COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 27 AVRIL 2017
N° 2017/ 88
Rôle N° 14/20792
SA BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE
C/
[Z] [M]
[G] [O]
Grosse délivrée
le :
à :
- Me Régis DURAND, avocat au barreau de TOULON
- Me Jean martin GUISIANO de la SELARL CABINET GUISIANO, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 18 Septembre 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2013F00021.
APPELANTE
SA BANQUE POPULAIRE MÉDITERRANÉE,
venant aux droits de la SA BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, prise en la personne de son Directeur Général
dont le siège social est [Adresse 1]
représentée par Me Régis DURAND, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉES
Madame [Z] [M]
née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1] (ALGERIE) (99),
demeurant '[Adresse 2][Adresse 3]
représentée par Me Jean martin GUISIANO de la SELARL CABINET GUISIANO, avocat au barreau de TOULON
Mademoiselle [G] [O]
née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 2],
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Jean martin GUISIANO de la SELARL CABINET GUISIANO, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Février 2017 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre magistrat rapporteur
Madame Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Avril 2017.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Avril 2017,
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Lydie BERENGUIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 27 janvier 2003, la SA Banque Populaire Côte d'Azur, aux droits de laquelle vient la SA Banque Populaire Méditerranée (la SA BPM), a consenti à la société JULIE, alors en formation, un prêt d'un montant en capital de 47 840 euros destiné à financer les droits d'entrée et la réalisation de travaux pour un local commercial situé centre commercial [Établissement 1] à [Localité 2].
Le prêt a été consenti avec un taux d'intérêt de 4,80 % l'an, pour une durée de 7 ans, remboursable en 84 mensualités de 715,69 euros incluant la prime d'assurance, à compter du 27 février 2003.
Mme [Z] [M], associée, et Mme [G] [O], gérante associée, se sont portées cautions solidaires de la société JULIE en formation, à hauteur de la somme de 55 200 euros en principal, intérêts et frais, respectivement selon actes sous seing privé des 19 et 21 novembre 2002.
La SARL JULIE a été constituée et immatriculée le 26 novembre 2002.
Selon acte sous seing privé du 3 décembre 2002, la SA Banque Populaire Méditerranée s'est portée caution solidaire de la société JULIE, en formation, envers la SARL VALEGE DISTRIBUTION pour un montant de 46 000 euros en principal, garantissant les obligations de la société JULIE dans le cadre d'un contrat d'affiliation en vue de la distribution des produits de la marque VALEGE
La SARL JULIE a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulon du 21 avril 2008.
La SA Banque Populaire Méditerranée a déclaré sa créance.
Par jugement du 5 novembre 2009, le tribunal de commerce de Toulon a arrêté le plan de continuation de la SARL JULIE, la créance de la Banque Populaire devant être réglée hors plan.
Par jugement du 3 novembre 2011, le tribunal de commerce de Toulon a prononcé la résolution du plan et ouvert une procédure de liquidation judiciaire.
Parallèlement, la SARL VALEGE DISTRIBUTION a saisi le tribunal de commerce de Paris en résiliation des contrats d'affiliation et en paiement de sommes. Par jugement du 30 septembre 2009 le tribunal de commerce de Paris, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 novembre 2011, a prononcé la résiliation des contrats et la créance de la SARL VALEGE DISTRIBUTION a été fixée à la somme de 112 211,01 euros outre intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2006.
La SA Banque Populaire a réglé à la SARL VALEGE DISTRIBUTION la somme de 51 419,99 euros correspondant à son engagement de caution en principal outre les intérêts au taux légal et a été subrogée dans les droits de la SARL VALEGE DISTRIBUTION selon quittance subrogative du 14 janvier 2011.
La SA Banque Populaire a fait assigner Mme [Z] [M] et Mme [G] [O] devant le tribunal de commerce de Toulon pour les voir condamner exécuter leurs engagements de caution.
Par jugement du 18 septembre 2014, le tribunal de commerce de Toulon a statué en ces termes :
' se déclare compétent,
' déclare les actes de cautionnement de Mme [M] et de Mme [O] irrecevables, comme étant nuls et de nuls effets (sic),
' déboute la SA Banque Populaire de toutes ses demandes, fins et conclusions,
' condamne la SA Banque Populaire à payer à Mmes [M] et [O] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
' ordonne l'exécution provisoire,
' laisse les dépens à la charge de la SA Banque Populaire.
La SA Banque Populaire Méditerranée a interjeté appel le 31 octobre 2014.
Vu les conclusions de la SA Banque Populaire Méditerranée du 15 décembre 2016,aux termes desquelles elle demande à la cour de :
' révoquer l'ordonnance de clôture à raison de la fusion-absorption intervenue le 22 novembre 2016 de la SA Banque Populaire Côte d'Azur et de la SA Banque Populaire Provençale et Corse donnant naissance à la SA Banque Populaire Méditerranée,
' réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 septembre 2014, par le tribunal de commerce de Toulon,
' condamner Mme [Z] [M] et Mme [G] [O] à payer à la SA Banque Populaire Méditerranée :
' la somme de 5 725,52 euros au titre du solde du prêt avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure et anatocisme,
' la somme de 51 419,99 euros au titre de l'engagement de caution de là SA Banque Populaire envers la SARL VALEGE DISTRIBUTION avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2011 et anatocisme
' condamner in solidumMme [Z] [M] et Mme [G] [O] à payer la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions de Mme [Z] [M] et de Mme [G] [O] du 16 juillet 2015, aux termes desquelles elles demandent à la cour de :
' confirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulon du 18 septembre 2014,
' à titre subsidiaire, dire et juger que les cautions solidaires seront déchargées de leur obligation en raison des manquements de la SA Banque Populaire,
' à titre infiniment subsidiaire constater l'absence de déclaration de créance de la SA Banque Populaire et l'ouverture d'une procédure de surendettement au profit de Mme [Z] [M] et dire qu'elle est déchargée en sa qualité de caution,
' à titre infiniment subsidiaire, constater la déchéance des intérêts dus sur les sommes réclamées
' condamner en toutes hypothèses la SA Banque Populaire à payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2016.
Par arrêt du 9 février 2017, l'ordonnance de clôture a été révoquée et les débats rouverts pour permettre l'admission des conclusions de la SA Banque Populaire Méditerranée.
Une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2017.
Les parties n'ont pas déposé de nouvelles conclusions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
À titre liminaire, la SA BPM invoque le défaut de respect du contradictoire par les premiers juges, mais n'en tire aucune conséquence, étant observé que la cour est désormais saisie de l'entier litige et que tous les moyens qui auraient été soulevés d'office par les premiers juges sans inviter les parties à s'en expliquer, se trouvent dans le débat contradictoire devant la cour.
- Sur la nullité des actes de cautionnement :
Les intimées soutiennent que leurs engagements de caution sont nuls notamment pour ne pas respecter les dispositions de l'article L341-2 du code de la consommation.
Les articles L341-2 et suivants du code de la consommation créés par la loi du 1er août 2003, ne sont entrés en vigueur que le 5 février 2004 et sont donc inapplicables à des cautionnements souscrits les 19 et 21 novembre 2002.
Elles soutiennent également que leurs engagements de caution ne reposaient sur aucune obligation valable et précise au moment de leur souscription,que l'objet n'en était pas déterminé et qu'ils n'en précisent pas la durée ni le débiteur principal.
Chacun des actes de cautionnement est donné en faveur de l'EURL JULIE société en formation, pour une somme maximale de 55 200 euros en principal, intérêts et frais, et « à raison de toutes dettes présentes ou à venir au paiement desquelles le débiteur pourra être tenu selon le contrat stipulé ci-dessus- »
Il convient de rappeler que le cautionnement d'obligations futures est valable, pourvu qu'elles soient déterminées ou déterminables. Le cautionnement d'une société en formation n'est pas irrégulier sous réserve que la société ait été effectivement immatriculée et que les actes accomplis pendant la période de formation aient été régulièrement repris, ce qui n'est pas dénié en l'espèce, la SARL JULIE ayant finalement réglé la quasi intégralité du prêt.
En l'espèce les actes de cautionnement visent toutes les sommes que pourrait devoir la société en formation au titre de comptes courants, crédits, chèques sans que l'énumération figurant à l'article 2 du contrat de caution ne soit limitative, dans la limite de 55 200 euros en principal, intérêts et frais, ce qui rend l'obligation des cautions parfaitement déterminable tant dans sa cause que dans son objet. Le libellé de la mention manuscrite permet en outre aux cautions d'avoir une parfaite connaissance de la portée de leur engagement.
Il n'est pas discuté que le prêt a été souscrit le 27 janvier 2003 soit postérieurement à l'immatriculation de la SARL JULIE et, l'indication erronée de « l'EURL JULIE RCS en cours », ne permet aucune confusion sur la qualité du débiteur principal, les cautions étant respectivement gérante et associée de la SARL JULIE.
Le cautionnement donné pour des obligations déterminables, limitées dans leur montant et au profit d'un débiteur identifié, n'est pas nul et le jugement déféré doit être infirmé dans toutes ses dispositions.
- Sur les fautes reprochées à la SA Banque Populaire Méditerranée :
Mme [G] [O], certes gérante et associée de la SARL JULIE, ne peut être considérée comme avertie alors qu'elle était sans emploi au moment de la création de l'entreprise et qu'il n'est même pas justifié par la banque de ce qu'elle aurait suivie une quelconque formation commerciale ou de gestion. Il en va de même pour Mme [Z] [M], associée, dont il n'est même pas démontré qu'elle était impliquée dans la gestion de la société.
Le banquier dispensateur de crédit n'est pas tenu d'un devoir de conseil mais, à l'égard d'une caution non avertie, d'un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques de l'endettement résultant de l'octroi des prêts garantis.
Or, s'agissant d'une création d'entreprise, le prévisionnel, nécessairement présenté par les associées de la société en formation, indiquait un résultat d'exploitation de 44 584 euros avec un résultat de l'exercice prévisible de 35 284 euros, parfaitement compatible avec la charge financière de cet emprunt pris en compte dans l'établissement de ce prévisionnel, que les appelantes ne contestent pas.
En l'absence d'un risque d'endettement du débiteur principal, la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde.
Avant l'entrée en vigueur de l'art. 11 de la loi n°2003-721 du 1eraoût 2003 créant l'article L341-4 du code de la consommation, il était admis que la caution, non avertie, puisse engager la responsabilité du créancier en cas de disproportion de l'engagement de caution au regard de ses ressources et de son patrimoine (arrêts Macron et Nahoun).
Mme [G] [O], qui a la charge de la preuve de la disproportion de son engagement, ne produit aucune pièce relative à ses ressources et patrimoine au moment de la souscription de son engagement de caution, étant observé que le prévisionnel de l'activité de la SARL JULIE prévoyait des salaires à hauteur de 13 380 euros nets.
La disproportion ne peut être retenue.
Mme [Z] [M] est propriétaire de deux lots de copropriété à [Localité 2] consistant en un appartement et une cave, dont il n'est pas établi que la valeur nette soit inférieure à son engagement de caution. La disproportion ne peut pas plus être retenue.
- Sur l'absence de déclaration de créance de la BPM :
Les intimées soutiennent que la BPM n'a pas déclaré la créance résultant de l'engagement sous signature qu'elle avait consenti à la SARL VALEGE et que cette absence de déclaration empêche toute subrogation.
Il doit être rappelé que par arrêt du 3 novembre 2011, la créance de la SARL VALEGE a été définitivement admise au passif de la SARL JULIE à hauteur de la somme de 112 211,01 euros avec intérêts de retard à compter du 20 mars 2006 au titre des marchandises impayées et à celle de 12 107 euros TTC au titre des marchandises non restituées.
La SA BPM, a été valablement subrogée dans les droits de la SARL VALEGE à hauteur de la somme de 51 419,99 euros selon quittance subrogative délivrée le 14 janvier 2011 (pièce 6).
La créance de la SARL VALEGE ayant été régulièrement déclarée au passif de la liquidation de la SARL JULIE et définitivement admise par l'effet de l'arrêt précitée, la SA BPM, régulièrement subrogée dans les droits de la SARL VALEGE, postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, à hauteur de la somme de 51 419,99 euros n'avait pas l'obligation de déclarer elle-même sa créance à ce titre. Le moyen doit être rejeté.
- Sur l'incidence de la procédure de surendettement ouverte au profit de Mme [Z] [M] :
La procédure de surendettement, dans le cadre de laquelle la créance de la SA BPM a d'ailleurs été prise en compte, n'empêche pas le créancier d'obtenir un titre exécutoire à l'encontre de son débiteur et ne décharge pas la caution de son engagement.
Seule l'exécution de la décision à intervenir est suspendue pendant la durée des mesures imposées par la Commission de surendettement. Le moyen doit être rejeté.
- Sur le défaut d'information annuelle de la caution :
Les appelantes soutiennent enfin que la SA BPM ne démontre pas avoir respecté son obligation d'information annuelle des cautions en violation des dispositions de l'article L313-22 du code monétaire et financier.
La SA BPM, qui a la charge de la preuve de l'envoi de l'information annuelle des cautions exigée par ce texte, a produit la copie des courriers conformes aux dispositions de l'article L313-22 du code monétaire et financier, mais pas la preuve de leur envoi.
S'agissant de l'engagement sous signature au profit de la SARL VALEGE, cette omission est sans incidence, puisqu'il ne s'agit pas d'un concours financier mais d'une garantie.
S'agissant des sommes restant dues au titre du prêt, à défaut de preuve de l'envoi de l'information annuelle des cautions, la SA BPM est déchue du droit aux intérêts depuis le 31 mars 2004.
Compte tenu des sommes réglées en cours de procédure collective, il ne restait plus que 8 échéances à régler soit la somme de 5 725,52 euros, somme réclamées aux cautions. Au vu du décompte de créance et du tableau d'amortissement, les intérêts que la SA BPM n'est pas fondée à réclamer aux cautions, en application du texte sus-visé, s'élèvent à la somme de 5840,12, calculés du 27 avril 2004 au 27 décembre 2008 (71ème échéance) le tableau d'amortissement produit étant incomplet. Sans même qu'il soit besoin d'exiger la production d'un tableau d'amortissement comportant les 84 échéances contractuelles, le montant total des intérêts indus excède la somme réclamée par la SA BPM aux cautions.
La SA BPM doit être déboutée de sa demande au titre du prêt.
Le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions et Mmes [G] [O] et [Z] [M] condamnée à payer à la SA Banque Populaire Méditerranée la somme de 51 419,99 avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2011 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
Compte tenu de la situation précaire des intimées, il n'est pas équitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA Banque Populaire Méditerranée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Donne acte à la SA Banque Populaire Méditerranée de ce qu'elle vient aux droits de la SA Banque Populaire Côte d'Azur,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Toulon du 18 septembre 2014 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne Mmes [G] [O] et [Z] [M] à payer à la SA Banque Populaire Méditerranée la somme de 51 419,99 avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2011,
Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil devenu 1343-2 du code civil,
Déboute la SA Banque Populaire Méditerranée du surplus de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mmes [G] [O] et Mme [Z] [M] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT