient de se placer.

L'article 271 du code civil précise que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre conjoint en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. Doivent être pris en considération la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, le temps déjà consacré ou qu'il faudra consacrer à l'éducation des enfants, leurs droits existants et prévisibles, leurs situations respectives en matière de pensions de retraite, leur patrimoine estimé ou prévisible, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial.

En l'espèce il ressort des dossiers soumis à la cour les éléments suivants :

Les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale. Le mariage a duré 27 ans mais la vie commune a cessé au bout de 20 ans.

Il n'est allégué aucun problème de santé ni par l'époux âgé de 52 ans, ni par Madame [I] qui a aujourd'hui 55 ans.

Comme l'a justement relevé le premier juge, et ainsi qu'il ressort des pièces versées aux débats, Madame [I] s'est consacrée jusqu'en 2007 au foyer et à l'éducation des quatre enfants du couple, lesquels sont aujourd'hui majeurs à l'exception du dernier enfant âgé de 17 ans. Docteur en géologie elle a créé en 2007 un bureau d'études, Géo Var Environnement, sis à [Localité 3] et dont l'activité principale est l'ingénierie et les études techniques (pièces 32 à 35 et 57 de l'intimée). L'appelant soutient, sans le démontrer nullement, que son épouse s'est accaparée du bureau d'études constituant l'outil de travail du couple. Au contraire Madame [I] démontre que son mari a un autre bureau d'étude inscrit sous un numéro différent au répertoire SIRENE (pièce 56 de l'intimée), activité sur laquelle l'appelant est tout à fait silencieux. En outre l'avis d'imposition afférent aux revenus de l'année 2009 (pièce 36 de l'intimée) démontre que Madame [I] avait déjà des revenus provenant de cette activité professionnelle (BNC à hauteur de 18.300 euros) alors que son époux déclarait à l'époque uniquement des revenus salariaux pour un montant de 6.420 euros.

Pour contester le principe d'une prestation compensatoire l'appelant estime que son patrimoine immobilier a été 'outrageusement majoré' alors qu'il ne serait propriétaire que de terrains incultes, d'un studio et de deux biens immobiliers délabrés, le tout hérité de ses parents. Il ajoute qu'il n'a qu'une activité professionnelle saisonnière, celle de maître nageur sauveteur et qu'il est le reste du temps demandeur d'emploi.

Il est pourtant démontré (pièce 8 de l'intimé et pièce 12 de l'appelant) que Monsieur [U] a de nombreux biens immobiliers et qu'il a vendu ces dernières années un terrain à [Localité 3] cadastré B[Cadastre 1] et B[Cadastre 2] au prix de 17.130 euros (acte du 21 juin 2005), un terrain sis à [Localité 5] moyennant un prix de 28.000 euros (acte du 9 avril 2008) et deux parcelles n° AS [Cadastre 3] et AS [Cadastre 4] sises à [Localité 3] pour un prix total de 310.000 euros (actes des 12 octobre 2012 et 30 avril 2013). L'appelant indique que le produit de ces ventes a été utilisé pour rembourser un emprunt de 240.000 euros auprès du crédit agricole mais n'en justifie pas. Néanmoins il apparaît que cette banque avait deux hypothèques conventionnelles en garantie de deux prêts pour des montants en principal de 107.500 euros et 100.000 euros (pièce 8 de l'intimée).

Monsieur [U] est également propriétaire :

- d'un studio à [Localité 6] pour lequel une promesse de vente au prix de 34.000 euros avait été formalisée le 26 novembre 2013 (pièce 16 de l'appelant), projet ayant avorté d'après ses explications en raison de l'inscription d'hypothèque prise par Madame [I] (pièces 17 et 18 de l'appelant)

- de terrains et de constructions sises à [Localité 5] (145.199 euros), [Localité 3] (1.590.641 euros pour l'ensemble foncier, les constructions étant évaluées à 380.000 euros et 540.000 euros), [Localité 7] (142.332 euros), [Localité 8] (50.042 euros) et [Localité 9], le tout représentant un patrimoine valorisé à 1.928.214 euros selon le rapport versé aux débats par Madame [I] (pièce 12 de l'intimée).

Pour contester ces évaluations l'appelant fait valoir que les constructions, notamment l'ancien domicile conjugal à [Localité 3], sont en très mauvais état. Il verse aux débats des clichés photographiques qui ne sont pas probants puisque non datés et ne permettant pas d'affirmer qu'ils concernent effectivement le domicile de Monsieur [U].

La cour ne peut que souligner l'opacité dont fait preuve Monsieur [U] en ce qui concerne son patrimoine immobilier et les revenus qu'il pourrait en tirer, et ce alors même que le magistrat de la mise en état a, par injonction en date du 8 février 2017, invité les parties à remplir une déclaration sur la composition de leur patrimoine ainsi qu'un tableau concernant leurs revenus et charges actuels. Force est de constater que seule Madame [I] a déféré à cette demande.

A ce jour il est donc acquis que les époux ne disposent en indivision que d'une parcelle à [Localité 3] n°AK [Cadastre 5] évalué à 90.000 euros (pièce 8 de l'intimée), que Monsieur [U] dispose d'un important patrimoine foncier et immobilier alors que Madame [I] n'a aucun autre bien immobilier. Elle dispose d'un livret A ouvert à la Banque Postale dont le solde créditeur était de 22.338,90 euros au 30 novembre 2016 (pièce 19 de l'appelant).

Madame [I] justifie, par la communication de ses avis d'imposition, que ses bénéfices non commerciaux professionnels ont toujours avoisiné une somme annuelle comprise, selon les années, entre 18.950 euros et 25.090 euros. Pour l'année 2015 l'intéressé a déclaré des bénéfices non commerciaux professionnels à hauteur de 21.071 euros, soit une moyenne mensuelle de 1.755,91 euros (pièce 58 de l'intimée).

Elle n'est pas imposable et ne justifie pas, en dehors des charges de la vie courante et des dépenses occasionnées par les enfants, de charges autres que celles partagées avec son compagnon, Monsieur [A], à savoir la taxe d'habitation (1.365 euros pour l'année 2016). Elle rembourse également deux crédits à la consommation, l'un auprès de SOFREMO (100,12 euros par mois) contracté le 28 mai 2011, l'autre auprès de la Société Marseillaise de Crédit le 17 mars 2016 (échéance mensuelle de 178,48 euros) ainsi qu'un crédit renouvelable (60 euros par mois).

Monsieur [U] a déclaré pour l'année 2016 des revenus (salaires, indemnités Pôle Emploi, revenus de capitaux mobiliers et revenus fonciers) pour un montant total de 20.840 euros, soit une moyenne mensuelle de 1.736,66 euros (pièce 41 de l'appelant).

Il justifie devoir acquitter chaque mois, en dehors des charges de la vie courante, les sommes suivantes :

- ensemble des taxes foncières : 4.187 euros, soit la somme de 348,91 euros par mois

- ensembles des taxes d'habitation : 1.475 euros, soit la somme de 122,91 euros par mois

- contributions à l'entretien et l'éducation des enfants : 950 euros.

L'appelant justifie enfin de dettes à l'égard de l'administration fiscale puisqu'il verse un avis à tiers détenteur en date du 9 février 2017 (pièce 40 de l'appelant) pour un montant total de 14.008,98 euros.

Au regard de la disparité évidente qui existe au niveau des situations patrimoniales, étant rappelé que la vie commune a duré 20 ans et que Madame [I] a consacré une partie de son temps au foyer et à l'éducation des quatre enfants, sacrifiant ainsi sa carrière professionnelle qui n'a vraiment débuté qu'à l'âge de 45 ans, le principe du versement d'une prestation compensatoire à son profit ne peut être contesté.

En conséquence une prestation compensatoire en capital de 100.000 euros sera attribuée à Madame [I] , somme que la cour estime suffisante pour compenser la disparité que la rupture du mariage crée au détriment de l'intéressée dans les conditions de vie respectives des parties.

Sur la résidence habituelle de l'enfant [K] et les droits de visite et d'hébergement

En application de l'article 373-2-11 du code civil le juge aux affaires familiales amené à se prononcer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale prend notamment en considération, outre l'intérêt supérieur de l'enfant, la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure, les sentiments exprimés par l'enfant mineur, l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre, le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l'âge de l'enfant, les renseignements recueillis dans le cadre des enquêtes sociales diligentées ainsi que les pressions ou violences, à caractère psychique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre.

Il est acquis aux débats que depuis la séparation du couple parental l'enfant [K] vit principalement chez son père. Au regard de son âge, à savoir 17 ans depuis le 7 janvier 2017, le transfert de sa résidence habituelle au domicile de la mère n'apparaît ni judicieux ni réaliste en l'absence de demande en ce sens de l'intéressé.

Sur les contributions à l'entretien et l'éducation des enfants communs

En application de l'article 371-2 du code civil chaque parent doit contribuer à l'entretien et l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent et des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur.

Selon l'article 373-2-2 du code civil, lorsque les parents sont séparés, la contribution prend la forme d'une pension alimentaire versée par l'un des parents à l'autre. Le même texte dispose que la pension peut en tout ou partie prendre la forme d'une prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant. Elle peut également être en tout ou partie servie sous forme d'un droit d'usage et d'habitation.

Les situations financières actuelles des parties ont été rappelées précédemment.

Il ressort de l'avis de situation déclarative à l'impôt sur le revenu établie par Madame [I] (pièce 58 de l'intimée) que les quatre enfants sont encore à la charge de l'intimée.

En outre celle-ci justifie de ce que les filles aînées poursuivent des études supérieures (pièces 53, 54, 74 à 76 de l'intimée) et qu'elles ne sont pas autonomes financièrement. L'intimée verse aux débats de nombreux justificatifs des frais qu'elle supporte et qui sont engendrés par les études des trois filles (assurances, loyers, mutuelles etc...).

En conséquence, au regard des facultés contributives des parents, étant rappelé que l'obligation alimentaire à l'égard des enfants doit rester prioritaire, le montant des contributions mises à la charge de Monsieur [U] pour l'entretien et l'éducation des trois filles majeures sera fixé à la somme mensuelle indexée de 300 euros par enfant et par mois et Madame [I] sera déboutée de sa demande relative aux partage des frais engagés pour les trois filles. Enfin, s'agissant de l'enfant mineur [K], au regard de la résidence en alternance, le père sera dispensé du versement d'une part contributive.

Sur les autres demandes des parties

L'appelant sollicite des dommages et intérêts 'compte tenu de l'ensemble des manoeuvres commises par l'épouse afin de bénéficier d'avantages indus' sans démonter en aucune façon la réalité de la moindre faute, Madame [I] n'ayant fait qu'user de son droit d'ester en justice et de présenter des demandes dont le caractère abusif, téméraire ou dilatoire n'est pas établi.

La nature familiale du litige, la décision étant notamment rendue dans l'intérêt des enfants communs, justifie qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les deux parties seront donc déboutées de leurs demandes de ce chef.

Enfin, le divorce étant prononcé pour altération définitive du lien conjugal, conformément aux dispositions de l'article 1127 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de Madame [I] puisque c'est elle qui est à l'initiative de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après débats en chambre du conseil,

Déboute Monsieur [T] [U] de ses demandes de mesures avant dire droit et d'expertise,

Sur le fond,

Confirme les jugements entrepris en toutes leurs dispositions sauf en ce qui concerne le montant de la prestation compensatoire, la résidence habituelle de l'enfant encore mineur, les contributions paternelles à l'entretien et l'éducation des enfants [P] et [K], le partage des frais de scolarité, du permis de conduire et voyages scolaires ou d'études, les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe à la somme de 100.000 euros (cent mille euros) le montant de la prestation compensatoire en capital que Monsieur [T] [U] doit verser à Madame [N] [I],

Maintient la résidence habituelle de l'enfant [K] [U] en alternance au domicile de chacun de ses deux parents dans les conditions et selon les modalités retenues dans l'ordonnance de non conciliation rendue le 1er juin 2011 par le juge aux affaires familiales de Draguignan,

Fixe à la somme de 300 euros (trois cents euros) le montant de la contribution que Monsieur [T] [U] doit verser à Madame [N] [I] pour l'entretien et l'éducation de l'enfant [P] [U], somme payable et indexée selon les modalités reprise dans les jugements déférés,

Dispense Monsieur [T] [U] du versement de toute contribution pour l'entretien et l'éducation de l'enfant [K] [U], les frais exposés pour cet enfant étant partagés par moitié entre les parents à l'exclusion des frais courants, sur présentation de justificatifs,

Déboute Madame [N] [I] de sa demande tendant à condamner Monsieur [T] [U] à payer la moitié des frais engagés pour les trois autres enfants majeurs,

Déboute Monsieur [T] [U] de sa demande de dommages et intérêts,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel et déboute les parties de leurs demandes formulées à ce titre,

Condamne Madame [N] [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre b
Numéro d'arrêt : 16/06490
Date de la décision : 20/06/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6B, arrêt n°16/06490 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-20;16.06490 ?
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