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19/05/2017 | FRANCE | N°15/11146

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 19 mai 2017, 15/11146


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 19 MAI 2017



N°2017/511















Rôle N° 15/11146







GIE AGPM GESTION





C/



[T] [E]





































Grosse délivrée le :



à :

Me Emmanuel BLANC

Me Sandrine OTT-RAYNAUD





Copie certifiée

conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section - en date du 18 Mai 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/18.





APPELANTE



GIE AGPM GESTION, demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Emmanuel BLANC, avocat au barreau de VERSAIL...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 19 MAI 2017

N°2017/511

Rôle N° 15/11146

GIE AGPM GESTION

C/

[T] [E]

Grosse délivrée le :

à :

Me Emmanuel BLANC

Me Sandrine OTT-RAYNAUD

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section - en date du 18 Mai 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/18.

APPELANTE

GIE AGPM GESTION, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Emmanuel BLANC, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIME

Monsieur [T] [E], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sandrine OTT-RAYNAUD, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe RUIN, Président de Chambre et Madame Marina Alberti, Conseiller chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Christophe RUIN, Président

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2017

Signé par Monsieur Christophe RUIN, Président et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

M. [T] [E] a été embauché par contrat à durée indéterminée en date du 1er avril 2004 par le Gie Agpm Gestion (ci-après Agpm) en qualité de délégué commercial.

Par acte du 2 janvier 2013, M. [T] [E], avec d'autres salariés, a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon à l'encontre d' Agpm aux fins de demander la régularisation de commissionnements qui lui ont été prélevés, ainsi que la condamnation de son employeur à des dommages et intérêts pour comportement déloyal dans l'exécution du contrat de travail.

Par jugement en date du 18 mai 2015, cette juridiction a condamné le Gie Agpm Gestion à payer à M. [T] [E] les sommes de :

- 61 193,92 euros bruts jusqu'au 30 avril 2014, à titre de régularisation de commissions, outre les congés payés afférents,

- 24 844,59 euros bruts au titre du rappel de salaires en application de la revalorisation de la NAO sur la rémunération variable, outre les congés payés afférents,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement abusif et déloyal de l'employeur,

- 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles,

avec exécution provisoire sur les salaires dans la limite de neuf mois de salaire,

les dépens étant mis à la charge de l'Agpm et les parties étant déboutées du surplus de leurs demandes.

Le Gie Agpm Gestion a interjeté appel de cette décision le 15 juin 2015.

Prétentions et moyens des parties

Aux termes de ses écritures déposées et soutenues oralement à l'audience, le Gie Agpm Gestion conclut à l'infirmation du jugement dans toutes ses dispositions et à la condamnation de M. [T] [E] à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, faisant valoir, que la règle des débits ou dé-commissionnements appliquée à ce salarié ne correspond pas à une sanction pécuniaire mais à un accord des parties sur la variabilité du salaire.

A titre reconventionnel, il demande que soit ordonné le remboursement par le salarié de la somme de 384 375 euros correspondant à la différence entre la rémunération minimale annuelle(ou RMA) au titre des années considérées et la rémunération versée par l'Agpm en application de la règle des débits refusée par le salarié.

Très subsidiairement, il sollicite que soit fixé à la somme de 55 045,25 euros le montant réel des débits applicables à la période 2008 au 30 avril 2014.

Il expose que ce salarié, délégué commercial, est soumis à un régime salarial comprenant le versement d'une rémunération fixe outre une part variable individuelle et une part variable collective, fixées selon des barèmes annexés aux contrats de travail et intégrant la règle des débits, règle ne constituant pas une retenue ou une sanction pécuniaire mais intégrant la spécificité du contrat d'assurance et de sa rentabilité.

Dans ses dernières conclusions, déposées et soutenues oralement, M. [T] [E] demande la confirmation du jugement et la condamnation de l'appelant à lui verser les sommes de

71 864,96 + 7 186,50 euros actualisées au 31 décembre 2015 en ce qui concerne les sommes allouées au titre de la régularisation des commissions et congés payés afférents, outre la somme de 24 844, 59 euros ainsi que les congés payés afférents au titre de la revalorisation de la NAO sur la partie variable de son salaire, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement abusif et déloyal, et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il précise qu'il n'a jamais donné son accord express à cette règle des débits, que cette dernière n'a fait l'objet d'aucune négociation annuelle obligatoire, que toute clause de variabilité doit avoir des causes objectives et ne peut pas faire peser sur le salarié le risque entreprenarial. Il en conclut que cette règle lui est inopposable et doit donner lieu à restitution des débits.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il sera référé à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.

MOTIFS

Sur la demande relative à la régularisation des commissions

Il ressort des pièces produites aux débats( contrat de travail, avenants, accord collectif du 13 janvier 1993) que les conseillers commerciaux du Gie Agpm Gestion disposent d'une rémunération comportant:

- une partie fixe,

- une partie variable dite 'individuelle' définie au contrat de travail comme un intéressement, en fonction de la production du salarié concerné, à la souscription des différents produits et services proposés au nom des entités du groupe Agpm, constituée de forfaits déterminés par lignes de produits et susceptibles d'évolution à la hausse, à la baisse ou maintenus en fonction de la politique commerciale définie par la direction de l'entreprise dans un barème des rémunérations,

- une partie variable 'collective'constituée par le versement de sommes dont le montant est calculé sur la production des différents salariés de la région.

Par ailleurs, quels que soient les montants de la rémunération globale (fixe + variable) il est prévu par l'accord collectif du 13 janvier 1993 que la rémunération effective du conseiller commercial ne pourra jamais être inférieure à celle résultant de la rémunération minimale annuelle (ou RMA).

M. [T] [E] fait valoir que son employeur ne respecte pas le contrat de travail signé entre les parties, appliquant un dé-commissionnement non contractuellement prévu, et illicite comme représentant une sanction pécuniaire puisqu'il retire de son salaire, une partie de la commission perçue à l'occasion de la souscription d'une assurance lorsque celle-ci est résiliée par le client.

Le Gie Agpm Gestion réplique que les contrats de travail et les barèmes qui leurs sont annexés stipulent précisément ce mode de rémunération variable et cette règle des débits en cas de résiliation de contrat dans une durée déterminée, que cette partie de rémunération à l'intéressement est versée sous forme d'avance et n'est pas acquise au moment de la souscription des assurances, la rentabilité des contrats signés présentant un aléa en cas de résiliation rapide, aléa indépendant de la survenance de sinistres pesant quant à lui uniquement sur l'entreprise.

Cette règle des débits consiste à verser à la souscription du contrat d'assurance passé entre le client et le délégué commercial, la partie variable adéquate au délégué commercial à l'origine de cette souscription, avec application possible d'un débit de 90 % ou de 50 % si le contrat est résilié et selon la date de résiliation par l'adhérent.

Il n'est pas contesté que les contrats de travail comme les avenants liant les parties ne comportent pas cette clause telle qu'elle est précisément sus-définie, ceux-ci se contentant dans la définition de la partie variable individuelle de la rémunération de se référer à des valeurs forfaitaires visées dans des barèmes de rémunération joints en annexe et susceptibles d'être revus à la hausse, à la baisse ou maintenus en fonction de la politique commerciale de la direction, les actualisations du barème et des objectifs étant notifiés par tout moyen avant leur mise en place.

Surtout ces contrats et avenants, seuls documents signés par les parties, ne visent à aucun moment une règle de débits ou dé-commissionnements sur des commissions versées et des salaires obtenus, quelles qu'en soient les modalités, pas plus qu'ils ne visent de quelconques avances sur commissions.

La rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que cette modification ne porte que sur la partie variable et que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié

Il appartient au juge de déterminer s'il y a eu modification de la rémunération indiquée dans le contrat de travail, cette modification s'entendant du montant mais aussi de la structure ou du mode de calcul de la rémunération prévue contractuellement. Il lui appartient également de déterminer si cette modification, sauf à ce qu'elle porte sur la fixation unilatérale des objectifs, est intervenue avec l'accord express du salarié.

En l'espèce, il n'est pas établi au regard des contrats de travail produits que ceux-ci comportaient des annexes ou barèmes signés par les parties et visant précisément cette règle des débits, et qu'il y a bien eu accord express et en toute connaissance de cause du salarié à une clause du contrat portant sur un dé-commissionnement en cas de résiliation dans un délai donné de l'assurance souscrite par l'adhérent.

Par ailleurs, le fait de recevoir et accepter mensuellement des relevés mentionnant les débits relevés par l'employeur, des bulletins de paie sans protestations et réserves ainsi que de nouveaux barèmes en cas d'évolution, ne constitue pas une acceptation expresse de la modification du contrat de travail.

A défaut d'acceptation expresse du salarié il convient de dire que cette règle des débits est inopposable à M. [T] [E] et ne saurait trouver application.

Qui plus est, toute clause de variation de salaire est licite si :

- la variation de la rémunération du salarié est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur,

- le salarié ne doit pas supporter le risque de l'entreprise,

- l'application de cette clause ne doit pas avoir pour effet de réduire la rémunération en dessous des minimas légaux ou conventionnels,

- elle ne permet pas indirectement à l'employeur d'infliger une sanction pécuniaire prohibée au salarié.

En l'espèce, le fait de réduire de moitié voire de 90% le forfait obtenu par le salarié lors de la souscription du contrat d'assurance et de le débiter d'autant à l'occasion de la rupture de ce dernier par l'adhérent dans un délai plus ou moins court (soit moins de deux ans ou moins d'un an), revient bien à faire supporter au délégué commercial le risque de l'entreprise et la diminution de la rentabilité du contrat signé, et ce indépendamment de toute sinistralité intervenue à l'occasion dudit contrat d'assurance, et peut donc s'analyser comme une sanction pécuniaire infligée au salarié, cette règle des débits ayant pour effet de priver les salariés d'une partie des commissions qui leur étaient dues sur des contrats effectivement réalisés.

Le Gie Agpm Gestion demande subsidiairement et reconventionnellement, qu'à défaut d'application de cette règle des débits, il soit appliqué au salarié la RMA à la place des salaires qu'il a versé et qui intégraient les règles de la variabilité, entrainant ainsi un trop-perçu en sa faveur dont il réclame remboursement.

Pour autant, seule la clause relevant de la règle des débits doit être écartée et non celle relevant plus généralement des parties variables du salaire et intégrée dans le contrat de travail et les avenants. Il convient donc de rejeter cette demande reconventionnelle.

Enfin le Gie Agpm Gestion conteste les calculs établis par le salarié arguant de restitutions de débits suite à une remise en vigueur de contrats sans justifier pour autant de ces restitutions.

Au vu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement et rejeter les demandes reconventionnelles de l'appelant, actualisant les sommes allouées au salarié à 71 864,96 + 7 186,50 euros au titre de la régularisation des commissions et des congés payés afférents, sommes arrêtées au 31 décembre 2015.

Sur la demande de dommages et intérêts relative à l'application de la règle des débits

Concernant les dommages et intérêts demandés par le salarié, il y a lieu de dire que le premier juge a justement évalué le préjudice subi et confirmer la somme allouée en réparation du comportement déloyal et abusif de l'employeur.

Sur l'absence de négociation annuelle obligatoire concernant la rémunération variable

Il est prévu par l'article L.2242-8 du code du travail que chaque année l'employeur doit engager une négociation annuelle obligatoire( ou NAO) portant entre autres sur les salaires effectifs.

M. [T] [E] fait valoir l'absence de NAO portant sur la partie variable des salaires, seule sa rémunération fixe ayant fait l'objet d'augmentations négociées et demande la revalorisation à compter de 2008 de la partie variable de son salaire

L'Agpm réplique qu'elle a engagé chaque année des NAO, dans lesquelles elle précisait vouloir maintenir telles quelles la partie variable des salaires, et précise que les employés concernés ont bien bénéficié d'augmentations sur la partie fixe de leurs rémunérations.

Les seuls PV de NAO produits aux débats visent les années 2000 à 2002 et 2011 à 2013 et ne permettent pas de justifier de négociations annuelles portant sur les salaires effectifs et notamment sur leur partie variable. Par ailleurs l'Agpm ne conteste pas le défaut d'augmentation de cette partie variable.

Or la revalorisation de la rémunération négociée annuellement doit aussi concerner la rémunération variable. Il convient donc de déclarer fondée la demande de revalorisation du salarié et confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur les demandes relatives aux frais irrépétibles et aux dépens

L'équité commande de condamner le Gie Agpm Gestion à payer à M. [T] [E] la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

L'agpm qui succombe sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, rendu publiquement en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris, actualisant les sommes allouées au salarié à 71 864,96 + 7 186,50 euros au titre de la régularisation des commissions et des congés payés afférents, sommes arrêtées au 31 décembre 2015.

Condamne le Gie Agpm Gestion à payer à M. [T] [E] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes et reconventions plus amples ou contraires,

Condamne le Gie Agpm Gestion aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/11146
Date de la décision : 19/05/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B8, arrêt n°15/11146 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-19;15.11146 ?
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