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12/05/2017 | FRANCE | N°14/08879

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 12 mai 2017, 14/08879


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2017



N° 2017/247













Rôle N° 14/08879





[Z] [D] [I]





C/



Société UNISYS FRANCE

URSSAF DE MONTREUIL

GARP

CIPC R DEVENUE MALAKOFF MEDERIC

CRIS

ASSEDIC DIRECTION REGIONALE











Grosse délivrée

le :

à :

Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE



URSSAF

DE MONTREUIL



GARP



Me Danielle BEURNAUX, avocat au barreau de MARSEILLE



CRIS



Me Yves LINARES, avocat au barreau de MARSEILLE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de d...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2017

N° 2017/247

Rôle N° 14/08879

[Z] [D] [I]

C/

Société UNISYS FRANCE

URSSAF DE MONTREUIL

GARP

CIPC R DEVENUE MALAKOFF MEDERIC

CRIS

ASSEDIC DIRECTION REGIONALE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE

URSSAF DE MONTREUIL

GARP

Me Danielle BEURNAUX, avocat au barreau de MARSEILLE

CRIS

Me Yves LINARES, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section E - en date du 02 Octobre 2007, enregistré au répertoire général sous le n° 03/1286.

APPELANT

Monsieur [Z] [D] [I], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Société UNISYS FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Christophe NOIZE, avocat au barreau de PARIS

URSSAF DE MONTREUIL, demeurant [Adresse 3]

non comparante

GARP, demeurant [Adresse 4]

non comparante

CIPC R DEVENUE MALAKOFF MEDERIC, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Danielle BEURNAUX, avocat au barreau de MARSEILLE

CRIS, demeurant [Adresse 6]

non comparante

ASSEDIC DIRECTION REGIONALE, demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Yves LINARES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Mars 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2017.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2017.

Signé par Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Marseille du 2 octobre 2007 qui:

- dit qu'il convient de reconstituer la carrière de Monsieur [I] pour calculer le préjudice résultant de l'annulation de l'autorisation de licenciement en raison de la durée de la période considérée, du fait que Monsieur [I] a subi une discrimination de l'employeur et qu'il ne lui a pas été proposé de poste équivalent pour sa réintégration avant le 1er avril 2012,

- ordonne avant dire droit une expertise sur l'évaluation du préjudice et désigne Monsieur [G] à cette fin.

Vu l'appel régulièrement interjeté contre ce jugement par la société UNISYS FRANCE le 19 octobre 2007.

Vu l'arrêt de la cour du 17 décembre 2009 qui:

- écarte des débats la note en délibéré adressée le 30 octobre 2009 par la société UNISYS et les pièces y étant annexées,

- déclare irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par UNISYS France,

- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Monsieur [I] avait fait l'objet d'une discrimination et en ce qu'il a ordonné, avant dire droit, une expertise confiée à Monsieur [G] afin de déterminer le préjudice du salarié,

- l'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, dit que la mission de l'expert sera modifiée et complétée comme suit:

* la reconstitution de carrière de Monsieur [I] portera sur la période du 1er avril 1994 au 23 mai 2002,

* il conviendra de distinguer les salaires bruts et les salaires réels qui auraient dû être versés au salarié au cours de cette période,

* l'expert donnera son avis au plus tard le 30 septembre 2010,

- dit que l'affaire sera appelée à nouveau devant la cour à l'audience du 2 décembre 2010.

Vu l'ordonnance de remplacement de l'expert, Monsieur [G] par Monsieur [V] [B].

Vu l'arrêt de la cour du 31 mai 2012 qui dit n'y avoir lieu à interpréter son arrêt du 17 décembre 2009, proroge la mission de l'expert au 31 décembre 2009 et dit que l'affaire sera appelée à l'audience du 7 février 2013,

Vu la radiation de l'affaire ordonnée par arrêt du 12 décembre 2013.

Vu sa réinscription le 23 avril 2014 à la demande de Monsieur [I].

Vu le rapport d'expertise de Monsieur [B] du 5 février 2013.

Vu les dernières conclusions de la société UNISYS France après expertise, déposées et soutenues à l'audience, demandant à la cour:

A titre principal:

- de débouter Monsieur [I] de l'intégralité de ses demandes,

- de le condamner à restituer le trop-perçu de 285 400 euros,

A titre subsidiaire:

- de fixer la créance de Monsieur [I] pour la période du 1er avril 1994 au 31 mars 2002 à la somme de 376,29 euros nets déduction faite des indemnités Pôle emploi perçues à hauteur de 215 268 euros soit 161 024 euros,

- de condamner Monsieur [I] à restituer le trop-perçu d'un montant de 124 376 euros,

A titre infiniment subsidiaire:

- de fixer la créance de Monsieur [I] pour la période du 1er avril 1994 au 31 mars 2002 à la somme de 400 158 euros nets déduction faite des indemnités Pôle emploi perçues à hauteur de 215 268 euros soit 184 890 euros,

- de condamner Monsieur [I] à restituer le trop-perçu d'un montant de 100 510 euros,

En tout état de cause:

- débouter Monsieur [I] du surplus de ses demandes,

A titre reconventionnel:

- de condamner Monsieur [I] à lui payer les sommes suivantes:

* 90 271 euros correspondant au montant du salaire net indûment perçu du 23 mai 2002 au 16 janvier 2014,

* 1 000 euros au titre des honoraires du premier expert judiciaire avancés pour son compte par elle,

* 2 000 euros au titre des honoraires du premier expert judiciaire payés par la société UNISYS, à défaut d'obtenir les documents nécessaires de Monsieur [I] pour le calcul d'une éventuelle indemnisation,

* 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [I] aux dépens.

Vu les dernières écritures de Monsieur [I] après expertise, déposées et soutenues à l'audience tendant à ce que la cour:

- condamne la société UNISYS France à lui payer les sommes suivantes en raison de la discrimination syndicale subie:

* 12 535 euros au titre du salaire dû sur la période du 1er janvier 1991 au 31 mars 1994, outre la somme de 1 253 euros au titre des congés payés afférents,

* 559 429 euros au titre de la reconstitution de salaire du 1er avril 1994 au 22 mai 2002, outre la somme de 55 942 euros au titre des congés payés afférents,

* 35 533 euros au titre du salaire dû sur la période du 23 mai 2002 au 19 janvier 2004, outre la somme de 3 553 euros au titre des congés payés afférents,

* 39 412 euros au titre de la privation de l'avantage en nature ( voiture),

* 3 896,52 euros au titre de la privation de la couverture gros risques,

* 50 000 euros au titre du préjudice lié à la vente de son logement principal,

* 88 620,48 euros au titre du préjudice retraite et à titre subsidiaire celle de 64 413,96 euros arrêtée au 2 mars 2017,

* 125 000 en réparation du préjudice moral lié à la discrimination,

* 125 000 euros pour le préjudice moral lié au harcèlement,

* 10 000 euros au titre des autres préjudices ( intéressement, participation, privation des avantages CE....),

- dise qu'en raison de la discrimination syndicale subie les indemnités dues à titre salarial ne peuvent souffrir aucun abattement,

- dise que si Pôle emploi devait faire valoir une créance éventuelle, dont le montant ne pourrait être déterminé qu'en application de la réglementation en vigueur en matière de remboursement des sommes dues, elle le ferait directement entre les mains de Monsieur [I] dès l'instant où l'employeur aurait versé définitivement les sommes lui revenant,

- déduise du montant des sommes dues la somme de 285 400 euros perçue à titre de provision,

- condamne la société UNISYS à établir et à lui remettre les bulletins de paie pour l'ensemble de la période d'éviction,

- dise que les sommes allouées porteront intérêts avec capitalisation à compter du jour de l'introduction de la demande en justice,

- déboute la société UNISYS de l'ensemble de ses demandes,

- déboute la CIPC CR devenue Malakoff Méderic de l'intégralité de ses demandes dirigées contre lui,

- condamne UNISYS au paiement de la somme 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Vu les dernières écritures de Pôle emploi déposées et soutenues à l'audience, demandant à la cour:

- de dire que Monsieur [I] ne peut cumuler les allocations chômage avec ses rémunérations dues par UNISYS ou une indemnité équivalente à celles-ci,

- de condamner Monsieur [I] à lui rembourser la somme de 215 268,18 euros au titre des allocations chômage perçues du 1er avril 1994 au 22 mai 2002,

- de dire qu'UNISYS devra être solidaire de cette condamnation à hauteur de 6 mois d'indemnité soit 13 136,31 euros,

- de dire qu'UNISYS ne dispose pas d'un intérêt légitime pour soulever une prescription que Monsieur [I] ne soulève pas,

- de dire que sa créance sur Monsieur [I] n'est pas prescrite,

- de dire que les allocations chômage versées indûment par l'ASSEDIC à Monsieur [I] ne doivent pas s'imputer sur les condamnations prononcées à l'encontre de la société UNISYS,

- de condamner UNISYS à lui payer la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières écritures de MALAKOFF MEDERIC RETRAITE AGIRC venant aux droits de la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance des Cadres- Retraite, déposées le 19 septembre 2016, soutenues à l'audience, demandant à la cour:

- de constater que Monsieur [I] ne formule aucune demande à son encontre,

- de condamner Monsieur [I] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [I] au dépens.

Vu l'absence à l'audience des autres parties pourtant régulièrement convoquées.

MOTIFS

Attendu qu'il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure à l'arrêt de la cour du 17 décembre 2009;

Qu'il sera néanmoins rappelé à ce stade que par cet arrêt la cour a tranché la question de l'existence d'une discrimination de la part d'UNISYS au détriment de Monsieur [I] et acté le principe de l'indemnisation du préjudice en résultant sur le fondement de l'article L 2422-4 du code du travail;

Que partant, UNISYS est mal fondée à tenter de revenir sur ce principe en faisant valoir pour s'opposer à l'indemnisation de Monsieur [I] au titre de la période comprise entre le 1er avril 1994, date de la fin du préavis de 6 mois, point de départ de l'éviction et le 23 mai 2002, date de la reprise du paiement des salaires, qu'en refusant la proposition de réintégration au poste de technico-commercial faite au mois de mars 1993, ce dernier l'a conduite à envisager à licenciement économique et a donc contribué à son préjudice;

Que ce moyen sera donc rejeté;

Que parallèlement, Monsieur [I] entend obtenir une indemnisation spécifique au titre d'un harcèlement moral alors qu'il ressort clairement de l'arrêt dont s'agit que la cour a envisagé ensemble les éléments venant au soutien tant de la discrimination que du harcèlement moral allégué pour ne retenir que l'existence d'une discrimination aux termes d'un jugement qui a tranché l'intégralité des questions de fond pour ne laisser à juger que la fixation des différents chefs de préjudice liés à cette discrimination;

Qu'il s'ensuit que Monsieur [I] sera débouté de cette demande spécifique;

Qu'une fois, ce préliminaire effectué et les contours de la saisine de la cour déterminés, il convient d'analyser chacun des postes de préjudice faisant l'objet d'une demande de la part de Monsieur [I];

Sur l'indemnité d'éviction

Attendu que chacune des parties entend contester les modalités de calcul opérées par l'expert, Monsieur [B];

Mais attendu que la cour constate que le rapport de Monsieur [B] a été rendu à l'issue d'un travail sérieux, complet, objectif et particulièrement étayé et ce, en conformité avec la mission qui lui avait confiée par la cour ce que confirme l'arrêt de la cour du 31 mai 2012 rejetant la requête en interprétation de son précédent arrêt du 17 décembre 2009; que les parties ont été en mesure de présenter de nombreux dires auxquels il a été répondu de manière circonstanciée, plus particulièrement dans les pages 244 à 249 du rapport; qu'il sera observé que nonobstant les critiques qu'elles formulent désormais sur les conclusions de cette expertise, elle n'ont pour autant pas cru devoir solliciter une contre-expertise ou un complément d'expertise; que la cour se fonde donc sur les conclusions de Monsieur [B];

Qu'il sera rappelé que l'article L 2422-4 du code du travail dont les dispositions s'étendent à tous les salariés dont le licenciement doit être autorisé, prévoit que lorsque l'annulation est devenue définitive, le salarié concerné a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice matériel subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration; que cette indemnité dès lors qu'elle répare les conséquences d'un licenciement qui fait suite à une autorisation ultérieurement annulée et non pas à un défaut d'autorisation, doit être appréciée compte tenu des sommes que l'intéressé a perçu au cours de la période litigieuse; qu'en effet, Il ne s'agit pas d' une indemnité forfaitaire équivalente aux salaires qui auraient été perçus mais d'une indemnité différentielle correspondant au seul préjudice réellement subi; qu'en conséquence, les indemnités de chômage perçues entre le jour du licenciement et le jour de la réintégration doivent être déduits;

Qu'il s'ensuit que les moyens soulevés tant par Monsieur [I] que par Pôle emploi pour s'opposer à une telle déduction seront rejetés; que Pôle emploi sera donc débouté de ses demandes tant à l'égard de Monsieur [I] qu'à l'égard de l'employeur en garantie partielle;

Qu'en l'espèce, l'expert a chiffré le salaire brut et le salaire net qu'aurait dû recevoir Monsieur [I] pour la période du 1er avril 1994 au 23 mai 2002; que par application du dernier alinéa de l'article L 2422-4 du code du travail, le paiement de l'indemnité d'éviction s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire; qu'il convient donc de prendre comme référence pour le calcul de la dite indemnité le montant du salaire brut soit la somme de 500 198 euros; qu'il convient d'en déduire le montant des allocations chômage servies à hauteur de 215 268,18 euros; que l'employeur est donc débiteur à son égard de la somme de 284 929,82 euros outre celle de 28 492,98 euros au titre des congés payés afférents; qu'il conviendra de prendre en compte la provision allouée à l'intéressé par arrêt de la cour en référé du 4 mars 2003 à hauteur de 285 400 euros qui viendra en déduction des sommes ainsi allouées;

Sur le préjudice salarial du 1er janvier 1994 au 31 mars 1994

Attendu que Monsieur [I] expose que son salaire était bloqué au niveau de celui du 1er janvier 1991 et prétend, décompte à l'appui, que son salaire mensuel aurait dû s'élever à la somme de 4 317 euros pour passer à 4 517 euros au 1er juillet 1994, de sorte qu'il aurait subi un préjudice à hauteur de 12 535 euros, outre les congés payés afférents;

Mais attendu que l'employeur fait observer à juste titre que cette demande est prescrite depuis le 1er avril 1999, en tenant compte de la prescription quinquennale alors applicable;

Que Monsieur [I] sera donc débouté de ce chef de demande;

Sur le préjudice salarial du 23 mai 2002 au 19 janvier 2004

Attendu que Monsieur [I] sollicite un rappel de salaire d'un montant de 35 533 euros à ce titre, outre les congés payés afférents, en considérant que le montant du salaire fixé par l'entreprise au moment de sa réintégration était inférieur à celui qu'il a lui-même calculé ( 83357 euros);

Mais attendu que Monsieur [B] indique dans son rapport d'expertise ( page 219) que la reconstitution de carrière permet de fixer un salaire, en 2002, d'un montant de 61 334 euros annuel alors qu'UNISYS lui a proposé au titre de sa réintégration, un salaire mensuel d'un montant de 63 037 euros, de sorte que l'intéressé n'a subi aucun préjudice; qu'il sera donc débouté de ce chef de demande;

Sur le préjudice lié à la vente de son logement principal

Attendu que Monsieur [I] expose qu'à la date du licenciement du 31 mars 1994, il était propriétaire d'une maison à [Localité 1] qu'il avait achetée lors de sa mutation en région parisienne en 1989 au plus fort de la valeur de l'immobilier, qu'une des conditions de son transfert bien connue et acceptée par UNISYS était un achat immobilier dès son arrivée en région parisienne mais que dès le 28 janvier 1991 et alors qu'elle connaissait parfaitement cet engagement financier important, elle a décidé de le licencier; qu'étant au chômage et dans l'impossibilité d'assurer plus longtemps les remboursements conséquents souscrits lors de cet achat, il s'est trouvé dans l'obligation de vendre sa maison en 1997 en pleine crise immobilière, à un moment où la valeur des biens immobiliers était au plus bas et d'être hébergé dans sa région d'origine avec son épouse chez sa belle-soeur, résidant dans les Bouches du Rhône ce qui l'a contraint à un premier déménagement de son mobilier vers un garde-meuble puis à un second, et plus généralement à exposer des frais importants;

Qu'il sollicite en conséquence l'allocation de la somme de 50 000 euros à titre d'indemnisation de ce chef;

Mais attendu que Monsieur [I] ne justifie par aucune pièce de l'assertion selon laquelle sa mutation en région parisienne aurait été conditionnée par la possibilité de procéder à un achat immobilier lequel de surcroît ressort du champ personnel sans lien direct apparent avec l'activité professionnelle; qu'il apparaît au travers de l'attestation de Madame [Q] belle-soeur de Monsieur [I] et sans que cela soit contesté par ce dernier que sa décision de se fixer dans les Bouches du Rhône procède du choix là encore personnel de se faire construire une maison ce qui a justifié tant son hébergement par cette personne que le recours à un garde-meuble; que pour le reste Monsieur [I] produit une comparaison d'indices éditée par la chambre des notaires de Paris censée illustrer le marasme immobilier contemporain de la vente de son bien mais ne produit aucun élément de nature à confirmer et déterminer la moins-value qui serait résultée de cette vente;

Que faute d'établir un quelconque lien de causalité entre la vente de son logement principal, la rupture litigieuse de son contrat de travail , intervenue trois ans auparavant, et l'existence d'un préjudice, Monsieur [I] sera débouté de ce chef de demande;

Sur le préjudice de retraite

Attendu que dans la mesure où le paiement de l'indemnité d'éviction s'est accompagnée du versement des cotisations afférentes par la prise en compte de la différence de salaire en brut, Monsieur [I] ne peut prétendre, sauf à revendiquer deux fois l'indemnisation du même préjudice, le paiement d'une indemnisation spécifique du préjudice lié à la perception d'une retraite diminuée;

Qu'il sera donc débouté de ce chef de demande;

Sur la perte de l'avantage en nature

Attendu que Monsieur [I] expose qu'en tant que directeur planification et intégration des services il bénéficiait d'un véhicule dont l'attribution constituait un avantage en nature; qu'il réclame donc l'indemnisation de la privation de cet avantage pendant toute la période d'éviction puis au-delà jusqu'au 19 janvier 2004, date de cessation définitive des relations contractuelles;

Que pour s'opposer à une telle demande, l'employeur réplique que l'expert n'a pas retenu ce chef de préjudice et que dans la mesure où Monsieur [I] faisait l'objet d'une retenue sur salaire pour l'utilisation privée du véhicule mis à sa disposition, il ne pouvait donc s'agir d'un avantage en nature:

Mais attendu qu'en premier lieu, il convient de relever que ce point n'était pas soumis à l'expertise de Monsieur [B] qui n'a donc pas écarté comme le prétend l'employeur ce chef de préjudice mais a répondu qu'il n'entrait pas dans le champ de sa saisine;

Qu'il n'en demeure pas moins que l'utilisation privée, ici non contestée et faisant d'ailleurs l'objet d'une mention sur le bulletin de paie, d'un véhicule mis à disposition du salarié de façon permanente constitue un avantage en nature; que cet avantage peut être consenti à titre gratuit ou moyennant une participation ou une contribution du salarié, laquelle ne remet pas en cause les modalités d'évaluation de l'avantage consenti mais vient seulement minorer la valeur dudit avantage à concurrence de cette participation dès lors qu'elle est inférieure aux dépenses réellement engagées par l'employeur pour assurer la mise à disposition, ce qui est ici non contesté;

Qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de Monsieur [I] sur la totalité de la période pendant laquelle il a été privé de cet avantage, selon ses modalités de calcul contestées en leur principe mais nullement en leur montant et dont le chiffrage procède de la fixation de la valeur de l'avantage en fonction du document établi par le comité d'entreprise le 2 septembre 2003 à la somme de 469 euros par mois diminuée d'une participation à hauteur de 135 euros;

Qu'UNISYS France sera donc condamnée à payer à Monsieur [I] la somme de 39 412 euros de ce chef;

Sur le préjudice résultant de la privation de la couverture gros risque

Attendu que le document intitulé ' bilan social 2002" d'UNISYS décrit les avantages sociaux dans l'entreprise au rang desquels figure un plan de prévoyance comportant une couverture 'gros risques' pour l'ensemble des salariés et leur famille; que Monsieur [I] ainsi que le confirment les mentions de son bulletin de paie bénéficiait ainsi que sa famille de cette couverture dont les effets ont cessé avec son licenciement le 31 mars 1994;

Que Monsieur [I] justifie avoir alors souscrit, pour compenser la perte de cette couverture une assurance auprès de la MACIF dont les cotisations pour la période du 1er avril 1994 au 31 mars 2002 s'élèvent, ainsi que l'indique le relevé produit, à la somme de 3 383,52 euros;

Que dans la mesure où l'intéressé a été privé du fait de la rupture irrégulière de cet avantage, l'employeur est tenu de lui rembourser les sommes qui ont été exposées pour tenter de le compenser;

Que Monsieur [I] sollicite la prise en charge des cotisations dont s'agit jusqu'au 31 mars 2003; que néanmoins dans la mesure où l'employeur a repris le paiement des salaires à compter du 23 mai 2002 et donc des cotisations afférentes à la prévoyance, il y a lieu de limiter cette indemnisation à la somme sus-visée que l'employeur sera condamné à lui payer;

Sur le préjudice moral liée à la discrimination

Attendu que dans son arrêt du 17 décembre 2009, la cour a constaté que Monsieur [I] avait été victime d'une discrimination syndicale;

Que sur la base des éléments qui lui sont soumis, la cour est en mesure d'évaluer le préjudice moral subi par l'intéressé à la somme de 1 000 euros que l'employeur sera condamné à lui payer;

Sur les autres chefs de préjudice

Attendu que Monsieur [I] sollicite également l'allocation de la somme de 10 000 euros au titre du préjudice subi du fait de la privation de divers avantages tels que 'la participation, l'intéressement, les conditions particulières, comité d'entreprise' figurant dans le guide de la rémunération;

Que cependant, au-delà du caractère flou et général de cette prétention, Monsieur [I] ne fournit aucun élément qui justifierait de ce qu'il bénéficiait précisément en ce qui le concerne et non par simple référence à un document général sur les éléments de rémunération des salariés, des avantages dont il dit avoir été privé du fait de la rupture irrégulière;

Qu'il sera donc débouté de ce chef de demande;

Sur les demandes reconventionnelles d'UNISYS France

Sur le remboursement des salaires versés du 23 mai 2002 au 16 janvier 2004

Attendu que la société UNISYS prétend que sur cette période elle a versé un salaire à Monsieur [I] sans contrepartie d'un travail et qu'il s'agirait ainsi d'un indû donnant droit à répétition à hauteur de 90 271 euros;

Mais attendu qu'en cas de litige sur le principe du paiement du salaire, il n'appartient pas au salarié de prouver qu'il a fourni un travail dont le salaire est la contrepartie; que c'est au contraire à l'employeur en tant que débiteur de l'obligation de paiement du salaire de démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou qu'il ne s'est pas tenu à sa disposition;

Qu'en l'espèce, UNISYS reconnaît avoir dispensé de travail Monsieur [I] qui avait sollicité sa réintégration le 29 mars 2002 à la suite de l'arrêt du conseil d'Etat du 21 décembre 2001 afin de travailler sur un plan de formation nécessaire à cette réintégration; qu'elle se prévaut ensuite de deux mises en demeure des 14 juin et 5 juillet 2002 faite à Monsieur [I] d'avoir à occuper effectivement le poste proposé;

Qu'il apparaît cependant au travers des échanges épistolaires entre les parties et du courrier de l'employeur transmis le 16 septembre 2002 à l'inspecteur du travail afin d'obtenir son autorisation pour licencier à nouveau Monsieur [I], que ce dernier a répondu à ses sollicitations en se présentant le 6 juin 2002 comme prévu au sein de la société pour y rencontrer le directeur des ressources humaines et le 15 juillet 2002 et que l'absence de prestation de travail de la part de ce dernier n'est pas la conséquence d'un refus de se placer à la disposition de l'employeur mais procède d'une contestation des conditions propres à assurer sa réintégration;

Que d'ailleurs l'employeur n'a pas remis en cause sur le moment le principe de la reprise du paiement du salaire, n'a pas positionné Monsieur [I] en situation d'absence injustifiée et s'est borné à solliciter ensuite son licenciement en raison de l'impossibilité dans ces conditions de poursuivre le contrat de travail mais non sur le fondement d'une faute disciplinaire dont il convient de relever qu'elle a été écartée par le conseil d'Etat dans son arrêt du 19 octobre 2012 valant autorisation définitive de licenciement;

Qu'il s'ensuit qu'UNISYS sera déboutée de ce chef de demande;

Sur le remboursement des frais d'expertise

Attendu qu'UNISYS sollicite la condamnation de Monsieur [I] à lui payer la somme de 3 000 euros correspondant à l'avance des honoraires ( 2 000 euros aquittés par elle et 1 000 euros payés pour le compte de Monsieur [I]) afférents à une première expertise ordonnée le 8 avril 2003 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en sa formation de référé dont le rapport a été déposé le 27 avril 2005;

Que néanmoins, cette expertise a trait à une précédente instance et a été écartée tant par le jugement de départage du 2 octobre 2007 que par la cour dans son arrêt du 17 décembre 2009; qu'UNISYS ne saurait solliciter le remboursement des frais afférents dans le cadre de la présente instance; que sa demande sera donc rejetée;

Sur la mise en cause de MALAKOFF MEDERIC RETRAITE AGIRC

Attendu que dans la mesure où aucune demande n'est dirigée contre cet organisme, il convient de le mettre hors de cause; qu'il en sera de même du GARP et du CRIS;

Sur les intérêts

Attendu que les sommes allouées et restant dues produiront intérêts à compter du 7 mai 2003 date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes s'agissant des sommes à caractère salarial ( reconstitution de salaire et congés payés) et à compter du présent arrêt pour autres sommes qui ont un caractère indemnitaire, le tout avec capitalisation;

Sur la remise de bulletins de paie rectifiés

Attendu qu'UNISYS France remettra à Monsieur [I] un bulletin de paie rectificatif portant mention des sommes allouées;

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'il est équitable de condamner UNISYS France à payer à Monsieur [I] la somme de 2 000 euros au titre des frais qu'il a exposés que ce soit au titre de la première instance que de l'appel;

Attendu que Pôle emploi et MALAKOFF MEDERIC RETRAITE AGIRC seront déboutées de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront à la charge d'UNISYS France, partie succombante à titre principal;

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Fixe les chefs de préjudice de Monsieur [I] aux sommes suivantes que la SAS UNISYS sera condamnée à lui payer :

* 284 929,82 euros à titre d'indemnité d'éviction correspondant à la reconstitution de salaire du 1er avril 1994 au 22 mai 2002,

* 28 492,98 euros au titre des congés payés afférents,

* 39 412 euros au titre de la privation de l'avantage en nature constitué par l'usage d'un véhicule de fonction,

* 3 383,52 euros au titre de la privation de la couverture gros risque,

* 1 000 euros au titre du préjudice moral consécutif aux faits de discrimination,

Dit que la somme de 285 400 euros perçue par Monsieur [I] à titre de provision viendra en déduction de la somme allouée au titre de la reconstitution de salaire et des congés payés afférents,

Dit que les sommes allouées et restant dues produiront intérêts à compter du 7 mai 2003 s'agissant des sommes à caractère salarial ( reconstitution de salaire et congés payés) et à compter du présent arrêt pour autres sommes qui ont un caractère indemnitaire, le tout avec capitalisation,

Déboute Monsieur [I] de ses autres demandes indemnitaires,

Dit que la SAS UNISYS France devra remettre un bulletin de paie rectificatif portant mention des sommes allouées,

Déboute la SAS UNISYS France de ses demandes reconventionnelles,

Déboute Pôle Emploi de ses demandes,

Met hors de cause MALAKOFF MEDERIC, le GARP et le CRIS,

Condamne la SAS UNISYS France à payer à Monsieur [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile que ce soit au titre de la première instance que de l'appel,

Condamne la SAS UNISYS France aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

David MACOUIN faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 14/08879
Date de la décision : 12/05/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°14/08879 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-12;14.08879 ?
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