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18/05/2017 | FRANCE | N°15/09349

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 18 mai 2017, 15/09349


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 18 MAI 2017



N° 2017/160













Rôle N° 15/09349







SCI JIL





C/



[Q] [C]

[X] [Y]

SA LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR





Grosse délivrée

le :

à :

Me R. CHERFILS

Me J. MAGNAN

Me M. ROUILLOT















Décision déférée à la Cour :
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Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 26 Mars 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/05214.





APPELANTE



SCI JIL

prise en la personne de son représentant légal en exercice

siège social1 [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 18 MAI 2017

N° 2017/160

Rôle N° 15/09349

SCI JIL

C/

[Q] [C]

[X] [Y]

SA LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR

Grosse délivrée

le :

à :

Me R. CHERFILS

Me J. MAGNAN

Me M. ROUILLOT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 26 Mars 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/05214.

APPELANTE

SCI JIL

prise en la personne de son représentant légal en exercice

siège social1 [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Eric VEZZANI, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Madame [Q] [C],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Jean-Louis AUGEREAU, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Soumaïa FREJ, avocate au barreau de NICE

Maître [X] [Y]

pris en sa qualité de Liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS ECO-FLORE

assigné le 21.08.15 à domicile à la requête de la SCI JIL,

demeurant [Adresse 3]

défaillant

SA LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE COTE D'AZUR

immatriculée au RCS de NICE sous le n° 384 402 871,

agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège [Adresse 4]

représentée et plaidant par Me Maxime ROUILLOT, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Sophie BERLIOZ du cabinet ROUILLOT, avocate au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Mars 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-François BANCAL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président (rédacteur)

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2017

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2017,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

Le 30 juillet 2011, l'architecte [Q] [C] établissait à l'ordre de Monsieur et Madame [F], un devis d'honoraires détaillé concernant une mission complète de maîtrise d''uvre pour la réalisation d'une maison de 200 m² de SHON et d'un garage 60 m², avec un taux de rémunération de 9 % sur une valeur hors-taxes de travaux estimée à 296'000 €, soit des honoraires d'un montant total hors taxes de 26'640 € et de 31'861,44 € TTC.

Le 29.3.2012, la S.C.I JIL, dont la gérante est Madame [N] [F], concluait avec la S.A.S. ECOFLORE un 'CONTRAT DE CONSTRUCTION DE MAISON INDIVIDUELLES -CCMI (régi notamment par les articles L. et R. 231.1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.)' concernant la construction, sur un terrain situé [Adresse 5], d'une maison contemporaine à usage d'habitation, avec structure en bois, d'une SHON de 217,5m² , au prix total de 345.000€ T.T.C., avec plans établis par l'architecte [Q] [C].

Le constructeur indiquait avoir souscrit une garantie de remboursement et une garantie de livraison (article C.P. 1. 2).

Sous le titre « les modalités de paiement », il était mentionné au contrat que «conformément à l'échelonnement limite des appels de fonds mentionnés aux articles L. 231 ' 2, R. 231 ' 7 et R. 231 ' 8 du code de la construction de l'habitation, reproduit à l'article C. G. 4. du contrat et repris ci-après, les appels de fonds seront les suivants :

15 % du prix convenu : dès l'acceptation de l'offre, soit un appel de fonds de 51'750 €

25 % à la délivrance du BET, soit un appel de fonds de 86'250 €

30 % à l'ouverture du chantier (arrivée du semi), soit un appel de fonds de 103'500 €

30 % à l'achèvement des travaux, soit un appel de fonds de 103'500 € ».

(Article C.P. 2. 3.)

Le coût total de la construction étant de 345'000 € TTC. il était indiqué au contrat que le financement envisagé était constitué d'un apport personnel de 63'000 € et d'un prêt de 365'000€ sur 240 mois (article C.P. 4. 1).

Dès le 14 mars 2012, la S.A.S ECO-FLORE avait cependant établi un premier appel de fonds concernant « les travaux de construction faisant l'objet d'un contrat de construction de maison individuelle (CCMI ) » du projet [Z]-[F], pour :

« 15 % du prix convenu : dès l'acceptation de l'offre 51'750.00 reçu le 29 mars 2012.

« 25 % à la délivrance du BET soit 86'250.00€. ».

Ce document était visé par l'architecte [Q] [C] et donnait lieu à un règlement de 51'750 € par chèque bancaire du 29 mars 2012 tiré sur le compte de «M. [V] [Z] ou Melle [N] [F] ».

Le 7 juin 2012, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur consentait à la société civile JIL un prêt de 370'000 € au taux effectif global de 4,50 % remboursable sur 192 mois. Il était précisé à l'article 1 des conditions particulières, intitulé objet du prêt que « ce prêt est destiné à financer: construction sans contrat [Adresse 5] section [Cadastre 1] [Localité 1] ».

Le 29 mai 2012, la S.A.S ECO-FLORE avait établi un nouveau document, intitulé premier appel de fonds, concernant « les travaux de construction faisant l'objet d'un contrat de construction de maison individuelle (CCMI ) » en mentionnant cette fois qu'il s'agissait du 'projet SCI JIL', pour :

« 15 % du prix convenu : dès l'acceptation de l'offre 51'750.00 reçu le 29 mars 2012.

« 25 % à la délivrance du BET soit 86'250.00€. ».

Ce document était visé par l'architecte [Q] [C], qui établissait un certificat de paiement n°2 pour la somme de 86'250 €, faisant l'objet le 12 septembre 2012 d'une demande de versement de fonds adressée par la SCI JIL à la caisse d'épargne Côte d'Azur, puis, le 22 septembre 2012, d'un « déblocage » de ladite somme par la caisse d'épargne.

La veille, 21 septembre 2012, la caisse d'épargne avait « débloqué » la somme de 14'476,40 €.

La SCI indique que les travaux ont démarré le 17 septembre 2012, mais qu'ils ont cessé le 14 décembre 2012.

Le 28 janvier 2013, elle a fait dresser par huissier de justice constat de l'abandon du chantier et de l'inachèvement des travaux de V.R.D.

Le 25 février 2013, le tribunal de commerce de Grasse prononçait le redressement judiciaire de la S.A.S ECO-FLORE, puis, le 19 avril 2013, sa liquidation judiciaire, Maître [X] [Y] étant désigné en qualité de liquidateur.

Suite à ordonnance de relevé de forclusion rendue le 2 octobre 2013, la SCI JIL déclarait une créance de 138'000 € au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ECO-FLORE se décomposant comme suit :

' 51'750 € versés à Eco-Flore lors de la signature du contrat de construction de maison individuelle,

' 86'250 € versés à la délivrance du BET BOIS.

Par actes des 12,18 et 24 septembre 2013, la SCI JIL faisait assigner devant le tribunal de grande instance de Nice, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur, [Q] [C] et Maître [X] [Y] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS Eco Flore.

Elle demandait au tribunal de :

' constater que la S.A.S. ECO-FLORE n'avait souscrit aucune garantie de livraison pour l'exécution du CCMI liant les parties,

' constater l'absence de vérification fautive de la caisse d'épargne relativement à la présence d'une garantie de livraison, avant de lui accorder le prêt de 370'000 € et d'autoriser le déblocage des sommes de 51'750 € et 86'250 €,

' constater l'absence de vérification fautive par Madame [C], architecte, des capacités financières de l'entreprise la S.A.S. ECO-FLORE qui a été retenue sans même justifier d'une garantie de livraison de l'ouvrage,

' condamner solidairement la caisse d'épargne et [Q] [C] à lui payer :

** 138'000 € correspondant aux montants débloqués sans vérification préalable de la garantie de livraison,

** 2000 € par mois à compter du 9 octobre 2012 jusqu'à la prise de possession effective de la maison,

** 100'000 € en réparation du préjudice moral subi,

' fixer la créance de la SCI à la procédure collective de la société Eco Flore à la somme de 138'000 €,

' condamner solidairement la caisse d'épargne et [Q] [C] à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse d'épargne concluait au débouté et demandait au tribunal de dire et juger que le contrat signé le 29 mars 2012 par la S.C.I. JIL n'est pas un contrat de construction de maison individuelle, et, à titre subsidiaire, qu'elle n'a jamais été en possession de ce document et qu'elle a financé une construction sans contrat.

[Q] [C] soulevait l'irrecevabilité de la demande, faute pour la SCI d'avoir respecté la stipulation contractuelle de saisine préalable à toute procédure du conseil régional de l'ordre des architectes, et, à titre subsidiaire, demandait à la juridiction de constater qu'elle n'avait commis aucune faute dans l'accomplissement de sa mission d'architecte.

Par jugement du 26 mars 2015, le tribunal de grande instance de Nice a :

' déclaré irrecevable la demande formulée par la S.C.I. JIL à l'encontre d'[Q] [C] pour défaut de saisine préalable du conseil régional de l'Ordre des architectes, comme stipulé à l'article G 10 du contrat d'architecte,

' débouté la S.C.I. JIL de l'ensemble de ses prétentions formulées à l'encontre de la caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur ;

' condamné la S.C.I. JIL à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile 1000 € à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur et la même somme à [Q] [C],

' condamné la S.C.I. JIL aux dépens.

Le 27 mai 2015, la S.C.I. JIL interjetait appel.

Par conclusions avec bordereau de communication de pièces signifiées par le R.P.V.A. le 15 février 2017, la S.C.I. JIL conclut à la réformation et demande à la cour, statuant à nouveau, au visa des articles L 231 ' 2 et suivants, et notamment L 231 ' 10 du code de la construction et d'habitation, 1146 et 1147 du Code civil anciens, applicables à l'espèce, de :

' condamner [Q] [C] à lui payer la somme de 138'000 € versée à la société Eco-Flore sans aucune contre prestation tangible,

' condamner la caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur à lui payer la somme de 168'901,88 €, soit :

** 107'544,17 € représentant les fonds débloqués pour l'opération litigieuse,

** 61'357,71 € correspondant aux intérêts et accessoires du prêt remboursés en pure perte par elle,

' dire et juger que la condamnation d'[Q] [C] et de la caisse d'épargne sera prononcée in solidum à hauteur de la somme de 107'544,17 €,

' dire et juger que la condamnation de la banque sera compensée partiellement par les sommes restant dues en capital uniquement à la banque par l'effet du prêt,

' condamner in solidum la caisse d'épargne de prévoyance Côte d'Azur et [Q] [C] à lui payer la somme de 100'000 € en réparation du préjudice moral subi,

' fixer sa créance à la procédure collective de la société Éco-Flore à la somme de 138'000 € en principal,

' condamner in solidum la caisse d'épargne de prévoyance Côte d'Azur et [Q] [C] à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Maître [X] [Y] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.S. ECO-FLORE, assigné à domicile le 21 août 2015, n'a pas constitué avocat.

Par conclusions avec bordereau de communication de pièces signifiées par le R.P.V.A. le 18 septembre 2015, [Q] [C] demande :

à titre principal,

la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande formée par la S.C.I. JIL à son encontre,

à titre subsidiaire,

de constater qu'elle n'a commis aucune faute dans l'accomplissement de sa mission et de débouter en conséquence la S.C.I. JIL de l'ensemble de ses réclamations articulées de mauvaise foi,

Et, en toutes hypothèses, la condamnation de l'appelante à lui payer en cause d'appel une indemnité de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions avec bordereau de communication de pièces signifiées par le R.P.V.A. le 5 octobre 2015, la S.A. Caisse d'Epargne et de Prévoyance Côte d'Azur conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande en conséquence :

à titre principal,

de 'dire et juger que le contrat signé le 29 mars 2012 par la S.C.I. JIL n'est pas un contrat de construction de maison individuelle,

à titre subsidiaire,

(de) dire et juger qu'elle n'a jamais été en possession de ce document et a pour sa part financé une construction sans contrat,

en conséquence,

de débouter la S.C.I. JIL de ses demandes,'

de la condamner à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Maître [X] [Y] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.S. ECO-FLORE n'ayant pas été assigné à personne et n'ayant pas constitué avocat, le présent arrêt est rendu par défaut en application de l'article 474 du code de procédure civile.

Sur le contrat de construction conclu entre la S.A.S. ECO-FLORE et la S.C.I. JIL :

En application de l'alinéa premier de l'article L. 231 ' 1 du code de la construction et de l'habitation : « Toute personne qui se charge de la construction d'un immeuble à usage d'habitation ou d'un immeuble à usage professionnel et d'habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l'ouvrage d'après un plan qu'elle a proposé ou fait proposer doit conclure avec le maître de l'ouvrage un contrat soumis aux dispositions de l'article L. 231 ' 2. » .

En outre, les parties à un contrat peuvent parfaitement adopter les règles du contrat de construction de maison individuelle, même si leur opération ne rentre pas dans le champ d'application obligatoire du contrat. Dans ce cas, l'adoption du régime d'ordre public est nécessairement faite en bloc.

En l'espèce, le contrat conclu le 29 mars 2012, entre la S.A.S. ECO-FLORE et la S.C.I JIL, signé par ces parties, intitulé 'CONTRAT DE CONSTRUCTION DE MAISON INDIVIDUELLES -CCMI (régi notamment par les articles L. et R. 231.1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.)', concerne la construction d'une « maison contemporaine» à usage d'habitation d'une surface hors 'uvre nette de 217,5 m² pour un coût total TTC de 345'000 €, et se réfère tant à une notice descriptive qu'à un plan.(Article C. P. 1. 3).

Le plan auquel se réfère ce contrat est fourni indirectement par un tiers, puisqu'il est fait référence aux « plans établis par [Q] [C] architecte DPL ».

Au surplus, dans ses différents appels de fonds, établis les 14 mars 2012 et 29 mai 2012, la S.A.S. ECO-FLORE indique expressément qu'ils concernent des « travaux de construction faisant l'objet d'un contrat de construction de maison individuelle (CCMI)». (Pièces 12 et 13 de l'appelante).

Il est donc manifeste que les parties ont entendu soumettre leurs relations contractuelles au régime d'ordre public du contrat de construction de maison individuelle avec fourniture d'un plan des articles L.231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

C'est donc en vain que la caisse d'épargne prétend que ce régime ne serait pas applicable, notamment, au motif qu'une autre entreprise était chargée de la pose des menuiseries alu, puisqu'il n'est nullement interdit au maître de l'ouvrage de se réserver l'exécution de certains travaux, comme cela a d'ailleurs été mentionné expressément au descriptif du lot menuiseries. (Page 14/35 du CCTP, annexé aux conditions particulières du CCMI, pièce 1 de l'appelante).

La décision déférée doit donc être réformée en ce que le premier juge a considéré que le contrat conclu entre le constructeur et le maître de l'ouvrage n'était pas un contrat de construction de maison individuelle.

Sur la responsabilité du constructeur de maisons individuelles :

Le maître de l'ouvrage reproche au constructeur d'avoir abandonné le chantier, ce qu'il établit par un constat d'huissier du 28 janvier 2013, de n'avoir rien pu récupérer de ce constructeur, placé en redressement judiciaire dès le 25 février 2013, et d'avoir subi la 'perte pure et simple de la somme de 138'000 € versée sans aucune contre prestation tangible à la société Eco Flore'.

Il établit donc la faute contractuelle de ce constructeur, qui, dès le 14 mars 2012, soit avant la signature du CCMI, a établi un premier appel de fonds pour :

« 15 % du prix convenu : dès l'acceptation de l'offre 51'750.00 reçu le 29 mars 2012.

« 25 % à la délivrance du BET soit 86'250.00€. », puis, qui, après avoir perçu une somme totale de 138.000€ a abandonné le chantier, sans en justifier les raisons.

Pour le maître de l'ouvrage, cette attitude fautive a été directement à l'origine d'un préjudice constitué par le versement de fonds importants au constructeur sans contrepartie, ce qui justifie de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société ECO FLORE à la somme de 138'000 €, le premier juge ayant omis de statuer sur cette demande.

Sur la responsabilité de l'architecte :

S'il n'est pas contesté qu'[Q] [C] a été contactée par [N] [F], gérante de la S.C.I. JIL, pour une mission de maîtrise d''uvre complète concernant la construction de la maison litigieuse, qu'elle a établi le 30 juillet 2011 pour « Mr et Mme [F] » un devis d'honoraires détaillé portant sur la somme de 31'861,44€ TTC, que par la suite, elle est intervenue en qualité de maître d''uvre de l'opération concernant la S.C.I. JIL, qu'elle a établi plusieurs notes d'honoraires concernant les phases de conception, d'exécution et de réalisation des travaux, objet de règlements, pour autant, elle ne démontre nullement que la S.C.I. JIL ait signé un contrat d'architecte, envoyé par mail le 16 avril 2013, ou qu'elle en ait accepté les différentes clauses, de quelque façon que ce soit (pièces 1 de [Q] [C], 2a et 2b de l'appelante).

En conséquence, contrairement à ce que le premier juge a pu décider, [Q] [C] n'est nullement fondée à se prévaloir d'une clause G10, intitulée litiges, figurant dans ce document non signé, prévoyant qu'en cas de différend portant sur le respect des clauses du contrat, les parties conviennent de saisir le conseil régional de l'ordre des architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire, et ce, alors qu'elle n'invoque pas d'autre fondement pour soulever l'irrecevabilité des demandes de la S.C.I. JIL.

En conséquence, les demandes de la S.C.I. JIL formées contre [Q] [C] sont recevables, le jugement déféré devant ici être réformé.

En sa qualité de professionnel, l'architecte chargé d'une mission de maîtrise d''uvre doit, avant que les travaux ne commencent, remplir sa mission en respectant la réglementation, les règles de l'art et les désirs du client.

Lors de l'exécution des travaux, quand il est chargé d'une mission de comptabilité de ces travaux, il doit vérifier les situations et le décompte établi par les entreprises, puis, proposer au maître de l'ouvrage le paiement d'acomptes correspondants aux travaux effectivement réalisés.

Il est tenu à un devoir d'information et de conseil à l'égard de son client maître de l'ouvrage.

L'architecte reconnaît dans ses écritures qu'« elle connaissait la S.A.S. ECO FLORE avec laquelle elle avait réalisé plusieurs chantiers » et ajoute qu'elle « avait donné entière satisfaction», sans pour autant produire la moindre pièce concernant ces allégations.

Pour autant, c'est avec raison qu'il indique que si le maître d''uvre doit s'assurer du sérieux et de la solvabilité des entreprises sollicitées, il n'est pas garant de cette solvabilité, ni responsable des difficultés financières de ces entreprises.

Néanmoins, alors que l'architecte doit remplir sa mission en respectant la réglementation, qu'il devait tenir compte des règles relatives au contrat de construction de maison individuelle, concernant notamment les règles d'échelonnement des paiements et l'existence d'une garantie de livraison, il ressort des pièces produites, qu'il a d'abord visé un premier appel de fonds, antérieur à la signature du CCMI, non conforme à la réglementation applicable (article R . 231 ' 7 du code de la construction et de l'habitation), se référant pourtant expressément à un contrat de construction de maison individuelle, puis, le 29 mai 2012, un second appel de fonds, objet de sa part d'un certificat de paiement de 86'250 € qui a permis le déblocage des fonds par la banque (pièce 13 de l'appelante).

L'examen de ces appels de fonds, non conformes à la réglementation du CCMI, révèle ainsi que cet architecte n'a opéré aucune vérification, non seulement de la régularité de ces appels de fonds, mais encore de leur adéquation avec l'état d'avancement du chantier.

Enfin, alors que l'existence d'une garantie de livraison est un élément essentiel du contrat de construction de maison individuelle qui vise à protéger le maître de l'ouvrage, l'architecte a opéré une confusion entre une attestation d'assurance décennale et la délivrance de cette garantie de livraison, induisant ainsi en erreur le maître de l'ouvrage qui se préoccupait de son existence (mail du 5 décembre 2012 du maître de l'ouvrage et réponse du même jour de l'architecte, pièce 10 de l'appelante).

N'ayant ni vérifié l'existence d'une garantie de livraison et de remboursement, ni vérifié l'avancement suffisant du chantier permettant le déblocage des fonds, l'architecte chargé d'une mission de maîtrise d''uvre complète a donc commis une faute dans l'exécution de cette mission, qui a directement été à l'origine du préjudice subi par le maître de l'ouvrage, constitué par le versement de fonds importants au constructeur sans contrepartie équivalente, ce qui justifie de le condamner à lui payer la somme de 138'000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la responsabilité de la banque :

En vertu de l'alinéa 1er de l'article L. 231 ' 10 du code de la construction et de l'habitation:

« Aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l'article L. 231 ' 2 qui doivent y figurer au moment où l'acte lui est transmis et ne peut débloquer les fonds s'il n'a pas communication de l'attestation de garantie de livraison ».

Si cet article ne met pas à la charge du prêteur l'obligation de requalifier le contrat qui lui est soumis, il ne le dispense pas de son obligation de renseignement et de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage à qui il fait une offre de prêt. Il lui appartient de déterminer avec son client, dépourvu de connaissances juridiques, le cadre contractuel du projet qu'il accepte de financer.

En s'abstenant de rechercher si la convention passée ne recouvrait pas en réalité un contrat de construction de maison individuelle imposant le respect des dispositions protectrices édictées par le code de la construction et de l'habitation, la banque a commis une faute ouvrant droit à réparation.

En outre, la banque doit vérifier l'existence de la garantie de livraison, avant même de débloquer les fonds.

En l'espèce, la Caisse d'Epargne indique que le maître de l'ouvrage ne lui a remis que des devis de travaux, et qu'elle a financé une « construction sans contrat », mention qu'elle a fait figurer dans le contrat de prêt.

Pourtant, en sa qualité de professionnelle du financement, pour une opération immobilière d'un montant significatif, soit 370'000 €, concernant la construction d'une villa à usage d'habitation, la banque ne pouvait se contenter des seuls devis produits, et, avant de proposer un prêt, devait rechercher si la convention passée ne constituait pas en réalité un contrat de construction de maison individuelle, soumis à la réglementation d'ordre public du code de la construction de l'habitation, imposant notamment l'existence d'une garantie de livraison et un échelonnement précis des paiements au constructeur.

En acceptant de financer une telle opération, curieusement qualifiée par elle de «construction sans contrat », à hauteur de la somme de 370'000 €, sans se préoccuper du cadre contractuel du projet qu'elle acceptait de financer, en acceptant en outre de débloquer des fonds au vu d'appels de fonds du constructeur se référant expressément à des « travaux de construction faisant l'objet d'un contrat de construction de maison individuelle (CCMI) », sans avoir eu communication de l'attestation de garantie de livraison, le banquier n'a pas respecté son devoir d'information et de conseil, pas plus qu'il n'a respecté les dispositions d'ordre public de l'alinéa 1er de l'article L. 231 ' 10 du code de la construction et de l'habitation.

Ainsi, n'ayant pas satisfait à ses obligations, ayant débloqué des fonds remis directement aux constructeurs à hauteur de la seule somme de 86'250 €, la banque a, par son attitude fautive, été directement à l'origine du préjudice subi par le maître de l'ouvrage, en raison de ce déblocage de fonds non conforme aux règles d'ordre public du code de la construction de l'habitation.

Par contre, le maître de l'ouvrage ne rapporte nullement la preuve de l'existence d'autres préjudices résultant directement de l'attitude fautive de la banque, d'une part parce que le premier règlement de 51'750 €, effectué par chèque du 29 mars 2012, l'a été à la seule initiative d'une personne physique, avant souscription du prêt, d'autre part, parce qu'en acceptant de souscrire un prêt d'une telle importance, le maître de l'ouvrage a nécessairement pris l'engagement de faire face au règlement des intérêts afférents à ce prêt, le déblocage d'autres fonds l'ayant été pour régler différents frais afférents à la construction et des notes d'honoraires du maître d''uvre.

Il convient donc de débouter le maître de l'ouvrage de ses demandes d'indemnisation excédant la somme de 86'250 €, ainsi que de sa réclamation visant en quelque sorte à obtenir une compensation avec les sommes qu'il doit régler à la banque en vertu du prêt, dont l'annulation n'est d'ailleurs pas demandée.

L'architecte et la banque ayant chacun été directement à l'origine du préjudice financier précédemment chiffré à hauteur de 86'250 €, seront donc condamnées in solidum à régler ladite somme au maître de l'ouvrage, le surplus devant être réglé par le seul architecte.

Sur le préjudice moral :

Si le maître de l'ouvrage réclame la condamnation in solidum de l'architecte et de la banque à lui payer la somme de 100'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral, il ne rapporte nullement la preuve d'un tel préjudice nécessairement distinct du préjudice précédemment évoqué.

C'est donc avec raison que le premier juge l'a débouté de cette réclamation.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile :

Succombant, l'architecte et la banque supporteront in solidum les dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande d'allouer à la S.C.I. JIL une indemnité de 5000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement,

Par défaut,

CONSTATE que le premier juge a omis de statuer sur la demande de fixation de créance au passif de la procédure collective de la SA ECO-FLORE formée par la SCI JIL,

CONFIRME partiellement le jugement déféré en ce que le premier juge a débouté la SCI JIL de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral formée contre la S.A. CAISSE D'EPARGNE et de PREVOYANCE COTE D'AZUR,

LE REFORME pour le surplus,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

DÉCLARE recevables les demandes de la S.C.I. JIL formées contre [Q] [C],

DIT QUE la S.C.I. JIL a conclu avec la S.A.S. ECO-FLORE un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture d'un plan régi par les dispositions du code de la construction et de l'habitation,

DÉCLARE la S.A.S. ECO-FLORE, [Q] [C] et la S.A. CAISSE D'EPARGNE et de PREVOYANCE COTE D'AZUR responsables sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun des articles 1147 et suivants du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10.2.2016 applicable au litige, du préjudice subi par la S.C.I. JIL,

En conséquence,

FIXE à 138'000 € la créance de la S.C.I. JIL au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.S. ECO-FLORE,

CONDAMNE in solidum [Q] [C] et la S.A. CAISSE D'EPARGNE et de PREVOYANCE COTE D'AZUR à payer à la S.C.I. JIL 86'250€ à titre de dommages-intérêts,

CONDAMNE [Q] [C] à payer à la S.C.I. JIL 51'750 € à titre de dommages-intérêts supplémentaires,

DÉBOUTE la S.C.I. JIL de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral formée contre [Q] [C] et de sa demande de compensation avec les sommes qu'elle doit à la S.A. CAISSE D'EPARGNE et de PREVOYANCE COTE D'AZUR au titre du prêt souscrit par elle,

CONDAMNE in solidum [Q] [C] et la S.A. CAISSE D'EPARGNE et de PREVOYANCE COTE D'AZUR à payer à la S.C.I. JIL 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes, notamment d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum [Q] [C] et la S.A. CAISSE D'EPARGNE et de PREVOYANCE COTE D'AZUR aux dépens de première instance et d'appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/09349
Date de la décision : 18/05/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°15/09349 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-18;15.09349 ?
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