COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 08 JUIN 2017
N° 2017/ 399
Rôle N° 15/12423
[S] [E] épouse [M]
[O] [M]
C/
SA LYONNAISE DE BANQUE
Grosse délivrée
le :
à : Me Sandra JUSTON
Me Hubert ROUSSEL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 02 Juillet 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/08193.
APPELANTS
Madame [S] [E] épouse [M]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1] ([Localité 1]), de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assistée par Me Christophe JERVOLINO de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cécile PION, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
Monsieur [O] [M]
né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 2] ([Localité 2]), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assistée par Me Christophe JERVOLINO de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cécile PION, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEE
SA LYONNAISE DE BANQUE prise en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité à cette adresse, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Hubert ROUSSEL de l'ASSOCIATION CABINET ROUSSEL-CABAYE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Avril 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Marie-Madeleine BOUSSAROQUE, Présidente
Madame Françoise BEL, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2017,
Signé par Madame Marie-Madeleine BOUSSAROQUE, Présidente et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La SA LYONNAISE DE BANQUE a diligenté une procédure de saisie attribution à l'encontre de M. [O] [M] et Mme [S] [E] épouse [M] suivant procès verbal du 25 juin 2013.
Par exploit en date du 17 juillet 2013, les époux [M] ont fait assigner la SA LYONNAISE DE BANQUE devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille aux fins de mainlevée de la saisie.
Par jugement du 2 juillet 2015 dont appel du 7 juillet 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille a :
- déclaré la contestation de M. [O] [M] et Mme [S] [E] son épouse, de la saisie-attribution du 25 juin 2013, recevable
- Dit que le crédit consenti par la LYONNAISE DE BANQUE au profit de M. [O] [M] et Mme [S] [E] acte notarié du 12 octobre 2007 est soumis à la prescription biennale de l'article L 137-2 du Code de la consommation ;
- Dit que la créance de la LYONNAISE DE BANQUE à l'encontre de M. [O] [M] et Mme [S] [E] n'est pas prescrite ;
- Dit que la saisie-attribution du 25 juin 2013 diligentée à la requête de la LYONNAISE DE BANQUE et à l'encontre de M. [O] [M] et Mme [S] [E] sur les fonds détenus auprès de la société ODALYS est régulière et fondée ;
- Débouté M. [O] [M] et Mme [S] [E] de leur demande de mainlevée de ladite saisie ;
- Débouté les parties de toute autre demande ;
- Condamné M. [O] [M] et Mme [S] [E] à payer à de la LYONNAISE DE BANQUE la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
- Condamné M. [O] [M] et Mme [S] [E] aux dépens de l'instance ;
Le juge de l'exécution énonce en ses motifs :
- l'argument selon lequel les emprunteurs seraient immatriculés au registre du commerce et des sociétés n'est pas opposable à Mme [M] puisque seul Monsieur y est inscrit et en outre, cette immatriculation n'est que la conséquence de l'option fiscale souscrite par les emprunteurs dans le cadre de l'opération immobilière réalisée en marge de leurs activités professionnelles respectives de médecin et d'infirmière et sans en constituer l'accessoire,
- les époux [M] se sont contentés de régulariser le bail du logement acquis dont la gestion a été confiée à une société gestionnaire,
- il importe peu que le logement acquis par les époux [I] soit destiné à une habitation effective ou un investissement, l'opération de défiscalisation réalisée par eux en vue de compléter leur retraite a pris la forme du loueur de meublé professionnel afin de profiter d'un régime de déduction fiscale avantageux,
- il est désormais acquis que le point de départ du délai de prescription biennale prévue par l'article L 137-2 du code de la consommation se situe, dans le cas d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé, laquelle n'est justifiée par aucune des parties mais elle est de fait antérieure à la mise en demeure du 28 août 2008, de sorte que la banque se devait d'agir au moins avant le 28 août 2010,
- si le contrat de prêt du 12 octobre 2007 constitue un titre exécutoire qui permettait à la banque de diligenter des mesures d'exécution forcée, il n'était pas interdit à celle-ci de faire fixer par le juge le montant de sa créance et de solliciter la condamnation des débiteurs, manifestant ainsi clairement sa volonté d'obtenir des emprunteurs l'exécution de leur obligation de remboursement, de sorte que la créance née du prêt régularisé le 28 août 2006 n'est pas prescrite comme ayant été interrompue par l'assignation du 6 avril 2010.
Vu les dernières conclusions déposées le 5 avril 2017 par M. [O] [M] et Mme [S] [E] épouse [M], appelants, aux fins de voir :
- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture des débats du 9/11/16 et réouverture des débats;
- Intégrer les présentes conclusions et pièces 35 à 46 dans les ébats;
Vu l'article L213-6 du COJ
Vu l'article R 212-22 du Code de procédure civile d'exécution
Vu l'article L2018-2 du Code de la consommation (L137-2 ancien) et l'article préliminaireCode de la consommation
Vu les articles 31, 122 du Code de Procédure Civile ;
- Réformer le jugement dans toutes ses dispositions
- Dire que le Juge de l'exécution est compétent pour apprécier le fond du Droit ;
- Dire et Juger que la créance de la banque est prescrite
- Ordonner la mainlevée de la saisie attribution
- A défaut se déclarer compétent pour apprécier le caractère interruptif de la demande en paiement formée par la SA LYONNAISE DE BANQUE, la Cour devra subsidiairement surseoir à statuer dans l'attente de la décision du TGI de MARSEILLE.
- Encore plus subsidiairement, à défaut d'ordonner la mainlevée, la Cour devra cantonner la saisie aux loyers du lot financé par la LYONNAISE DE BANQUE et non pas à l'ensemble des lots gérés par le tiers saisi
- Condamner la SA LYONNAISE DE BANQUE à payer aux concluants une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Condamner la SA LYONNAISE DE BANQUE aux entiers dépens,
Les époux [M] font valoir :
- que la banque, qui soutient que le code de la consommation ne serait pas applicable, est en contradiction avec ce qu'elle plaide dans la mesure où l'elle a elle-même a invoqué les articles L 312-1 et suivants du code de la consommation dans son assignation au fond du 8 décembre 2010 alors que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui,
- que pour rechercher la prescription applicable, la Cour de Cassation se limite à la recherche de la qualité de consommateur au regard de l'article préliminaire du nouveau code de la consommation duquel il résulte qu'on entend par consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libéral ou agricole, or M. [M] est médecin,
- que l'article L 313-2-2° du nouveau code de la consommation vise la finalité du prêt à des fins professionnelles ou non, or l'achat de biens immobiliers dans le cadre d'une gestion patrimoniale n'est pas une activité professionnelle,
- que le loueur en meublé professionnel n'est pas une activité mais une niche fiscale et un statut fiscal prévu par la loi dans le but principalement de se constituer une retraite et qu'ils n'accomplissent d'ailleurs aucun acte d'exploitation des résidences,
- qu'en retenant l'inscription au registre du commerce et des sociétés de l'un des deux époux pour lui conférer la qualification de professionnels, la Cour de Cassation dans ses arrêts du 12 octobre 2016 donne à cette fiction une portée que la loi ne lui donne pas, une telle inscription n'étant qu'une simple condition de forme imposée par le statut de loueur en meublé professionnel et non pas par l'exercice effectif d'une activité commerçante,
- que le juge de l'exécution est compétent pour apprécier l'effet interruptif de l'assignation au fond, effet qu'elle n'a pas dans la mesure où dans ses arrêts du 18 février 2016 comme dans celui du 24 mars 2015, la Cour de Cassation dit uniquement qu'aucun texte n'interdit à un créancier d'obtenir deux titres exécutoires pour une même créance, or ce qu'elle dit dans son arrêt du 16 octobre 2013, c'est que la volonté d'interrompre la prescription ne constitue pas un intérêt à agir, or dans les affaires objet des arrêts du 18 février 2016, il s'agissait d'assignations en paiement où il n'était nullement déclaré qu'elles étaient délivrées dans le but d'interrompre la prescription.
Vu les dernières conclusions déposées le 4 avril 2017 par SA LYONNAISE DE BANQUE, intimée, aux fins de voir :
Si la Cour rabat l'ordonnance de clôture,
- admettre les présentes conclusions en réplique,
- Débouter les époux [H] de toutes leurs contestations.
A défaut pour les demandeurs de justifier avoir satisfait aux dispositions de l'article R 211-11 du CPCE dire et juger leur recours irrecevable et caduc.
- Réformer le jugement du juge de l'exécution du TGI de [Localité 3] en ce qu'il a jugé applicable à l'espèce l'article L 218'2 du code de la consommation (ancien article L 137'2 du code de la consommation).
- Dire et juger que les emprunteurs ne sont pas des consommateurs au sens de l'article L 218'
2 du code de la consommation (ancien article L 137'2 du code de la consommation).
- Dire et juger qu'en empruntant pour acquérir un bien immobilier destiné à la location, parmi un ensemble de 13 biens pour un total supérieur à 2 200 000 €, l'emprunteur n'agissait pas dans le cadre de la consommation courante, mais dans celui d'une opération professionnelle.
- Dire et juger d'ailleurs qu'en adoptant un statut de loueur meublé professionnel et en le conservant jusqu'à ce jour, l'emprunteur a agi en tant que professionnel.
- Dire et juger que le fait d'avoir une activité professionnelle principale n'exclut pas une activité professionnelle accessoire.
- Dire et juger qu'une activité est accessoire quand elle n'est pas principale et non pas quand elle est l'annexe dépendant de l'activité principale.
- Dire et juger qu'il n'existe aucune rupture du principe d'égalité à refuser la protection consumériste à une opération professionnelle même accessoire à une autre activité.
- Dire et juger que la différence de statut et les avantages qui y sont liés justifient la différence de régime.
- Dire et juger qu'alors qu'il n'est pas établi que les emprunteurs aient exposé leur stratégie d'investissement et l'adoption du statut de LMP, la Lyonnaise de Banque n'a pas pu accepter de les soumettre sans équivoque aux articles L312-1 et suivants du code de la consommation.
- Dire et juger à titre subsidiaire et si la cour considérait qu'il y avait eu soumission volontaire aux articles L312-1 et suivants du code de la consommation, cela ne changerait pas la qualité de professionnels accessoires des emprunteurs qui bien que bénéficiant alors du chapitre protecteur du code de la consommation, ne pourrait pas se prévaloir de la prescription abrégée de l'article L 218'2 du code de la consommation (ancien article L 137'2 du code de la consommation).
- Dire et juger que la Banque n'a pas pu accepter une soumission à tout le code de la consommation et notamment à cet article situé dans un autre chapitre et apparu deux ans après la contraction du prêt.
- Dire et juger à titre encore plus subsidiaire et si la cour considérait l'article L 218'2 du code
de la consommation (ancien article L 137'2 du code de la consommation) applicable en l'espèce, qu'en tout état la Lyonnaise de Banque justifie avoir interrompu la prescription par la saisine du TGI de Marseille selon assignation au fond en date du 25 mai 2010.
- Dire et juger qu'il ne ressort pas de la compétence ni du pouvoir du juge de l'exécution de préjuger un déboutement d'une telle demande au fond, le juge de l'exécution ne pouvant se substituer à la juridiction saisie.
- Dire et juger que seul le rejet définitif de la demande au fond annihile l'effet interruptif qui perdure donc jusqu'à une telle décision et dire en conséquence qu'en l'état, aucune prescription n'est encourue.
- Dire et juger à titre infiniment subsidiaire, s'il devait considéré que le code de la consommation est applicable, que la prescription de l'article L 137-2 dudit code repose sur une présomption de paiement,
- Valider la saisie attribution.
- Confirmer le jugement du 2 juillet 2015
- Condamner les époux [M] à payer à la LYONNAISE DE BANQUE la somme de 3000 € titre de l'article 700 du CPC et les entiers épens conformément aux articles 695 et suivants du CPC.
A l'audience, avant l'ouverture des débats, à la demande des parties, l'ordonnance de clôture signée le 9 novembre 2016 a été révoquée et la procédure a été de nouveau clôturée par voie de mention au dossier, ce dont les parties ont été avisées verbalement sur le champ.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que les époux [M] soutiennent qu'ils sont consommateurs au sens de l'article L 218-2 du code de la consommation qui fixe une prescription de deux ans, de sorte que la créance de la LYONNAISE DE BANQUE, laquelle ne peut par ailleurs se prévaloir d'aucun acte interruptif de prescription, était prescrite le 13 juin 2013, date du procès verbal de saisie attribution ;
Mais attendu que le prêt souscrit par acte du 12 octobre 2007 était destiné à financer l'acquisition d'un bien à usage de résidence locative dans le cadre d'une opération d'investissement de grande ampleur pour laquelle M. [M] s'est en effet inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueur en meublé professionnel aux fins de réaliser avec son épouse pas moins de 13 opérations immobilières similaires pour un total de 2 984 084 €, ce dont il résulte que le prêt litigieux était destiné à financer une activité professionnelle, fut elle exercée à titre accessoire par rapport à l'activité principale des époux qui sont respectivement médecin et infirmière ;
Et attendu que la référence dans l'acte aux dispositions des articles L 312-1 et suivants du code de la consommation, dont il ne peut s'induire une soumission volontaire à toutes les dispositions dudit code que sous réserve de son caractère non équivoque qui n'est toutefois pas établi par les époux [M], n'a pas pour effet de modifier la qualité de l'emprunteur et la nature du prêt, de sorte que ces derniers ne peuvent se prévaloir, au titre du prêt du 12 octobre 2007, de la prescription biennale applicable au seul consommateur ;
Que l'action est donc soumise à la prescription quinquennale de droit commun ;
Attendu qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives et l'action en paiement du capital restant dû, à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité;
Que les mensualités échues étant impayées depuis août 2008 et la déchéance du terme ayant été prononcée le 28 août 2008, l'action de la LYONNAISE DE BANQUE n'était pas prescrite le 25 juin 2013, date du procès verbal de saisie attribution ;
Attendu que les époux [M] concluent, à titre subsidiaire, au cantonnement de la saisie au lot financé par la LYONNAISE DE BANQUE et non à l'ensemble des lots gérés par le même gestionnaire ;
Mais attendu que cette demande, qui ne repose sur aucun fondement, méconnaît les dispositions de l'article L 111-2 du code des procédures civiles d'exécution en vertu desquelles le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur tous les biens de son débiteur ;
Que le jugement dont appel sera en conséquence confirmé sauf en ce qu'il a retenu la prescription biennale ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement dont appel, mais seulement en ce qu'il a dit que le crédit consenti par la LYONNAISE DE BANQUE au profit de M. [O] [M] et Mme [S] [E] suivant acte notarié du 12 octobre 2007 est soumis à la prescription biennale de l'article L 137-2 du Code de la consommation,
Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Dit que le prêt consenti par la SA LYONNAISE DE BANQUE à M. [O] [M] et Mme [S] [E] épouse [M] suivant acte en date du 12 octobre 2007 est soumis à la prescription quinquennale ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Déboute M. [O] [M] et Mme [S] [E] épouse [M] de leur demande tendant à voir cantonner la saisie au lot financé par la SA LYONNAISE DE BANQUE ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
Condamne M. [O] [M] et Mme [S] [E] épouse [M] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT