COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 19 MAI 2017
N°2017/261
Rôle N° 15/06754
SAS MIDI NETTOYAGE, représentée par la SCP B.R Associés, Liquidateur judiciaire
C/
[E] [P]
CGEA DE [Localité 1]
Grosse délivrée le :
à :
-Me Stéphanie JACOB, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 16 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 12/3448.
APPELANTE
SAS MIDI NETTOYAGE, représentée par la SCP B.R Associés, Liquidateur judiciaire, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Stéphanie JACOB, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Isabelle MANGIN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [E] [P], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE INTERVENANTE
CGEA DE [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Colette AIMINO-MORIN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 30 Mars 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Nathalie FRENOY, Conseiller
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2017
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2017
Signé par Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 16 janvier 2015 qui:
- dit que le licenciement de Monsieur [E] [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- fixe la créance de Monsieur [P] à valoir sur la liquidation judiciaire de la SAS MIDI NETTOYAGE administrée par Maître [N] en sa qualité de mandataire liquidateur, aux sommes suivantes:
*11 648 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 261 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 2 912 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 291 euros au titre des congés payés afférents,
- ordonne au mandataire liquidateur la délivrance de l'intégralité des documents de fin de contrat rectifiés et conformes au jugement,
- déboute Monsieur [P] du surplus de ses demandes,
- déboute le défendeur de sa demande reconventionnelle,
- ordonne l'exécution provisoire sur l'entier jugement,
- déclare le jugement opposable au CGEA AGS,
- ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Vu l'appel régulièrement interjeté contre ce jugement par Maître [N], désigné comme mandataire liquidateur de la SAS MIDI NETTOYAGE par jugement du tribunal de commerce d'Aix en Provence du 11 février 2014, suivant lettre recommandée expédiée le 14 avril 2015.
Vu ses dernières conclusions déposées et soutenues à l'audience, demandant à la cour:
- de réformer le jugement entrepris,
- de dire qu'il n'y a aucun fondement juridique à la demande de nullité de licenciement,
- de dire le licenciement de Monsieur [P] fondé sur une faute grave,
- de débouter Monsieur [P] de sa demande tendant à voir dire que son licenciement est nul ou à tout le moins abusif et vexatoire et plus généralement de toutes ses demandes,
- subsidiairement de requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple ouvrant droit à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents tels que sollicités mais en réduisant l'indemnité de licenciement à la somme de 786,24 euros et en le déboutant de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de dire que le mandataire liquidateur n'a pas qualité pour établir ou refaire des bulletins de paie ou attestations salariales pour une période antérieure au jugement de liquidation judiciaire sauf pour les sommes objets d'une fixation de créance.
Vu les dernières écritures du CGEA AGS déposées et soutenues à l'audience tendant à ce que la cour:
- réforme le jugement entrepris,
- déboute Monsieur [P] de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire, requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et déboute Monsieur [P] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- à titre infiniment subsidiaire, diminue le montant des dommages en l'état des pièces produites,
- en tout état de cause, déboute Monsieur [P] de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre pour la demande relative à la condamnation sous astreinte,
- dise que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels,
- dise que sa garantie n'est due que dans les conditions légales et réglementaires.
Vu les dernières conclusions de Monsieur [P] déposées et soutenues à l'audience, demandant à la cour:
- de confirmer le jugement entrepris sauf à dire à titre principal que son licenciement est nul, à porter le montant des dommages et intérêts à ce titre ou à tout le moins au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 30 000 euros, à assortir la délivrance des documents de rupture et d'un bulletin de paie rectificatif mentionnant les sommes allouées d'une astreinte de 100 euros par jour de retard,
- de rendre opposable la décision au CGEA et aux organes de la procédure,
- de dire que les sommes allouées porteront intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation,
- de faire application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001,
- de lui allouer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner l'employeur aux dépens.
MOTIFS
Attendu que Monsieur [P] a été embauché par la SA MIDI NETTOYAGE exerçant l'activité de nettoyage de locaux le 1er juin 2008 avec une reprise d'ancienneté au 4 février 2008, en qualité d'agent de service AS1 A, suivant contrat à durée indéterminée à temps complet;
Que par courrier du 4 septembre 2012, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave;
Qu'il a saisi par requête reçue au greffe le 27 novembre 2012 le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins de voir constater la nullité du licenciement intervenu pendant une période de suspension du contrat de travail ou à tout le moins son caractère infondé et aux fins d'indemnisation subséquente;
Que Maître [N] ès qualités et le CGEA AGS reprochent à cette juridiction d'avoir fait droit pour le principe du moins aux prétentions de Monsieur [P] en disant que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse;
Attendu qu'ils estiment, pour conclure à l'infirmation du jugement entrepris, que les griefs allégués à l'appui du licenciement sont parfaitement établis par les pièces produites aux débats;
Attendu que Monsieur [P] expose qu'il a dû faire face, de manière constante à des conditions de travail particulièrement difficiles le plaçant dans un état dépressif et de stress invalidant ayant conduit à plusieurs périodes de suspension du contrat de travail pour accident du travail, en dernier lieu du 9 septembre 2011 au 30 juin 2012, laquelle a été suivie de la prise de ses congés payés jusqu'au 31 juillet 2012;
Qu'il fait valoir qu'à défaut de solliciter une visite médicale de reprise auprès de la médecine du travail, l'employeur a manqué gravement à ses obligations légales et le contrat de travail est resté suspendu; qu'il en tire la conséquence que l'employeur ne pouvait lui reprocher de quelconques absences injustifiées au mois d'août 2012, son absence n'étant pas fautive entre son arrêt de travail et la visite médicale de reprise; que pour le reste, il conteste fermement les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement qu'il estime comme ne reposant sur aucun fondement ni élément matériellement vérifiable; qu'il ajoute que la lecture de la lettre de licenciement montre que l'employeur a violé de manière répétée ses obligations relatives à la procédure disciplinaire plus particulièrement au regard des règles de prescription et de la règle ' non bis in idem' en invoquant des faits datés des 29 septembre 2010, 25 janvier 2011 et 9 février 2012; qu'enfin, il fait observer que la multiplication des faits disciplinaires reprochés est manifestement incompatible avec le bref délai qui s'est écoulé entre sa reprise de poste jusqu'à sa convocation à l'entretien préalable et relève l'absence, nonobstant l'invocation de la gravité des faits reprochés, de toute mise à pied à titre conservatoire;
Attendu qu'il sera rappelé en premier lieu qu'en tout état de cause et en admettant même que l'employeur n'ait pas organisé de visite médicale de reprise à l'issue de l'arrêt de travail de Monsieur [P] expirant le 30 juin 2012, ce que ne contestent pas l'appelant et le CGEA de sorte qu'il n'avait pas été mis fin à la suspension du contrat, il n'en demeure pas moins que le salarié restait soumis au pouvoir disciplinaire de l'employeur qui pouvait le licencier en raison d'une faute grave;
Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue la violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis;
Qu'il appartient à l'employeur qui l'invoque de la prouver;
Qu'il sera rappelé que l'absence de mise à pied conservatoire n'est pas en soi de nature à exclure l'existence d'une faute grave;
Qu'en l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, il est reproché à Monsieur [P]:
* un non respect des consignes concernant ses tâches et heures à effectuer par jour, plus particulièrement en ne terminant pas les tâches qui lui sont demandées et en les remettant au lendemain sans en informer sa hiérarchie,
* un non respect de ses plannings et jours de passage concernant ses tâches, plus particulièrement en ne respectant pas les jours de passage mentionnés sur les plannings et en ne se rendant pas sur les chantiers,
* 40 heures d'absences injustifiées au mois d'août 2012,
Le tout ayant pour conséquence pour l'entreprise une déstabilisation des équipes de travail établies selon un planning défini au préalable et une mauvaise image de marque vis à vis du client;
Qu'il sera observé à la lecture de cette lettre que les faits ayant fait l'objet d'avertissements les 29 septembre 2010, 25 janvier 2011 et le 9 février 2012, ne sont mentionnés qu'à titre de rappel des précédents disciplinaires de l'intéressé pour justifier d'une rupture immédiate du contrat de travail;
Que Monsieur [P] est donc mal fondé à invoquer la prescription de ces faits et la violation de la règle 'non bis in idem';
Que pour le reste les griefs invoqués sont suffisamment précis et matériellement vérifiables, contrairement à ce qui est prétendu par le salarié;
Que s'agissant des absences injustifiées, Monsieur [P] ne les conteste pas expressément mais estime que dans la mesure où le contrat était toujours suspendu, il ne peuvent lui être reprochés;
Mais attendu qu'il a été vu que le salarié reste soumis pendant la période de suspension au pouvoir disciplinaire et reste tenu d'une obligation de loyauté; que le fait pour un employeur de laisser un salarié reprendre son travail sans l'avoir fait bénéficier d'une visite de reprise constitue un manquement à son obligation de sécurité de résultat qui autorise le salarié à prendre acte de la rupture de son contrat de travail mais non pas à s'abstenir de se manifester et de justifier de sa situation après son arrêt maladie;
Que l'absence de Monsieur [P] qui fait suite à une période de congés payés, est donc bien injustifiée et assurément au regard de son importance (40,92 heures de travail) et des antécédents disciplinaires réitérées de l'intéressé ayant ponctué une relation contractuelle totalisant quatre années seulement, de nature à caractériser une faute grave, indépendamment de toute appréciation des autres griefs;
Qu'en conséquence, Monsieur [P] sera débouté de toutes ses demandes, par infirmation du jugement entrepris;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Attendu que les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées;
Qu'il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés non compris dans les dépens que ce soit au titre de la première instance que de l'appel;
Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de Monsieur [P], dont les prétentions sont rejetées par la cour, par application de l'article 696 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant:
Dit que le licenciement de Monsieur [P] repose bien sur une faute grave,
Déboute en conséquence Monsieur [P] de toutes ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [P] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
David MACOUIN faisant fonction