COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 28 AVRIL 2017
N° 2017/370
Rôle N° 15/09050
SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE
C/
[E] [Q]
SYNDICAT COMMERCE ET SERVICES CFDT DES BOUCHES DU RHONE
Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHONE
Grosse délivrée
le :
à :Me Guillaume ROLAND
Me Roger VIGNAUD
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section C - en date du 15 Novembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 08/3486.
APPELANTE
SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Guillaume ROLAND, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Madame [E] [Q], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIES INTERVENANTES
SYNDICAT COMMERCE ET SERVICES CFDT DES BOUCHES DU RHONE demeurant [Adresse 3]
non comparant
Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Février 2017 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Christophe RUIN, Président
Mme Marina ALBERTI, Conseiller
Monsieur Yann CATTIN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2017.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2017.
Signé par Monsieur Christophe RUIN, Président et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, il sera référé à l'arrêt avant dire droit en date du 9 décembre 2016 par lequel la cour a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 30 septembre 2016, 9 heures, pour Mme [E] [Q] :
- produire le contrat de travail de M. [D] et l'avenant de reprise,
- communiquer les bulletins de salaire de ce salarié,
ainsi que la société Elior services propreté et santé (ci-après ESPS), présenter, si elle l'estime utile, toutes observations au vu de ces éléments.
Des communications de pièces sont intervenues entre les parties.
A l'audience, elles ont déposé et développé à la barre de nouvelles conclusions par lesquelles elles réitèrent leurs demandes et les moyens d'ores et déjà soutenus, enrichis de nouvelles considérations relatives notamment à l'application au litige de l'article L. 1224-3-2 du code du travail issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, Mme [E] [Q] réclamant les sommes suivantes :
- 7 368,30 euros au titre du rappel de 13ème mois,
- 2 428,25 euros ou, subsidiairement 1 214,13 euros, au titre de la prime d'insalubrité,
- 2 875,56 euros (net) à titre d'indemnité de transport,
- 8 028,72 euros ou, subsidiairement 1 755,37 euros, au titre de la prime d'assiduité,
- 390,25 euros au titre de la prime spécifique hospitalière,
- 153,03 euros au titre d'un rappel de prime de remise en état,
- 1 500 euros en réparation du préjudice moral et financier subi du fait de l'inégalité de traitement mise en oeuvre par l'entreprise,
et portant à la somme de 700 euros sa demande au titre des frais irrépétibles.
Dans ses dernières conclusions développées oralement lors de l'audience du 10 février 2017, le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône a renoncé à son intervention ainsi qu'à toute demande dans le cadre de la présente instance.
Le syndicat commerce et services CFDT des Bouches-du-Rhône n'est pas comparant et n'est plus représenté.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée, à l'arrêt avant dire droit et aux conclusions déposées qui ont été oralement reprises lors de l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le principe 'à travail égal, salaire égal', dégagé par la jurisprudence, oblige l'employeur à assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ou, du moins, à devoir justifier toute disparité de salaire. Cette règle est une application particulière du principe d'égalité de traitement entre les salariés. Elle s'oppose à ce que des salariés, placés dans une situation identique, soient traités différemment au regard de l'octroi d'une augmentation de salaire, d'une prime ou d'un avantage.
Constituent une rémunération le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier (article L. 3221-3 du code du travail).
Le principe d'égalité de rémunération s'applique dans la mesure où les salariés sont placés dans une situation identique. Le principe 'à travail égal, salaire égal' ne s'applique pas lorsque des salariés travaillent pour des entreprises différentes, peu important qu'elles appartiennent au même groupe ou que ces salariés soient soumis à la même convention collective.
Le principe d'égalité de rémunération ne se limite pas aux situations dans lesquelles les salariés effectuent simultanément un travail égal pour un même employeur. Un salarié peut en conséquence réclamer une rémunération identique à celle perçue par un salarié effectuant le même travail, que ce dernier ait été embauché antérieurement à son entrée en fonction ou postérieurement.
L'égalité salariale exige que les salariés exercent un même travail ou un travail de valeur égale, c'est à dire qu'ils soient dans une situation comparable au regard de la nature de leur travail et de leurs conditions de formation et de travail. Sont considérés comme tels les travaux qui, sans être strictement identiques, exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse (article L. 3221-4 du code du travail).
Les différences de rémunération entre des salariés exerçant un travail égal ou de valeur égale sont licites dès lors qu'elles sont justifiées par des critères objectifs et pertinents, étrangers à toute discrimination.
L'employeur peut donc accorder une augmentation de salaire, une prime ou un avantage à certains salariés si tous ceux placés dans une situation identique au regard de l'avantage en bénéficient et si les règles déterminant son octroi sont préalablement définies et contrôlables, ce qui suppose qu'elles soient portées à la connaissance des salariés concernés.
Une différence de traitement peut se justifier par l'application d'une disposition légale ou d'une décision de justice. En revanche, l'employeur ne peut pas opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier une égalité de rémunération ou de traitement.
Pour l'attribution d'un avantage particulier, une différence de statut juridique entre des salariés placés dans une situation comparable au regard dudit avantage, ne suffit pas, à elle seule, à exclure l'application du principe d'égalité de traitement. Il appartient à l'employeur de démontrer que la différence de traitement entre des salariés placés dans la même situation au regard de l'avantage litigieux, repose sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.
Un accord collectif ne peut prévoir de différences de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise, exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elles reposent sur des raisons objectives dont un juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence. Il ne peut donc y avoir de différence de traitement entre des salariés de différents établissements, sites ou chantiers d'une même entreprise que si elles reposent sur des raisons objectives avec des éléments d'appréciation matériellement vérifiables. Mais, s'agissant du régime de la preuve, les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d'accords d'établissement négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de ces établissements, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'établissement et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.
Les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.
En revanche, une différence de catégorie professionnelle ou d'établissements entre des salariés placés dans une situation comparable au regard d'un avantage ne suffit pas, à elle seule, à exclure l'application du principe d'égalité dès lors que cet avantage résulte d'une décision unilatérale de l'employeur. Dans ce cas, l'employeur doit démontrer que la différence de traitement repose sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.
Est insuffisante à elle seule pour justifier une inégalité de rémunération une différence de statut juridique. Ne suffit pas non plus la circonstance qu'un salarié soit engagé avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ou d'un engagement unilatéral de l'employeur, sauf s'ils ont pour objet de compenser un préjudice subi par les salariés présents dans l'entreprise lors de leur mise en place. Il en est de même en cas d'embauche avant ou après la dénonciation d'un accord ou d'un engagement unilatéral de l'employeur ou avant ou après la modification des conditions d'attribution d'un avantage résultant d'un usage.
L'obligation légale (transfert du contrat de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail) à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en cas de transfert d'une entité économique, de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits qu'ils tiennent au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés.
Par contre, si le maintien des contrats de travail de salariés transférés à un nouvel employeur, prévu en cas de perte d'un marché, et de primes ou avantages dont bénéficiaient à ce titre les intéressés, ne résulte pas de l'application de la loi mais d'une convention collective et n'est pas destiné à compenser un préjudice spécifique à cette catégorie de travailleurs, l'inégalité qui en résulte entre salariés accomplissant le même travail pour le même employeur méconnaît ainsi le principe d'égalité de traitement si elle n'est pas justifiée par des raisons pertinentes et objectives.
Des raisons conjoncturelles ou liées aux contraintes imposées à certains salariés d'une entreprise ou de l'un de ses établissements permettent de déroger à l'égalité de rémunération ou de traitement entre les salariés.
Ne déroge pas au principe de l'égalité de rémunération ou de traitement un avantage accordé à certains salariés de l'entreprise visant à compenser un préjudice spécifique à ces travailleurs et ayant ainsi pour objet de ramener ces salariés à la hauteur de la rémunération des autres salariés de l'entreprise effectuant un travail égal ou de valeur égale dans d'autres établissements ou sur d'autres sites ou chantiers.
De même, dans le cas des transferts d'entreprise avec mise en cause de l'application de la convention collective, le maintien des avantages individuels acquis au profit du personnel transféré à une nouvelle entreprise, bien que ces avantages n'aient pas à cette occasion été appliqués aux autres salariés, ne déroge pas au principe de l'égalité de rémunération ou de traitement. En effet, le maintien des avantages individuels acquis ne heurte pas le principe d'égalité de traitement car il a pour objet de compenser le préjudice résultant de la dénonciation de l'accord collectif instituant ces avantages.
Il appartient à la personne qui s'estime victime d'une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait, loyalement obtenus, laissant supposer son existence. Il incombe ensuite à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Ces règles de preuve ne s'appliquent pas en cas de différences de traitement entre catégories professionnelles, ou entre des salariés exerçant au sein d'une même catégorie professionnelle des fonctions distinctes, ou entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie de conventions collectives ou accords collectifs négociés et signés par des organisations syndicales et patronales représentatives.
En cas de litige, les juges doivent se livrer à une analyse comparée des éléments de rémunération des salariés, avantage par avantage ayant la même cause ou le même objet et non au regard d'une rémunération globale (mensuelle ou annuelle) qui n'aurait pas de sens compte tenu des spécificités propres à la situation de chaque salarié (ancienneté, durée du travail etc.), ainsi que des missions, des tâches et des responsabilités des salariés.
Selon les dispositions de l'article L. 1224-3-2 du code du travail : ' Lorsque les contrats de travail sont, en application d'un accord de branche étendu, poursuivis entre deux entreprises prestataires se succédant sur un même site, les salariés employés sur d'autres sites de l'entreprise nouvellement prestataire et auprès de laquelle les contrats de travail sont poursuivis ne peuvent invoquer utilement les différences de rémunération résultant d'avantages obtenus avant cette poursuite avec les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis.'. Ces dispositions législatives ne sont pas applicables au litige concernant une demande en paiement de primes ou avantages particuliers accordés par l'employeur à des salariés affectés sur d'autres sites à une date antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
- Sur la prime de treizième mois -
La salariée sollicite un rappel au titre d'une prime de 13ème mois, égale à 100 % du salaire, en se fondant notamment sur le fait qu'une telle prime bénéficie aux salariés effectuant un même travail, ou un travail de valeur égale, sur d'autres sites exploités par l'employeur ou qui étaient exploités par la société ESPS. Sont cités notamment les salariés de l'entreprise appartenant à la même catégorie professionnelle qui travaillent ou ont travaillé sur les sites de la polyclinique de [Localité 1], du centre hospitalier [Établissement 1] à [Localité 2] et de la clinique [Établissement 2].
Au regard d'un accord signé en date du 20 décembre 2000, complété le 21 novembre 2001, entre la société SFGH Hôpital Service et des syndicats représentatifs (CFDT et CGT), les salariés travaillant sur le site du centre hospitalier [Établissement 1] à [Localité 2] ont bénéficié à compter du 1er janvier 2001 et jusqu'en 2010 (année où ce marché sera repris par la société Onet Services) d'une gratification annuelle (dénommée GFA 13ème mois ou prime de fin d'année selon les documents), prime dont le montant a été porté progressivement à 100 % du salaire de décembre (au prorata du temps de présence dans l'année écoulée et de l'ancienneté dans l'entreprise) et qui était mentionnée sur le bulletin de paie de décembre. M. [P], délégué syndical, atteste en ce sens. Les bulletins de paie (produits pour la période 2001-2009) de M. [N] et de Mme [K], agents de service propreté travaillant sur le même site, mentionnent la perception d'une gratification annuelle de fin d'année perçue à compter de 2001 et atteignant 100 % du salaire (brut) de base (dès 2006 pour l'un et à compter de 2009 pour l'autre).
À la lecture d'un protocole d'accord de fin de conflit en date du 11 avril 2001, il apparaît que les salariés de la société SFGH Hôpital Service travaillant sur le site de la clinique [Établissement 2] bénéficiaient depuis 2000 d'un 13ème mois (sans réduction au titre des absences pour accident du travail ou maladie pour les 22 premiers jours cumulables sur l'exercice).
Les bulletins de paie de salariés de l'entreprise ayant travaillé sur le site de la polyclinique de [Localité 1], tant en qualité de gouvernante (Mme [B]) ou chef d'équipe (Mme [J]) qu'en qualité d'agent de service (Mme [H], Mme [F], M. [S]) mentionnent la perception annuelle, entre 2012 et 2014, d'un 13ème mois sur la base de 100 % du salaire (brut) de base (au prorata du temps de présence dans l'entreprise au cours de l'année).
Le 11 juillet 2009, Mme [L], déléguée du personnel et du comité d'entreprise, attestait que la quasi-totalité des salariés de la société SFGH Hôpital Service travaillant sur le site de la clinique [Établissement 3] bénéficiaient d'un 13ème mois au prorata du temps de travail.
Ces éléments de fait sont susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération entre salariés de sites différents d'une même entreprise, appartenant à la même catégorie professionnelle et exerçant un travail égal ou de valeur égale, étant précisé qu'il est indifférent que l'une des salariés dont les bulletins de salaire sont produits à titre d'éléments comparatifs ne soit plus employée par la société ESPS dans la mesure où ils l'ont été pendant la période concernée par la réclamation de l'intimée.
La société Elior services propreté et santé, qui ne conteste ni que tous les cadres et agents de maîtrise de l'entreprise bénéficient d'un treizième mois, ni même que certains salariés effectuant un travail égal ou de valeur égale à celui de l'intimée (agent de propreté effectuant un service de nettoyage en milieu hospitalier dans des conditions identiques ou équivalentes), mais sur des sites différents, bénéficient également d'un 13ème mois sur la base de 100 % du salaire (brut) de base, conclut toutefois au rejet de la demande de rappel à ce titre.
La société ESPS fait valoir d'abord que lors de la reprise du marché de nettoyage du centre hospitalier [Établissement 1] à [Localité 2], elle a maintenu aux salariés travaillant sur le site la prime de fin d'année accordée par l'ancien prestataire (ONET), ce en application de la convention collective nationale des entreprises de propreté. L'article 7 de cette convention collective (accord du 29 mars 1990) mentionne notamment que l'entreprise entrante doit maintenir l'emploi du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise et poursuivre le contrat de travail en maintenant au salarié sa rémunération mensuelle brute correspondant au nombre d'heures habituellement effectuées sur le marché repris, ainsi que les éléments de salaire à périodicité fixe de manière à garantir le montant global annuel du salaire annuel antérieurement perçu correspondant au temps passé sur le marché repris (le nouvel employeur n'est pas tenu de maintenir les différents libellés et composant de la rémunération, ni d'en conserver les mêmes modalités de rémunération).
Sur ce point, il sera rappelé qu'un transfert de contrat de travail, avec maintien des éléments de rémunération, effectué en application d'une convention collective (et non de la loi ou d'une décision de justice) ne constitue pas à lui seul un élément pertinent de nature à justifier une inégalité de traitement entre des salariés accomplissant un même travail pour un même employeur.
La société ESPS relève également que des accords collectifs, notamment de fin de conflit, signés en faveur de salariés travaillant sur un site ou un chantier précis n'ont pas vocation à s'appliquer au-delà du périmètre de la négociation, en tout cas obligent le demandeur en matière d'égalité de traitement à démontrer que la disparité créée par l'accord est étrangère à toute considération professionnelle. Elle expose que ces accords n'ont ainsi vocation à régir que les relations de travail au sein d'un établissement déterminé et qu'en conséquence, les salariés qui ne relèvent pas de ces accords d'établissement ne peuvent prétendre subir une discrimination salariale au seul motif qu'ils n'en bénéficient pas, l'égalité salariale ne devant être analysée qu'au seul regard du périmètre de l'établissement. Elle ajoute que l'avantage ainsi accordé aux salariés dans le cadre de l'exécution d'un accord d'établissement conclu après négociation collective place nécessairement ces salariés dans une situation différente de celle des salariés qui n'y sont pas employés, différence de situation d'ailleurs présumée.
En l'espèce, l'appelante ne soutient ni ne démontre que les accords invoqués relèvent du maintien à des salariés transférés des avantages individuels acquis, suite à la dénonciation d'un accord collectif ou à un transfert du contrat de travail imposé par la loi, ou visent à compenser un préjudice résultant de l'absorption de la société SFGH Elior services propreté et santé ou de la mise en cause de l'application d'un accord collectif. Il n'est pas plus établi que l'avantage accordé à certains salariés effectuant un travail égal ou de valeur égale visait à compenser un préjudice spécifique à cette catégorie de travailleurs et avait ainsi pour objet de ramener ces salariés à la hauteur de la rémunération des salariés affectés dans d'autres établissements ou sur d'autres sites ou chantiers de la société Elior services propreté et santé.
En outre, il convient de constater, d'une part, que les quelques accords collectifs produits, s'agissant de la prime de treizième mois, ne mentionnent pas expressément, ou même de façon implicite, un périmètre d'application limité à un établissement particulier de l'entreprise et que, d'autre part, la prime de 13ème mois sur la base de 100 % du salaire a été accordée en l'espèce par l'employeur à des salariés, effectuant un travail égal ou de valeur égale à celui de l'intimée, autres que ceux travaillant dans les seuls établissement où l'existence d'accords collectifs spécifiques est alléguée et autres que ceux devant en bénéficier en application de la loi ou d'une décision de justice exécutoire, ce sans justifier de critères objectifs et pertinents.
En cas de concours de conventions ou accords collectifs suite à une absorption, la comparaison doit être faite non en procédant à une appréciation globale de la rémunération moyenne totale résultant de l'application de chacun d'eux mais avantage par avantage ayant la même cause ou le même objet, le plus favorable devant alors être accordé aux salariés de l'entreprise absorbée.
Il ne sera pas développé outre sur la question de savoir si la prime de 13ème mois bénéficiant aux cadres et agents de maîtrise de la société ESPS relève du maintien d'avantages individuels acquis, suite à la dénonciation de la convention collective nationale des entreprises de nettoyage de 1981, alors que l'intimée appartient à la catégorie des agent de propreté.
Vu les observations susvisées, s'agissant d'une prime de 13ème mois sur la base de 100 % du salaire (brut) de base (au prorata du temps de présence dans l'entreprise au cours de l'année) pour la période considérée (à compter de 2008), la société ESPS, qui ne peut valablement soutenir qu'au jour de la signature de ces accords elle se trouvait dans une situation de transfert du contrat de travail au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail, ne justifie nullement d'éléments objectifs et pertinents qui légitimeraient cette différence de traitement entre salariés effectuant un travail égal ou de valeur égale sur des sites distincts. Si elle soutient que la situation des salariés ayant bénéficié de tels accords doit être appréciée de façon globale au regard notamment de sujétions particulières de certains sites, elle ne verse aux débats aucun document en ce sens.
Le treizième mois de salaire est calculé en l'espèce pour l'année entière, périodes de travail et de congé confondues, en sorte que son montant n'est pas affecté par le départ des salariés en congé et que cette prime est exclue de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de Mme [E] [Q] en matière de rappel de prime de 13ème mois, mise à jour et formulée désormais en tenant compte du délai de prescription, sauf à fixer à 5 728,89 euros la somme allouée à ce titre pour les années 2004 à 2013 telle que justifiée par l'intimée (au vu des bulletins de salaire produits aux débats) et à ne pas y ajouter une quelconque somme au titre des congés payés afférents non réclamés devant la cour.
- Sur la prime de salissure ou d'insalubrité -
Mme [E] [Q] sollicite, à titre principal, un rappel au titre d'une prime dite 'prime d'insalubrité', en fait 'prime de salissure', correspondant à la somme de 0,305 euro de l'heure travaillée, prime dont elle indique qu'elle bénéficie à titre d'avantage acquis aux salariés travaillant pour la société ESPS sur le site de l'hôpital [Établissement 4] à [Localité 3].
À la lecture de bulletins de paie versés aux débats, il apparaît que des salariés, employés en qualité d'agents de service, travaillant sur le site de l'hôpital [Établissement 4], ont perçu chaque mois, pendant la période considérée (2008-2016), une prime d'insalubrité (0,305 euro par heure travaillée puis montant mensuel forfaitaire de 46,26 euros, d'abord dénommée prime d'insalubrité puis incluse dans la mention complément de salaire).
À la lecture d'un protocole d'accord de fin de conflit en date du 18 mai 2001, il apparaît que les salariés de la société SFGH Hôpital Service travaillant sur les sites des cliniques [Établissement 3], [Établissement 5] et [Établissement 2] bénéficiaient d'une prime de salissure d'un franc par heure travaillée à compter du 1er juin 2001, ce afin de tenir compte des contraintes rencontrées sur les sites en matière de nettoyage des vêtements de protection.
Il ressort de ses bulletins de salaire que Mme [E] [Q] a perçu ladite prime de 0,305 euro de l'heure travaillée pendant la durée de son emploi. En conséquence, sa demande de ce chef sera rejetée.
- Sur le complément transport -
Mme [E] [Q] fait valoir que les salariés de la société ESPS affectés sur le site de l'hôpital [Établissement 4] à [Localité 3] perçoivent un complément d'indemnité de transport de 28,05 euros mensuels, en plus de ce que prévoit la convention collective nationale des entreprises de propreté, dont ils bénéficient au titre du maintien de primes acquises antérieurement et produit en ce sens huit contrats de travail justifiant de la reprise de salariés exerçant la fonction d'agent de service avec maintien des avantages acquis dont ladite prime.
La société ESPS ne conteste pas le versement de ce complément à certains salariés exerçant un travail égal ou de valeur égale à celui de l'intimée.
Ces éléments de fait sont susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération entre salariés de sites différents d'une même entreprise, appartenant à la même catégorie professionnelle et exerçant un travail égal ou de valeur égale.
La société ESPS conclut au rejet de la demande à ce titre en faisant valoir qu'elle a maintenu ce complément à certains salariés dans le cadre d'une reprise de chantier en application de l'article 7 de la convention collective nationale avec maintien des avantages acquis et que cet avantage constitue un remboursement de frais et non pas un complément de salaire.
Vu les observations susvisées, la société ESPS ne peut justifier une inégalité de traitement en se fondant sur une reprise de contrats de travail qui ne résulte pas de l'application de la loi mais d'une convention collective, alors qu'elle ne justifie pas d'une mesure destinée à compenser un préjudice spécifique à cette catégorie de travailleurs.
La société ESPS ne justifie pas plus d'éléments objectifs et pertinents, telle la prise en charge de frais de transport résultant d'un éloignement ou d'une sujétion particulière, qui légitimeraient cette différence de traitement entre salariés de sites distincts.
Le fait que ce complément transport soit, selon les dires de l'employeur, destiné à indemniser forfaitairement le salarié de ses frais de déplacement entre son domicile et son lieu de travail ne fait pas échapper cet élément de rémunération au principe de l'égalité de traitement.
En conséquence, Mme [E] [Q] est également fondée, en application du principe d'égalité de traitement entre salariés, à solliciter l'attribution d'une prime de transport d'un montant de 28,05 euros, et il convient de lui allouer la somme de 2 870,24 euros (net) à ce titre telle que justifiée mais corrigée compte-tenu de ce montant mensuel.
- Sur la prime d'assiduité -
Mme [E] [Q] sollicite un rappel au titre d'une prime d'assiduité.
Selon un avenant au contrat de travail en date du 18 février 2011, lors de la reprise du chantier de nettoyage de l'hôpital [Établissement 4] à [Localité 3] à compter du 1er novembre 2010, en application de l'article 7 de la convention collective nationale, M. [D], agent de service, a bénéficié d'une prime d'assiduité mensuelle brute de 20 euros (25 euros en 2011, 30 euros en 2012).
Sur la période considérée (2004-2013), les bulletins de paie des agents de service [J] [V] et [S] [M] mentionnent le versement d'une prime d'assiduité (deux fois 457,35 euros par an). Les bulletins de paie de [C] [V], [R] [X], [O] [E], [K] [Z] et [I] [A], toutes employées en qualité d'agent de service, mentionnent la perception par chaque salariée d'une prime d'assiduité pouvant atteindre 200 euros par an.
La société ESPS ne justifie pas des éléments objectifs et pertinents, en tout cas matériellement vérifiables, lui permettant d'attribuer à certains salariés, employés en qualité d'agents de service chargés du nettoyage en milieu hospitalier, une prime d'assiduité sans étendre cet avantage à tous les salariés de l'entreprise effectuant un travail égal ou de valeur égale, comme c'est le cas de l'intimée faute d'explications ou de précisions apportées par l'employeur sur les conditions de travail pouvant être spécifiques à chaque chantier ou site ou établissement.
Comme il a été rappelé supra, sont inopérants pour justifier une inégalité de traitement les arguments de l'employeur concernant la reprise de contrats de travail en application de l'article 7 de la convention collective nationale avec maintien des éléments de rémunération, les notions de chantiers, sites ou établissements distincts, l'existence d'un prétendu préjudice spécifique alors qu'il n'est pas démontré que le maintien ou l'octroi d'un avantage avait pour objet de ramener certains salariés à la hauteur de la rémunération des autres salariés de l'entreprise effectuant un travail égal ou de valeur égale ou de compenser la dénonciation ou la perte d'une convention collective, l'évolution législative au regard d'un nouvel article L. 1224-3-2 du code du travail non applicable au présent litige.
En conséquence, il sera fait droit à la demande de Mme [E] [Q], au titre d'un rappel de prime d'assiduité, à hauteur de la somme de 7 985,25 euros telle que justifiée mais corrigée compte-tenu du montant annuel.
- Sur la prime hospitalière et la prime de remise en état -
Selon un avenant au contrat de travail en date du 18 février 2011, lors de la reprise du chantier de nettoyage de l'hôpital [Établissement 4] à [Localité 3] à compter du 1er novembre 2010, en application de l'article 7 de la convention collective nationale, Monsieur [D], agent de service, a bénéficié d'une prime spécifique d'activité hospitalière d'un montant brut annuel brut de 100 euros (120 euros en 2011, 140 euros en 2012) ainsi que d'une prime de remise en état de 50 euros (brut).
Toutefois, Mme [E] [Q] s'abstient de produire toute pièce relative aux salariés dont elle soutient qu'ils perçoivent les primes sollicitées et ne verse aucun bulletin de paie mentionnant le paiement effectif d'une prime d'activité hospitalière ou de remise en état. La seule production de l'avenant susvisé ne justifie pas du bénéfice et du versement effectif de ces primes au titre de la période postérieure à 2010 et ne saurait donc suffire à caractériser ou laisser supposer une inégalité de rémunération à ce titre.
Mme [E] [Q] sera donc déboutée de ses demandes relatives à un rappel de prime hospitalière et de prime de remise en état.
- Sur les dommages et intérêts -
Si la société ESPS a fait, dans certains cas, une interprétation restrictive des textes en matière de rémunération et de primes attribuées à ses salariés, Mme [E] [Q] n'établit pas l'existence d'une volonté délibérée de l'employeur de la priver de ses droits. Il n'est pas plus démontré que la société ESPS, en première instance comme en appel, aurait agi dans une intention dilatoire ou fait dégénérer en abus l'exercice d'une action ou du recours. En outre, la salariée ne caractérise pas l'existence d'un préjudice autre que celui déjà réparé par les sommes allouées à titre de rappel d'éléments de rémunération et les intérêts moratoires.
Mme [E] [Q] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
- Sur les intérêts -
Les intérêts au taux légal avec capitalisation, en application de l'article 1154 du code civil, sont dus sur la seule créance au titre du treizième mois à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, et pour les autres créances salariales, à compter de la date de la première audience à laquelle elles ont été réclamées.
- Sur les sommes déjà versées -
L'obligation de rembourser les sommes versées en vertu de la décision de première instance résulte de plein droit de la réformation de ladite décision, sans que la cour doive effectuer des calculs en la matière puisque peu importe que la preuve des versements en exécution du premier jugement soit ou non rapportée.
Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de la société ESPS aux fins d'ordonner le remboursement des sommes versées à tort en première instance ou la compensation entre les sommes déjà versées au titre de la décision de premier instance et les éventuelles condamnations en cause d'appel ou le remboursement des sommes versées en excédent.
- Sur les dépens et frais irrépétibles -
La société ESPS, qui succombe au principal, supportera la charge des entiers dépens et sera condamnée à verser à Mme [E] [Q] la somme de 350 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, en matière prud'homale et par arrêt réputé contradictoire,
Vu l'arrêt avant dire droit en date du 9 décembre 2016,
Donne acte au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône de ce qu'il a renoncé à son intervention ainsi qu'à toute demande dans le cadre de la présente instance,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a alloué à Mme [E] [Q] la somme de 7 035,86 euros au titre du rappel de la prime de 13ème mois et une somme au titre des congés payés afférents à cette prime,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Elior services propreté et santé à verser à Mme [E] [Q] les sommes suivantes :
- 5 728,89 euros au titre d'un rappel de prime de 13ème mois pour les années 2004 à 2013,
- 2 870,24 euros (net) au titre d'un rappel de complément d'indemnité de transport pour les années 2004 à 2013,
- 7 985,25 euros au titre d'un rappel de prime d'assiduité pour les années 2004 à 2013,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation, en application de l'article 1154 du code civil, sont dus sur la seule créance au titre du treizième mois à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, et pour les autres créances salariales, à compter de la date de la première audience à laquelle elles ont été réclamées,
Condamne la société Elior services propreté et santé à verser à Mme [E] [Q] la somme de 350 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la société Elior services propreté et santé aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT