COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 18 MAI 2017
N°2017/
Rôle N° 16/03038
SARL BEAU RIVAGE
C/
[U] [H] [F] [I]
SCI L'ARDECHOISE
Grosse délivrée
le :
à :
SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ
SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 01 Février 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 09/03346.
APPELANTE
SARL BEAU RIVAGE poursuites et diligences de son représentant légal en exerci ce y domicilié, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Martine BAHEUX de la SELAS SELAS BAHEUX, avocat au barreau de NICE
INTIMEES
Madame [U] [I] venant aux droits de Mme [A] [X] veuve [K] décédée, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Stéphane IMBERT de la SCP PERRET IMBERT, avocat au barreau de NICE, plaidant
SCI L'ARDECHOISE oursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié, demeurant [Adresse 3]
défaillante
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente, et Mme Brigitte PELTIER, Conseiller, chargées du rapport.
Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente
Mme Brigitte PELTIER, Conseiller
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2017.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2017.
Signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente et Mme Nassera REBOUH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M'.[E] [K] et son épouse Mme [A] [X], tous deux décédés, étaient propriétaires indivis d'un immeuble à usage commercial sis [Adresse 4].
La société civile immobilière l'Ardéchoise était propriétaire d'un immeuble à usage d'hôtel [Adresse 5]. Le capital social de cette société était constitué de 200 parts sociales dont 150 appartenaient à Madame [X] et les 50 autres à son époux, au moment de la rédaction des statuts.
Par acte du 5 août 1984 ces deux immeubles étaient donnés à bail commercial à la SARL Beau Rivage , la consistance des lieux loués étaient la suivante': «'un immeuble élevé de deux étages sur rez-de-chaussée, sis [Adresse 6], un immeuble sis en retrait du premier, [Adresse 7], un parking extérieur'» à usage pour le premier hôtel-restaurant -bar-glacier et pour le second annexe de l'hôtel [Adresse 8]
Le bail renouvelé le 30 septembre 1993 moyennant un loyer annuel de 168.000francs , était depuis lors tacitement reconduit.
Par acte sous seing privé en date du 24 février 1997 la SARL Beau Rivage Cagnes sur Mer faisait l'acquisition du fonds de commerce hôtel restaurant exploité dans les lieux, et réalisait d'importants travaux d'aménagement .
Le 7 février 2002, postérieurement au décès de Monsieur [K], Madame [X] et la SCI l'Ardéchoise donnaient congé à la SARL Beau Rivage avec offre de renouvellement et un loyer porté à 36.588 € par an
Le 17 septembre 2002 la SARL Beau Rivage notifiait son accord quant au renouvellement tout en refusant le prix proposé.
Par acte du 12 mars 2004 et en l'absence d'accord, les bailleresses assignaient la locataire devant le juge des loyers commerciaux aux fins de fixation du prix du loyer qui par jugement du 14 mars 2005 ordonnait une expertise.
L'expert relevait notamment que la partie restaurant était inexploitable et inexploité en raison de problème d'étanchéité de la toiture et chiffrait à la somme de 318.165€ les travaux réalisés par le preneur auquel il affectait coefficient de pondération de 15'%; pour le calcul de la valeur locative il appliquait la méthode hôtelière à la partie hébergement et la méthode comparative pour la partie bar/restaurant inexploitable en l'état.
Par jugement en date du 22 octobre 2007 le juge des loyers commerciaux , constatant la monovalence des locaux loués et les travaux d'aménagement effectués par la locataire , les désordres d'étanchéité affectant la salle bar/restaurant , fixait le loyer du bail renouvelé à la somme de 26.770€ /an à compter du 1er octobre 2002 , par application de la méthode hôtelière , sans abattement pour les travaux non autorisés par les bailleresses et sans prise en compte de la valeur locative de la salle de restaurant inexploitable
Par acte des 30 mars 2009 , 14 avril 2012 et 8 juillet 2014 la SARL Beau Rivage assignait Mme [I] et la SCI L'Ardéchoise aux fins de lui payer notamment la somme de 25862€ à titre de privation de jouissance ainsi celle de 13.555€ représentant le montant de l'augmentation de loyer entre le 1er octobre 2002 et le 23 février 2007, outre 5 000€ à titre de dommages et intérêts , tenant les problèmes d'étanchéité affectant la partie restaurant , ( salle de 40 couverts) , qui l'avaient rendu inexploitable,
Par jugement en date du 1er février 2016, dont la cour est saisie, le tribunal de grande instance de Grasse déboutait la SARL Beau Rivage de ses demandes et la condamnait à payer à Mme [U] [I] la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
Il jugeait que la partie restaurant ayant été exclu par le juge dans le calcul de la valeur locative, la SARL Beau Rivage ne pouvait alléguer l'existence d'un préjudice non indemnisé. S'agissant de l'augmentation du loyer entre le 1er octobre 2002 et le 23 février 2007 , le tribunal avait retenu la valeur proposée par l'expert , au regard de l'offre de la locataire, en application de l'article R 145-211 du code du commerce
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S.A.R.L. Beau Rivage a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 23 février 2016 à l'encontre de Mme [U] [I] et la SCI L'Ardéchoise.
Les dernières écritures de l'appelante ont été déposées le 15 mars 2017 et celles de Mme [I] intimée le 10 mars 2017.
La SCI l'Ardéchoise , non comparante devant le premier juge , n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu , la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ont été régulièrement signifiées le 26 mai 2016 par l'huissier qui a établi un procès-verbal de recherches Mme [I] lui ayant affirmé ne plus être gérante de cette société qui aurait été cessé d'exister depuis trente ans alors qu'il résulte dles recherches effectuées auprès du RCS d'Antibes qu'elle y est toujours inscrite sous le numéro 324893846.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mars 2017.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SARL Beau Rivage dans le dispositif de ses dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa des articles 1634 et 1146 du code du commerce , d'infirmer le jugement déféré et de
condamner Mme [I] à lui payer la somme de 216.000€ en réparation du préjudice lié à l'impossibilité d'exploiter le restaurant
la condamner à lui payer la somme de 3,000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens distraits au profit de la SCP Cohen - Guedj - Montero - Daval-Guedj
Elle soutient que si l'expert dans l'évaluation de la valeur locative a pris en compte la privation de surface , la perte de clientèle résultant de la perte d'exploitation n'a pas été indemnisée alors qu'il en est résulté à une perte de chiffre d'affaires de l'ordre de 144.400€ / an pour 216.000€ de bénéfice.
Cette demande n'est pas nouvelle elle tend seulement à calculer différemment le préjudice dont elle a souffert et qui n'est pas contesté.
Mme [I] ne peut avoir ignorer l'activité restauration qui figurait au bail , ni les désordres qui ont été décrits par l'expert, dont la réparation lui incombait au titre du clos
Mme [U] [I] dans le dispositif de ses dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa de l'article 5642 du code de procédure civile,
d'ordonner le report de la clôture ou si besoin le rabat de l'ordonnance de clôture pour permettre si besoin est à l' appelant de répliquer,
à titre principal d'écarter les prétentions nouvelles de la société Beau Rivage.
à titre subsidiaire: de la débouter de l'ensemble de ses demandes, 'ns et prétentions.
en toute hypothèse: de confirmer le jugement déféré et de condamner la Société Beau Rivage à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance conformément aux dispositions de l'article 696 du même code dont distraction au profit de Maître CharlesTollinchi
En liminaire elle soutient que Mme [I] ne peut être condamnée n'ayant été ignorante du litige avant le décès de sa mère dont elle est ayant-droit.
Elle conteste les demandes de la SARL Beau Rivage faisant valoir que la valeur locative a été calculée par l'expert selon la méthode hôtelière et pour la partie restaurant selon la méthode comparative , un coefficient de pondération ayant été appliquée pour tenir compte de la défectuosité de la toiture. Au final le juge a retenu la proposition de la SARL Beau Rivage par application de l'article R 145-21 du code du commerce.
La demande relative à l'augmentation des loyers entre 2002 et 2007 le jugement déféré devra être confirmé faute pour la SARL Beau Rivage de justifier d'un préjudice.
La demande au titre de perte de jouissance ou de clientèle devra être déclarée irrecevable pour être nouvelle , à défaut la cour devra retenir que l'acte de cession du fonds n'étant pas produit il est ignoré si l'activité restauration en faisait partie , le restaurant étant couvert par des tôles ondulées leur réparation ne répond pas aux critère de l'article 606 du code civil, les travaux réalisés dans la partie hôtel l'ont été sans l'accord des bailleresses , enfin la SARL ne justifie pas d'une activité hôtelière durant toute l'année
SUR QUOI LA COUR
1- ) sur la qualité d'ayant droit
Mme [U] [I] est la fille de Mme [A] [X] qui est décédée le [Date décès 1] 2011, elle vient aux droits de sa mère qui gérante était de la SCI l'Ardéchoise
Aux termes de ses écritures elle ne conteste pas sa qualité d'ayant droit mais soutient ne pouvoir être condamnée en lieu et place de sa mère étant ignorante du litige qui l'opposait à la SARL Beau Rivage , n'ayant jamais perçu les loyers outre que les droits immobiliers de Mme [X] et de la SCI l'Ardéchoise ont été cédés le 23 février 2007
En application de l'article 785 du code civil l'héritier universel ou à titre universel qui accepte purement et simplement la succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent.
Mme [I], qui ne conteste pas sa qualité d'ayant droit universel, ne démontre pas avoir accepté la succession de sa mère autrement que purement et simplement , en conséquence de quoi ce moyen est inopérant.
2- ) sur le remboursement des loyers
La cour constate qu'aux termes de ses dernières écritures la SARL Beau Rivage ne soutient plus cette demande.
3-) Sur la recevabilité de la demande au titre de l'impossibilité d'exploiter le restaurant
La locataire revendique l'indemnisation du préjudice de l'impossibilité d'exploiter le restaurant qui faisait partie intégrante des lieux loués.
Mme [I] fait valoir que cette demande serait nouvelle donc irrecevable par application de l'article 564 du code de procédure civile.
La nouveauté de la demande s'apprécie au regard de celle formée devant le premier juge , en l'espèce le jugement du 1er février 2016, or force est de constater qu'en première instance la SARL Beau Rivage avait demandé l'indemnisation d'un préjudice de jouissance et des dommages et intérêts.
En conséquence de quoi la demande formée en cause d'appel n'est pas nouvelle.
4-) Sur l'impossibilité d'exploiter le restaurant
Il est constant et non contesté que la salle de restaurant est inexploitable
Au regard du constat réalisé en octobre 2005 par l'expert désigné par le juge des loyers commerciaux , l'impossibilité d'exploiter la dite salle résulte d'un défaut d'étanchéité de la toiture.
Mme [I] fait valoir que s'agissant de tôles ondulées , elle ne saurait être tenue de réparer ce type de couverture n'étant pas de celles prévues par l'article 606 du code civil.
En l'espèce la privation de jouissance de la salle de restaurant a été prise en compte par le jugement de 2007, aujourd'hui définitif, qui a totalement exclu la salle de restaurant dans la fixation de la valeur locative et le prix du loyer.
La SARL Beau Rivage ne démontre pas la perte de clientèle dont elle argue étant relevé qu'en 2005 l'expert avait déjà constaté que le restaurant n'était pas exploité.
Le preneur n'ayant pas actionné le bailleur sur le fondement de l'article 1719 du code civil, c'est à bon droit que le premier juge l'a débouté de sa demande.
5-) Sur les frais et dépens
L'équité commande de condamner la SARL Beau Rivage à payer à Mme [I] attraite en cause d'appel la somme de 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure, outre les entiers dépens de l'appel avec distraction au profit de Me Charles Tollinchi
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt de défaut, mis à la dispositions des parties conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile
CONFIRME le jugement déféré
CONDAMNE la SARL Beau Rivage à payer à Mme [U] [I] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SARL Beau Rivage aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Charles Tollinchi, membre de la société civile professionnelle Charles Tollinchi - Corinne Perret Vigneron - Karine Bujoli-Tollinchi.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT