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18/05/2017 | FRANCE | N°15/19631

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre a, 18 mai 2017, 15/19631


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 18 MAI 2017



N° 2017/197













Rôle N° 15/19631







SA LA MONDIALE PARTENAIRE





C/



[D] [I]

[Y] [J] épouse [I]

[G] [I]





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Julia BRAUNSTEIN



Me Charles TROLLIET-MALINCONI







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Décision déférée à la Cour :



Jugements du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date des 09 Février 2015 et 05 Octobre 2015 enregistrés au répertoire général sous le n° 14/02424.





APPELANTE



SA LA MONDIALE PARTENAIRE LA MONDIALE PARTENAIRE, demeurant [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Julia BRAUNSTE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 18 MAI 2017

N° 2017/197

Rôle N° 15/19631

SA LA MONDIALE PARTENAIRE

C/

[D] [I]

[Y] [J] épouse [I]

[G] [I]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Julia BRAUNSTEIN

Me Charles TROLLIET-MALINCONI

Décision déférée à la Cour :

Jugements du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date des 09 Février 2015 et 05 Octobre 2015 enregistrés au répertoire général sous le n° 14/02424.

APPELANTE

SA LA MONDIALE PARTENAIRE LA MONDIALE PARTENAIRE, demeurant [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Julia BRAUNSTEIN de la SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [D] [I]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté et plaidant par Me Charles TROLLIET-MALINCONI, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [Y] [J] épouse [I]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]

représentée et plaidant par Me Charles TROLLIET-MALINCONI, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [G] [I]

né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 3], demeurant [Adresse 3]

représenté et plaidant par Me Charles TROLLIET-MALINCONI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Mars 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Sylvie CASTANIE, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvie CASTANIE, Présidente (rapporteur)

Mme Béatrice MARS, Conseiller

Mme Florence TANGUY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2017,

Signé par Madame Sylvie CASTANIE, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties :

[B] [I], né le [Date naissance 4] 1979, exerçant la profession d'infirmier libéral, conclut, le 26 novembre 2009, auprès du Crédit Lyonnais, un prêt d'un montant de 180'000 €, assorti d'un contrat d'assurance « protection emprunteur » souscrit auprès de la Société la Mondiale Partenaire. Il conclut à nouveau le 29 juillet 2010, auprès de la Lyonnaise de Banque, un prêt d'un montant de 400'000 €, également garanti.

[B] [I] est décédé le [Date décès 1] 2012, à son domicile.

Après qu'une autopsie et une expertise toxicologie aient été effectuées, la société la Mondiale Partenaire oppose à ses ayants droit une exclusion de garantie, ces investigations ayant mis en évidence un usage de stupéfiants ou de produits médicamenteux non prescrits par un professionnel de santé.

Les époux [D] [I] et [Y] [J], ses parents et [G] [I], son frère, assignent, selon acte en date du 30 janvier 2014, la société la Mondiale Partenaire devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Statuant par jugement en date du 9 février 2015, assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction :

prononce la réouverture des débats,

renvoie la cause et les parties à l'audience de mise en état du 23 mars 2015,

enjoint aux consorts [I] de produire les tableaux d'amortissement des deux contrats de prêt souscrits, l'acte de notoriété, et l'acte de partage ou la justification de l'indivision successorale,

enjoint aux consorts [I] de conclure en refaisant le calcul de l'indemnisation, en se référant au capital restant réellement dû au [Date décès 1] 2012 précisément,

réserve les autres demandes ainsi que les dépens.

Statuant par jugement en date du 5 octobre 2015, également assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction :

déboute la société la Mondiale Partenaire de toutes ses demandes, fins et conclusions,

déclare recevable l'action introduite par les consorts [I] à l'encontre de la société la Mondiale Partenaire,

rappelle que l'application de l'exclusion de garantie a été écartée par le jugement en date du 9 février 2015,

condamne la société la Mondiale Partenaire à verser au titre de l'application des contrats d'assurance :

à [D] [I], la somme de 128'816,83 euros,

à [Y] [J] épouse [I], la somme de 128'816,83 euros,

à [G] [I], la somme de 257'633,66 euros,

condamne la société la Mondiale Partenaire à payer à titre de dommages et intérêts, pour procédure abusive,

à [D] [I], la somme de 9500 €,

[Y] [J] épouse [I], la somme de 9500 €,

[G] [I], la somme de 19'000 €,

condamne la société la Mondiale Partenaire à payer aux consorts [I], ensemble, la somme de 2500 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

rejette toutes autres demandes,

condamne la société la Mondiale Partenaire aux dépens.

La société la Mondiale Partenaire relève appel de ces jugements, selon déclaration au greffe en date du 5 novembre 2015.

Dans ses dernières écritures en date du 16 mars 2017, la société la Mondiale Partenaire conclut à l'infirmation des jugements en date des 9 février 2015 et 5 octobre 2015 dans toutes leurs dispositions. Le défaut d'intérêt à agir des consorts [I] doit être constaté. Doit également être constaté le fait que le décès de [B] [I] résulte de « l'usage de drogues, stupéfiants, produits médicamenteux tranquillisants, à dose non prescrite par l'autorité médicale ». Il doit en conséquence être fait application de l'exclusion de garantie stipulée aux contrats d'assurance. Les consorts [I] doivent être déboutés de toutes leurs demandes et condamnés solidairement à lui rembourser la somme de 555'776,32 euros, payée en raison de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016. Les mêmes doivent enfin être condamnés à lui payer la somme de 5000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Dans leurs dernières écritures en date du 28 février 2017, les consorts [I] concluent à la confirmation du jugement dont appel. Ils doivent être jugés, au principal, contractuellement bénéficiaires de la garantie décès souscrite par [B] [I] et, subsidiairement, subrogés dans les droits et actions des établissements prêteurs. Leur qualité et intérêt à agir doivent par ailleurs être constatés. Au principal, il doit être jugé que la clause d'exclusion de garantie n'a pas de caractère formel et limité. Elle doit en conséquence être déclarée nulle et réputée non écrite. Subsidiairement, il doit être jugé que les conditions de mise en 'uvre de la garantie sont acquises. La société la Mondiale Partenaire doit enfin et en tout état de cause être condamnée à leur payer, à proportion de leur vocation successorale, respectivement, au titre de la garantie décès, à [D] [I], la somme de 141'088,82 euros, à [Y] [I], la somme de 141'088,82 euros et à [G] [I], la somme de 282'077,64 euros et à titre de dommages et intérêts pour réticence abusive, à [D] [I], la somme de 10'000 €, à [Y] [I], la somme de 10'000 € et à [G] [I], la somme de 21'000 €, outre la somme globale de 7000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est en date du 17 mars 2017.

SUR CE

- Sur la recevabilité de l'action des consorts [I] :

Les deux contrats d'assurance dénommés « Protection Emprunteur » énoncent, en termes identiques, au paragraphe « bénéficiaire » que « le bénéficiaire des garanties est l'établissement prêteur, le CIC Lyonnaise de Banque, pour un contrat et le Crédit Lyonnais, pour l'autre contrat et que le bénéficiaire de la garantie décès entre la date d'effet et la date de versement des capitaux est le conjoint de l'assuré, non séparé judiciairement, à défaut, les enfants de l'assuré nés ou à naître, vivants ou représentés par parts égales, à défaut, les héritiers de l'assuré.

Ces clauses, rédigées en termes clairs et précis, prévoient le principe selon lequel le bénéficiaire des garanties est « l'établissement prêteur » et stipule, dans l'hypothèse particulière où le décès surviendrait avant le déblocage des fonds relatifs au prêt que les personnes désignées par l'adhérent deviennent bénéficiaires du contrat d'assurance.

Sont donc bénéficiaires des contrats d'assurance souscrits par [B] [I], en 2009 et en 2010, par principe, le Crédit Lyonnais et la CIC Lyonnaise de Banque.

L'exception à ce principe, faisant que les bénéficiaires des contrats d'assurance, sont soit le conjoint, soit les enfants, soit les héritiers de l'assuré, dans le cas où celui-ci décède avant le déblocage des fonds s'explique, ainsi que l'observe justement la société la Mondiale Partenaire, par le fait que dans cette hypothèse le prêteur qui n'a versé aucun fonds n'a pas à être garanti.

Le moyen invoqué de ce chef par les consorts [I] doit en conséquence être rejeté.

Les consorts [I] se prévalent, subsidiairement, des dispositions, d'abord, de l'article 1251-4° du Code civil, selon lesquelles la subrogation légale a lieu de plein droit au profit de l'héritier acceptant la succession et qui a payé de ses deniers les dettes de la succession et, ensuite, des dispositions de l'article 1251-3°, selon lesquelles la subrogation légale a lieu de plein droit au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres, ou pour d'autres, au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter.

Ces textes sont en l'espèce sans application, motif pris, d'une part, que les prêteurs ont été désintéressés, non par des deniers personnels des consorts [I] mais en partie par le Crédit Logement, caution solidaire, et en partie par des fonds de la succession, avant tout partage et, d'autre part, que les consorts [I] n'étaient pas tenus au paiement de la dette.

Les documents produits devant la cour permettent en revanche de retenir que les consorts [I] sont subrogés conventionnellement par les prêteurs qui ont été intégralement désintéressés et qui leur ont consenti deux quittances subrogatives, l'une en date du 4 mai 2015 et l'autre en date du 21 février 2017.

La fin de non-recevoir tirée par la société la Mondiale Partenaire d'un défaut de qualité et d'intérêt à agir des consorts [I] doit en conséquence être rejetée.

- Sur le fond :

Les conditions générales des contrats d'assurance souscrits par [B] [I] prévoient au paragraphe 5 intitulé « garantie décès », au titre des exclusions que :

« Tous les risques décès sont garantis par l'assureur quel qu'en soit la cause, sous réserve des exclusions prévues par le code des Assurances et celles énumérées ci-dessous (...), l'usage de drogues, stupéfiants, produits médicamenteux ou tranquillisants, à dose non prescrite par une autorité médicale ».

Cette clause formelle, limitée et imprimée en caractères gras satisfait aux exigences des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances. Rédigée en termes clairs et précis, elle ne souffre pas par ailleurs d'ambiguïté et n'appelle aucune interprétation.

Le médecin légiste ayant procédé à l'autopsie du corps de [B] [I] certifie dans une note en date du 27 novembre 2012 que le décès survenu le [Date décès 1] 2012 est en rapport avec un surdosage médicamenteux.

Le rapport d'expertise toxicologique dressé par le Docteur [P], biologiste, professeur des universités et expert sur la liste de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 10 juillet 2012 établit, à partir de l'analyse des prélèvements effectués, la présence, selon des taux de concentration compatibles avec un usage thérapeutique, notamment de morphine, de fentanyl et de Kétoprofène, l'association de la morphine et du fentanyl ayant, selon l'auteur du rapport, très probablement engendré des troubles de la conscience sévères ainsi qu'une dépression respiratoire à l'origine du décès.

Les consorts [I] ne justifient pas que ces produits anxiolytiques et antalgiques aient été prescrits à [B] [I], exerçant la profession d'infirmier, par une autorité médicale.

En l'absence de toute prescription, il apparaît sans contestation que [B] [I], en prenant ces médicaments, même dans des quantités raisonnables et compatibles avec un usage thérapeutique, a nécessairement absorbé une dose non prescrite, au sens de la clause contractuelle précitée.

Dès lors, c'est à juste titre que la société la Mondiale Partenaire a opposé aux consorts [I] un refus de garantie.

Sa position étant dénuée de tout caractère abusif, le jugement entrepris doit également être infirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de dommages et intérêts au profit des consorts [I].

La société la Mondiale Partenaire, qui dispose, avec le présent arrêt infirmatif, d'un titre, doit être déboutée de sa demande tendant à la condamnation des consorts [I] à lui rembourser les fonds versés au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement de première instance.

Il n'apparaît pas inéquitable enfin de laisser à la charge de chacune des parties le montant des frais irrépétibles exposés tant devant le tribunal que devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

Déclare les consorts [I] recevables en leur action formée contre la société la Mondiale Partenaire,

Infirme les jugements entrepris et statuant à nouveau :

Déboute les consorts [I] de toutes leurs demandes,

Déboute la société la Mondiale Partenaire de sa demande tendant au remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement de première instance et de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement les consorts [I] aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre a
Numéro d'arrêt : 15/19631
Date de la décision : 18/05/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3A, arrêt n°15/19631 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-18;15.19631 ?
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