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19/05/2017 | FRANCE | N°14/18614

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 19 mai 2017, 14/18614


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 19 MAI 2017



N°2017/ 391















Rôle N° 14/18614







[G] [R]





C/



SA ORANGE, venant aux droits de la SA FRANCE TELECOM





















Grosse délivrée le :



à :



-Me Olivier GRET, avocat au barreau de LYON



- Me Séverine ARTIERES, avocat au barrea

u de MARSEILLE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 03 Septembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/2039.





APPELANT



Monsieur [G...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 19 MAI 2017

N°2017/ 391

Rôle N° 14/18614

[G] [R]

C/

SA ORANGE, venant aux droits de la SA FRANCE TELECOM

Grosse délivrée le :

à :

-Me Olivier GRET, avocat au barreau de LYON

- Me Séverine ARTIERES, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 03 Septembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/2039.

APPELANT

Monsieur [G] [R], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Olivier GRET, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

SA ORANGE, venant aux droits de la SA FRANCE TELECOM, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Séverine ARTIERES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 Mars 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Virginie PARENT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2017

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2017

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

[G] [R] a été engagé par France Télécom le 15 novembre 1993 en qualité d'ingénieur commercial.

A compter du 1er février 2003, il a occupé le poste de directeur des ventes de l'agence entreprises Rhône Méditerranée . Il a été rémunéré suivant un fixe et une prime variable liée aux résultats de l'agence.

Il a été désigné successivement:

- le 6 novembre 2007, délégué syndical CFE-CGC

-le 11 septembre 2008, délégué syndical coordinateur CFE-CGC

- le 1er janvier 2011, délégué syndical CFDT

Se considérant victime d'un harcèlement moral et de discrimination syndicale sur l'évolution de sa rémunération, M. [R] a saisi le 30 juillet 2009 le conseil de prud'hommes de Marseille de diverses demandes.

Le 2 novembre 2011, les parties ont régularisé:

- une rupture conventionnelle

- un protocole d'accord mettant un terme au litige devant le conseil de prud'hommes , sous condition suspensive de l'homologation de la rupture conventionnelle par l'inspection du travail, M. [R] étant un salarié protégé;

Par courrier de son conseil du 29 décembre 2011, conformément au protocole transactionnel, M. [R] a fait connaître au conseil de prud'hommes qu'il se désistait de son instance et de son action. Le conseil de prud'hommes a pris acte de ce désistement à l'audience du 8 juin 2012.

Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, et sollicitant un solde du CET, une indemnité de congés payés, et une indemnité compensatrice de CP-JTL [G] [R] a saisi le 19 juillet 2012 le conseil de prud'hommes de Marseille qui par jugement du 3 septembre 2014 a:

- débouté le demandeur de toutes ses demandes

- débouté la société ORANGE de toutes ses demandes

- condamné monsieur [R] aux entiers dépens.

Le 15 septembre 2014 ,[G] [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, [G] [R] demande de :

- infirmer le jugement en date du 3 septembre 2014 rendu par le Conseil de prud'hommes de MARSEILLE dans toutes ses dispositions;

Statuer à nouveau et y ajoutant.

-constater que Monsieur [R] n'a pas été rempli de ses droits en matière de :

* monétisation de son Compte Epargne Temps

* de congés payés sur Part Variable

* d'indemnité compensatrice de CP-JTL

En conséquence,

- condamner la société ORANGE à verser à Monsieur [R] les sommes suivantes, outre intérêts

de droit à compter de la demande:

* 33004,83 € à titre de solde du Compte Epargne Temps restant dû,

* 11 655,23 € à titre d'indemnité de congés payés,

* 436 € bruts à titre de solde d'indemnité de CP-JTL

- condamner la société ORANGE à verser à Monsieur [R] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

- condamner la société ORANGE aux entiers dépens de l'instance.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société ORANGE demande de:

- confirmer le jugement

- le réformer en ce qu'il a rejeté la demande de la société au titre de l'article 700 CPC

In limine litis

- constater que les demandes de Monsieur [R] se heurtent au principe d'unicité d'instance;

- constater que Monsieur [R] et la société ORANGE ont signé un protocole d'accord transactionnel

- constater que Monsieur [R] s'est désisté de son instance et de son action contre société ORANGE le 29 décembre 2011 en application de ce protocole

- constater que le Conseil de prud'homme a constaté ce désistement par jugement du 8 juin 2012

- constater que les prétentions de Monsieur [R] étaient nées au moment de son désistement du 29 décembre 2011 et au moment de l'audience de jugement le 8 juin 2012

En conséquence :

- déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [R] ;

Au fond

- débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause

- le condamner à 2.000 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens .

MOTIFS DE LA DECISION

sur la recevabilité

La société ORANGE conclut in limine litis à l'irrecevabilité des demandes, en application de la règle de l'unicité de l'instance; elle rappelle les éléments suivants:

- dans le cadre du litige, objet de la première instance engagée par M. [R] le 30 juillet 2009, les parties se sont rapprochées et ont formalisé un accord sur le règlement global de la situation contractuelle de Monsieur [R], menant en parallèle :

* la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail

* la signature le 2 novembre 2011 d'un protocole d'accord transactionnel visant à mettre un terme au contentieux prud'homal et toute autre demande qui découlerait de l'exécution du contrat de travail ou de sa rupture

- M. [R] en contrepartie du versement de la somme de 96 261,63 € à titre d'indemnité transactionnelle s'est engagé à se désister de l'instance et de l'action engagée devant le conseil des prud'hommes ; ce désistement a été acté à l'audience du 8 juin 2012.

- M. [R] a de nouveau saisi le conseil des prud'hommes le 19 juillet 2012; au terme de ses dernières conclusions communiquées au conseil le 11 avril 2014, il a demandé paiement des sommes suivantes:

* au titre du compte épargne temps: 42 369,99 €

* au titre d'indemnité de congés payés: 11 655, 23 €

* au titre du solde d'indemnité CP-JTL : 436 €

- devant la cour, M. [R] maintient la nature de ses dernières demandes, ramenant toutefois le quantum des prétentions au titre du CET à 33 004,83 €

- ses demandes sont manifestement irrecevables en raison de la règle de l'unicité de l'instance en présence d'un désistement découlant d'une transaction qui revêt l'autorité de chose jugée.

[G] [R] demande de déclarer recevables ses demandes et fait valoir que :

- la règle de l'unicité de l'instance ne lui est pas opposable, en l'absence de décision sur le fond

- la règle de l'unicité de l'instance posée par l'article R1452-6 du code du travail ne s'applique pas lorsque le fondement des prétentions nouvelles n'est né ou ne s'est révélé que postérieurement à la clôture des débats relatifs à la première procédure . Cette règle ne s'applique pas non plus si la créance n'est pas certaine liquide et exigible lors de la première instance .

- la date de la clôture des débats est le 12 décembre 2011, date de la transaction qui produit les mêmes effets qu'un jugement sur le fond, la rupture conventionnelle ayant été homologuée à cette date

- le protocole transactionnel signé entre les parties le 2 novembre 2011 stipule en son article 1.2 concessions de Monsieur [R]:

En contrepartie, Monsieur [R] renonce expressément, et en toute connaissance de cause, à toute somme et prétention quelle qu'en soit la nature, ainsi qu'à tout instance ou action de nature civile, administrative ou pénale à l'encontre de la société ainsi que de ses dirigeants, devant toute instance judiciaire (civile ou pénale) ou administrative, qui pourrait n'être au titre de la conclusion et de l'exécution du contrat de travail.

Monsieur [R] réserve cependant les droits prévus par les dispositions conventionnelles, et notamment la participation, l'intéressement, le plan d'épargne groupe, les actions gratuites, le CET, et le DIF, ainsi que l'indemnité compensatrice de congés payés et de JTL.

- à la date de la transaction les demandes du salarié relatives aux points suivants : CET, congés payés et CP-JTL, avaient simplement été évaluées en jours sans évaluation en argent ni précision sur le calcul, de sorte qu'il ne s'agissait pas de créances certaines, liquides et exigibles

- le solde de tout compte, le bulletin de salaire détaillant le règlement des sommes dues au salarié ont été remis à ce dernier le 29 décembre 2011.

- ce n'est qu'à cette date que le salarié a pu prendre connaissance des droits qu'il s'était réservés

-les prétentions nouvelles du salarié sur ses droits à CET, Congés payés et CP-JTL sont donc nés postérieurement à la clôture des débats .

L'article R 1452-6 du code du travail dispose :

Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance.

Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

Ainsi en matière prud'homale, dès lors que les causes d'un second litige relatif au même contrat de travail sont connues avant la clôture des débats relatifs à un premier litige encore pendant devant la juridiction prud'homale, la règle de l'unicité de l'instance s'oppose à ce qu'une partie au contrat de travail, qui, disposant de la faculté de présenter de nouvelles demandes, introduise une nouvelle instance devant le conseil de prud'hommes.

Il n'est pas discuté que la rupture conventionnelle a été homologuée par l'inspection du travail, le 12 décembre 2011, comme précisé par M. [R], de sorte qu'est définitive le protocole transactionnel signé entre les parties.

Au vu du courrier du conseil du salarié en date du 29 décembre 2011 indiquant de manière expresse le désistement d'instance et d'action de son client conformément aux termes de la transaction effective à la date le 12 décembre 2011, le conseil de prud'hommes a constaté à l'audience du 8 juin 2012 ce désistement .

Monsieur [R] rappelle à bon droit que la règle de l'unicité de l'instance posée par l'article R1452-6 du code du travail ne s'applique pas lorsque le fondement des prétentions nouvelles n'est né ou ne s'est révélé que postérieurement à la clôture des débats relatifs à la première procédure et que cette règle ne s'applique pas non plus si la créance n'est pas certaine liquide et exigible lors de la première instance.

M. [R] ne peut sans une certaine contradiction s'opposer à l'application de la règle de l'unicité de l'instance en faisant valoir l'absence de décision sur le fond , tout en rappelant que la transaction intervenue entre les parties produit les mêmes effets qu'un jugement de fond, pour l'application de l'article R 1452-6 du code du travail .

Il est indiscutable qu'un protocole transactionnel signé le 12 décembre 2011 lie les parties . Il produit effectivement les mêmes effets qu'un jugement de fond, comme justement rappelé par le salarié.

Pour autant M. [R] affirme à tort que la clôture des débats est la date de ladite transaction soit le 12 décembre 2011, alors que cette première instance a fait l'objet d'une décision de désistement à l'audience du 8 juin 2012, cette date étant de toute évidence la date de la clôture des débats.

M. [R] fait valoir très justement qu'une transaction n'interdit pas d'engager par la suite une nouvelle procédure portant sur des prétentions dont le fondement est né ou s'est révélé postérieurement à la transaction.

Toutefois, au vu de ce qui précède c'est au regard de la date du 8 juin 2012, date de clôture des débats , qu'il convient d'examiner la naissance ou la révélation des prétentions pour déterminer la recevabilité des demandes formées de ces chefs.

Il n'est pas discuté que M. [R] a eu connaissance de ses droits du chef des CET, congés payés et CP-JTL) à réception de son bulletin de salaire le 29 décembre 2011. Il a d'ailleurs contesté les sommes allouées par courrier du 27 avril 2012, de sorte que contrairement à ce qu'il soutient, dès le 29 décembre 2011, et donc avant la clôture des débats, le salarié disposait d'une créance indemnitaire, certaine, liquide et exigible.

La première instance a été appelée à une audience le 8 juin 2012. [G] [R] n'a pas comparu et n'a pas davantage, nonobstant ses contestations exprimées par courrier , entendu revenir sur sa décision de désistement d'instance et d'action, expressément formulée le 29 décembre 2011.

La transaction , en application de laquelle le salarié s'est désisté de son instance et de son action stipule:

La présente transaction est revêtue conformément aux articles 2044,2048 et 2052 du Code civil de l'autorité de la chose jugée en dernier ressort entre les parties, et vaut désistement d'instance et d'action de la part de Monsieur [R] pour toute instance présente ou à venir contre la société ainsi que ses dirigeants.

[G] [R] n'est pas fondé à opposer à la règle de l'unicité de l'instance applicable en présence d'un désistement d'instance et d'action découlant d'une transaction qui revêt l'autorité de chose jugée, l'existence d'une prétention nouvelle, celle-ci étant connue de lui à la date du désistement du 8 juin 2012. Les demandes de M. [R] sont donc irrecevables.

Il sera procédé à une infirmation, le conseil de prud'hommes ayant débouté Monsieur [R] de ses demandes.

Sur les autres demandes

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La cour confirme le jugement querellé sur ce point. Le demandeur comme en première instance supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement uniquement en ce qu'il a débouté le demandeur de toutes ses demandes,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes formées par [G] [R],

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [G] [R] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 14/18614
Date de la décision : 19/05/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°14/18614 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-19;14.18614 ?
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