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25/04/2017 | FRANCE | N°16/10646

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 25 avril 2017, 16/10646


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 25 AVRIL 2017



N° 2017/ 231













Rôle N° 16/10646







SA SEPHORA





C/



SCI DELF IMMO





















Grosse délivrée

le :

à :



SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON









Décision déférée à

la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 15 Décembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 07/6552.





APPELANTE



SA SEPHORA prise en la personne de son Président en exercice, demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAU...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 25 AVRIL 2017

N° 2017/ 231

Rôle N° 16/10646

SA SEPHORA

C/

SCI DELF IMMO

Grosse délivrée

le :

à :

SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 15 Décembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 07/6552.

APPELANTE

SA SEPHORA prise en la personne de son Président en exercice, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Pierre-François VEIL, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEE

SCI DELF IMMO prise en la personne de son gérant en exercice, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Michel MONTAGARD, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Béatrice LEJEUNE, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Février 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Sylvie PEREZ, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Véronique BEBON, Présidente

Madame Frédérique BRUEL, Conseillère

Madame Sylvie PEREZ, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2017,

Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé en date du 1er juillet 1995, la SCI Mattei, devenue la SCI Delf Immo, a consenti à la Sarl Beautérama TNL, devenue Sephora, un bail commercial conclu pour neuf ans, portant sur des locaux situés dans un centre commercial, [Adresse 3].

Dans le cadre d'un litige opposant les parties sur la réclamation à la locataire, d'acomptes sur les travaux de rénovation du centre commercial, la SAS Séphora

a contesté les charges réclamées par le bailleur, l'indexation pratiquée sur le loyer depuis 1999, la demande de réajustement du dépôt de garantie et sollicité le remboursement des sommes indûment réglées ainsi que la somme correspondant à la « redevance franchise parking » qui lui a été facturée entre juin 2000 mars 2005.

Au cours de l'instance, la SCI Delf Immo a le 24 juillet 2008, fait délivrer à la SAS Séphora un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour paiement de la somme de 113'625,04 euros.

Par jugement du 15 décembre 2009 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Nice a :

- débouté la SAS Séphora de l'ensemble de ses demandes,

- accueilli les demandes reconventionnelles de la SCI Delf Immo,

En conséquence,

- condamné la SAS Séphora à payer à la SCI Delf Immo les sommes de :

- 72'696,65 euros au titre des loyers depuis le 30 juin 2005 en vertu de la révision et du jugement du 6 février 2008,

- 7 930,32 euros au titre des taxes foncières 2003, 2004, 2006, 2007 et 2008,

- 26'079,05 euros au titre des 'redevances franchise parking',

- 24'140,84 euros au titre de la révision du dépôt de garantie,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux contractuel à compter de l'échéance des sommes dues,

- dit qu'en application de l'article 1154 du Code civil, les intérêts dus depuis plus d'un an porteront eux-mêmes intérêts au taux contractuel,

- constaté la résiliation de plein droit du bail par l'effet de la clause résolutoire à compter du 24 août 2008,

- prononcé l'expulsion de la SAS Séphora et de tous occupants de son chef à compter de la signification de la présente décision,

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la SAS Séphora à compter de la signification du jugement à la somme de 36'516,29 euros TTC par trimestre,

- condamné la SAS Séphora à payer à la SCI Delf Immo la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Séphora a relevé appel du jugement.

Par arrêt mixte en date du 24 février 2012, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, la cour a :

Confirmé le jugement entrepris du 15 décembre 2009 rendu par le tribunal de grande instance de Nice dans ses dispositions relatives à la résiliation du bail, l'expulsion de la société Sephora, l'indemnité d'occupation et sa condamnation au paiement de la somme de 72 696,65 euros au titre des loyers et 24 140,84 euros au titre de la révision du dépôt de garantie,

Réformé partiellement ce même jugement et statuant à nouveau :

- débouté la SCI Delf Immo de ses demandes en paiement de la taxe foncière et de la redevance de parking,

- condamné la même à payer à la société Sephora les sommes de 3 366,91 euros à titre de remboursement de la taxe foncière de 1999 à 2002, 115 074,61 euros au titre de la redevance parking des années 2000 à 2004 et 2006 à 2009, 8 952,78 euros d'intérêts sur le dépôt de garantie, avec capitalisation de ces intérêts pour ceux échus et dus pour une année entière à compter du 29 septembre 2006,

Avant dire droit sur la répétition de sommes au titre des charges, ordonné une expertise aux frais avancés de la société Delf Immo, confiée à Monsieur [R], avec pour mission de réunir et vérifier tous les éléments permettant de déterminer le montant des charges dues par la SAS Séphora de l'année 2001 au deuxième trimestre 2009 ainsi que le montant des pénalités de retard sur les sommes dues par cette même société, en exécution des dispositions combinées du jugement et de cet arrêt sur la base ci-dessus précisée du taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de financement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage visé à l'article L.441-6, alinéa 8 du Code de commerce, à l'exclusion des charges de rénovation ou d'embellissement du centre commercial.

Suite au pourvoi initié par la SCI Delf Immo à l'encontre de cet arrêt, la cour de cassation a, par arrêt du 22 mai 2013, prononcé une cassation mais uniquement en ce que la cour d'appel a débouté la société Delf Immo de sa demande en paiement de la redevance de parking et condamné cette société à payer à la société Séphora la somme de 115'074,61 euros à titre de remboursement de la redevance parking des années 2002 à 2004 et 2006 à 2009, sans s'expliquer sur l'inapplicabilité de la clause du bail et sans examiner la lettre du 16 juillet 2001 dont se prévalait la SCI Delf Immo pour établir que la locataire avait accepté le principe de la prise en charge de cette redevance.

La SAS Séphora a saisi la cour de renvoi le 26 septembre 2013

Par arrêt du 27 novembre 2014, la présente cour a confirmé le jugement du 15 décembre 2009 qui avait débouté la société Sephora de sa demande en répétition de la somme de 115 074,61 euros au titre des redevances parking et l'avait condamnée au paiement de la somme de 26079,05 euros de ce chef.

Par conclusions déposées et signifiées le 10 janvier 2017, la SAS Séphora a demandé à la cour de :

1- condamner la société Delf Immo à lui verser une somme de 119'755,54 euros hors taxes à titre de remboursement des charges indûment facturées, ce avec intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2005, date de l'assignation, et capitalisation annuelle conformément à l'article 1154 du Code civil,

2- constater que les intérêts de retard réglés à la société Delf Immo le 3 août 2010 au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris se sont élevés à 644 590,96 euros,

- dire et juger que les intérêts de retard dus à la société Delf Immo au 3 août 2010, date du paiement, et calculés au taux fixé par arrêt susvisé du 24 février 2012, infirmatif sur ce point, s'élevaient à la somme de 120'637,11 euros,

En conséquence :

- condamner la société Delf Immo à payer la société Séphora la différence entre les montants susmentionnés, soit la somme de 523'953,85 euros à titre de remboursement du trop-perçu sur les intérêts de retard, et ce, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt affirmatif du 24 février 2012 et capitalisation annuelle conformément à l'article 1154 du Code civil,

3- condamner la société Delf Immo à restituer à la société Séphora la somme de 7 930,32 euros réglée le 23 février 2010, et ce, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt affirmatif du 24 février 2012 et capitalisation annuelle conformément à l'article 1154 du Code civil,

4- déclarer irrecevable, en raison de la prescription, et en tout état de cause mal fondée, la demande de la société Delf Immo au titre des taxes d'enlèvement d'ordures ménagères et taxes de balayage pour un montant de 3195 euros,

5- débouter la société Delf Immo de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

6- déclarer en tout état de cause irrecevables, en raison de la prescription, les demandes de la société Delf Immo au titre des travaux de rénovation du centre commercial pour un montant de 79'547 euros hors taxes et pour un montant complémentaires de 72'955 euros au titre des intérêts y afférents,

7- condamner la société Delf Immo à lui payer la somme de 50'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par mémoire déposé et signifié le 26 décembre 2016, la SCI Delf Immo a demandé à la cour de :

1- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nice en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Séphora tendant à obtenir sa condamnation à payer la somme de 125'524,35 euros au titre des charges locatives indûment versées de 2001 au deuxième trimestre 2009 inclus,

2- fixer les taxes d'enlèvement d'ordures ménagères et taxes de balayage à 3195 euros,

3- fixer les sommes dues par la société Séphora au titre des travaux de rénovation du centre commercial à 95'138,21 euros TTC,

4- fixer les intérêts dus par la société Séphora au titre :

- des loyers impayés à 72'392,64 euros,

- du dépôt de garantie à 15'668,03 euros,

- de la redevance parking à 54'765,91 euros,

- des travaux de rénovation à 72'955 euros,

5- débouter la société Séphora de l'intégralité de ses demandes,

En conséquence :

6- condamner la société Séphora à payer à la société Delf Immo au titre des sommes ci-dessus fixées, la somme de 314'114,79 euros,

7- la condamner à payer l'intégralité des frais d'expertise et à lui rembourser les sommes avancées à ce titre, soit 13'164,48 euros,

8- dire et juger qu'en l'état des versements effectués par la société Séphora au titre de l'exécution provisoire du jugement dont appel, la société Delf Immo devra restituer à la société Séphora la somme de 190'093,73 euros sous déduction des montants alloués à la société Delf Immo au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

9- condamner la société Séphora au paiement d'une somme de 30'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

******

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il subsiste en litige entre les parties la question des charges et des intérêts de retard.

I. Charges :

1. La société Séphora sollicite la répétition de la somme de 119 755,54 euros, soit 143 227,62 euros TTC, au titre des charges versées du 1er janvier 2000 et le 30 juin 2005, dont 79 547 euros hors taxes à titre de charges de rénovation ou d'embellissement, comme ne pouvant lui incomber au regard de l'absence de clause expresse du bail et, concernant cette dernière somme, considèrant que la cour, aux termes de son arrêt du 24 février 2012, a jugé que les charges afférentes aux travaux de rénovation ou d'embellissement du centre commercial ne pouvaient lui être facturées.

2. La lecture du dispositif de cet arrêt enseigne que, concernant la détermination du montant des charges dues, l'arrêt est avant dire droit comme ordonnant une expertise et sans avoir statué sur l'action en répétition formée par la locataire au titre des charges relatives à la rénovation ou l'embellissement du centre commercial.

3. En l'espèce, le bail contient une clause de charges aux termes de laquelle le preneur remboursera au bailleur sa quote-part des charges qui comprendront :

...

- Les prestations et fournitures individuelles y compris les frais d'exploitation, de fonctionnement, d'entretien, de réparation ou de remplacement: abonnements, redevances et consommation d'eau chaude et froide, chauffage, éclairage, minuterie, téléphone; dépenses relatives au matériel et aux installations individuelles;

- Les prestations et fournitures collectives y compris les frais d'exploitation, de fonctionnement et d'entretien: ascenseurs et monte-charges, interphones; frais d'électricité de chauffage ; dépenses relatives aux installations et aux éléments communs, aux espaces extérieurs et aux équipements divers du bâtiment ou de l'ensemble des bâtiments ;

- Les honoraires de gestion et tous salaires, charges sociales ou fiscales comprises, du personnel chargé de l'entretien des parties communes et de l'élimination des déchets.

Les charges sont exigibles en contrepartie des services rendus liés à l'usage des différents éléments de la chose louée et seront payables par provision en même temps et aux même termes que le loyer. Cette provision sera fixée chaque année en fonction des charges de l'année précédente ou en fonction d'un budget prévisionnel. Elles feront l'objet d'une régularisation annuelle établie par le bailleur et communiquée au preneur.

...

De plus, le preneur remboursera sans délai au bailleur toutes sommes quelconques que ce dernier aurait à payer du fait du preneur.

4. Concernant les charges intégrées dans les redditions annuelles de compte, l'expert judiciaire a mentionné un trop perçu d'un montant de 2 111,16 euros dont la société Delf Immo reconnaît devoir le remboursement à la locataire.

5. A partir de ces mêmes documents, il est noté qu'il a été imputé à la société Séphora une somme de 19 257,91 euros dont celle-ci conteste la nature de charges locatives.

Si, comme le rappelle la société Séphora, la détermination des charges locatives récupérables est régie par le principe de liberté contractuelle, c'est à la locataire qu'il incombe, étant demanderesse à l'action en répétition de l'indu, de rapporter la preuve du bien-fondé de celle-ci.

Le montant ci-dessus est constitué des sommes suivantes hors taxes :

5.1. Honoraires forfaitaires de :

- fonctionnement général : 2 648,40 euros,

- gros entretien : 171,61 euros,

- gros travaux : 108,88 euros.

En l'espèce, c'est par une clause expresse, qui ne nécessite aucune interprétation et ne comporte aucune généralité abusive, que le bail met à la charge du preneur les honoraires de gestion.

5.2. Gros travaux : 8 286,09 euros :

La bailleresse fait valoir que ce poste de travaux s'élève en fait à la somme de 5138,87 euros en ce que la société Séphora a renoncé à réclamer la restitution de charges antérieures au 1er juin 2002.

Il ressort de l'expertise que la locataire a indiqué, dans un dire du 6 mai 2014, n'être pas en mesure de produire les pièces comptables antérieures au 1er juin 2002. Il s'agit de pièces ayant été réclamées par l'expert relativement aux charges de redevance parking, de sorte que la renonciation ne concerne pas le présent poste.

L'expert a indiqué dans son rapport que les gros travaux doivent s'entendre des travaux importants touchant la structure du centre commercial ou au matériel (compresseur de climatisation, escalator).

Aucun élément ne permet d'établir que ce poste concerne des dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du Code civil ou de travaux ayant pour objet de remédier la vétusté ou de mettre en conformité le bien loué avec la réglementation ainsi que le soutient que la locataire en référence à l'article R. 145-35 du code de commerce issu du décret d'application nº 2014-1317 du 3 novembre 2014, texte non applicable au présent bail, alors que le contrat prévoit le remboursement au bailleur des dépenses relatives au matériel et aux installations individuelles, aux installations et aux éléments communs, aux espaces extérieurs et aux équipements divers du bâtiment ou de l'ensemble des bâtiments qui peuvent s'apparenter à des gros travaux.

5.3. Procédures : 3 396,53 euros :

Il y a lieu de se référer à l'argumentation ci-dessus concernant la prétendue renonciation de la locataire à former réclamation.

La bailleresse expose que ce poste est afférent à des procédures Carrefour, Drastain et Pascal pour l'entretien de l'immeuble et Gestener pour le fonctionnement général, qui lui ont été imputées dans les comptes de la copropriété.

Aucune clause expresse du bail ne prévoit cependant l'imputation à la société Séphora de frais de procédures ne la concernant pas et dont le remboursement doit être ordonné.

5.4. Différé rénovation : 4 646,40 euros.

L'examen de ce poste sera examiné ci-après.

6. La somme de 79 547 euros dont la locataire sollicite le remboursement, correspond à des travaux de rénovation du mail et des façades du centre commercial, dont la bailleresse soutient que n'ayant pas été payée par la locataire, elle ne saurait donner lieu à remboursement.

Cependant, l'expert indique s'être référé aux factures dont la bailleresse mentionnait le paiement pour établir le compte des parties, la contestation du paiement pour la première fois au cours des opérations d'expertise ne paraissant pas sérieuse.

La SCI Delf Immo bailleresse estime que cette somme doit être mise à la charge de la locataire en application des clauses du bail relatives à la prise en charge par le preneur de l'ensemble des frais et dépens supportés par le bailleur de son fait.

Le bail prévoit en effet que le preneur remboursera sans délai au bailleur toutes sommes quelconques que ce dernier aurait à payer du fait du preneur, mais cette clause, par sa généralité et sans référence aux dispositions contractuelles qui la précèdent, ne permet pas au bailleur de récupérer auprès du locataire le coût de travaux de rénovation du centre commercial relevant habituellement de son obligation d'entretien et dont seule une clause expresse en permet le transfert sur le locataire.

Il y a lieu dans ces conditions de faire droit à la demande de remboursement de la société Séphora.

Concernant le différé rénovation établi pour la somme de 4 646,40 euros, l'expert indique qu'il s'agit de travaux ajoutés en fin d'exécution du budget de rénovation et dont, en application des développements précédents, la locataire doit obtenir le remboursement.

7. La société Séphora sollicite également le remboursement de charges supplémentaires énumérées comme suit :

- 9349,79 euros : l'expert expose avoir identifié l'affectation de cette somme grâce à l'analyse des procès-verbaux d'assemblée générale de la période 2000 à 2002, comme correspondant à des travaux de rénovation du parking qui à défaut d'une clause expresse comme rappelé ci-dessus, ne peuvent être mis à la charge de la locataire;

- 2 577,81 euros HT: il s'agit là de dépenses de travaux de rénovation du mail et des façades du centre commercial, la bailleresse précisant qu'il s'agit de charges relatives aux études de la future rénovation qui comme rappelé ci-dessus, ne peuvent être récupérées sur la locataire ;

- 6 911,87 euros HT: ce montant correspond à la facture nº 21 du 20 janvier 2003 pour 3 311,87 euros et à la facture nº 22 du 7 avril 2003 pour 3 600 euros dont l'expert indique qu'elles n'ont pu être causées.

La bailleresse, se référant à son dire du 30 octobre 2014, expose que la première de ces factures lui est inconnue, qu'elle ne l'a jamais établie et que par conséquent la locataire ne l'a jamais réglée.

Cependant, l'expert indique au paragraphe 4.1. in fine de son rapport que malgré les incertitudes liées à l'absence de numérotation par la bailleresse de ses facturations, il apparaît à l'examen du grand livre de la société à fin décembre 2003, versé au dossier, que les factures nº 17 à 21 sont bien enregistrées par le bailleur en 2003 y compris pour leur règlement.

Quant à la facture nº 22, l'expert indique que celle-ci a été soldée par un avoir daté du 10 novembre 2004.

C'est par conséquent à bon droit que le remboursement de ces factures est sollicité.

En définitive, la société Séphora peut donc prétendre au remboursement de la somme de 108'540,56 euros hors taxes au titre de charges indûment perçues par le bailleur, au paiement de laquelle il y a lieu de condamner la SCI Delf Immo, avec intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2005, date de l'assignation et capitalisation annuelle conformément à l'article 1343-2 du Code civil, le jugement étant réformé en ce qu'il a débouté la locataire de sa demande en répétition de sommes à titre de charges indues.

II. Les intérêts de retard :

Dans son arrêt du 24 février 2012, la cour a modéré l'indemnité due au titre de la clause pénale d'intérêts comme étant manifestement excessive et a confié à l'expert la mission d'établir le montant des pénalités de retard sur les sommes dues par la locataire en exécution des dispositions combinées du jugement et de l'arrêt, sur la base du taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage en référence à l'article L. 441-6 alinéa 8 du code de commerce.

Le compte des intérêts s'établit comme suit :

1. Les loyers impayés :

En exécution de jugement du 15 décembre 2009, la locataire s'est acquittée de la somme de 72'696,65 euros le 23 février 2010, sommes dues depuis le 30 juin 2004 et le solde de sa condamnation le 3 août 2010.

La bailleresse reproche à l'expert la méthode de calcul utilisée, expliquant que celui-ci aurait dû calculer les intérêts sur chaque loyer impayé au début du trimestre puisque le bail prévoit qu'ils sont payables par trimestre à échoir et capitaliser les intérêts dus depuis plus d'un an.

Il est constant que le jugement indiquait que les loyers porteraient intérêts au taux contractuel à compter de l'échéance des sommes dues alors que l'expert a procédé à un calcul d'intérêts annuels, puis ensuite un compte de capitalisation.

La SCI Delf Immo produit un décompte repris dans ses conclusions, dans lequel elle a procédé à un calcul d'intérêts trimestriels à compter du 30 juin 2004 et non à compter du 30 juin 2005 comme l'a retenu l'expert, mais à une capitalisation annuelle de ces intérêts, décompte conforme aux dispositions contractuelles et au jugement et qui comme tel doit être retenu.

La locataire est ainsi redevable de la somme de 72'392,64 euros au titre des intérêts dus sur les loyers en principal et intérêts à la date du 3 août 2010.

2. Révision du dépôt de garantie :

Rappelant que les sommes dues en application du bail produisent intérêts depuis leur date d'échéance, la bailleresse expose que les intérêts relatifs à la révision du dépôt de garantie doivent être calculés à compter du 1er juillet 2004 pour la première révision et que c'est une somme de 15'668,03 euros qui doit être imputée à la locataire du chef de ces intérêts, ce que celle-ci admet.

3. Redevances parking :

La locataire a réglé le 23 février 2010 la somme de 26'079,05 euros au titre de ces redevances dues sur la période du 30 novembre 2004 au 23 janvier 2006, et l'expert a chiffré le montant des intérêts dus au 3 août 2010 à la somme de 47'705,99 euros TTC.

La SCI Delf Immo produit quant à elle un décompte dans lequel les intérêts sont calculés à l'échéance conformément au bail mais par contre fait une application erronée des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil en calculant les intérêts sur les intérêts trimestriellement, de sorte que ce mode de calcul ne peut être retenu.

4. Travaux de rénovation et d'embellissement :

Dans la mesure où de tels travaux n'avaient pas à être supportés par la locataire, aucune somme à titre d'intérêts sur ces travaux ne peut lui être réclamée.

Les intérêts de retard dus par la locataire s'élèvent ainsi à un montant total de 135'766,66 euros.

III. Demandes reconventionnelles :

La SCI Delf Immo forme diverses demandes reconventionnelles tendant à la fixation de sommes dues par la société Séphora :

- au titre des travaux de rénovation du centre commercial à la somme de 95'138,21 euros TTC et des intérêts y afférents pour 72'955 euros, sommes dont il est rappelé qu'elles n'ont pas à être répercutées sur la locataire ;

- les intérêts dus par la société Séphora au titre :

- des loyers impayés pour 72'392,64 euros et du dépôt de garantie pour 15'668,03 euros, sommes admises ci-dessus

- de la redevance parking pour 54'765,91 euros, ramenée à la somme de 47'705,99 euros comme ci-dessus mentionné.

En conséquence, la société Séphora est condamnée à payer à la société Delf Immo au titre des sommes ci-dessus fixées, la somme de 135'766,66 euros.

La bailleresse demande également la fixation à la somme de 3 195 euros le montant des taxes d'enlèvements d'ordures ménagères et taxes de balayage, demande nouvelle formée devant la cour et qui doit être déclarée irrecevable.

IV. Les restitutions :

Par acte d'huissier en date du 9 mars 2010, la bailleresse a dénoncé à la locataire une saisie attribution pratiquée sur les comptes de cette dernière pour la somme de 661'167,64 euros, dont 640'590,96 euros à titre d'intérêts de retard de 10 % par mois validé par le jugement du 15 décembre 2009.

Déduction faite de la somme de 135'766,66 euros ci-dessus mentionnée, la SAS Séphora peut ainsi prétendre au remboursement de la somme de 508'824,30 euros au paiement de laquelle il y a lieu de condamner la SCI Delf Immo.

Il y a lieu également de condamner la SCI Delf Immo à payer la somme de 7 930,32 euros réglée par la société Séphora le 23 février 2010 en exécution de sa condamnation au titre des taxes foncières, somme non remboursée malgré l'arrêt du 24 février 2012 infirmatif sur ce point.

C'est en définitive au paiement d'une somme de 516'754,72 euros que la SCI Delf Immo doit être condamnée avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt infirmatif du 24 février 2012 et capitalisation annuelle en application de l'article 1343-2 du Code civil.

Il y a lieu de condamner de la SCI Delf Immo au paiement d'une somme de 30'000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile celle-ci devant également supporter le coût de l'expertise en ce compris dans les dépens.

*****

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort,

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté de la SAS Séphora de son action en répétition de charges indues,

Statuant à nouveau de ce chef :

Condamne la SCI Delf Immo à payer à la SAS Séphora la somme de 108'540,56 euros hors taxes à titre de remboursement de charges indues, avec intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2005 et avec capitalisation de ces intérêts pour ceux échus et dus pour une année entière conformément à l'article1343-2 du Code civil,

Condamne la SAS Séphora à payer à la SCI Delf Immo la somme de 135'766,66 euros à titre d'intérêts,

Constate que la SAS Séphora a payé à la SCI Delf Immo la somme de 644' 590,96 euros à titre d'intérêts de retard en exécution du jugement du 15 décembre 2009,

Condamne la SCI Delf Immo à payer, à titre de remboursement, à la SAS Séphora, la somme de 516'754,72 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt infirmatif du 24 février 2012 et capitalisation annuelle en application de l'article 1343-2 du Code civil,

Déclare irrecevable comme nouvelle en appel la demande de la SCI Delf Immo au titre des taxes d'enlèvements d'ordures ménagères et taxes de balayage,

Condamne la SCI Delf Immo à payer à la SAS Séphora la somme de 30'000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SCI Delf Immo aux dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/10646
Date de la décision : 25/04/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°16/10646 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-25;16.10646 ?
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