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16/06/2017 | FRANCE | N°16/16307

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 16 juin 2017, 16/16307


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT

DU 16 JUIN 2017



N° 2017/669













Rôle N° 16/16307





Société FAYAT





C/



[A] [A]

Société [T]-[I]-[C]-[B]

CGEA ILE DE FRANCE OUEST

POLE EMPLOI LANGUEDOC-ROUSSILLON

POLE EMPLOI LORRAINE

























Grosse délivrée

le :

à :Me François Xavier CHEDANEAU
r>Me Frédéric LACROIX

Me Alain OTTAN

Me Hubert DE FREMONT

POLE EMPLOI LANGUEDOC-ROUSSILLON

POLE EMPLOI LORRAINE







Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Affaire sur renvoi de cassation :

Jugement du 21 septembre 2012 du Conseil des Prudhommes d'Alès

Arrêt de la Cour d'Appel de ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT

DU 16 JUIN 2017

N° 2017/669

Rôle N° 16/16307

Société FAYAT

C/

[A] [A]

Société [T]-[I]-[C]-[B]

CGEA ILE DE FRANCE OUEST

POLE EMPLOI LANGUEDOC-ROUSSILLON

POLE EMPLOI LORRAINE

Grosse délivrée

le :

à :Me François Xavier CHEDANEAU

Me Frédéric LACROIX

Me Alain OTTAN

Me Hubert DE FREMONT

POLE EMPLOI LANGUEDOC-ROUSSILLON

POLE EMPLOI LORRAINE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Affaire sur renvoi de cassation :

Jugement du 21 septembre 2012 du Conseil des Prudhommes d'Alès

Arrêt de la Cour d'Appel de Nîmes du 15 avril 2014

Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS - section - en date du 10 Décembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 2148.

APPELANTE

Société FAYAT, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me François Xavier CHEDANEAU, avocat au barreau de POITIERS

INTIMES

Monsieur [A] [A], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Alain OTTAN, avocat au barreau de MONTPELLIER

Société [T]-[I]-[C]-[B], prise en la personne de M. [P] [B], es qualité de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J Richard Ducros, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Hubert DE FREMONT, avocat au barreau de VERSAILLES

CGEA ILE DE FRANCE OUEST, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

POLE EMPLOI LANGUEDOC-ROUSSILLON, demeurant [Adresse 5]

non comparant

POLE EMPLOI LORRAINE, demeurant [Adresse 6]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Mars 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe RUIN, Président

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2017.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2017.

Signé par Monsieur Christophe RUIN, Président et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le groupe FAYAT, dont la SAS FAYAT est la société holding ou société-mère, était composé en 2010 de 118 entreprises, occupant 17110 salariés et ayant généré un chiffre d'affaires de 2,7 milliards d'euros, réparties en 6 divisions dont la division métallique, elle-même composée de 18 sociétés filiales.

La société Etablissements J. RICHARD DUCROS, créée en 1868, a développé ses activités dans le domaine de la charpente, des ouvrages d'art fixes ou mobiles, des pylônes, de la chaudronnerie, de la mécano-soudure, de la tôlerie fine et de l'intégration de composants électroniques, de cages et de câbles informatiques pour devenir une importante entreprise spécialisée dans le travail du métal employant, en 2010, un effectif d'un peu moins de 300 salariés répartis sur quatre sites : Alès (Gard) : 212 salariés (Alès 1, Alès 2 et Alès 3), Charmes (Vosges) : 33 salariés, Roquefort (Landes) : 36 salariés et Paris (siège) : 3 salariés.

La SAS FAYAT et les actionnaires de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS ont signé, le 7 octobre 2010, une convention d'achat d'actions sous conditions suspensives pour un prix de cession totale de 2.300.000 euros et, en exécution de cette convention, les ordres de mouvement de titres ont été réalisés au bénéfice de la société FAYAT le 24 novembre 2010. La SAS FAYAT est devenue alors l'actionnaire unique de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS ([D] [Y] a été désigné président du conseil d'administration et deux de ses parents, [V] [Y] et [G] [Y], ont été désignés administrateurs / [U] [P] a succédé le 9 décembre 2010 à [D] [Y] au poste de président du conseil d'administration de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS).

Dans le même temps, indépendamment de la cession des titres, la société FAYAT a acquis des anciens actionnaires de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS diverses parcelles proches du centre-ville d'Alès pour une contenance de 2ha 96ca 87a composées de terrains sur lesquels s'élèvent des bâtiments industriels (prix de 700.000 euros).

Selon un procès-verbal des délibérations en date du 12 janvier 2011, le conseil d'administration de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS a décidé à l'unanimité l'ouverture d'une procédure de cessation des paiements en vue d'obtenir un jugement de redressement judiciaire.

Le 20 janvier 2011, le représentant légal de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS a déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris une déclaration de cessation des paiements aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement du 3 février 2011, le tribunal de commerce de Paris a notamment :

- ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Établissements J. RICHARD DUCROS ;

- désigné la SCP [H]-[Q]-[W] et Maître [R] en qualité d'administrateurs judiciaires ;

- désigné la SCP [T]-[I]-[C]-[B], en la personne de Maître [B], en qualité de mandataire judiciaire ;

- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 20 janvier 2011 ;

- fixé à quatre mois la période d'observation.

Par jugement du 5 mai 2011, le tribunal de commerce de Paris a notamment :

- rejeté les deux offres de reprises présentées par les sociétés MATIERE et COMILEV;

- mis fin à la période d'observation ;

- prononcé la liquidation judiciaire, sans poursuite d'activité, de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS ;

- mis fin à la mission des administrateurs judiciaires ;

- désigné la SCP [T]-[I]-[C]-[B], prise en la personne de Maître [B], en qualité de liquidateur.

Maître [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS a envisagé le licenciement de l'ensemble des salariés de l'entreprise (au nombre de 284) et a élaboré, dans l'urgence vu le délai alors imparti par l'article L. 3253-8 (15 jours) pour bénéficier de la garantie de l'AGS, un plan de sauvegarde de l'emploi pour le financement duquel il a sollicité la société FAYAT.

***

Invoquant le refus opposé par la SAS FAYAT, Maître [B], ès qualités de liquidateur judiciaire, saisissait le juge des référés du tribunal de grande instance d'Alès.

Par ordonnance du 19 mai 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Alès a notamment :

- déclaré irrecevable l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société FAYAT ;

- déclaré recevable la demande de condamnation pécuniaire non provisionnelle formée par Maître [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Établissements J. RICHARD DUCROS, en réparation d'un trouble manifestement illicite ;

- constaté que la société FAYAT, avec une évidence et une incontestabilité suffisantes, s'est substituée purement et simplement, dès avant la liquidation judiciaire, aux organes de direction de la société Établissements J. RICHARD DUCROS pour les suites envisagées de la procédure collective et s'est reconnue explicitement débitrice de l'obligation d'élaborer un plan de reclassement des salariés de la société Établissements J. RICHARD DUCROS, plan de reclassement qui fait partie intégrante du plan de sauvegarde des emplois, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail ;

- constaté qu'aucun plan de reclassement des salariés, au sens de l'article L 1233-61 du code du travail, n'est proposé par la société FAYAT à ce jour ;

- dit que le refus par la société FAYAT de contribuer financièrement au plan de sauvegarde des emplois constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ;

- rappelé que le plan de sauvegarde des emplois doit être fonction des moyens du groupe et que la somme chiffrée par le liquidateur judiciaire de la société Établissements J. RICHARD DUCROS n'a pas été utilement contestée par la société FAYAT ;

- condamné en conséquence la société FAYAT à payer à Maître [B], ès qualités de liquidateur de la société Établissements J. RICHARD DUCROS, la somme de 12 millions d'euros, à affecter au plan de sauvegarde des emplois ;

- enjoint à Maître [B], ès qualités, de consulter le comité central d'entreprise de la société Établissements J. RICHARD DUCROS, sur l'affectation de ces fonds ;

- condamné la société FAYAT aux entiers dépens et à payer à Maître [B], ès qualités de liquidateur de la société Établissements J. RICHARD DUCROS la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Cette décision était confirmée par arrêt du 13 décembre 2011 de la cour d'appel de Nîmes.

Sur pourvoi de la société FAYAT, par arrêt du 25 septembre 2013, la Cour de cassation a, relevant que la cour d'appel de Nîmes avait statué sans caractériser l'existence d'un coemploi résultant d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les sociétés, cassé l'arrêt rendu le 13 décembre 2011 en ce qu'il a condamné la société FAYAT à payer à Maître [B], ès qualités de liquidateur de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, la somme de 12.000.000 d'euros à affecter au plan de sauvegarde de l'emploi et celle de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Montpellier.

Par arrêt du 29 septembre 2015, la cour d'appel de Montpellier a confirmé l'ordonnance de référé du 19 mai 2011 et condamné la société FAYAT aux dépens ainsi qu'à payer à Maître [B], ès qualités, la somme de 6.000 euros et au comité central d'entreprise de la Société Établissements J. RICHARD DUCROS, la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. La société FAYAT a formé un pourvoi contre cette décision.

***

Par un courrier daté du 9 mai 2011, Monsieur [A] [A], salarié de la société Établissements J. RICHARD DUCROS, a été informé par Maître [B], ès qualités de liquidateur, que le licenciement pour motif économique de l'intégralité des salariés de la société était envisagé.

Par lettre recommandée (avec avis de réception) datée du 18 mai 2011, un licenciement pour motif économique était notifié au salarié (avec proposition de bénéficier d'une convention de reclassement personnalisé).

Suite à son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement rendu en date du 21 septembre 2012, le conseil de prud'hommes d'Alès s'est déclaré compétent et a :

- dit la SAS FAYAT GROUPE (prise en la personne de son président) coemployeur de la société Établissements J. RICHARD DUCROS ;

- dit que la SAS FAYAT GROUPE a agi avec une légèreté blâmable et d'une manière déloyale envers le salarié ;

- constaté l'absence de motif économique à la cessation d'activité et l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi ;

- dit le licenciement du salarié nul ;

- condamné la SAS FAYAT GROUPE à payer au salarié les sommes suivantes :

. 50.000 euros, à titre de dommages et intérêts, pour licenciement nul,

. 5.000 euros pour manquement à l'obligation de formation,

. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS FAYAT GROUPE à rembourser la somme de 9.013.954, 98 euros à la SCP [T]-[I]-[C]-[B], prise en la personne de Maître [B], ès qualités de liquidateur judiciaire, au titre des créances de rupture versées aux salariés dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Établissements J. RICHARD DUCROS ;

- condamné la SAS FAYAT GROUPE à verser à la SCP [T]-[I]-[C]-[B], prise en la personne de Maître [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Établissements J. RICHARD DUCROS, la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mis hors de cause la SCP [T]-[I]-[C]-[B], prise en la personne de Maître [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Établissements J. RICHARD DUCROS ;

- mis hors de cause l'AGS-CGEA Ile-de-France Ouest ;

- prononcé l'exécution provisoire de la totalité du jugement ;

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires du demandeur à la somme de

1 482,66 euros ;

- ordonné à la SCP [T]-[I]-[C]-[B], prise en la personne de Maître [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Établissements J. RICHARD DUCROS, de mettre en oeuvre l'intégralité des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi, y compris celles adoptées après le versement par la SAS FAYAT GROUPE de la somme de 12.000.000 d'euros suite à la condamnation de cette dernière par la cour d'appel de Nîmes ;

- ordonné la remboursement par la SAS FAYAT GROUPE à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limité de six mois d'indemnités ;

- dit qu'une copie de la décision sera transmise à Pôle Emploi ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné la SAS FAYAT GROUPE aux entiers dépens.

Sur recours interjeté par la SAS FAYAT et par arrêt du 15 avril 2014, la cour d'appel de Nîmes:

- a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a reconnu à la société FAYAT la qualité de coemployeur des salariés de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, sur les sommes allouées au salarié au titre du licenciement, du manquement à l'obligation de formation et enfin le remboursement à Pôle Emploi des indemnités chômage et les dépens ;

- réformant pour le surplus et statuant à nouveau :

- a dit que le licenciement économique du salarié est sans cause réelle et sérieuse ;

- a ordonné l'inscription des sommes allouées au salarié sur l'état des créances à la liquidation judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS ;

- s'est déclaré incompétente au profit du tribunal de commerce de Bordeaux sur la demande de condamnation au paiement du montant des créances de rupture versées à l'ensemble des salariés, présentée par Maître [B], ès qualités de liquidateur de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, contre la société FAYAT ;

- a dit que les pièces utiles de la procédure seront adressées directement au tribunal de commerce désigné, par les soins du greffe de cette cour ;

- a déclaré irrecevables les demandes de condamnations formulées par le CGEA-AGS de l'Ile-de-France Ouest Levallois Perret dans l'intérêt de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS ;

- a rejeté les demandes de mise hors de cause de Maître [B] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS et du CGEA-AGS de l'Ile-de-France Ouest Levallois Perret ;

- a donné acte à l'AGS-CGEA de l'Ile-de-France Ouest Levallois Perret de son intervention et de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8, L. 3253-17 et D 3253-5 du code du travail ;

- a condamné la société FAYAT à payer au salarié la somme de 100 euros et à la S.C.P. [T] - [I] - [C] - [B], prise en la personne de Maître [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, la somme de 60 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- a condamné la société FAYAT aux dépens d'appel.

Sur pourvoi de la société FAYAT, par arrêt du 10 décembre 2015, la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a reconnu à la société FAYAT la qualité de coemployeur des salariés de la société Etablissement J. RICHARD DUCROS, condamné la société FAYAT à verser aux salariés des sommes au titre du licenciement, du manquement à l'obligation de formation et à certains de la gratification due pour la médaille d'honneur, dit les licenciements pour motif économique des salariés sans cause réelle et sérieuse, ordonné le remboursement par la société FAYAT à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées aux salariés, ordonné l'inscription des sommes allouées aux salariés au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'état des créances à la liquidation judiciaire de la société Etablissement J. RICHARD DUCROS, l' arrêt rendu le 15 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

- remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

***

Par lettre recommandée datée du 23 juin 2016 (avec avis de réception / lettre reçue au greffe le 27 juin 2016), la société FAYAT a sollicité le réenrôlement de l'affaire devant la chambre sociale de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en conséquence de l'arrêt rendu en date du 10 décembre 2015 par la Cour de cassation.

Par ordonnance du 29 août 2016, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a disjoint les affaires réenrôlées.

À l'audience du 17 mars 2017, la SAS FAYAT, Monsieur [A] [A], la S.C.P. [T] - [I] - [C] - [B], prise en la personne de Maître [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société Etablissements J. RICHARD DUCROS, et le CGEA Ile-de-France Ouest étaient tous représentés par leurs conseils respectifs. Ils ont tous accepté expressément de comparaître volontairement à cette seule audience du 17 mars 2017 dans le cadre du présent litige.

Régulièrement et préalablement informés, Pôle Emploi Languedoc-Roussillon et Pôle Emploi LORRAINE n'étaient pas représentés à l'audience mais ont écrit à la cour en date du 9 mars 2017 pour indiquer qu'ils ne seraient ni présents ni représentés dans cette affaire et qu'ils acceptaient expressément que tous les dossiers les concernant, dans le cadre du renvoi ordonné par la Cour de cassation dans son arrêt du 10 décembre 2015, soient évoqués et retenus à l'audience du 17 mars 2017.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures reprises oralement lors de l'audience du 17 mars 2017, la SAS FAYAT conclut à la réformation du jugement et demande à la cour de :

- se déclarer incompétente pour connaître de toute demande présentée par Maître [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, à l'encontre de la société FAYAT et, à titre subsidiaire, rejeter toute demande en ce sens en l'état de la cassation partielle intervenue ;

- se déclarer incompétente pour connaître de toute demande présentée par l'AGS à l'encontre de la société FAYAT et renvoyer au besoin cet aspect du dossier au tribunal de grande instance de Bordeaux ;

- dire que la SAS FAYAT n'est pas coemployeur des salariés de la Société Etablissements J. RICHARD DUCROS ;

- mettre hors de cause la SAS FAYAT ;

- à titre subsidiaire, débouter les salariés, Maître [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, et l'AGS de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la SAS FAYAT ;

- à titre encore plus subsidiaire, partager la responsabilité entre Maître [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, et la SAS FAYAT ;

- condamner Maître [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, à lui verser la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures reprises oralement lors de l'audience du 17 mars 2017, Monsieur [A] [A] demande à la cour de :

- dire la SAS FAYAT coemployeur du salarié ;

- confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions ;

- à titre subsidiaire, si le coemploi n'était pas retenu, à l'égard de Maître [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, constater la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi ainsi que le manquement à l'obligation de recherche individualisée de reclassement, dire en conséquence le licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixer à la somme de 100.000 euros le montant des dommages et intérêts alloués au salarié pour licenciement injustifié, fixer à la somme de 5.000 euros le montant des dommages et intérêts alloués au salarié pour violation de l'obligation de formation, ordonner l'inscription de ces sommes à l'état des créances ;

- en tout état de cause, condamner la SAS FAYAT, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, à lui verser la somme de 50.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation de la perte de chance d'occuper un emploi et du préjudice moral ;

- condamner la SAS FAYAT aux dépens et à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable au CGEA Ile-de-France Ouest.

Dans ses dernières écritures reprises oralement lors de l'audience du 17 mars 2017, la S.C.P. [T] - [I] - [C] - [B], prise en la personne de Maître [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et, à titre subsidiaire, demande à la cour de :

- débouter les salariés de l'ensemble de leurs demandes faites à son encontre ou, à défaut, condamner la SAS FAYAT à la garantir de toutes les sommes qui seraient fixées au passif de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la SAS FAYAT à lui payer le montant des créances de rupture versées aux salariés, soit la somme totale de 9.013.954, 98 euros ;

- à titre encore plus subsidiaire, réduire le montant des dommages et intérêts sollicités par le salarié ;

- condamner la SAS FAYAT aux entiers dépens et à lui verser une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures reprises oralement lors de l'audience du 17 mars 2017, le CGEA Ile-de-France Ouest conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et, à titre subsidiaire, demande à la cour de :

- condamner la SAS FAYAT à relever l'AGS de toutes les sommes qu'elle a avancées ou devra avancer sur le fondement des articles L. 1411-1, L. 1235-10 alinéa 2 et L. 3253-16 du code du travail dans le cadre de la procédure collective concernant la société Etablissements J. RICHARD DUCROS ;

- dire que la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur le litige relatif au licenciement pour motif économique dans le cadre d'une procédure collective ;

- dire qu'en raison du non-respect de son obligation ou de l'insuffisance de sa participation à l'obligation du caractère sérieux de la recherche de reclassement qui est à l'origine du caractère infondé des licenciements des salariés, la SAS FAYAT devra être condamnée à relever et garantir le mandataire judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS de toutes les condamnations qui pourraient intervenir au profit des salariés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce sur le fondement des articles L. 1235-10 alinéa 2 et L. 3253-16 du code du travail ;

- dire que la garantie AGS est limitée en application de l'article L. 3253-17 du code du travail et plafonnée en application de l'article D. 3253-5 du code du travail, que l'avance du montant total des créances définies aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail ne pourra s'exécuter que sur relevé de créances par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-19 du code du travail ;

- dire que la garantie AGS ne s'applique pas pour les dépens, frais irrépétibles, astreintes, cotisations patronales ou action en responsabilité ;

- dire que le jugement d'ouverture de la procédure opére arrêt des intérêts légaux et conventionnels en application de l'article L. 622-28 du code du commerce.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées qui ont été oralement reprises lors de l'audience.

MOTIFS

- Sur la saisine de la cour d'appel d'Aix-en-Provence -

Sur question de la cour relative au respect des dispositions de l'article 1034 du code de procédure civile, lequel stipule qu'à moins que la juridiction de renvoi n'ait été saisie sans notification préalable, la déclaration doit, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, être faite avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt de cassation faite à la partie, ce délai courant même à l'encontre de celui qui notifie, les parties ont indiqué qu'il n'y avait pas eu de notification préalable s'agissant de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 décembre 2015.

- Sur le coemploi -

Il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre moyennant rémunération. Il découle de cette définition trois éléments indissociables : l'exercice d'une activité professionnelle, la rémunération, le lien de subordination. Le lien de subordination est l'élément déterminant du contrat de travail car c'est le seul critère permettant de le différencier d'autres contrats comportant l'exécution d'une prestation rémunérée.

C'est en principe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence. À l'inverse, en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

L'employeur est celui pour le compte et sous le contrôle duquel s'exerce le travail effectué par le salarié. L'employeur, personne physique ou morale, détient le pouvoir de direction. En principe, l'employeur est celui qui a conclu le contrat de travail avec le salarié.

Le salarié peut, sous certaines réserves, avoir plusieurs employeurs en concluant un contrat de travail avec chacun d'eux. Il peut arriver qu'un salarié, titulaire d'un seul contrat de travail, soit lié à plusieurs employeurs, dits coemployeurs ou employeurs conjoints, soit parce que le salarié se trouve sous la subordination de chacun d'eux, soit parce qu'il existe une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre l'employeur initial et une autre personne physique ou morale.

Dépourvu de personnalité juridique, le groupe n'a pas la capacité d'être directement l'employeur. En principe, la société-mère du groupe n'est pas non plus l'employeur de tous les salariés du groupe ; elle ne l'est qu'à l'égard de ses propres salariés. Toutefois, la complexité des structures de direction dans les groupes soulève parfois des difficultés lorsqu'il s'agit de déterminer qui doit assumer les obligations imposées à l'employeur par le droit du travail. La jurisprudence énonce un principe d'étanchéité entre les structures juridiques, mais réserve la possibilité au salarié de se prévaloir d'un contrat de travail, non pas avec le groupe mais avec plusieurs coemployeurs.

L'état de subordination des salariés de la filiale vis-à-vis de la société-mère est caractérisé notamment lorsqu'il est établi, d'une part que la filiale n'est qu'un simple établissement de la société-mère, sans réelle autonomie financière et de gestion, et qu'il existe entre ces sociétés une confusion totale d'activité, d'intérêts et de direction, d'autre part que les salariés de la filiale reçoivent des ordres transmis directement depuis la société-mère, sans aucun pouvoir pour les dirigeants de la filiale de donner directement des instructions, alors que toute la gestion du personnel est faite par la société-mère, ce dont il se déduit que la société-mère a un pouvoir de direction et de contrôle sur l'ensemble des salariés de la société filiale.

Dans le cadre d'un groupe de sociétés juridiquement distinctes et non fictives, hors l'existence d'un état de subordination ou d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.

Il n'y a pas de présomption de coemploi. En l'espèce, en l'absence de contrat de travail apparent (allégué ou présenté) entre la SAS FAYAT et le salarié, il appartient à ce dernier d'établir l'existence d'un coemploi.

La situation de coemploi, par confusion des sociétés et immixtion de la société-mère dans la gestion économique et sociale de la société filiale, peut être retenue notamment lorsque :

- la société-mère dispose et exerce un pouvoir permanent pour agir dans la filiale, avec centralisation du recrutement, prise en charge de toutes les questions de nature contractuelle, administrative, juridique et financière, transfert de la gestion des équipes informatiques, comptables et surtout de la gestion des ressources humaines, notamment dans la formation, la mobilité et le recrutement ;

- il existe une unité de direction sous la conduite de la société-mère se traduisant par des décisions prises par cette dernière qui privent la filiale de toute autonomie industrielle, commerciale et administrative, au seul profit de la société mère du groupe, avec une gestion des ressources humaines de la filiale assurée par la société-mère et des dirigeants de la société filiale ne disposant plus d'aucun pouvoir effectif car entièrement soumis aux instructions et directives de la direction du groupe, toujours au seul profit de celui-ci ;

- une filiale est sous la totale dépendance d'un groupe ou d'une société-mère qui absorbe l'essentiel de sa production et détermine les prix, gère son personnel, dicte ses choix stratégiques, intervient constamment dans la gestion financière et sociale, assure la direction opérationnelle et la gestion administrative de celle-ci.

Par contre, ne suffit pas à caractériser une situation de coemploi le fait que :

- les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et soient en étroite collaboration avec la société dominante, que la société-mère ou dominante ait apporté à sa filiale un important soutien financier et que pour le fonctionnement de la filiale aient été signées avec la société dominante une convention de trésorerie ainsi qu'une convention générale d'assistance moyennant rémunération ;

- la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur l'activité économique et sociale de sa filiale, et que la société mère ait pris dans le cadre de cette politique des décisions affectant le devenir de sa filiale et se soit engagée à garantir l'exécution des obligations de sa filiale liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois ;

- les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et que la société mère ait pris dans le cadre de la politique du groupe des décisions affectant le devenir de la filiale et se soit engagée à fournir les moyens nécessaires au financement des mesures sociales liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois ;

- la filiale ne possède aucune latitude pour développer et prospecter de nouveaux débouchés, et que la société-mère, dont c'est la responsabilité, décide de retirer brutalement sa clientèle à la société filiale, sans aucune alternative économique présentée et a fortiori mise en oeuvre, que les dirigeants soient étroitement liés ou communs, que la filiale n'a pour client unique que la société-mère, que toute la comptabilité de la filiale est traitée chez la société-mère, que les budgets de la filiale sont validés directement par la société-mère, que la société-mère a consenti une avance de trésorerie à la filiale et/ou un abandon de créances.

S'agissant de la SAS FAYAT et de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, la Cour de cassation a déjà jugé que ne suffit pas en l'espèce à caractériser le coemploi le fait que :

- les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et sont en étroite collaboration avec la société mère, et que celle-ci a pris durant les quelques mois suivant la prise de contrôle de la filiale des décisions visant à sa réorganisation dans le cadre de la politique du groupe, puis a renoncé à son concours financier destiné à éviter une liquidation judiciaire de la filiale, tout en s'impliquant dans les recherches de reclassement des salariés au sein du groupe ;

- le groupe avait placé au sein de la filiale un cadre dirigeant sur lequel elle conservait un pouvoir de direction, que le président de la société-mère, se substituant aux organes de direction de la filiale, avait confirmé que le groupe ne présenterait pas de plan de continuation estimant que l'entreprise n'était pas viable en l'état puis avait indiqué avoir donné des consignes aux filiales du groupe afin que les postes éventuellement ouverts soient communiqués à l'administrateur judiciaire, reconnaissant ainsi que l'obligation de reclassement des salariés incombant à l'employeur pesait sur le groupe, que les constats dressés dans le cadre de la grève des salariés de la filiale, visant à prouver d'éventuelles actions illicites de salariés, avaient été demandés par la société-mère.

La société Etablissements J. RICHARD DUCROS n'a été intégrée dans le groupe FAYAT qu'à compter du 24 novembre 2010 lorsque la SAS FAYAT (société-mère du groupe FAYAT) est devenue l'actionnaire unique de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS.

Il n'est ni allégué ni encore moins démontré que la SAS FAYAT entretenait des liens de dépendance (juridique ou économique ou sociale) avec la société Etablissements J. RICHARD DUCROS avant le 24 novembre 2010. La société Etablissements J. RICHARD DUCROS est devenue membre du groupe FAYAT par la seule cession de la totalité des actions ; il n'y a eu ni cession d'activités ou fonds de commerce ni transfert de contrats de travail en date du 24 novembre 2010.

Dès le 3 février 2011, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Établissements J. RICHARD DUCROS, avec notamment la désignation d'un juge-commissaire, d'administrateurs judiciaires et d'un mandataire judiciaire, ce qui a induit à compter de cette date tant un suivi qu'un contrôle de la situation de la filiale du groupe FAYAT par les organes de la procédure collective.

La période pendant laquelle ont pu s'exercer librement les échanges (ou influences) entre la SAS FAYAT et la société Établissements J. RICHARD DUCROS, en tout cas sans le contrôle ou suivi des organes de la procédure collective, est donc limitée (période comprise entre le 24 novembre 2010 et le 3 février 2011) à une durée d'un peu plus de deux mois.

La SAS FAYAT expose qu'elle a été trompée sur la réalité de la situation économique de la société Établissements J. RICHARD DUCROS et qu'elle s'est aperçue, assez rapidement après l'acquisition des actions, que cette dernière société était en situation de cessation des paiements. En juillet 2011, la SAS FAYAT a assigné devant le tribunal de commerce de Paris les anciens actionnaires de la société Établissements J. RICHARD DUCROS pour obtenir notamment l'annulation de la cession d'actions du 24 novembre 2010 et des dommages et intérêts, ce sur le fondement du dol (erreur à titre subsidiaire).

À la lecture des documents établis par les organes de la procédure collective ou des experts, il apparaît que la société Établissements J. RICHARD DUCROS se trouvait effectivement en cessation des paiements à la date du 20 janvier 2011. Certains experts ou consultants indiquent même que la situation de cessation des paiements existait déjà en 2009 ou début 2010, en tout cas avant le 24 novembre 2010. Il est également établi que les principales difficultés économiques de la société Établissements J. RICHARD DUCROS sont antérieures à la cession du 24 novembre 2010, avec notamment une chute brutale du chiffre d'affaires entre 2009 et 2010 (environ 30 %), un déficit important de trésorerie et de capitaux propres, un endettement conséquent, une détérioration inquiétante de la rentabilité de l'entreprise.

Dans leurs rapports et bilans versés aux débats, les administrateurs judiciaires et autres organes de la procédure collective n'ont jamais mis en cause la responsabilité de la SAS FAYAT ou du groupe dans la situation économique de la société Établissements J. RICHARD DUCROS. Ils ont relevé que la situation financière de la société Établissements J. RICHARD DUCROS était fortement obérée, que la filiale avait un important besoin de financement que la société-mère ne souhaitait pas satisfaire, que les perspectives étaient très mauvaises alors notamment que l'un des plus gros clients (IBM) devait cesser toute commande à échéance de fin 2011, que la seule solution envisageable était la recherche d'un repreneur extérieur au groupe alors que la SAS FAYAT ne proposait pas de plan de continuation, que les deux offres de reprise reçues (sociétés MATIERE et COMILEV) n'étaient pas satisfaisantes sur le plan économique (apurement du passif) et social (pas plus de 25 % des salariés reclassés). Maître [P] [B], ès qualités, relevait également que la liquidation judiciaire était inéluctable compte tenu notamment de l'état des créances (plus de 40 millions d'euros), de l'insuffisance de l'actif, du déficit de trésorerie, de l'absence de capacité de financement et de l'insuffisance des offres de reprise.

Dans le jugement du 5 mai 2011, le tribunal de commerce ordonne la liquidation judiciaire en relevant que la situation économique et financière de la société Établissements J. RICHARD DUCROS rend tout redressement impossible, ce, sans mentionner une quelconque responsabilité ou le moindre manquement de la SAS FAYAT.

Vu ce contexte, il ne saurait être reproché aux dirigeants de la société Établissements J. RICHARD DUCROS d'avoir décidé le 20 janvier 2011 d'effectuer une déclaration de cessation des paiements aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, fut-ce après concertation avec la société-mère du groupe ou même sur sollicitation directe de cette dernière. Il aurait été même reprochable de ne pas effectuer une telle déclaration dans les meilleurs délais.

Il n'est pas contestable que la SAS FAYAT n'a pas souhaité financer sa filiale à hauteur de 5 à 6 millions d'euros comme cela a pu être envisagé initialement lors de la cession du 24 novembre 2010. La société mère fait valoir qu'elle a découvert, après le 24 novembre 2010, que la situation financière de la société Établissements J. RICHARD DUCROS était plus dégradée que prévu et qu'une telle aide n'aurait ni permis le redressement de la filiale ni même évité la liquidation judiciaire.

En février 2011, pendant la période d'observation, la SAS FAYAT a proposé le versement (sous conditions) d'une aide d'un million d'euros pour permettre une poursuite temporaire de l'activité de la filiale mais les conditions posées par la société-mère n'ont pas été réalisées dans le délai imparti et cette contribution n'a donc pas été versée.

À partir d'avril 2011, les organes de la procédure collective ont interrogé la SAS FAYAT s'agissant du plan de sauvegarde de l'emploi à venir et du reclassement des salariés de la filiale. La SAS FAYAT a répondu qu'elle ne souhaitait pas abonder le plan de sauvegarde de l'emploi mais qu'elle s'impliquerait pour chercher à reclasser les salariés de la filiale au sein du groupe, sauf à relever que le temps imparti, par l'administrateur puis le liquidateur, était trop court pour effectuer des recherches personnalisées et sérieuses.

Les pièces versées aux débats ne permettent pas de déterminer si la SAS FAYAT a acheté les actions de société Établissements J. RICHARD DUCROS à bon ou faible prix et si, avant le 24 novembre 2010, la société-mère connaissait la réalité de la situation économique de sa future filiale et avait alors réellement l'intention de pallier les difficultés financières de celle-ci. Les avis donnés sur la bonne ou mauvaise foi de la SAS FAYAT en la matière sont partagés en fonction des intérêts de chacun dans le présent litige. Reste que si ces questions, portant sur la période préalable à l'entrée de la société Établissements J. RICHARD DUCROS dans le groupe FAYAT, pourraient éventuellement intéresser d'autres instances et d'autres juridictions, elles n'ont pas de rapport direct avec le litige portant sur l'existence ou non d'une situation de coemploi des salariés de sa filiale par la SAS FAYAT.

Il apparaît que si certaines activités étaient communes aux sociétés FAYAT et DUCROS, celles-ci représentaient une fraction minoritaire des marchés et engagements de la filiale comme de la société-mère.

Sont évoquées l'activité de Monsieur [P] (dirigeant de la société Établissements J. RICHARD DUCROS à compter du 9 décembre 2010) ainsi que la présence et les interventions de certains cadres dirigeants de la SAS FAYAT, notamment lors de réunions organisées pendant la période séparant l'acquisition de la filiale de l'ouverture de la procédure collective. Il n'est pas contestable en l'espèce que les dirigeants de la filiale provenaient du groupe et étaient en étroite collaboration avec la société-mère, en tout cas que le groupe avait placé au sein de la filiale un cadre dirigeant sur lequel elle conservait un pouvoir de direction, et que la société-mère a pris durant les quelques mois suivant la prise de contrôle de la filiale des décisions visant à sa réorganisation dans le cadre de la politique du groupe, mais ces éléments ne caractérisent pas une situation de coemploi.

Si, à la suite d'une déclaration de cessation des paiements et d'une ouverture de procédure collective justifiées, la SAS FAYAT, estimant que la société Établissements J. RICHARD DUCROS n'était pas viable, n'a pas proposé de plan de continuation et a effectivement renoncé ou refusé son concours financier à la filiale, puis a refusé d'abonder le plan de sauvegarde de l'emploi, cela ne saurait pas plus caractériser une situation de coemploi. Il en est de même quant au fait que la société-mère a déclaré vouloir s'impliquer dans le reclassement ou favoriser les recherches de reclassement des salariés de la filiale au sein du groupe, et quant au fait que la société-mère s'est intéressée au mouvement de grève des salariés de la filiale intervenue semble-t-il pendant la période d'observation.

Les actions ou abstentions précitées de la société-mère, notamment en matière de réorganisation au sein du groupe, de soutien financier et de participation directe ou indirecte au reclassement des salariés de la société Établissements J. RICHARD DUCROS, ont pu avoir une incidence sur l'activité économique et sociale de sa filiale, y compris s'agissant du devenir de la filiale et en conséquence de l'exécution comme de la poursuite des contrats de travail des salariés, mais elles relèvent seulement de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, non d'une immixtion dans la gestion économique et sociale de la filiale telle qu'exigée par la définition jurisprudentielle du coemploi.

De façon désormais plus globale, les salariés, le liquidateur de la société DUCROS et le CGEA font valoir que la SAS FAYAT a sciemment organisé la cessation totale d'activité de la société Établissements J. RICHARD DUCROS pour récupérer les éléments de la filiale (marchés, compétences, salariés ayant une qualification spécifique, savoir-faire, matériel etc.) les plus intéressants pour le groupe, ce, en faisant assumer le coût des licenciements par l'AGS (thèse de l'instrumentalisation de la faillite ou du droit des procédures collectives). Dans ce cadre, il est fait état notamment de cession de stocks, de recrutement de salariés, d'entrave à l'activité de la filiale, de captation de marchés, d'arrêt de machines etc., plus globalement d'un dessein ou plan comprenant une perte totale d'autonomie et de soutien financier pour la filiale et qui aurait été facilité par une confusion totale de direction et d'intérêts. La notion d'immixtion fautive ou anormale de la société-mère dans la gestion économique et sociale de la filiale est invoquée en ce sens.

Reste que les éléments allégués à l'appui de la thèse susvisée ne sont pas établis par les pièces versées aux débats. En effet, il n'est pas démontré que pendant la courte période considérée (cf supra), la SAS FAYAT aurait transformé la société Établissements J. RICHARD DUCROS en une société fictive ou un simple établissement de la société-mère, dépourvu de toute autonomie ou pouvoir de direction vis-à-vis de ses salariés, ou aurait sciemment pris des décisions visant à favoriser le groupe au détriment de la filiale, voire même à sacrifier la filiale et les salariés de celle-ci dans l'intérêt du groupe. Il n'est pas plus établi que pendant ce temps fort restreint, la SAS FAYAT aurait pris en charge la gestion des ressources humaines de sa filiale ou aurait exercé un pouvoir de direction à l'égard des salariés de la société Établissements J. RICHARD DUCROS.

Les documents produits (notamment les nombreuses attestations) font surtout état des sentiments de leurs auteurs mais non de faits objectifs et matériellement vérifiables (dates, circonstances et justificatifs) concernant les nombreuses accusations portées contre la société-mère (cession de matériel à vil prix, captation de marchés, arrêt d'investissement ou de machines, détournement de savoir-faire et de personnel qualifié, soutien éventuel du client IBM...).

Force est de constater que les sentiments exprimés en ce sens reposent essentiellement sur l'incompréhension et le soupçon générés par le fait que la société-mère du groupe, peu après l'acquisition de la filiale à la tête de laquelle elle avait mis l'un de ses cadres dirigeants, a jugé que la société Établissements J. RICHARD DUCROS n'était pas viable économiquement et lui a refusé le soutien financier et le plan de continuation qui auraient pu éventuellement permettre une poursuite temporaire d'activité, ce qui renvoie aux attendus qui précèdent.

La SAS FAYAT conteste les accusations précitées et produit des attestations en ce sens.

Dans leurs rapports, les organes de la procédure collective ont mentionné le fait que des faits de pillage ou d'entrave avaient été évoqués par certains à l'encontre de la SAS FAYAT mais ont relevé qu'en l'état ces accusations n'étaient nullement étayées, aussi bien pour la période d'observation que pour la période comprise entre l'acquisition du 24 novembre 2010 et la déclaration de cessation des paiements. Hors celle relevant de la compétence du tribunal de commerce (cf infra) selon une décision de la cour d'appel de Nîmes, il n'est fait état d'aucune action judiciaire engagée contre les agissements (ou abstentions) de la SAS FAYAT vis-à-vis de sa filiale ni même d'aucune enquête ou constatation judiciaire dans ce cadre.

Vu l'absence de démonstration d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de sa filiale, aucune situation de coemploi de la SAS FAYAT vis-à-vis des salariés de la société Établissements J. RICHARD DUCROS ne sera retenue.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit la SAS FAYAT coemployeur et l'a condamnée à ce titre à verser au salarié des sommes au titre du licenciement, du manquement à l'obligation de formation et des frais irrépétibles, et en ce qu'il a ordonné le remboursement par la SAS FAYAT à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié.

Monsieur [A] [A] sera débouté de toutes les demandes formées à l'encontre de la SAS FAYAT en qualité de coemployeur du salarié.

- Sur le licenciement -

Aux termes de l'article L. 1235-10 du code du travail, dans sa version alors en vigueur :

'Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciements concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l'article L. 1233-61 et s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentant du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés.

La validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe.

Le premier alinéa n'est pas applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaire.'

La S.C.P. [T] - [I] - [C] - [B], prise en la personne de Maître [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, soutient qu'en application de ce texte, la demande de nullité du plan de sauvegarde de l'emploi ne peut être sollicitée en raison de la liquidation judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS.

Or, le salarié conteste la validité du plan de sauvegarde de l'emploi compte tenu de l'insuffisance des moyens dont dispose le groupe auquel appartenait son employeur et non pas sur l'absence de présentation du plan de reclassement aux représentants du personnel telle que le prévoit l'alinéa 1 dudit texte. En conséquence, ce moyen dont le mandataire liquidateur se prévaut sera d'emblée rejeté.

La mise en liquidation judiciaire de l'entreprise met fin à la période de sauvegarde qui a pu être ouverte et à la période d'observation. Il est alors mis fin aux mandats de l'administrateur judiciaire et du mandataire judiciaire intervenus pendant cette période. Un liquidateur judiciaire est désigné qui a seul qualité pour procéder aux licenciements. C'est en application de la décision de liquidation judiciaire que le liquidateur est autorisé à procéder au licenciement du personnel, il n'a donc pas d'autorisation judiciaire à obtenir au préalable.

Les entreprises en liquidation judiciaire sont soumises, comme toute autre entreprise qui envisage de procéder à des licenciements pour motif économique, à l'obligation de rechercher au préalable des solutions de reclassement mais également à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi dans les conditions fixées notamment par l'article précité (L. 1235-10).

La pertinence d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être appréciée en fonction des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe dont elle fait partie pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement. S'agissant des possibilités de reclassement au sein du groupe, cette pertinence doit s'apprécier parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel, mais en revanche, s'agissant des moyens financiers du groupe, la pertinence doit s'apprécier compte tenu des moyens de l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national.

Si le périmètre de reclassement interne est le groupe, l'obligation de reclassement n'incombe qu'à l'employeur, en l'espèce le liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, et non au groupe FAYAT, société-mère ou aux autres sociétés du groupe, à défaut de coemploi établi.

Ainsi, une société appartenant au même groupe que l'employeur n'est pas tenue, en cette seule qualité, d'une obligation de reclassement envers les salariés au service de ce dernier et ne répond pas à leur égard des conséquences d'une insuffisance des mesures de reclassement prévues dans un plan de sauvegarde de l'emploi.

La non-participation ou l'insuffisance de participation des autres sociétés du groupe ne peut donc absoudre ou diminuer la responsabilité de l'employeur, en l'espèce le liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, s'agissant de l'obligation de reclassement et de la validité du plan de sauvegarde de l'emploi.

En l'espèce, préalablement au licenciement du salarié, Maître [B], ès qualités, a soumis au comité central d'entreprise (ci-après CCE) un projet de plan de sauvegarde de l'emploi sur les seuls moyens de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, ce après refus de la SAS FAYAT de participer financièrement au plan de sauvegarde de l'emploi.

Ce plan de sauvegarde de l'emploi prévoyait notamment :

- la mise en place d'une cellule de reclassement ;

- des mesures visant à favoriser la création ou la reprise d'entreprise avec une enveloppe globale de 30.000 euros et un montant de 1.000 euros par salarié ;

- des aides à la formation et à la validation des acquis par l'expérience dans la limite de 1.500 euros par salarié (abondé à hauteur de 500 euros pour les salariés âgés de plus de 50 ans), avec une enveloppe globale de 100.000 euros ;

- une aide au changement de résidence d'un montant de 500 euros et une participation à la mobilité professionnelle plafonnée à 500 euros, pour une enveloppe d'un montant global de 30.000 euros.

Compte tenu du nombre de salariés concernés par les licenciements, soit 248, l'enveloppe totale ne représentait qu'une somme de 645 euros par salarié, de sorte que l'ensemble des salariés n'était pas susceptible d'être éligible à l'une ou l'autre des mesures. L'insuffisance de ces mesures appréciées notamment à l'aune des moyens du groupe FAYAT dont le chiffre d'affaires 2010 était de 2.800.000.000 euros et auquel appartenait la société Etablissements J. RICHARD DUCROS n'est pas sérieusement contestée, de même que les offres de reclassement annexées telles que proposées par le groupe FAYAT et constituées de simples lettres émanant de sociétés du groupe présentant de façon impersonnelle des postes susceptibles d'être disponibles, ne permettant pas au mandataire liquidateur de présenter aux salariés préalablement au licenciement des propositions concrètes, précises et personnalisées ainsi qu'il en a l'obligation.

En conséquence, saisi par Maître [P] [B], ès qualités, le juge des référés d'Alès, par ordonnance en date du 12 mai 2011, a condamné la SAS FAYAT à payer la somme de 12.000.000 d'euros à affecter aux mesures du plan de sauvegarde de l'emploi.

Un avenant au plan de sauvegarde de l'emploi, présenté au CCE le 24 juin 2011, abondait les mesures initiales et prévoyait les dispositions suivantes :

- des mesures visant à favoriser la création ou la reprise d'entreprise d'un montant de 30.000 euros maximum par salarié ;

- des aides à la formation et à la validation des acquis par l'expérience dans la limite de 20.000 euros par salarié licencié et de 10.000 euros par salarié reclassé, augmenté à hauteur de 5.000 euros pour les salariés fragilisés ;

- une aide au changement de résidence d'un montant de 2.000 euros et une participation à la mobilité professionnelle plafonnée à 2.000 euros ;

- une indemnité forfaitaire d'aide à la recherche d'emploi d'un montant de 5.000 euros.

Si cet avenant augmentait significativement le montant des mesures financières en fonction de l'abondement à concurrence de la somme de 12.000.000 euros par la société FAYAT SAS après décision du juge des référés, il était présenté postérieurement au licenciement du salarié, et ne pouvait, en conséquence, avoir vocation d'éviter les ruptures des contrats de travail ou d'en limiter leur nombre alors qu'en application des dispositions de l'article L. 1233-61 du code du travail applicable, dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciement concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, à ces fins.

Les insuffisances du plan de sauvegarde de l'emploi, dès l'introduction de la procédure et jusqu'à la notification du licenciement, justifient, en application de l'article L. 1235-10 applicable, précédemment cité, l'annulation de celui-ci (du plan de sauvegarde de l'emploi). Les observations présentées par le liquidateur judiciaire sur la non-participation ou l'insuffisance de participation de la société-mère du groupe au plan de sauvegarde de l'emploi, notamment en matière de financement, sont inopérantes sur ce point.

En conséquence, sans développer outre sur l'obligation de reclassement incombant au liquidateur de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, il échet de statuer sur les conséquences de la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi.

Monsieur [A] [A] sollicite la confirmation du jugement qui a notamment jugé nul le licenciement en application des dispositions des articles L. 1233-3, L. 1233-4, L. 1233-61 et L. 1233-10 du code du travail, et demande à la cour de lui allouer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Aux termes de l'article L. 1235-11 du code du travail (applicable au jour du licenciement) :

'Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois.'

La nullité du plan de sauvegarde de l'emploi entraîne la nullité de la rupture du contrat de travail de Monsieur [A] [A] dont la réintégration est impossible.

Compte tenu du minimum défini par le code du travail (salaires des douze derniers mois), de l'ancienneté ( 13 ans et 5 mois) et du préjudice du salarié (âgé de 41 ans lors du licenciement) caractérisé notamment par la perte de son emploi et la difficulté de retrouver une activité professionnelle pérenne, le conseil de prud'hommes, en lui allouant la somme de 50 000 euros, a procédé à une juste évaluation de l'indemnité due pour licenciement nul.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a constaté l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi et dit le licenciement du salarié nul, mais le montant de l'indemnité due pour licenciement nul sera fixé au passif de la procédure collective de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS.

- Sur la responsabilité délictuelle de la SAS FAYAT à l'égard des salariés de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS -

Monsieur [A] [A] demande la condamnation de la SAS FAYAT à lui payer la somme de 50.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation de la perte de chance d'occuper un emploi et du préjudice moral subi. Il fait valoir que la SAS FAYAT a commis une faute engageant sa responsabilité civile délictuelle en prenant des décisions dommageables aggravant la situation économique de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS et en provoquant sa déconfiture et la disparition des emplois, faute qui lui a causé un préjudice constitué par une perte de chance d'emploi, préjudice selon lui distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail.

La SAS FAYAT réplique qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dans la liquidation de cette société, évoquant un passif de 40 millions d'euros estimé par le liquidateur alors même qu'elle était devenue actionnaire moins de 50 jours avant le prononcé du redressement judiciaire de l'entreprise, un état de cessation de paiement antérieur à son arrivée dans le capital de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS et des licenciements collectifs qui auraient dus être prononcés bien avant. Elle ajoute que les salariés ne justifient d'aucun préjudice distinct de celui déjà pris en charge par les indemnités de rupture des contrats de travail, et qu'aucun lien de causalité ne peut être établi, la perte de chance d'emploi datant de la gestion erratique antérieure à son actionnariat.

La situation de coemploi n'a pas été reconnue en l'espèce s'agissant de la SAS FAYAT, ce qui conduit la cour à débouter le salarié des demandes en responsabilité contractuelle formées à l'encontre de la SAS FAYAT.

Le salarié invoque également la responsabilité délictuelle de la SAS FAYAT pour faute personnelle de la société-mère.

Les difficultés rencontrées par une entreprise ne sont pas toujours le résultat d'une mauvaise conjoncture économique, de choix stratégiques peu pertinents ou d'une baisse de parts de marché. La situation peut parfois être imputable à la faute d'un tiers : un établissement de crédit, un fournisseur, un franchiseur, un concédant ou, dans les groupes, une société exerçant un pouvoir de contrôle en sa qualité d'associé prépondérant ou d'actionnaire unique. En pareille hypothèse, à l'instar d'autres créanciers, les salariés licenciés pour motif économique par l'entreprise en difficulté peuvent choisir d'engager la responsabilité délictuelle pour faute du tiers fautif dans un souci de justice sociale et de réparation indemnitaire.

Le droit commun de la responsabilité délictuelle exige l'établissement d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

Pour pouvoir agir contre une autre personne que le débiteur défaillant (en l'occurrence leur employeur) sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil, le salarié doit prouver que cette personne, en l'espèce la société-mère du groupe, lui a causé un préjudice spécial et distinct. S'agissant d'un préjudice, matériel et moral, découlant de la perte d'emploi ou de la perte de chance d'occuper ou de conserver un emploi, se pose la question de l'existence d'une réparation intégrale de celui-ci dans le cas où le salarié licencié a déjà perçu tant l'indemnité (légale ou conventionnelle) de licenciement que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou licenciement nul.

Quel que soit le préjudice invoqué par le salarié, celui-ci n'en obtiendra réparation que s'il parvient à l'imputer à une faute personnelle du tiers.

Ainsi, en dehors de toute situation de coemploi, lorsqu'une société, actionnaire unique, prend des décisions dommageables pour sa filiale, qui aggravent la situation économique difficile de celle-ci, ne répondent à aucune utilité pour elle et ne sont profitables qu'à la société-mère, les salariés licenciés suite à la mise en liquidation judiciaire de la filiale qui les employait peuvent obtenir réparation du préjudice causé par la faute et la légèreté blâmable de la société-mère, bien que cette dernière ne soit pas leur employeur.

Malgré l'absence de reconnaissance de la qualité de coemployeur, la responsabilité délictuelle d'une société-mère peut donc être engagée lorsqu'il est établi qu'elle n'a pas mobilisé ses possibilités de redressement, en ne fournissant pas à la société filiale (et employeur) les moyens qui lui auraient permis de réaliser et de mettre en oeuvre des mesures de redressement, et que ce défaut de mise à disposition des possibilités de redressement relève d'une abstention fautive ou d'une légèreté blâmable, de nature à compromettre la bonne exécution par sa filiale de ses obligations. Elle peut être également engagée quand il est établi que la société-mère a pris des décisions dommageables pour la filiale, qui ont aggravé la situation économique difficile de celle-ci, ne répondaient à aucune utilité pour elle et n'étaient profitables qu'à son actionnaire unique, qu'elle a par sa faute et légèreté blâmable, concouru à la déconfiture de l'employeur et à la disparition des emplois qui en est résulté.

Dans tous les cas, il appartient à celui qui l'invoque d'établir la faute ou la légèreté blâmable dont il se prévaut.

En l'espèce, et ainsi que vu plus haut, la SAS FAYAT et les actionnaires de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS ont signé, le 7 octobre 2010, une convention d'achat d'actions et les ordres de mouvement de titres ont été réalisés au bénéfice de la société FAYAT le 24 novembre 2010.

Le 20 janvier 2011, soit moins de deux mois plus tard, le représentant légal de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS déposait une déclaration de cessation des paiements et par jugement du 3 février 2011 (soit 71 jours après la cession d'actions) le tribunal de commerce de Paris décidait d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la filiale de la SAS FAYAT, la liquidation judiciaire de cette dernière intervenant par jugement du 5 mai 2011(soit 162 jours après cette même cession d'actions).

Le salarié fait valoir que dans le cadre de la négociation entre les deux sociétés, la SAS FAYAT s'était engagée à re-capitaliser la société Etablissements J. RICHARD DUCROS de 6 millions d'euros puis par de nouveaux engagements avait réduit cette somme à 5 millions, somme qu'elle n'a jamais versée et qui aurait pu permettre la continuation de l'entreprise, ce défaut de versement constituant selon lui une faute dommageable.

De façon plus générale, salarié, liquidateur et CGEA évoquent la faute délictuelle que la SAS aurait commise en refusant tout soutien financier à sa filiale, en tout cas jusqu'au jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS.

La faute permettant d'engager la responsabilité délictuelle sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil (désormais articles 1240 et suivants) répond à une conception plus extensive que celle du coemploi dans la mesure où une direction de droit ou de fait n'est pas exigée, pas plus qu'une immixtion dans la gestion de la société.

Une société-mère n'est pas tenue de soutenir financièrement une société filiale, notamment si cette dernière connaît de sérieuses difficultés économiques, mais commettrait une faute si elle décidait de fermer une filiale (notamment si celle-ci est rentable) dans le but de réaliser des économies et d'améliorer sa propre rentabilité au détriment de la stabilité de l'emploi dans l'entreprise concernée. Si la politique d'un groupe justifie des choix d'investissements, des orientations stratégiques, des redéploiements d'activités défavorables à une filiale, les salariés de la filiale ne pourront pas se fonder toutefois sur la simple supériorité de l'intérêt du groupe pour imputer une faute à la société-mère.

Il ressort de différentes pièces produites aux débats et notamment de la note de synthèse de M. [F] expert comptable, effectuée le 18 février 2011 en vue de fixer la date de cessation des paiements que :

'La société ... était déjà dans une situation irrémédiablement compromise (situation financière déséquilibrée et prévisions commerciales très en retrait).

La perte du contrat IBM, notamment sa contribution à la rentabilité de la société a eu pour effet de précipiter la dégradation de la situation financière de la société.

Sur ce dernier point, le maintien des crédits par les partenaires financiers soulèvent quelques interrogations. Nous comprenons que la société a un poids important sur l'environnement économique local et que la seule solution pour tout le monde (fournisseurs, banquiers, commune d'Alès...) était de trouver un repreneur capable de financer une restructuration et avec lequel des synergies étaient possibles.

La gestion financière de la société notamment sur les années 2009 et 2010 soulève également quelques interrogations sur lesquelles nous pourrions en déduire que la situation était connue des anciens dirigeants et dissimulée par ces derniers pour éviter la liquidation et les conséquences sociales qui s'en suivent.'

Par ailleurs le bilan économique et social établi en date du 13 avril 2011 par Me [S], administrateur judiciaire, note par rapport à certaines accusations de salariés concernant l'absence d'un carnet de commandes : 'la nécessité d'une expertise qui aurait vocation à déterminer les conditions dans lesquelles est intervenu, tout récemment, le changement d'actionnaire et les raisons pour lesquelles ce dernier a pu commettre une erreur d'appréciation sur la rentabilité réelle de l'entreprise courant 2010, et sur la situation exacte du carnet de commandes' et fait état d'un passif s'élevant à plus de 25 millions d'euros et d' une insuffisance d'actif supérieure à 15 millions d'euros.

Au regard de ces éléments d'appréciation et de ceux évoqués dans les attendus qui précèdent sur le coemploi, le défaut d'apport de 5 ou 6 millions d'euros reproché à la SAS FAYAT et non contesté, ne caractérise pas une abstention fautive imputable à la SAS FAYAT alors que la société Etablissements J. RICHARD DUCROS se trouvait déjà dans une situation économique obérée avant même son entrée dans le groupe FAYAT, ni une légèreté blâmable ayant concouru à la déconfiture de l'entreprise, celle-ci étant déjà engagée au moment de l'acquisition des actions. Compte tenu des observations susvisées, s'agissant notamment des difficultés financières de la filiale et de la période très réduite pendant laquelle celle-ci a fait partie du groupe FAYAT, le refus de la société-mère de soutenir financièrement la société Etablissements J. RICHARD DUCROS n'est pas constitutif d'une faute délictuelle.

Pour le surplus, il échet de constater que les éléments présentés par les parties sur le terrain de la responsabilité délictuelle ont déjà été examinés dans les développement sur le coemploi et il n'est nullement établi que la SAS FAYAT aurait pris des décisions dommageables pour sa filiale, qui auraient aggravé la situation économique difficile de celle-ci tout en ne répondant à aucune utilité pour la filiale et en n'étant profitables qu'à la société-mère.

En conséquence, l'abstention fautive ou la légèreté blâmable de la société-mère n'étant pas démontrée, Monsieur [A] [A] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la SAS FAYAT au titre de la responsabilité délictuelle.

- Sur les demandes du liquidateur de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS à l'encontre de la SAS FAYAT -

La S.C.P. [T] - [I] - [C] - [B], prise en la personne de Maître [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société Etablissements J. RICHARD DUCROS, conclut que la SAS FAYAT doit le garantir de toutes sommes qui seraient fixées au passif de la liquidation et doit être condamnée à lui payer le montant des créances de rupture versées aux salariés, soit la somme totale de 9.013.954, 98 euros.

Maître [P] [B], ès qualités, fait valoir que la SAS FAYAT a commis des fautes délictuelles en violant ses engagements en matière de reclassements qui se sont avérés inexistants, même si cette obligation de reclassement ne pèse en principe que sur l'employeur et non sur le groupe FAYAT, en refusant de financer le plan de sauvegarde de l'emploi associé au plan de reclassement rendant ce dernier inopérant, en instrumentalisant le droit des faillites.

Sur ce point, comme le relève la SAS FAYAT, l'arrêt rendu en date du 15 avril 2014 n'a pas été cassé en ce que la cour d'appel de Nîmes :

- s'est déclaré incompétente au profit du tribunal de commerce de Bordeaux sur la demande de condamnation au paiement du montant des créances de rupture versées à l'ensemble des salariés, présentée par Maître [B], ès qualités de liquidateur de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, contre la société FAYAT ;

- a déclaré irrecevables les demandes de condamnations formulées par le CGEA-AGS de l'Ile-de-France Ouest Levallois Perret dans l'intérêt de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS ;

- a rejeté les demandes de mise hors de cause de Maître [B] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société Etablissements J. RICHARD DUCROS et du CGEA-AGS de l'Ile-de-France Ouest Levallois Perret.

Ces dispositions n'ayant pas fait l'objet d'une cassation et ayant désormais autorité de chose jugée, les demandes formées par la S.C.P. [T] - [I] - [C] - [B], prise en la personne de Maître [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société Etablissements J. RICHARD DUCROS, à l'encontre de la SAS FAYAT sont irrecevables.

- Sur les demandes du CGEA à l'encontre de la SAS FAYAT -

Le CGEA demande que la SAS FAYAT soit condamnée à relever et garantir le mandataire judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS de toutes les condamnations qui pourraient intervenir au profit des salariés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans l'arrêt rendu en date du 15 avril 2014, la cour d'appel de Nîmes a jugé que le CGEA ne pouvait formuler des demandes de condamnations pour le compte du liquidateur car il était dépourvu du droit d'agir à ce titre.

Il a été rappelé (cf supra) que l'arrêt du 15 avril 2014 est définitif en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de condamnations formulées par le CGEA dans l'intérêt de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS et rejeté les demandes de mise hors de cause du CGEA. Ces dispositions n'ayant pas fait l'objet d'une cassation et bénéficiant de l'autorité de la chose jugée, la demande susvisée du CGEA sera déclarée irrecevable.

Le CGEA demande également la condamnation de la SAS FAYAT à le relever et garantir de toutes les sommes qu'il a avancé ou devra avancer dans le cadre de la procédure collective concernant la société Etablissements J. RICHARD DUCROS.

À ce titre, le CGEA soutient que la SAS FAYAT a commis une faute en ce qu'elle a refusé d'abonder le plan de sauvegarde de l'emploi et en ce qu'elle n'a pas exécuté loyalement l'obligation de reclassement, en tout cas n'a pas effectué des recherches ou présenté des offres suffisamment sérieuses, ce qui serait à l'origine du caractère infondé des licenciements des salariés.

L'AGS est subrogée dans les droits des salariés pour lesquels elle a fait des avances.

Le CGEA ne peut engager la responsabilité contractuelle de la SAS FAYAT au titre de sa subrogation dans les droits des salariés alors que la situation de coemploi n'a pas été retenue.

S'agissant de la responsabilité délictuelle de SAS FAYAT, celle-ci a été écartée en ce que le salarié soutenait que la société-mère avait pris des décisions dommageables aggravant la situation économique de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS et provoqué en conséquence la déconfiture de la filiale et la disparition des emplois.

Quant à l'existence d'une quelconque faute qui pourrait être reprochée à la SAS FAYAT en rapport avec des propositions de reclassement insuffisantes, il a été rappelé que si le périmètre de reclassement interne est le groupe, l'obligation de reclassement n'incombe qu'à l'employeur, en l'espèce le liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, et non au groupe FAYAT, société-mère ou autres sociétés du groupe, à défaut de coemploi établi. Il a également été rappelé qu'une société appartenant au même groupe que l'employeur n'est pas tenue, en cette seule qualité, d'une obligation de reclassement envers les salariés au service de ce dernier et ne répond pas à leur égard des conséquences d'une insuffisance des mesures de reclassement prévues dans un plan de sauvegarde de l'emploi, de même que la non-participation ou l'insuffisance de participation des autres sociétés du groupe ne peut absoudre ou diminuer la responsabilité de l'employeur s'agissant de l'obligation de reclassement.

Le dirigeant de la SAS FAYAT a effectivement indiqué (par courriers) aux organes de la procédure collective (administrateur et liquidateur) qu'il s'impliquerait dans les recherches de reclassement, favoriserait autant que possible le reclassement des salariés de la filiale au sein du groupe et avait donné des consignes en ce sens, mais ne souhaitait pas participer financièrement au plan de sauvegarde de l'emploi.

Or, il ressort notamment de différents courriers envoyés entre avril et mai 2011 que différentes filiales et sociétés du groupe FAYAT ont bien adressé au liquidateur des propositions de postes de reclassement. Il n'est nullement établi que la SAS FAYAT aurait violé ses engagements extra-contractuels en la matière, aurait entravé les démarches ou efforts du liquidateur quant aux recherches de reclassement interne, aurait tardé à répondre à Maître [P] [B] (compte tenu notamment des délais très courts impartis dans le cadre d'une liquidation judiciaire) ou répondu sciemment de façon trop imprécise ou erronée. Il n'est donc pas démontré une quelconque mauvaise foi, une abstention ou insuffisance fautive de la société-mère quant au reclassement des salariés de sa filiale, la SAS FAYAT ne pouvant être tenue responsable du défaut d'aboutissement des recherches ou propositions en cette matière.

La pertinence d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être appréciée en fonction des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe dont elle fait partie pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement.

Le CGEA considère que la SAS FAYAT a commis une faute en refusant de financer le plan de sauvegarde de l'emploi. Toutefois, au regard des observations susvisées, dans le cadre de la subrogation dont bénéficie l'AGS, le préjudice allégué ne pourrait être que la perte de chance d'avoir pu bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi doté de moyens financiers suffisants (en tout cas supérieurs) avec des mesures susceptibles de mieux favoriser le reclassement ou la reconversion des salariés. Une telle perte de chance ne peut correspondre à la demande du CGEA de se voir garantir par la SAS FAYAT toutes les sommes avancées ou qui seront avancées dans le cadre de la procédure collective concernant la société Etablissements J. RICHARD DUCROS.

En outre, il a déjà été jugé (cf supra) qu'il n'était pas démontré que la SAS FAYAT avait commis des fautes ou des légèretés blâmables en ayant refusé de soutenir financièrement sa filiale et d'abonder le plan de sauvegarde de l'emploi. La SAS FAYAT n'ayant pris aucun engagement en la matière, elle n'a pas commis une faute délictuelle en refusant d'abonder le plan de sauvegarde de l'emploi et en indiquant préférer favoriser les recherches de reclassement interne dans le groupe.

Pour le surplus, le liquidateur a engagé une action judiciaire contre la SAS FAYAT qui a abouti (ordonnance de référé du 19 mai 2011 exécutoire de droit par provision) au versement, sans retard ni résistance abusive de la société-mère, de la somme de 12 millions d'euros sollicitée par Maître [B] ès qualités. Cette instance serait toujours pendante devant la Cour de cassation suite à la cassation de la décision de cour d'appel de Nîmes et à la résistance de la cour d'appel de Montpellier.

A défaut de faute imputable à la SAS FAYAT, il convient de rejeter la demande de garantie sollicitée par le CGEA en qualité de subrogé dans les droits du salarié.

- Sur le défaut ou l'insuffisance de formation -

Monsieur [A] [A] demande la condamnation de la SAS FAYAT à lui payer un montant de 5.000 euros, à titre de dommages et intérêts, pour insuffisance de formation pendant la durée de son emploi, précisant que la responsabilité de cette société était recherchée non pas au titre de la cession d'actions mais au titre des obligations découlant de l'exécution du contrat de travail ab initio, dont le coemploi la rend débitrice.

A titre subsidiaire, il demande la fixation de cette somme de 5.000 euros à la liquidation de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS à titre de dommages et intérêts résultant de la violation de l'obligation de formation.

L'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois. Cette obligation, initialement d'origine jurisprudentielle est consacrée légalement par l'article L. 6321-1 du code du travail qui dispose que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

L'employeur ne peut pas s'exonérer de son obligation en faisant valoir que le salarié n'a émis aucune demande de formation, que le salarié a été recruté sans compétence ni expérience au poste auquel il a été formé par l'employeur, que l'expérience acquise par le salarié lui permet de prétendre à des postes similaires dans la branche ou le secteur d'activités, que le poste de travail du salarié n'a connu depuis son embauche aucune évolution particulière nécessitant une formation d'adaptation.

Le manquement de l'employeur à son obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi cause au salarié concerné un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail.

A défaut de coemploi retenu, la demande de Monsieur [A] [A] à l'encontre de la SAS FAYAT à ce titre doit être rejetée. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la SAS FAYAT GROUPE à payer au salarié des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation.

Par contre, l'obligation légale d'adaptation, et de formation en conséquence, incombant à la société Etablissements J. RICHARD DUCROS, le préjudice distinct du salarié (qu'il appartient au juge d'évaluer) est caractérisé si celui-ci n'a jamais bénéficié de formation professionnelle alors qu'il avait une ancienneté conséquente dans l'entreprise, ou s'il a suivi des formations notoirement insuffisantes dans leur fréquence compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise. Il est indifférent que le salarié ne justifie pas de l'incidence de ce manquement sur les possibilités d'adaptation ou de maintien dans l'emploi occupé dans l'entreprise, ou qu'il n'ait pas demandé expressément à son employeur le bénéfice de formations, dans la mesure où il apparaît qu'un tel manquement de l'employeur nuit gravement à la capacité du salarié à occuper un emploi.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [A] [A] a suivi une seule formation malgré une ancienneté au sein de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS de 13 années. Dès lors il convient de lui allouer au titre de son préjudice la somme de 2 000 euros, qui sera fixée au passif de la liquidation de ladite société, et réformer le jugement de ce chef.

- Sur la garantie de l'AGS -

Le CGEA doit avancer les sommes comprises dans les relevés établis par le mandataire judiciaire (représentant des créanciers), même en cas de contestation par un tiers, et celles correspondant à des créances établies par une décision de justice exécutoire, même si les délais de garantie sont expirés.

Toutefois, la garantie de l'AGS et du CGEA s'exercera dans la limite des plafonds légaux, s'agissant de sommes dues au titre de l'exécution comme de la rupture du contrat de travail.

Les décisions de justice sont de plein droit opposables à l'AGS.

- Sur les sommes dues à Pôle Emploi -

La nullité du licenciement du salarié est prononcée par application de l'article L. 1235-10 du code du travail pour insuffisance des moyens du plan de sauvegarde de l'emploi prescrits par les articles L. 1233-61 et L. 1233-62 et les indemnités sont allouées sur le fondement de l'article L. 1235-11, de sorte que les dispositions de l'article L. 1235-4 dudit code sont applicables.

Dans ce cadre, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié concerné. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En l'espèce, Pôle Emploi Languedoc-Roussillon et Pôle Emploi Lorraine n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées au salarié.

En conséquence, la cour ordonne le remboursement par Maître [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société Etablissements J. RICHARD DUCROS, des indemnités de chômage versées, à compter du jour du licenciement jusqu'à ce jour, par Pôle Emploi à Monsieur [A] [A], ce dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Le jugement sera infirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles. Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel. En équité il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, en matière prud'homale et par arrêt réputé contradictoire,

- Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné à la SCP [T]-[I]-[C]-[B], prise en la personne de Maître [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Établissements J. RICHARD DUCROS, de mettre en oeuvre l'intégralité des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi ;

- Confirme le jugement en ce qu'il a fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire du demandeur, constaté l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi et dit le licenciement de Monsieur [A] [A] nul ;

- Infirmant le jugement en ses autres dispositions et statuant à nouveau :

- Fixe au passif de la procédure collective de la société Etablissements J. RICHARD DUCROS les sommes suivantes dues à Monsieur [A] [A] :

* 50 000 euros au titre de l'indemnité (dommages et intérêts) due pour licenciement nul,

* 2 000 euros au titre de l'indemnité (dommages et intérêts) due pour violation de l'obligation d'adaptation et de formation,

- Condamne Maître [P] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société Etablissements J. RICHARD DUCROS, à rembourser les indemnités de chômage versées, à compter du jour du licenciement, par Pôle Emploi à Monsieur [A] [A], ce dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

- Dit le présent arrêt opposable à l'AGS et au CGEA Ile-de-France Ouest, dont la garantie s'exercera dans la limite des plafonds légaux ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 16/16307
Date de la décision : 16/06/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-16;16.16307 ?
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