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11/05/2017 | FRANCE | N°15/21800

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre a, 11 mai 2017, 15/21800


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 11 MAI 2017

jlp

N° 2017/ 392













Rôle N° 15/21800

16/06825





[K] [R] épouse [C]





C/



[Z] [F]

[N] [F]

[U] [Y]

[R] [Y]

[Q] [L] [P] veuve [Y]





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Jean-François LECA



Me Jean DEBEAURAIN
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Me Michelle CHAMPDOIZEAU











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'AIX-EN-PROVENCE en date du 24 Septembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 51/07/2

Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'AIX-EN-PROVENCE en date du 16 Décembre 2005 enregis...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 11 MAI 2017

jlp

N° 2017/ 392

Rôle N° 15/21800

16/06825

[K] [R] épouse [C]

C/

[Z] [F]

[N] [F]

[U] [Y]

[R] [Y]

[Q] [L] [P] veuve [Y]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-François LECA

Me Jean DEBEAURAIN

Me Michelle CHAMPDOIZEAU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'AIX-EN-PROVENCE en date du 24 Septembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 51/07/2

Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux d'AIX-EN-PROVENCE en date du 16 Décembre 2005 enregistré au répertoire général sous le n° 51/04/02

APPELANTE et INTIMEE

Madame [K] [R] épouse [C]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-François LECA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Paul DAMIANI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMES et APPELANTS

Monsieur [U] [Y]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Michelle CHAMPDOIZEAU PASCAL de la SCP PASCAL CHAMPDOIZEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Madame [R] [Y]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Michelle CHAMPDOIZEAU PASCAL de la SCP PASCAL CHAMPDOIZEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [Z] [F]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean DEBEAURAIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Madame [N] [F]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean DEBEAURAIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

Madame [Q] [L] [P] veuve [Y]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Michelle CHAMPDOIZEAU PASCAL de la SCP PASCAL CHAMPDOIZEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Mars 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2017,

Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

Le 20 octobre 1965, [H] [T] épouse [R] a consenti, par acte sous-seing privé, à [E] [Y], pour trois années renouvelable à effet du 29 septembre 1965, un bail à ferme portant sur sa propriété de [Localité 1] sise sur le territoire de la commune de [Localité 2] (Bouches-du-Rhône), à l'exception de la maison de maître et de trois hectares et demi de vignes au lieu-dit « [Localité 3] » et se composant de diverses terres labourables avec bâtiments d'habitation et d'exploitation, en contrepartie du versement d'un fermage annuel de 1500 kg de blé payé au cours officiel du blé fermage.

[E] [Y] est décédé le [Date décès 1] 1988, laissant pour lui succéder sa veuve, [Q] [P], et son fils, [C] [Y].

Par acte notarié du 16 décembre 1992, [K] [R] épouse [C], venant aux droits de sa mère, [H] [T] décédée le [Date décès 2] 1982, a vendu à [Z] [F] et [N] [L] épouse [F] une parcelle de terrain sise à [Localité 2] (Bouches-du-Rhône), quartier de [Localité 1] sur laquelle existe une maison d'habitation à détacher d'une propriété plus importante que la venderesse possède audit quartier. Ledit immeuble figure au cadastre rénové de ladite commune sous les relations suivantes :

-section AR n° [Cadastre 1] lieu-dit « [Localité 1] » pour une contenance de 1 are 50 centiares,

-section AR n° [Cadastre 2] même lieu-dit pour une contenance de 21 ares 74 centiares,

-section AR n° [Cadastre 3] même lieu-dit pour une contenance de 46 ares 30 centiares, soit une contenance totale de 50 ares 09 centiares.

Par un nouvel acte notarié du 30 mai 1996, Mme [C] a vendu à M. et Mme [F] sur la commune de [Localité 2] quartier de [Localité 1] une parcelle de terrain sur laquelle est édifié un hangar (...) Figurant au cadastre de la manière suivante : section AR n° [Cadastre 4] lieu-dit « [Localité 1] » pour 71 ca, section AR n° [Cadastre 5] même lieu-dit pour 64 ca.

Aucun de ces deux actes notariés ne mentionne l'existence du bail à ferme conclu en 1965.

Le 22 juillet 2002, [C] [Y], venant aux droits de son père décédé, a fait assigner Mme [C], ainsi que M. et Mme [F], devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en vue notamment d'obtenir leur expulsion des terres affermées.

[C] [Y] est décédé le [Date décès 3] 2004 laissant pour lui succéder ses deux enfants [U] et [R] [Y].

Mme [C] alors saisi, le 7 octobre 2004, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aix-en-Provence d'une demande dirigée contre [U] et [R] [Y] aux fins de résiliation du bail à ferme consenti le 20 octobre 1965 sur le fondement de l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime ; elle a, le 20 octobre 2004, saisi le tribunal d'une demande identique à l'encontre de [Q] [P], veuve de [E] [Y].

Le 8 décembre 2004, M. et Mme [F] ont également saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aix-en-Provence d'une demande de résiliation du bail à ferme.

Après jonction des instances connexes, le tribunal paritaire des baux ruraux a rendu un jugement, le 16 décembre 2005, aux termes duquel il a :

-dit n'y avoir lieu de sursoir à statuer en l'attente de la décision du tribunal administratif saisi d'un recours contre une autorisation préfectorale d'exploiter accordée à [U] [Y],

-dit les époux [F] irrecevables en leur action à l'encontre des consorts [Y],

-débouté Mme [C] de ses demandes en résiliation du bail rural consenti le 20 octobre 1965 à [E] [Y] et en expulsion des preneurs,

-donné acte à [R] [Y] et à [Q] [P] veuve [Y] de ce qu'elles ne sollicitent pas à leur profit la reprise du bail rural,

-dit qu'[U] [Y], fils du preneur précédent, [C] [Y] décédé le [Date décès 3] 2004, remplit les conditions pour bénéficier du droit de reprise du bail rural susvisé portant sur des parcelles sises à [Localité 2],

-constaté que l'assiette du bail rural est actuellement en litige devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence,

-débouté les consorts [Y] de leur demande de dommages et intérêts,

-ordonné l'exécution provisoire,

-condamné Mme [C] aux dépens et au paiement de la somme de 1200 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ce jugement a été partiellement réformé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (4ème chambre B) du 19 décembre 2006, qui a notamment :

-confirmé le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif de Marseille saisi d'un recours contre une autorisation préfectorale d'exploiter donnée à [U] [Y], donné acte à [R] [Y] et à [Q] [P] veuve [Y] de ce qu'elles ne sollicitent pas à leur profit la reprise du bail rural, dit qu'[U] [Y], fils du preneur précédent, [C] [Y] décédé le [Date décès 3] 2004, remplit les conditions pour bénéficier du droit de reprise du bail rural susvisé portant sur des parcelles sises à [Localité 2], constaté que l'assiette du bail rural est actuellement en litige devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence et débouté les consorts [Y] de leur demande de dommages et intérêts,

-réformé le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

-dit que le bail rural portant sur un domaine agricole sur le territoire de la commune de [Localité 2] (Bouches-du-Rhône) dit « [Adresse 1] » consenti le 20 octobre 1965 par [H] [T] épouse [R], aux droits et obligations de laquelle vient Mme [R] épouse [C], à [E] [Y], repris ensuite par [C] [Y], se continue au profit d'[U] [Y], preneur, et que le bailleur ne présente pas de motif de résiliation,

-dit que cet arrêt est opposable à toutes fins utiles à M. et Mme [F] en tant qu'ils sont propriétaires des parcelles cadastrées section AR n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], lieu-dit « [Localité 1] » à [Localité 2], acquises de Mme [R] épouse [C] par actes des 16 décembre 1992 et 30 mai 1996.

Entre-temps, par jugement du 13 avril 2006, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d'expulsion et de fixation de l'assiette du bail à ferme, a renvoyé l'affaire et les parties devant le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aix-en-Provence et a sursis à statuer sur le surplus des demandes jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue concernant l'existence et la fixation de l'assiette du bail; la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 23 novembre 2006, a rejeté le contredit à ce jugement formé par les consorts [Y].

L'autorisation d'exploitation des terres agricoles, qui avait été délivrée à [U] [Y] par une décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 juin 2005, a été annulée, à la demande de Mme [C], par un jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 15 octobre 2007, confirmé en appel, et celle-ci a, le 5 novembre 2007, fait sommation à M. [Y] de cesser toute culture ou labour sur ses parcelles.

Après avoir constaté que le bail rural du 20 octobre 1965 décrivait de façon imprécise l'assiette des terres affermées, du fait notamment de l'absence de toute référence cadastrale et de tout point de localisation précis, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aix-en-Provence a, par jugement du 23 novembre 2007, ordonné, avant-dire droit au fond, une expertise confiée à M. [K] afin de délimiter les terres et les bâtiments faisant l'objet du bail ; le tribunal a également rejeté la demande de sursis à statuer présentée par Mme [C], alors qu'étaient pendants le recours contre la décision préfectorale du 24 juin 2005 et le pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour du 19 décembre 2006.

Le 22 septembre 2008, le préfet des Bouches-du-Rhône a pris une nouvelle décision autorisant [U] [Y] à exploiter les parcelles en litige.

Par arrêt du 6 janvier 2009, la Cour de Cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel du 19 décembre 2006 ; Mme [C], d'une part, M. et Mme [F], d'autre part, ont saisi, par déclarations des 23 et 26 janvier 2009, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, désignée comme juridiction de renvoi.

Devant la cour de renvoi, les consorts [Y] ont déposé, le 13 octobre 2010, des conclusions dans lesquelles ils ont soutenu que la cour n'aurait pas été régulièrement saisie après renvoi de la Cour de cassation et que dès lors, le jugement rendu le 16 décembre 2005 par le tribunal paritaire des baux ruraux est passé en force de chose jugée ; ils ont indiqué, à titre subsidiaire, que [R] et [Q] [Y] ne revendiquent pas le bénéfice de la transmission du bail rural, qu'elles doivent ainsi être mises hors de cause, Mme [C] et les époux [F] devant être condamnés solidairement à leur payer la somme de 1000 € chacune à titre de dommages et intérêts, et que le bail doit se poursuivre au profit d'[U] [Y] en vertu des dispositions de l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime, celui-ci ayant la qualité d'exploitant agricole et ayant participé à l'exploitation du vivant de son père comme l'établissent les attestations produites aux débats ; [U] [Y] a ainsi sollicité la confirmation du jugement en ce qu'il rejette la demande de résiliation du bail et dit que le bail, dont bénéficiait [C] [Y], lui a été transmis de plein droit ; il a également demandé la condamnation de Mme [C] et des époux [F] à lui payer solidairement la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts.

La cour (4ème chambre C) statuant sur renvoi de cassation a, par arrêt du 10 novembre 2010 :

-constaté qu'elle est régulièrement saisie par Mme [C] et M. et Mme [F] après renvoi par la Cour de cassation,

-confirmé partiellement le jugement rendu le 16 décembre 2005, en ce qu'il a donné acte à [R] [Y] et [Q] [Y] de ce qu'elles ne sollicitent pas à leur profit la reprise du bail, mis les intéressées hors de cause et débouté [R] et [Q] [Y] de leur demande de dommages et intérêts et de frais irrépétibles,

-déclaré les consorts [F] irrecevables en leur action à l'encontre des hoirs [Y],

-sursis à statuer sur le surplus dans l'attente de la décision à intervenir de la juridiction administrative concernant la décision préfectorale d'exploitation accordée à [U] [Y].

Ensuite distribuée à la 11ème chambre A de la cour, l'affaire sur renvoi de cassation a été radiée par arrêt du 21 avril 2015 puis rétablie au rôle le 11 décembre 2015 sous le n° 15/21800 et attribuée à la 4ème chambre A de la cour.

Entre-temps, par exploit du 2 février 2009, sous les plus expresses réserves sur les droits d'[U] [Y] sur leurs biens, M. et Mme [F] ont fait délivrer à celui-ci un congé aux fins de reprise, pour le 1er octobre 2010, des parcelles cadastrées section AR n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] ; M. [Y] a contesté ce congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aix-en-Provence, mais son action a été déclarée irrecevable par un jugement du 27 novembre 2009, devenu définitif, du fait de l'irrégularité de la saisine de la juridiction par voie d'assignation.

Le rapport d'expertise de M. [K], désigné par le jugement du 23 novembre 2007, a été déposé le 26 janvier 2010.

C'est dans ces conditions que le tribunal paritaire des baux ruraux d'Aix-en-Provence a, par jugement du 24 septembre 2010 :

-fait interdiction à Mme [C] et à toute personne de son chef de s'opposer à l'exploitation par [U] [Y] des parcelles de la propriété située quartier [Localité 1] à [Localité 2], cadastrées AO [Cadastre 6], AR [Cadastre 7], AR [Cadastre 8], AR [Cadastre 9], AR [Cadastre 10], AR [Cadastre 11], AR [Cadastre 12], AR [Cadastre 13], AR [Cadastre 14] et AP [Cadastre 15],

-condamné Mme [C] à payer à [U] [Y] la somme de 814 € à titre d'indemnité d'occupation à compter du [Date décès 3] 2004 et jusqu'au prononcé de la décision,

-rejeté les fins de non-recevoir soulevées par Mme [C] et par M. et Mme [F] à l'encontre des demandes de dommages et intérêts formulés par [U] et [R] [Y],

-déclaré [U] et [R] [Y] recevables en leurs demandes de condamnation solidaire de Mme [C] et de M. et Mme [F] à payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance de leur père, [C] [Y],

-condamné solidairement Mme [C] et M. et Mme [F] à payer à [U] [Y] la somme de 278 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par son père, [C] [Y], du 16 décembre 1992 jusqu'au [Date décès 3] 2004 pour les parcelles cadastrées AR [Cadastre 3], AR [Cadastre 2], AR [Cadastre 1] et AR [Cadastre 5],

-condamné solidairement Mme [C] et M. et Mme [F] à payer à [R] [Y] la somme de 278 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par son père, [C] [Y], du 16 décembre 1992 jusqu'au [Date décès 3] 2004 pour les parcelles cadastrées AR [Cadastre 3], AR [Cadastre 2], AR [Cadastre 1] et AR [Cadastre 5],

-condamné solidairement Mme [C] et M. et Mme [F] à payer à [U] [Y] la somme de 764,50 € en réparation du préjudice subi par son père, [C] [Y], du 16 décembre 1992 jusqu'au [Date décès 3] 2004 pour les parcelles cadastrées AO [Cadastre 6], AR [Cadastre 7], AR [Cadastre 8], AR [Cadastre 16], AR [Cadastre 9], AR [Cadastre 10], AR [Cadastre 11], AR [Cadastre 12], AR [Cadastre 13], AR [Cadastre 14] et AP [Cadastre 15],

-condamné solidairement Mme [C] et M. et Mme [F] à payer à [R] [Y] la somme de 764,50 € en réparation du préjudice subi par son père, [C] [Y], du 16 décembre 1992 jusqu'au [Date décès 3] 2004 pour les parcelles cadastrées AO [Cadastre 6], AR [Cadastre 7], AR [Cadastre 8], AR [Cadastre 16], AR [Cadastre 9], AR [Cadastre 10], AR [Cadastre 11], AR [Cadastre 12], AR [Cadastre 13], AR [Cadastre 14] et AP [Cadastre 15],

-débouté M. et Mme [F] de leur appel en garantie à l'encontre de Mme [C],

-ordonné l'exécution provisoire de la décision,

-condamné solidairement Mme [C] et M. et Mme [F] à payer à [U] et [R] [Y] la somme de 750 €, chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

[U] et [R] [Y] ont régulièrement relevé appel de ce jugement en vue de sa réformation.

Par arrêt du 24 janvier 2012, la cour a ordonné le sursis à statuer jusqu'à la décision définitive de la juridiction administrative sur l'autorisation d'exploiter d'[U] [Y].

La cour administrative d'appel de Marseille a, par arrêt du 14 mars 2014, rejeté la requête de Mme [C] tendant à l'annulation du jugement rendu le 20 octobre 2011 par le tribunal administratif de Marseille, rejetant sa demande aux fins d'annulation de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 22 septembre 2008 autorisant [U] [Y] à exploiter les terres en litige, mais un pourvoi a été formé, le 19 mai 2014, par Mme [C] à l'encontre de cet arrêt.

Par un second arrêt du 25 septembre 2014, la cour a constaté que l'instance n'était pas périmée et a maintenu le sursis à statuer précédemment ordonné jusqu'à la décision définitive de la juridiction administrative sur l'autorisation d'exploiter accordé à M. [Y]; une ordonnance du président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du conseil d'État en date du 28 novembre 2014 a cependant donné acte à Mme [C] de son désistement de pourvoi.

L'affaire pendante devant la cour sur l'appel du jugement du 24 septembre 2010 a fait l'objet d'un retrait du rôle à la demande des parties, par arrêt du 7 janvier 2016, et a été rétablie, le 5 avril 2016, à l'initiative des consorts [Y], étant alors enrôlée sous le n° 16/06825 et distribuée à la 4ème chambre A.

En l'état, les parties ont été convoquées à l'audience de la cour du 8 novembre 2016 et, après renvoi, les deux affaires ont été évoquées à l'audience du 7 mars 2017.

Les consorts [Y] demandent à la cour, par conclusions déposées le 13 novembre 2015 et soutenues oralement à l'audience, de :

-ordonner l'expulsion de Mme [C] et de toute personne de son chef de la propriété sise à [Localité 2], quartier [Localité 1], contenant les parcelles cadastrées AO [Cadastre 6], AO [Cadastre 17], AR [Cadastre 7], AR [Cadastre 18], AR [Cadastre 8], AR [Cadastre 16], AR [Cadastre 9], AR [Cadastre 10], AR [Cadastre 11], AR [Cadastre 12], AR [Cadastre 19], AR [Cadastre 13], AR [Cadastre 20] (pour la moitié indivise) AR [Cadastre 14] et AP [Cadastre 21],

-ordonner l'expulsion de M. et Mme [F] et de toute personne de leur chef des parcelles de la propriété située quartier [Localité 1] à [Localité 2] cadastrées AR [Cadastre 3], AR [Cadastre 2], AR [Cadastre 1], AR [Cadastre 4] et AR [Cadastre 5] et ce, avec le concours de la force publique si nécessaire, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

-dire et juger qu'à compter du prononcé de la décision à intervenir, les intimés devront respecter et laisser respecter le droit de jouissance d'[U] [Y] sur les parcelles précitées,

-condamner les intimés à payer solidairement à [U] [Y] une indemnité occupation de 1000 € par mois d'occupation en cas de maintien, même partielle, dans les lieux,

-condamner solidairement les intimés à payer :

1°) à [U] [Y] :

' au titre de la réparation de ses préjudices personnels pour violation de ses droits de locataire et troubles de jouissance, la somme de 1000 € par mois d'occupation depuis le [Date décès 3] 2004 jusqu'à l'expulsion effective des requis,

' au titre de la réparation des préjudices subis par [C] [Y] depuis le 16 décembre 1992 jusqu'au jour de son décès, le [Date décès 3] 2004, la somme de 69 500 €,

' au titre de la réparation de son préjudice moral, la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts à l'application de l'article 1382 du code civil,

2°) à [R] [Y]:

' au titre de la réparation des préjudices subis par [C] [Y] depuis le 16 décembre 1992 jusqu'au jour de son décès, le [Date décès 3] 2004, la somme de 69 500 €,

' au titre de la réparation de son préjudice moral la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1382 du Code civil.

Subsidiairement, ils sollicitent la désignation d'un consultant ayant pour mission de fournir à la cour tous éléments d'appréciation de leurs préjudices et du montant de l'indemnité d'occupation et demandent, en ce cas, la condamnation solidaire des intimés à payer à M. [Y] une provision de 50 000 € et à Mlle [Y] une provision de 25 000 €, dans l'attente de la fixation définitive des indemnités leur revenant.

Enfin, ils réclament l'allocation, à chacun d'eux, de la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [C] sollicite, aux termes de ses conclusions déposées le 15 juillet 2016 et développées à l'audience, de :

A titre principal :

-prononcer la résiliation du bail,

Subsidiairement :

-réformer le jugement en ce qui concerne l'assiette du bail de 1965,

-dire, en conséquence, qu'elle porte sur les parcelles AO [Cadastre 6], AR [Cadastre 7], AR [Cadastre 8], AR [Cadastre 16], AR [Cadastre 9], AR [Cadastre 10], AP [Cadastre 22],

-dire que les parcelles AO [Cadastre 23], AO [Cadastre 17], AR [Cadastre 24], AP [Cadastre 21] a en nature de vigne constituent des parcelles à exclure du bail initial,

-dire que la parcelle AR [Cadastre 25] dépendant de la bastide est à exclure également de l'assiette du bail initial,

-dire que les parcelles AR [Cadastre 18], AR [Cadastre 20], [Cadastre 14], AR [Cadastre 12], AR [Cadastre 2], AR [Cadastre 1], AR [Cadastre 4], AR [Cadastre 5], AR [Cadastre 13], AR [Cadastre 3] et AR [Cadastre 11] ne peuvent figurer dans le bail initial en raison de leur nature et de leur absence d'intérêt agricole,

-réformer le jugement en ce qui concerne l'indemnité d'occupation mise à sa charge sans aucun fondement,

-réformer le jugement en ce qui concerne l'allocation de dommages et intérêts aux consorts [Y] en l'absence de tout préjudice de leur père,

-déclarer irrecevables ou à tout le moins infondées les demandes des consorts [Y] formulées à titre subsidiaire et tendant à la désignation d'un consultant et à la fixation d'une provision,

-condamner les appelants à lui rembourser les condamnations réglées en vertu de l'exécution provisoire,

-rejeter l'appel incident des époux [F],

-confirmer le jugement sur le rejet de l'appel en garantie,

-condamner les appelants à une somme de 8000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [F] demandent, pour leur part, à la cour, en l'état des conclusions qu'ils ont déposées le 7 novembre 2016 et soutenues oralement à l'audience, de :

Sur l'appel du jugement du 16 décembre 2005 :

'infirmer le jugement et statuant à nouveau,

A titre principal :

'dire et juger que les parcelles AR n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] sont exclues du bail rural conformément au rapport d'expertise,

'débouter, par conséquent, les consorts [Y] de l'ensemble de leurs prétentions,

'condamner in solidum les consorts [Y] au versement de 10 000 € à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire :

'constater le caractère définitif du congé délivré le 2 février 2009 à [U] [Y] sur les parcelles cadastrées AR n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] et prenant effet au 1er octobre 2010,

'dire et juger qu'[U] [Y] est occupant sans droit ni titre sur ses parcelles depuis le 1er octobre 2010,

En tout état de cause :

'condamner [U] et [R] [Y] à leur payer une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'appel du jugement du 24 septembre 2010 :

A titre principal :

'confirmer le jugement rendu le 24 septembre 2010 excluant les parcelles AR n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] de l'assiette du bail rural,

'débouter, par conséquent, les consorts [Y] de l'ensemble de leurs prétentions,

A titre subsidiaire :

'constater le caractère définitif du congé délivré le 2 février 2009 à [U] [Y] sur les parcelles situées sur la commune de [Localité 2] et cadastrées section AR n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] et prenant effet au 1er octobre 2010,

'dire et juger qu'[U] [Y] est occupant sans droit ni titre sur ses parcelles depuis le 1er octobre 2010,

'ordonner son expulsion et celle de toutes personnes de son chef, et ceux avec le concours de la force publique si nécessaire, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

'condamner in solidum les consorts [Y] au versement d'une indemnité d'immobilisation à hauteur de 1000 € par mois depuis le 1er octobre 2010,

'débouté les consorts [Y] de leur demande d'expulsion et de leurs demandes relatives à la réparation des dommages subis,

'dire et juger que la demande de réparation du préjudice personnel et moral par les consorts [Y] est une demande nouvelle en cause d'appel devant être déclarée irrecevable,

'réformer le jugement pour le surplus ayant rejeté la demande d'appel en garantie formalisée par eux à l'encontre de Mme [R] épouse [C],

A titre infiniment subsidiaire :

Sur les demandes relatives à la réparation des dommages subis par [C] [Y] :

'réformer le jugement rendu le 24 septembre 2010 les ayant condamnés en raison de l'occupation des parcelles dont ils sont propriétaires,

'dire et juger, par conséquent, que la réparation du préjudice subi par [C] [Y] ne peut se faire qu'à compter du 29 juillet 1997,

'dire et juger qu'ils ne pourront être condamnés que pour le préjudice subi en raison de l'occupation des parcelles dont ils sont propriétaires,

'dire et juger que le préjudice subi sera évalué à un euro par jour,

Sur les demandes relatives à la réparation des dommages subis par [U] [Y] :

'limiter le préjudice subi par [U] [Y] du 22 septembre 2008 au 1er octobre 2010,

En tout état de cause :

'condamner [U] et [R] [Y] à leur payer une somme de 6000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS de la DECISION :

Il convient de prononcer la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 15/21800 et 16/06825 en raison du lien de connexité les unissant.

1-L'appel du jugement du 16 décembre 2005 :

Par arrêt du 10 novembre 2010, cette cour, statuant sur renvoi de cassation, a confirmé le jugement du 16 décembre 2005 en ce qu'il a donné acte à [R] [Y] et [Q] [Y] de ce qu'elles ne sollicitent pas à leur profit la reprise du bail, mis celles-ci hors de cause et rejeté leur demande en paiement de dommages et intérêts et d'une indemnité de procédure, a déclaré M. et Mme [F] irrecevables en leur action à l'encontre des consorts [Y] et a sursis à statuer sur le surplus dans l'attente de la décision à intervenir de la juridiction administrative concernant l'autorisation d'exploiter accordée à [U] [Y].

La cour a notamment considéré que M. et Mme [F] n'ont jamais eu la qualité de bailleurs et que les parcelles acquises en 1992 et 1996, soit les parcelles AR n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], se trouvent exclues de l'assiette du bail consenti en 1965 à [E] [Y] ; à cet égard, il convient de rappeler que la contestation du congé délivré le 2 février 2009 par M. et Mme [F] à [U] [Y], sous les plus expresses réserves des droits de celui-ci relativement aux parcelles en cause, a été déclaré irrecevable par un jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Aix-en-Provence en date du 27 novembre 2009, devenu définitif.

M. et Mme [F], dont l'action a été déclarée irrecevable aux termes de l'arrêt du 10 novembre 2010, ne sauraient dès lors, en l'état actuel de la procédure, réclamer le paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation d'un prétendu préjudice.

[U] [Y], qui prétend à la continuation du bail à son profit à la suite du décès de son père survenu le [Date décès 3] 2004, justifie désormais être en règle avec le contrôle des structures, puisque par décision du 22 septembre 2008, le préfet des Bouches-du-Rhône l'a autorisé à exploiter les terres en litige, que par arrêt du 14 mars 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de Mme [C] tendant à l'annulation du jugement rendu le 20 octobre 2011 par le tribunal administratif de Marseille, rejetant sa demande aux fins d'annulation de la décision préfectorale, et que par une ordonnance du président de la 5ème sous-section de la section du contentieux du conseil d'État en date du 28 novembre 2014, il a été donné acte à Mme [C] de son désistement de pourvoi.

Il résulte de l'article L. 411-34, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime qu'en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès, que le droit au bail peut, toutefois, être attribué par le tribunal paritaire au conjoint, au partenaire d'un pacte civil de solidarité ou à l'un des ayants droit réunissant les conditions précitées et qu'en cas de demandes multiples, le tribunal se prononce en considération des intérêts en présence et de l'aptitude des différents demandeurs à gérer l'exploitation et à s'y maintenir ; il est de principe que la participation du conjoint, du partenaire dans le Pacs, de l'ascendant ou du descendant, prétendant à la poursuite du bail, pendant les cinq ans précédant le décès du preneur, n'a pas à être ininterrompue, mais doit correspondre à une véritable participation sur les lieux de l'exploitation, de manière effective et permanente, selon les critères définis par l'article L. 411-59 pour l'exercice du droit de reprise.

En l'occurrence, [U] [Y], qui a obtenu une autorisation préfectorale d'exploiter une superficie de 10 ha 72 a en blé dur et vignes, est inscrit à la caisse de Mutualité Sociale Agricole des Bouches-du-Rhône depuis le 29 juillet 2004 et au répertoire national des entreprises et de leurs établissements, tenu par l'INSEE, comme exploitant agricole, sous le code APE 011A « culture de céréales'cultures industrielles » depuis le 27 juillet 2004 ; pour établir la preuve de sa participation effective à l'exploitation de son père dans les cinq ans précédant le décès de celui-ci, soit du 27 juillet 1999 au [Date décès 3] 2004, il communique les attestations suivantes :

-l'attestation de la compagne de son père, Mme [M], laquelle précise que depuis l'accident de la circulation, dont avait été victime [C] [Y], le 29 mai 2003, son fils [U] l'avait remplacé quotidiennement sur l'exploitation pendant quelques mois après son accident ;

-l'attestation de M. [I], agriculteur domicilié sur la commune, lequel indique que depuis l'installation de la porcherie à [Localité 2], il s'approvisionnait régulièrement en lisier chez M. [Y], qu'il avait souvent livré du blé et du maïs pour l'élevage de celui-ci et que lors de ses livraisons, il avait souvent été reçu par [U] [Y] en l'absence de son père ;

-l'attestation de M. [Z], lequel déclare que depuis l'année 1990, il effectuait des livraisons de maïs chez [C] [Y], qu'il avait souvent été en contact avec son fils [U], qui réceptionnait la marchandise, et qu'il lui arrivait même d'attendre ce dernier, se trouvant sur les terres en train de labourer, pour décharger le camion ;

-l'attestation de Mme [H] épouse [Z], exploitante agricole, qui affirme que depuis l'année 1990, elle avait vu [U] [Y] prendre une part active aux travaux agricoles de l'exploitation avec son père ;

-l'attestation de [J] [W], agriculteur, déclarant avoir souvent rencontré [U] [Y] en train de travailler avec son père ;

-l'attestation de [W] [W], lequel indique qu'à l'occasion de livraisons de céréales, il avait souvent vu [U] [Y] donner un coup de main à son père sur l'exploitation, notamment pour le nettoyage des ruisseaux.

Force est de constater qu'hormis une période de quelques mois consécutive à l'accident, dont [C] [Y] a été victime le 29 mai 2003, durant laquelle son fils l'a remplacé, la participation effective de celui-ci à l'exploitation de son père dans les cinq ans précédant son décès, ne se trouve pas suffisamment établie par les attestations produites ; en effet, celles-ci relatent, pour l'essentiel, l'accomplissement de tâches effectuées lors la réception de livraisons de blé ou de maïs, qui concernent, non pas les terres labourables de Mme [C] incluses dans le bail, mais l'activité de porcherie également exercée par [C] [Y] et, eu égard à la teneur des déclarations, qui y sont contenues, ne permettent pas de prouver que l'aide apportée par [U] [Y] a été régulière au cours de la période de juillet 1999 à juillet 2004 et distincte d'une simple aide ponctuelle, l'un des témoins ([W] [W]) évoquant à cet égard un « coup de main ».

En outre, elles sont contredites par diverses attestations d'habitants de la commune, certains étant des exploitants agricoles (M. [V], M. [N], M. [U]), qui affirment n'avoir jamais vu [U] [Y] cultiver les terres de [Localité 4] avant le décès de son père survenu en [Date décès 4] 2004 ; le relevé de compte de l'intéressé auprès de la MSA mentionne d'ailleurs qu'il a été déclaré, occasionnellement, comme salarié agricole un mois en 1995 et quatre mois en 1996.

Il s'avère surtout qu'au cours de la période considérée, [U] [Y] a été le gérant d'une SARL Racing Moto Cycles ayant son siège à [Localité 5] (Var), distant d'une soixantaine de kilomètres du lieu de l'exploitation, société ayant démarré son activité de montage et réparation de cycles le 27 mai 1997 et mise en sommeil à compter du 30 novembre 2005, soit après le décès de [C] [Y].

Il résulte des éléments qui précèdent qu'[U] [Y] a été déclaré, occasionnellement, comme salarié agricole avant de créer en 1997 sa société de montage et réparation de cycles, dans une localité relativement éloignée des terres données à bail, société qu'il a dirigé jusqu'au décès de son père en juillet 2004, date à laquelle il s'est inscrit comme exploitant agricole ; dans ces conditions, sa participation à l'exploitation de [C] [Y], au cours de la période de juillet 1999 à [Date décès 4] 2004, n'a été, en l'état des éléments d'appréciation analysés, que ponctuelle, irrégulière et limitée à l'activité de porcherie, sans lien avec les terres labourables données à bail, sauf au cours des quelques mois ayant suivi l'indisponibilité de son père à la suite de son accident du 29 mai 2003 ; il convient dès lors de considérer que la condition de participation à l'exploitation, exigée par l'article L. 411-34 susvisé pour la continuation du bail au profit de l'ayant droit du preneur décédé, ne se trouve pas remplie, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, et de prononcer la résiliation du bail à ferme conclu le 20 octobre 1965 relativement à la propriété de Mme [T] épouse [R], aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui Mme [C], située à [Localité 1], commune de [Localité 2].

Le bail étant résilié, [U] [Y] ne peut qu'être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts formulée à l'encontre de Mme [C] et de M. et Mme [F].

2- L'appel du jugement du 24 septembre 2010 :

En application de l'article L. 411-4, alinéa 4, la résiliation du bail doit prendre effet soit à la fin de l'année culturale en cours, soit à la fin de l'année culturale suivante au choix des ayants droits, en cas de décès du preneur neuf mois au moins avant la fin de l'année culturale, et, dans le cas contraire, à la fin de l'année culturale suivante ; en l'occurrence, la résiliation du bail consécutive au décès du preneur survenu le [Date décès 3] 2004 est prononcée en vertu du présent arrêt, ce qui rend sans objet les demandes d'[U] [Y] tendant à ce qu'il soit fait interdiction à Mme [C], à M. et Mme [F] et à toute personne de leur chef de s'opposer à l'exploitation des parcelles, objet du bail de 1965, sachant que les parcelles AR [Cadastre 3], AR [Cadastre 2], AR [Cadastre 1] , AR [Cadastre 4] et AR [Cadastre 5] ont été exclues du bail par suite du congé aux fins de reprise délivré par M. et Mme [F] à effet du 1er octobre 2010, sous les plus expresses réserves des droits d'[U] [Y] sur ces parcelles.

À cet égard, il résulte des énonciations du rapport d'expertise que :

-la parcelle AR [Cadastre 3], vendue en 1992, était autrefois inexploitable car située dans un creux ;

-la parcelle AR [Cadastre 2], également vendue en 1992, est à usage de sol autour de la maison et de jardin et n'avait donc aucune vocation agricole particulière ;

-la parcelle AR [Cadastre 1] était à l'abandon lors de sa vente en 1992 ;

-la parcelle AR [Cadastre 4], vendue en 1996, consistait en une remise en ruines ;

-la parcelle AR [Cadastre 5], également vendue en 1996, consistait en une petite portion de terre, sans vocation agricole.

Mme [C] n'a jamais contesté que les parcelles AO [Cadastre 6], AR [Cadastre 7], AR [Cadastre 8], AR [Cadastre 16], AR [Cadastre 9] et AR [Cadastre 10] étaient bien incluses dans le bail de 1965, de même qu'une partie de la parcelle AP [Cadastre 21], complantée de blé, à la suite d'un échange intervenu en 1975 ; s'agissant des autres parcelles, ayant donné lieu à discussion entre les parties, il convient de relever en l'état des constatations effectuées par M. [K], dans le cadre de ses opérations d'expertise, et des pièces produites aux débats que :

-la parcelle AO [Cadastre 17], qui était plantée en vigne sur une superficie de 8880 m², soit environ 1/3  de la parcelle, lors de la conclusion du bail 1965, n'a jamais été exploitée par [C] [Y] ;

-la parcelle AR [Cadastre 18] est en nature de chemin desservant les parcelles riveraines, par nature inexploitable ;

-la parcelle AR [Cadastre 11], entièrement boisée, n'a jamais été exploitée par M. [Y] ;

-la parcelle AR [Cadastre 12] est à usage de sol le long de la maison et est traversée par un chemin d'accès aux parties bâties, ce dont il résulte qu'elle ne peut être exploitée de façon agricole, sauf comme jardin d'agrément autour de la maison ;

-la parcelle AR [Cadastre 25] est une parcelle bâtie, occupée par Mme [C], et dépend de la maison de maître ou bastide, expressément exclue de l'assiette du bail de 1965 ;

-la parcelle AR [Cadastre 13], contigüe au hameau, est constituée d'un bois et n'était pas exploitée par M. [Y] ;

-la parcelle AR [Cadastre 20] consiste dans une cour située devant la bastide et les maisons du hameau, qui n'est pas exploitable ;

-la parcelle AR [Cadastre 14] est en nature de bassin situé au sud des bâtiments de la propriété de [Localité 1].

Le bail conclu en 1965 portait sur la totalité de la propriété à l'exception de la maison de maître et de 3 ha et demi environ de vignes et se composant de diverses terres labourables avec bâtiments d'habitation et d'exploitation ; il convient dès lors de considérer que l'assiette du bail, de laquelle se trouvent exclues les vignes pour environ 3 hectares et demi, ainsi que la maison de maître, y compris le sol autour des bâtiments, correspond aux parcelles cadastrées AO [Cadastre 6], AR [Cadastre 7], AR [Cadastre 8], AR [Cadastre 16], AR [Cadastre 9], AR [Cadastre 11], AR [Cadastre 13], AR [Cadastre 14] et AP [Cadastre 15] (pour 24 a 19 ca).

[U] [Y] ne justifie pas qu'à la suite du décès de son père et jusqu'à l'issue soit de l'année culturale en cours lors du décès, soit de l'année culturale suivante, il a été empêché de poursuivre l'exploitation des terres affermées, étant d'ailleurs précisé que les parcelles en litige, quant à la détermination de l'assiette du bail de 1965, étaient alors inexploitées ou n'avaient aucune vocation agricole ; sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation ne peut dès lors qu'être rejetée en l'état.

De même, rien ne permet d'affirmer que de son vivant, [C] [Y] a été réellement et durablement troublé dans sa jouissance des parcelles incluses dans le bail ou qu'il ait subi un préjudice particulier en raison de l'impossibilité d'exploiter certaines parcelles, du fait de la bailleresse ; il est notamment versé aux débats un procès-verbal de constat établi à sa demande, le 24 janvier 2002, par Me [S], huissier de justice, ainsi qu'une lettre recommandée adressée, le 26 avril 2002, par son conseil à Mme [C], se plaignant de la vente de certaines parcelles à M. et Mme [F], de l'occupation par la propriétaire de parcelles prétendument incluses dans le bail et d'obstacles apportés à l'utilisation d'un chemin de 3 m de large autour des bâtiments ; pour autant, à l'exception de la parcelle AR [Cadastre 13], dont il a été indiqué plus haut qu'elle est en nature de bois, les parcelles visées dans ce courrier n'étaient pas incluses dans l'assiette du bail et les parcelles, vendues en 1992 et 1996 à M. Mme [F], n'avaient aucune vocation agricole ; quant aux obstacles prétendument apportés à l'exercice d'une servitude de passage, ils ne sont pas invoqués par les consorts [Y], dans leurs dernières conclusions, comme source d'un préjudice qu'aurait subi leur auteur ; ainsi, [U] et [R] [Y] ne peuvent qu'être déboutée de leurs demandes, faites en leurs qualités d'héritiers de [C] [Y], d'indemnisation des préjudices prétendument subis par celui-ci.

Il est sans intérêt de désigner un consultant afin d'évaluer des préjudices, dont l'existence même ne se trouve pas établie.

M. et Mme [F] sont fondés à obtenir l'expulsion d'[U] [Y], selon des modalités qui seront précisées ci-après, des parcelles AR [Cadastre 3], AR [Cadastre 2], AR [Cadastre 1], AR [Cadastre 4] et AR [Cadastre 5], dont il est occupant sans droit ni titre depuis le 1er octobre 2010, sans qu'il y ait lieu toutefois, en l'état actuel, au versement d'une astreinte ou d'une indemnité d'immobilisation.

Aucune condamnation n'étant finalement prononcée à l'encontre de M.et Mme Mme [F], l'appel en garantie de ces derniers à l'encontre de Mme [C] apparaît sans objet ; en toute hypothèse, les intéressés ne pouvaient ignorer l'existence du bail rural, dont bénéficiait [C] [Y], puisque M. [F] avait été le salarié de celui-ci et son voisin depuis plusieurs années, en dépit de l'absence de référence à un tel bail dans les actes de vente.

L'obligation pour les consorts [Y] de rembourser les sommes versées au titre de l'exécution provisoire, dont le jugement du 24 septembre 2010 était assorti, opère de plein droit en vertu du présent arrêt, en sorte qu'il est superflu d'ordonner ce remboursement.

3-les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, dans son ensemble, il convient de faire masse des dépens de première instance et d'appel, lesquels seront supportés par les consorts [Y] ; il y a lieu également de faire application, dans les conditions qui seront déterminées au dispositif, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [C], d'une part, et de M. et Mme [F], d'autre part.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Prononce la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 15/21800 et 16/06825,

S'agissant de l'appel du jugement du 16 décembre 2005 :

Vu l'arrêt de cette cour (4ème chambre C) en date du 10 novembre 2010 statuant sur renvoi de cassation,

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a :

-débouté Mme [C] de ses demandes en résiliation du bail rural consenti le 20 octobre 1965 à [E] [Y] et en expulsion des preneurs,

-dit qu'[U] [Y], fils du preneur précédent, [C] [Y] décédé le [Date décès 3] 2004, remplit les conditions pour bénéficier du droit de reprise du bail rural portant sur des parcelles sises à [Localité 2],

-condamné Mme [C] aux dépens et au paiement de la somme de 1200 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Prononce la résiliation du bail à ferme conclu le 20 octobre 1965 relativement à la propriété de Mme [T] épouse [R], aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui Mme [C], située à [Localité 1], commune de [Localité 2] (Bouches-du-Rhône),

Déboute [U] [Y] de sa demande en paiement de dommages et intérêts formulée à l'encontre de Mme [C] et de M. et Mme [F],

Rejette toutes autres demandes,

S'agissant de l'appel du jugement du 24 septembre 2010 :

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Dit sans objet les demandes d'[U] [Y] tendant à ce qu'il soit fait interdiction à Mme [C], à M. et Mme [F] et à toute personne de leur chef de s'opposer à l'exploitation des parcelles, objet du bail de 1965, dont la résiliation est prononcée en vertu du présent arrêt,

Déboute [U] [Y] de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation,

Déboute [U] et [R] [Y] de leurs demandes, faites en leurs qualités d'héritiers de [C] [Y], d'indemnisation des préjudices prétendument subis par celui-ci de son vivant,

Dit qu'[U] [Y] devra libérer et rendre libres les parcelles cadastrées à [Localité 2] AR [Cadastre 3], AR [Cadastre 2], AR [Cadastre 1], AR [Cadastre 4] et AR [Cadastre 5], dont il est occupant sans droit ni titre depuis le 1er octobre 2010, et qu'à défaut, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique,

Rejette toutes autres demandes,

S'agissant des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Fait masse des dépens de première instance et d'appel, lesquels seront supportés par les consorts [Y],

Condamne ces derniers à payer à Mme [C] la somme de 2000 € et à M. et Mme [F] la même somme de 2000 € à titre d'indemnités de procédure,

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre a
Numéro d'arrêt : 15/21800
Date de la décision : 11/05/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°15/21800 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-11;15.21800 ?
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