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15/06/2017 | FRANCE | N°14/21949

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 15 juin 2017, 14/21949


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 15 JUIN 2017



N° 2017/ 281













Rôle N° 14/21949







SASU BS INVEST





C/



[P] [X]

SCP [G]-[A]-[Z]





















Grosse délivrée

le :

à :



Me CARLES DE CAUDEMBERG













Décision déférée à la Cour :



J

ugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 06 Novembre 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2013F00638.





APPELANTE



SASU BS INVEST

prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié es qualités,, dont le siége social est [Adresse 1]



représentée par Me Ollivier CARLES DE CAUDEMBERG, avoc...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 15 JUIN 2017

N° 2017/ 281

Rôle N° 14/21949

SASU BS INVEST

C/

[P] [X]

SCP [G]-[A]-[Z]

Grosse délivrée

le :

à :

Me CARLES DE CAUDEMBERG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 06 Novembre 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2013F00638.

APPELANTE

SASU BS INVEST

prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié es qualités,, dont le siége social est [Adresse 1]

représentée par Me Ollivier CARLES DE CAUDEMBERG, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [P] [X]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Roy SPITZ, avocat au barreau de NICE

SCP [G]-[A]-[Z]

représentée par Me [S] [Z]

Es qualités de Mandataire judiciaire de Monsieur [P] [X]

et en qualité de commissaire à l'exécution du plan,

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Roy SPITZ, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Mai 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2017,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 20 décembre 2007, la société BS Invest a confié à Monsieur [P] [X], agent immobilier exerçant à l'enseigne Europe immobilier, un mandat de rechercher et négocier en vue de l'achat, sur [Localité 1] et alentours, tous types d'appartements ou immeubles en totalité.

Par acte sous seing privé du 31 janvier 2008 les consorts [L] ont signé avec la société BS Invest un compromis de vente portant sur un immeuble de 4 appartements moyennant le prix de 930000 €, ou 585000 € en cas de préemption par le locataire de l'un des appartements au prix de 345000 €, le compromis prévoyant en outre le règlement par l'acheteur d'une somme de 40000 € de commission d'agence. Le gérant de la société BS Invest signait le même jour un bon de commission au profit de l'agent immobilier.

Par acte d'huissier du 24 juin 2008 les vendeurs ont fait sommation à l'acquéreur de comparaître pour signer l'acte de vente devant Maître [M], notaire, lequel a dressé un procès-verbal de difficulté le 7 juillet 2008.

Le 29 décembre 2008, les hoirs [L] ont fait assigner la société BS Invest en paiement de la somme de 93000 € au titre de la clause pénale insérée au compromis.

Par arrêt du 22 mars 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a condamné la société BS Invest à payer aux vendeurs une somme de 15000 € à ce titre.

Par acte en date du 19 juin 2013, Monsieur [P] [X] a fait assigner la société BS Invest devant le tribunal de commerce de Nice aux fins d'obtenir la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 40000 € à titre de commission et subsidiairement à titre de dommages et intérêts outre 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [X] ayant été placé en redressement judiciaire par jugement du 11 juillet 2013, la SCP [G] [A] [Z], mandataire judiciaire, représentée par Maître [Z] est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 6 novembre 2014, le tribunal de commerce de Nice a :

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation et la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevées par l'EURL BS Invest,

- reçu la SCP de mandataires judiciaires [G] [A] [Z] représentée par Maître [S] [Z] en son intervention volontaire,

- condamné l'EURL BS Invest à payer à Monsieur [P] [X] une somme de 40000 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- débouté l'EURL BS Invest de toutes ses demandes comme étant irrecevables et infondées,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné l'EURL BS Invest à payer à Monsieur [P] [X] la somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société BS Invest, transformée en SASU par décision de l'assemblée générale du 3 novembre 2014, a interjeté appel de cette décision le 20 novembre 2014.

Par conclusions déposées et notifiées le 15 janvier 2015 elle demande à la cour, vu l'article 455 du code de procédure civile, d'annuler le jugement dont appel pour défaut de motivation et de réponse à conclusions, en tout état de cause de le réformer en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :

- à titre principal, vu l'article L110-4 du code de commerce, dire et juger que la créance alléguée par Monsieur [X] est éteinte par l'effet de la prescription depuis le 17 juin 2013, l'assignation ayant été délivrée tardivement le 19 juin 2013,

- à titre subsidiaire, vu la loi Hoguet du 2 janvier 1970 et son décret d'application, vu l'article 1315 alinéa 1er du code civil, dire et juger nul le mandat de recherche signé par la SARL BS Invest,

- dire et juger qu'en l'absence de réitération de la vente, Monsieur [X] ne peut revendiquer le paiement d'une commission,

- dire et juger que Monsieur [X] ne fait en aucune façon la démonstration d'une faute de la SARL BS Invest en relation avec le préjudice tiré de la perte d'une chance d'obtenir sa commission,

- dire et juger que Monsieur [X] est seul à l'origine de son prétendu préjudice pour avoir manqué à son obligation de conseil vis-à-vis de la SARL BS Invest au regard des difficultés juridiques présentées par la promesse de vente du 31 janvier 2008,

- en conséquence, débouter Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en l'absence de droit à commission de ce dernier,

- en toute hypothèse, condamner Monsieur [X] à payer à la SARL BS Invest la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Olivier Carles de Caudemberg.

Par conclusions déposées et notifiées le 16 mars 2015, Monsieur [P] [X] et Maître [S] [Z], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de Monsieur [X], demandent à la cour de :

- rejeter comme mal fondé l'appel de la SARL BS Invest,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- subsidiairement pour le cas où le jugement dont appel serait annulé, statuer à nouveau et ce faisant, condamner la société BS Invest à payer à Monsieur [X] une somme de 40000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 19 juin 2013,

- en tout état de cause, y ajoutant devant la cour, condamner la société BS Invest à payer à Monsieur [X] une somme de 6000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée le 26 avril 2017.

MOTIFS :

Sur la nullité du jugement entrepris :

Aux termes de l'article 455 du code de procédure civile le jugement doit être motivé, le non respect de cette disposition étant sanctionné par la nullité du jugement en application des dispositions de l'article 458 du même code.

En l'espèce, le jugement déféré ne comporte aucune motivation sur le rejet explicite de la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société BS invest, ni sur le rejet implicite du moyen de droit tiré de la nullité du mandat d'acheter.

La nullité du jugement est en conséquence encourue, la cour statuant toutefois sur l'ensemble du litige compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la prescription de l'action :

L'action introduite par Monsieur [P] [X] suivant assignation du 19 juin 2013 tendait à la condamnation de la société BS Invest au paiement d'une commission sur le fondement des dispositions de l'article 1134 du code civil et subsidiairement au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du même code.

Les parties conviennent que l'action est soumise à la prescription édictée par l'article L110-4, d'une durée de 10 avant l'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, réduite à 5 ans par l'article 15 de cette loi.

Elles conviennent également qu'en application des dispositions transitoires de cette loi (article 26-II) le délai de 5 ans a commencé à courir à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, mais sont en désaccord sur la détermination de la date de cette entrée en vigueur.

Aux termes de l'article 1er du code civil, les lois entrent en vigueur à la date qu'elles fixent ou à défaut le lendemain de leur publication.

La loi n°2008-561 du 17 juin 2008 ne fixe aucune date d'entrée en vigueur et a été publiée au journal officiel le 18 juin 2008. Elle est donc entrée en vigueur le 19 juin 2008, date à compter de laquelle le délai de prescription de 5 ans a commencé à courir.

Aux termes des articles 641 et 642 du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.

Le délai de prescription applicable en l'espèce expirait en conséquence le 19 juin 2013 à vingt-quatre heures.

L'assignation interruptive ayant été délivrée le 19 juin 2013, l'action n'est pas prescrite.

Sur la nullité du mandat d'acheter :

La société BS Invest invoque en premier lieu les dispositions de l'article 76 alinéa 2 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 aux termes desquels le mandat d'acheter ou de prendre à bail un bien non identifié ne doit contenir aucune clause fixant à l'avance le montant des dommages et intérêts ou du dédit éventuellement dû par la partie qui ne remplirait pas ses engagements.

En l'espèce, le mandat d'acheter signé le 20 décembre 2007 entre les parties ne porte pas sur un bien identifié mais sur 'tous types d'appartements ou immeubles en totalité', et comporte une clause pénale en cas d'éviction de l'agent immobilier par l'acquéreur qui traiterait directement avec le vendeur l'achat d'une affaire proposée par l'agent.

Cette clause tombe effectivement sous le coup de l'interdiction édictée par l'article 76 alinéa 2 du décret.

Il en résulte que l'agent immobilier ne peut se prévaloir de cette clause, ce qu'il ne fait pas, le manquement reproché à la société BS Invest étant sans rapport avec celui sanctionné par la clause pénale irrégulière.

Aucune disposition de la loi du 2 janvier 1970 ou du décret du 20 juillet 1970 ne sanctionne une telle irrégularité par la nullité du mandat d'acheter, seule la clause pénale irrégulière, détachable du reste de l'acte, étant entachée de nullité.

Le moyen tiré de la nullité du mandat d'acheter sur le fondement de l'article 76 alinéa 2 du décret sera en conséquence écarté.

La société BS Invest soutient par ailleurs que le mandat serait dépourvu de cause, l'agent immobilier n'ayant effectué aucune diligence.

Cette allégation n'est cependant étayée par aucun élément de preuve, la société BS Invest ayant au contraire reconnu aux termes du compromis et du bon de commission que l'affaire avait été proposée et négociée par l'agent immobilier, également rédacteur du compromis.

Sur la demande en dommages et intérêts :

Monsieur [X] précise solliciter la somme de 40000 € non pas à titre de commission mais à titre de dommages et intérêts, en raison du refus fautif de la société BS Invest de réitérer la vente, le privant de la possibilité de percevoir sa commission.

Les moyens développés par la société BS Invest sur l'absence de droit à commission en l'absence de réitération de la vente sont en conséquence sans objet.

La société BS Invest conteste avoir commis une faute ouvrant droit à dommages et intérêts, soutenant notamment que le dédit de l'une des parties à la vente ne constitue pas une faute à l'égard de l'agent immobilier.

Elle prétend en outre que la non réalisation de la vente a pour origine la propre faute de l'agent immobilier qui a manqué à son devoir de conseil en l'engageant dans une vente présentant de multiples difficultés juridiques liées à l'absence de division de l'immeuble et au droit de préemption du locataire en place.

Il ressort cependant des termes de l'arrêt rendu par cette cour le 22 mars 2012 entre la société BS Invest et les consorts [L] que la non réitération de la vente résulte non pas de l'exercice d'une faculté de dédit, non prévue au compromis, mais de l'inexécution fautive par la société BS Invest de ses engagements, sanctionnée par l'application de la clause pénale stipulée au compromis.

Il a ainsi été relevé que l'éventualité de l'exercice du droit de préemption du locataire de l'un des appartements avait été explicitement prévue à l'acte, que la mise en copropriété, que l'acquéreur s'engageait à effectuer à ses frais avant la signature de l'acte authentique, n'était pas stipulée comme condition suspensive et que lors de l'établissement le 7 juillet 2008 du procès-verbal de difficulté par Maître [M], le gérant de la société BS Invest n'avait pas fait état de difficultés juridiques mais déclaré qu'il n'était pas sûr du marché immobilier et que compte tenu des problèmes d'humidité qu'il avait constatés dans l'immeuble, il formulait une nouvelle proposition d'achat à moindre prix, à 800000 €.

Le refus de la société BS Invest de réitérer la vente dans les conditions initiales est donc dépourvu de tout rapport avec de prétendues difficultés juridiques que l'acquéreur était habitué à traiter dans le cadre de son activité de marchand de biens se disant spécialisé dans les opérations de vente à la découpe après rénovation, et qu'il avait expressément acceptées en toute connaissance de cause aux termes du compromis.

Monsieur [X], au profit duquel la société BS Invest s'était engagée aux termes du compromis et du bon de commission, est fondé à se prévaloir de la défaillance fautive de l'acquéreur, à l'origine de la perte d'une chance de percevoir sa commission de 40000 €.

Compte tenu de la forte probabilité de réalisation de la vente ouvrant droit à versement de la commission si la société BS Invest n'avait pas fait défaut, il sera alloué à Monsieur [P] [X] une somme de 35000 € à titre de dommages et intérêts.

S'agissant d'une créance indemnitaire, les intérêts au taux légal ne courront qu'à compter de la date de la présente décision.

La société BS Invest qui succombe sur le fond sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Annule le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action,

Rejette le moyen tiré de la nullité du mandat d'acheter,

Condamne la SASU BS Invest à payer à Monsieur [X] la somme de 35000 € à titre de dommages et intérêts pour perte d'une chance de percevoir sa commission, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Condamne la SASU BS Invest à payer à Monsieur [X] la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SASU BS Invest aux dépens.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 14/21949
Date de la décision : 15/06/2017
Sens de l'arrêt : Annulation

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°14/21949 : Annule la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-15;14.21949 ?
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