COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 24 MAI 2017
No 2017/ 272
Rôle No 15/ 07438
Patrick X...
C/
SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE PROVENCE ALPES CORSE
Grosse délivrée
le :
à :
BRANDEHO
MATHIEU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 30 Mars 2015 enregistré au répertoire général sous le no 12/ 03630.
APPELANT
Monsieur Patrick X...
né le 26 Février 1961 à SAINT CHAMOND (42)
demeurant ...
représenté et assisté de Me Laurence BRANDEHO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse, poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège est sis Place Estrangin Pastré-13006 MARSEILLE
représentée et assistée de Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 28 Mars 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Dominique PONSOT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Dominique PONSOT, Président
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller
Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2017,
Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement tu tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 30 mars 2015 ayant, notamment :
- débouté M. Patrick X... de toutes ses demandes,
- condamné M. Patrick X... à payer la somme de 1. 500 euros à la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
Vu la déclaration du 28 avril 2015, par laquelle M. Patrick X... a relevé appel de cette décision ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 14 février 2017, aux termes desquelles M. Patrick X... demande à la cour de :
- réformer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Statuant à nouveau :
- dire et juger ses demandes recevables et bien fondées,
En conséquence,
- condamner la Caisse d'Epargne à lui rembourser la somme de 19. 091, 79, avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2012,
- condamner la Caisse d'épargne au paiement de la somme de 10. 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamner la Caisse d'épargne au paiement de la somme de 5. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Caisse d'épargne aux entiers dépens ;
Vu les uniques conclusions notifiées le 3 septembre 2015, aux termes desquelles la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- dire et juger que les propos de M. X... ne sont pas crédibles dans la mesure où une carte bancaire, qui aurait été pliée en quatre, ne saurait être insérée dans un distributeur DAB,
- dire et juger qu'aucun paiement par Internet n'a été réalisé par l'intermédiaire de la carte bancaire de M. X...,
- dire et juger que la nature des retraits et achats litigieux impliquent l'utilisation commune de la carte bancaire de M. X... et de son code confidentiel,
- dire et juger que M. X... utilisait son compte bancaire régulièrement contrairement à ses dires,
- dire et juger que le fait de laisser sa carte bancaire accompagnée du code confidentiel dans le tiroir non fermé de son bureau ouvert constitue une négligence grave caractérisant une faute lourde,
- dire et juger que les achats prétendument litigieux auraient été réalisés par « le voleur » dans les mêmes magasins que M. X...,
- dire et juger que les retraits et achats dont M. X... sollicite le remboursement ne sauraient être présumés comme la conséquence directe du vol commis le 5 juin 2010,
- dire et juger que M. X..., conscient de la présence de sa carte bancaire Caisse d'épargne, n'a pas daigné regarder dans le tiroir de son bureau pour savoir si celle-ci avait été volée ou non et ce alors même que ses autres cartes bancaires, situées dans sa veste posée dans son bureau, avaient été volées,
- dire et juger que l'attitude de M. X... est constitutive d'une faute lourde,
- dire et juger que le vol évoqué par M. X... s'est produit le 5 juin 2010 et ce n'est que le 27 août 2010, deux mois après le vol, que ce dernier a fait opposition à sa carte bancaire Caisse d'épargne, et qu'il a donc fait une opposition tardive eu égard à ses habitudes d'utilisation,
En conséquence,
- débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. X... au paiement de la somme de 4. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction ;
SUR CE, LA COUR,
Attendu que M. Patrick X... est titulaire, avec son épouse, d'un compte joint ouvert sur les livres de la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse ;
Que le 5 août 2010, il a déposé plainte pour des faits de vol de cartes bancaires dont il a été victime sur son lieu de travail ; qu'à cette occasion, il a déclaré le vol de son passeport, de son permis de conduire, de sa carte Vitale, de trois cartes de crédit émises par la Société générale, la Société générale et la Banque populaire Provence Corse ainsi qu'un chéquier délivré par la Société marseillaise de crédit ;
Que le 27 août suivant, il a à nouveau déposé plainte en déclarant que lui avait été en outre dérobée une carte Visa Premier émise par la Caisse d'épargne, qui se trouvait dans le tiroir de son bureau, et à l'aide de laquelle des retraits et des achats avaient été frauduleusement réalisés pour un montant d'environ 16. 000 euros ; qu'il précisait ne plus utiliser cette carte, raison pour laquelle il avait été pliée en quatre ;
Qu'ayant vainement demandé à la Caisse d'épargne d'être indemnisé des opérations frauduleuses réalisées avec cette carte, M. X... a, par acte du 30 mai 2012 fait assigner la Caisse d'épargne devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, qui l'a débouté de ses demandes ;
Que constatant que les achats et retraits effectués avec la carte l'avaient été avec l'utilisation du code confidentiel, le tribunal a considéré que les déclarations faites par M. X... lors de son dépôt selon lesquelles la carte était pliée en quatre et que le code confidentiel n'était pas joint à la carte étaient nécessairement erronées, et que le fait de laisser sa carte bancaire dans un tiroir avec son code, ou d'avoir communiqué ce code à un tiers constituait une faute lourde ; que le tribunal a par ailleurs relevé que M. X... n'avait pas averti la banque dans un délai raisonnable, en ayant laissé s'écouler 17 jours après la disparition de sa carte ;
Attendu que M. X..., appelant, fait valoir qu'en application de l'article L 133-19 du code monétaire et financier, la banque devait l'indemniser sans délai ;
Qu'il soutient que le simple fait que le code confidentiel de sa carte ait été nécessaire lors de l'utilisation de sa carte ne suffit pas à démontrer l'existence d'une faute lourde, et reproche au jugement d'avoir, sur ce point, inversé la charge de la preuve, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation ; que le fait d'avoir laissé cette carte, qu'il n'utilisait plus, dans le tiroir de son bureau, dans des locaux non accessibles au public et placés sous surveillance vidéo, ne caractérise pas non plus une faute lourde ; qu'il estime que rien ne pouvait laisser présumer que la carte qui était rangée dans son bureau avait pu être dérobée, en l'absence de tout indice de ce que son bureau avait été fouillé ; que le fait que la carte a été utilisée n'est pas incompatible avec le fait qu'il l'avait pliée en quatre, des fraudeurs avertis pouvant parfaitement récupérer la piste magnétique ;
Qu'il affirme que cette carte n'était plus utilisée par lui et par son épouse depuis de nombreux mois, le compte auquel elle était rattaché ne servant plus qu'au remboursement d'un emprunt ; qu'en particulier aucun retrait n'a jamais été effectué à l'aide de cette carte ; qu'il souligne que le fait que des achats alimentaires aient été effectués auprès de grandes enseignes (Carrefour, Auchan...) où lui-même et son épouse s'approvisionnaient ne démontre rien ; qu'il estime au contraire que les opérations réalisées, en l'occurrence 36 retraits en 20 jours et 39 achats en 3 jours, démontrent au contraire une utilisation anormale qui aurait dû alerter la banque ;
Qu'il affirme qu'à l'époque où les faits ont été commis, il était en vacances à Dye (54), et estime ne pas avoir tardé à informer la banque, l'ayant fait dès qu'il a constaté que des achats frauduleux avaient été effectués, à son retour de vacances, et note que la banque confond à dessein la date à laquelle il a informé la Caisse d'épargne le 23 août, et la date à laquelle il a déposé plainte le 27 août ; qu'en toute hypothèse, cette déclaration a été effectuée dans le délai maximum de 13 mois prévu par le code monétaire et financier ; qu'il note, enfin, que des achats auraient été effectués postérieurement à la mise en opposition ;
Que concernant le préjudice, il demande réparation de l'ensemble des achats effectués, outre les agios qu'il a dû supporter du fait du refus de la banque de re-créditer son compte, le tout avec intérêts au taux légal à compter 26 mars 2012, date à laquelle il a sommé la banque de lui rembourser les sommes ; qu'il demande également 10. 000 euros de dommages-intérêts pour le préjudice causé, résultant des nombreuses tracasseries engendrées par le refus de la banque de reconnaître sa responsabilité, la perte de temps et le risque d'avoir été interdit bancaire ;
Qu'en réponse, la Caisse d'épargne sollicite la confirmation du jugement, en soutenant que M. X... a commis une faute lourde, en laissant une carte avec son code dans un tiroir et en ne vérifiant pas que cette carte, qu'il savait se trouver dans le tiroir de son bureau, n'avait pas été dérobée en même temps que son portefeuille ;
Que les opérations réalisées, à savoir des retraits DAB et des achats chez des commerçants, nécessitaient l'usage du code confidentiel, ce dont elle déduit soit que M. X... refuse de dire que le code confidentiel accompagnait sa carte bancaire lors du vol, soit qu'il s'agit d'une fraude et que la personne ayant utilisé la carte bancaire durant le mois d'août 2010, et qui pourrait être lui, son épouse, ou un proche, connaissait parfaitement ledit code ;
Qu'elle rappelle qu'en application de l'article L 133-16 du code monétaire et financier, le titulaire d'une carte bancaire prend toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés, et qu'en application des articles 16-4-1 et 16-13-4 des conditions générales de la convention de compte, M. X... devait prendre toute mesure pour conserver sa carte bancaire et préserver tout dispositif de sécurité personnalisé qui lui est attaché, notamment son code confidentiel, et qu'en application de l'article 16-13-4, les opérations non autorisées sont à sa charge en cas de négligence grave aux obligations visées aux articles précédents ;
Qu'elle constate que des achats identiques à ceux habituellement effectués par les époux X... ont été réalisés ;
Qu'elle estime, enfin, que M. X... a commis une faute en tardant à l'informer des opérations frauduleuses réalisées avec sa carte ; qu'elle rappelle qu'en application de l'article L 133-17 du code monétaire et financier, l'utilisateur de la carte bancaire doit faire opposition sans tarder en cas de perte, de vol ou d'utilisation non autorisée ; qu'il disposait de la possibilité de consulter par Internet ses comptes, et notamment à l'aide de son smartphone, et aurait donc pu constater les achats frauduleux avant le 28 août 2010 ;
*
Attendu, selon l'article L 133-16 du code monétaire et financier, que dès qu'il reçoit un instrument de paiement, l'utilisateur de services de paiement prend toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés ;
Que selon l'article L 133-17 du même code, lorsqu'il a connaissance de la perte, du vol, du détournement ou de toute utilisation non autorisée de son instrument de paiement ou des données qui lui sont liées, l'utilisateur de service de paiement en informe sans tarder, aux fins de blocage, son prestataire ou l'entité désignée par celui-ci ;
Que, selon l'article L 133-9, § I, du même code, en cas d'opération de paiement non autorisée consécutive à la perte ou au vol de l'instrument de paiement, le titulaire de la carte supporte, avant l'information prévue à l'article L 133-17, les pertes liées à cet instrument, dans la limite d'un plafond de 150 euros ; que selon l'article L 133-9, § 4, le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d'un agissement frauduleux de sa part ou s'il n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L 133-16 et L 133-17 ;
Attendu qu'il est constant que M. X... a été victime d'un vol commis sur son lieu de travail par une personne non autorisée à y pénétrer, ce que confirment les enregistrements réalisés à l'aide d'une caméra de surveillance, non contestés par la banque ; qu'il est également constant qu'il a immédiatement mis en opposition les trois cartes bancaires qui, se trouvant dans son portefeuille, lui ont été dérobées ;
Attendu que le fait d'avoir remisé une carte bancaire dans le tiroir non fermé à clé d'un bureau situé dans un local accessible au seul public autorisé ne caractérisait pas en soi une négligence grave, au sens de l'article L 133-19, § IV, susvisé ;
Que toutefois, à partir du moment où il constatait une intrusion dans son espace professionnel privatif, M. X... se devait d'envisager l'éventualité que son bureau avait été fouillé ;
Que même si aucun signe tangible ne laissait apparaître que tel avait été le cas, la présence d'un intrus dans des lieux non accessibles au public était l'indice à la fois de l'ingéniosité, de la détermination de cette personne, ainsi que de son intérêt pour le vol de moyens de paiement, et faisait naître à la charge de M. X... une exigence de vigilance redoublée ;
Qu'en ne procédant pas aux vérifications élémentaires qui lui auraient permis de s'assurer que la carte bancaire litigieuse, qu'il savait se trouver dans le tiroir de son bureau, y était toujours, M. X... a commis une négligence grave au sens des articles L 133-17 et
L 133-19, § 4, susvisés, dont l'effet est qu'il n'a pu informer sans tarder sa banque du vol dont il avait été victime ; que, par suite, il doit supporter les conséquences de l'utilisation non autorisée de sa carte jusqu'à la mise en opposition à laquelle il a procédé le 23 août 2010 à 12h57, et ce, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur les autres manquements dont il aurait pu se rendre l'auteur au regard de la préservation du code confidentiel ;
Que c'est, par ailleurs, en vain qu'il fait grief à la banque, tenue d'un devoir de non immixtion, de ne pas l'avoir alerté au regard du nombre et de la répétition des opérations réalisées ;
Que le jugement sera confirmé ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que M. X..., qui succombe dans ses prétentions, doit supporter les dépens de la procédure d'appel ;
Attendu que chaque partie succombant partiellement dans ses prétentions, chacune conservera la charge de ses propres dépens ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIER
LE PRESIDENT