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07/04/2017 | FRANCE | N°15/08270

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 07 avril 2017, 15/08270


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2017



N° 2017/287





Rôle N° 15/08270





[R] [M]





C/



M° [S], Administrateur judiciaire de la SAS THE NEW KASE

M° [X], Mandataire judiciaire de la SAS THE NEW KASE

AGS - CGEA - I. D. F. OUEST

SAS THE NEW KASE











Grosse délivrée

le :



à :



Me Cathy VANHEMENS GARCIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENC

E, vestiaire : 282



Me Emilie MERIDJEN-MAMANE, avocat au barreau de PARIS



Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE















Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2017

N° 2017/287

Rôle N° 15/08270

[R] [M]

C/

M° [S], Administrateur judiciaire de la SAS THE NEW KASE

M° [X], Mandataire judiciaire de la SAS THE NEW KASE

AGS - CGEA - I. D. F. OUEST

SAS THE NEW KASE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Cathy VANHEMENS GARCIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 282

Me Emilie MERIDJEN-MAMANE, avocat au barreau de PARIS

Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section EN - en date du 30 Janvier 2015, enregistré au répertoire général sous le n° F 14/02408.

APPELANT

Monsieur [R] [M], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Cathy VANHEMENS GARCIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 282

INTIMÉES

M° [S], Administrateur judiciaire de la SAS THE NEW KASE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Emilie MERIDJEN-MAMANE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Thibaud PERRIN, avocat au barreau de PARIS

M° [X], Mandataire judiciaire de la SAS THE NEW KASE, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Emilie MERIDJEN-MAMANE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Thibaud PERRIN, avocat au barreau de PARIS

AGS - CGEA - I. D. F. OUEST, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

SAS THE NEW KASE, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Emilie MERIDJEN-MAMANE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Thibaud PERRIN, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Mars 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2017.

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

[R] [M] a été engagé par la société PHONE HOUSE en qualité de conseiller commercial suivant contrat à durée indéterminée en date du 24 juin 2008 ; il a été promu régulièrement et dans le dernier état de la relation contractuelle, il exerçait les fonctions de responsable de magasin junior et ce depuis mai 2011 ;

La convention collective applicable est celle des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager du 26 novembre 2012 ;

Le contrat de travail a été transféré à la société THE NEW KASE en août 2013 ;

Par courrier du 7 juin 2014, il a pris acte de la rupture de la relation contractuelle en ces termes:

' Par la présente, je vous informe que je prends acte de a rupture de mon contrat de travail pour les raisons suivantes :

1/ depuis que votre société a repris les magasins ' PHONE HOUSE', je suis réduit à exercer les fonctions d'un simple vendeur et imprimeur de coques alors qu'avant, j'vais une réalle activité de conseil en téléphonie, mobile, internet, convergence et assurance ;

J'ai aussi perdu une large partie de mes fonctions de responsable, (coaching, entretien indviduel, entretien mensuel, réunion d'équipe mensuel, formation, réunion responsable de magasin...) du à un staff réduit, où nous sommes deux par journée, et donc tout acte managérial est devenu impossible ;

Nous avons aussi une pression (nombreu mails) sur l'entretien du magasin qui n'est plus tout la même ; avant le ménage était fait le matin et le soir (serpillère), maintenant on nous demande ' un contrôle de chaque recoin du magasin et d'un ménage intensif non stop' et que nous ' devons suivre un planning des tâches' et ' qu'il en va de la responsabilité du RM' ; le planning des tâches ne comporte pas moins que 17 tâches... et nous devons faire cela toujours avec un effectif réduit ;

Idem pour l'ouverture et la fermeture du magasin ; auparavant nous devions juste ouvrir le magasin et laver le sol ; aujourd'hui nous avons une chek-list qui compte 11 tâches le matin, en plus du nettoyage ;

Pire, le soir à la fermeture, nous avons douze tâches à accomplir dont un mail récapitulatif très détaillé (pression aussi sur ce que nous devons écrire et ou on nous le rappel à plusieurs reprises par mail) ainsi qu'un inventaire sur 10 références chaque soir ; toujours avec un staff moindre;

On me demande aussi d'aller faire les remises en banque tous les jours avec ma voiture personnel, avant c'était une ou deux fois par semaine ; ce qui sur le long terme contribue plus rapidement à l'usure de mon véhicule sans parler du gasoil ;

2/ la part variable de mon salaire a été modifié ce qui entraîne une importante déiminution de ma rémunération ;

Plus de challenge, plus de prime sur objectif ;

Prime sur chiffre d'affaires réduite et incompréhensible... nous sommes payés sur ' le score à la performance du magasin et l'objectif CA HT du magasin' alors que nous étion spayés ur la satisfaction client ( 75 €par mois), sur la convergence ( 75 € par mois) sur les assurances (150 € par mois), une prime variable de 600 € à 100 % et plus si dépassement, ce qui n'est plus du tout le cas, et pire notre rémunération dépend maintenant de notre taux de transformation âr rapport à la moyenne nationale et du score client mystère ! En aucun cas, ces items rentré en compte auparavant et les item que nous avions avant ont disparu ;

Les objectifs du chiffre d'affaires sont hors d'atteinte, sur un mois, nous ne faisons même pas le chiffre 4 jours dans le mois depuis l'ouverture du magasin, que ce soit moi en tant que responsable ou mes remplaçants pendant mon accident du travail ; sur ce même magasin Phone House, j'ai toujours atteint plus de 100 % sur l'année, et décroché à chaque fois depuis que je suis responsable ma prime P&L, de 2800 €environ, prime qu je n'aurai jamais, car le magasin en moyenne atteint environ 50 % de l'objectif ;

3/ non seulement je gagne moins en exerçant des fonctions moins intéressantes mais en plus, je fais plus d'heures ;

Vous avez complètement modifié mon équipe ce qui m'oblige à faire plus d'heures pour compenser le manque d'effectif ( nous sommes passés de 3 collaborateurs 39 h dont un adjoint à 39 h, un 35 h, un 14 h et un autre 6 h, pour une amplitude horaire de 8h45 à 20h15) j'ai donc du faire des ouvertures et des fermetures seul, sans pose déjeuner, soit 8h45-20h15 non stop à plusieurs reprise pour pallier le manque de staff ;

J'ai bien accepté un forfait jours mais à l'époque il était justifié par mon statut de responsable de magasin que j'estime ne plus avoir aujourd'hui ;

Montée en compétence des collaborateurs (grâce au coaching, entretien individuel, binôme) la négociation client, formation des collaborateurs de la région en difficulté sur un item, participation sur les différents items de la région ;

4/ j'ai été victime d'un accident du travail en février dernier cer votre société ne se sosucie aucunement de la sécurité de ses salariés ;

J'ai en effet chuté dans un escalier cassé que vous avez tardé à réparer ; cet escalier été cassé depuis décembre 2012 ;

J'ai d'ailleurs pu constater lors de ma reprise le 2 juin dernier qu'il n'état toujours pas réparé;

A cause de cet accident, j'ai du être immobilisé plus d'un mois, deux mois et demi de séances de kinésithérapie( toujours en cours) ou je sortais les larmes aux yeux les premières séances due à une douleur insoutenable et une prise systématique de médicaments pour calmer cette douleur; j'ai dû arrêter la pratique du sport et je ne pouvais même pas m'occuper de mes deux filles, je me sentais impuissant, et elles ne l'ont pas compris ce qui m'a énormément touché moralement; et le pire est à venir puisque je dois réaliser une arthroscopie alors que je n'ai jamais subi aucune opération auparavant ;

5/ pour couronner le tout, je suis confronté à une gestion anarchique au niveau ressources humaines;

Je n'ai pas été payé depuis le 13 avril 2014, étant propriétaire, ayant deux enfants à charge et des crédits, il m'était impossible de vivre correctement ; tout cela car le service qui s'occupe de cela, n'a pas été capable de transmettre le RIB de la société ( car tant que la sécurité sociale n'a pas le Rib de la société pour l'a rembourser, il ne pouvais pas me rembourser à moi) malgré les nombreux courriers de la sécurité social ( la première relance datant de février!) et mes nombreux appels ; j'ai été remboursé le 5 juin, soit 51 jours sans salaires et j'attends maintenant que la société s'occupe de me verser la prévoyance ;

Ayant le salaire le plus élevé du ménage, je n'ai donc pas pu subvenir aux besoins de ma famille pendant plus de 50 jours, un sentiment encore d'impuissance et de honte, je n'osais même plus aller vers mes filles, qui d'habitude ont un papa qui offre toujours des cadeaux ;

De plus j'ai fais une demande le 16 janvier par mail car il y avait une erreur sur mon soldes de congés payés ; j'ai eu une confirmation de l'erreur le 10 février 2014, comme quoi c'était bien une erreur, que les 2 décembre 2013 et 3 décembre 2013, je travaillé bien en boutique, alors que l'on m'avait mis en congé ; à ce jour, soit bientôt 4 mois, j'attends toujours que ces deux jours me soient régularisés ;

Pour résumé, cette situation n'est plus acceptable pour moi, sur un point de vu mora et juridique, j'ai énormément souffert et je dois maintenant me reconstruire, je ne suis plus le même homme, il y a un avant et après The New Kase, je ne peux plus continuer comme cela, sous peine de répercutions graves physiques et mentales ;

Je prends donc acte de la rupture de mon contrat de travail et donne instruction à mon avocat de saisir le conseil de prud'hommes ;'

Le 1er août 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire en faveur de la SAS TNE NEW KASE ; un plan de redressement a été adopté le 25 juin 2015, Me [X] ayant été désigné en tant que mandataire judiciaire et Me [H] [S] en qualité d'administrateur ;

[R] [M] a saisi le conseil de prud'hommes le 4 septembre 2014 ;

Par jugement en date du 30 janvier 2015, le conseil de prud'hommes de Marseille a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer une indemnité de 100 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société THE NEW KASE ;

[R] [M] a relevé appel de la décision le 10 mars 2015 ;

Suivant conclusions déposées le 7 mars 2017 et soutenues oralement, [R] [M] demande à la cour de :

REFORMER en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE le 30 janvier 2015.

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que la société THE NEW KASE :

- a modifié unilatéralement la rémunération de Monsieur [M]

- a modifié unilatéralement les fonctions de Monsieur [M],

- a manqué à l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur elle et est responsable de la chute dont Monsieur [M] a été victime le 14 février 2014,

- a exécuté de manière déloyale l'accord du 8 avril 2008 dont les dispositions ne sont d'ailleurs pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail de Monsieur [M] restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps, de son travail et donc, à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé,

- a manqué à son obligation de règlement du salaire et du revenu de remplacement,

- a abusivement imposé à Monsieur [M] d'utiliser son véhicule personnel quotidiennement pour effectuer des dépôts d'espèce à la banque.

DIRE ET JUGER que de tels manquements sont d'une gravité telle qu'ils empêchaient la poursuite du contrat.

REQUALIFIER la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [M] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

DIRE ET JUGER que les dispositions de l'accord du 8 avril 2008 ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail de Monsieur [M] restaient raisonnables et à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé.

ANNULER la convention de forfait jours annuel de Monsieur [M] ou, à tout le moins, PRIVER D'EFFET l'accord du 8 avril 2008.

CONDAMNER la société THE NEW KASE à régler à Monsieur [M] la somme de 59 595.07€, détaillée comme suit :

2 664 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

6 660 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

666 € au titre des congés payés sur préavis,

30 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 098 € au titre de la perte de chance d'utiliser les droits acquis au titre du droit individuel à la formation,

5 000 € en réparation du préjudice moral subi du fait des circonstances ayant entouré la rupture du contrat de travail,

11 507.07 € au titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires effectuées au-delà de 35ème heures entre mai 2011 et février 2014.

3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER la société THE NEW KASE aux entiers dépens.

Selon conclusions déposées et plaidées le 7 mars 2017, la SAS THE NEW CASE, Me [S] es qualités d'administrateur judiciaire et Me [X], mandataire judiciaire sollicitent de la cour qu'elle :

Reçoive la Société en ses conclusions et la dire bien fondée ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [M] de l'ensemble de ses demandes

En conséquence :

Dise la prise d'acte de la rupture du contrat de travail injustifiée et par conséquent la requalifie en démission ;

Déboute en conséquence Monsieur [M] de l'ensemble de ses demandes.

Et faisant droit à la demande reconventionnelle formée par la Société :

Condamne Monsieur [M] à verser à la Société l'équivalent de son indemnité compensatrice de préavis, soit 6.660 euros bruts ;

Condamne Monsieur [M] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Société, de l'Administrateur Judiciaire et du Mandataire judiciaire.

Selon conclusions déposées le 7 mars 2017, reprises à la barre, le CGEA/AGS a demandé à la cour de:

Vu la mise en cause du CGEA en application de l'article L.625-1 du Code de Commerce,

Vu l'article L 625-4 du code de commerce,

Dire et juger que la garantie du CGEA est subsidiaire.

Débouter Monsieur [M] [R] de l'ensemble de ses demandes comme étant infondées et injustifiées.

Confirmer le jugement.

En tout état diminuer le montant des sommes réclamées à titre de dommages et intérêts en l'état des pièces produites.

Débouter Monsieur [M] [R] de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre du CGEA pour la demande relative à la condamnation sous astreinte.

Déclarer inopposable à l'AGS ' CGEA la demande formulée par Monsieur [M] [R] au titre de l'article 700 du CPC.

Dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.643-7 du Code de Commerce.

En tout état constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Monsieur [M] [R] selon les dispositions de articles L 3253 -6 à L 3253-21 et D 3253 -1 à D 3253-6 du Code du Travail.

Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées à l'article L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du Code du Travail.

MOTIFS

A/ la prise d'acte

Attendu qu'en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ;

Attendu que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige ; que le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ; qu'il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ;

Attendu qu'en l'espèce, [R] [M] fait état de manquements fautifs de son employeur constitués par :

- la modification de son contrat de travail résultant de changements unilatéraux affectant sa rémunération et ses attributions,

- le non respect de l'obligation de sécurité et de droit à la santé dont l'employeur est débiteur tenant au nombre récurrent d'heures supplémentaires, au non-entretien d'éléments défectueux,

- le non respect par l'employeur de ses obligations tenant au paiement du salaire, des instructions abusives, et des retards injustifiés dans le versement des indemnités résultant du contrat de prévoyance.

Attendu que [R] [M] expose :

- que sa rémunération était fixée par un avenant à son contrat de travail initial signé par la société PHONE HOUSE et lui-même le 5 novembre 2009, lequel prévoyait s'agissant de la part variable:

- une prime calculée en fonction du résultat sur objectif du magasin : 210 € quand le résultat est atteint, avec versement d'un prorata dès que le plancher de 50% était atteint;

- une prime calculée en fonction du résultat sur objectif du salarié : 90 € quand le résultat est atteint avec le même plancher fixé;

- des bonus versés dès que le niveau d'atteinte du résultat est supérieur ou égal à 100 %;

- une prime P&L en cas de dépassement de l'objectif et dont le mode de calcul était fixé;

- la possibilité de prime supplémentaire à l'occasion de ' challenges';

- un plafond de 18000 € par an soit 1500 € par mois;

- que la société THE NEW CASE a complètement modifié la structure des primes en ce qu'elle a :

- supprimé les bonus et les challenges;

- assujetti le paiement de la prime d'objectif à une nouvelle condition cumulative tenant à l'atteinte d'un taux de performance d'au moins 30 % fixé discrétionnairement par l'employeur et résultant de l'évaluation mensuelle, du taux de transformation en fonction de la moyenne nationale, de l'indice de vente en fonction de la moyenne nationale et du score visite client mystère ;

- modifié à la baisse le plafond pouvant être atteint en le fixant désormais à 5328 €npar an au lieu de 18000 € ;

- augmenté le montant des objectifs à atteindre de sorte qu'elle ne soit plus contrainte à paiement alors qu'auparavant les objectifs étaient toujours atteints voire dépassés ;

Attendu que [R] [M] qui produit diverses pièces faisant état du caractère irréaliste des nouveaux objectifs fixés, de l'ajout unilatéral et injuste de critères manipulables ayant pour objectif de le pénaliser, de sa rémunération avec le nouveau système, inférieure de 30 % au précédent, soutient que son employeur ne pouvait modifier sa rémunération sans son accord, et aurait donc dû lui soumettre les modifications qu'il envisageait ; qu'il souligne que la société a présenté au comité d'entreprise un projet qui a emporté son accord tenant à la prise en compte des commissions perçues sur la vente de terminaux nus mais qui n'a pas été appliqué dans les faits, le magasin dans lequel était affecté le salarié ne vendant plus que des coques de téléphones au prix moyen de 30 € HT ;

Attendu que la société THE NEW CASE fait valoir pour sa part :

- que contrairement à ce que soutient le salarié, les annexes définissant la part variable du salaire établies par la société PHONE HOUSE n'ont jamais été contractualisées et n'ont pas été soumises à la signature du salarié, étant élaborées unilatéralement par l'employeur;

- l'avenant signé en 2009 avait pour seul objectif de mettre fin à l'ancienne structure de rémunération applicable antérieurement et nécessitait l'accord des salariés car il avait pour effet d'augmenter le salaire fixe tout en conservant le principe d'une rémunération variable, les modalités de calcul n'étant en revanche pas contractualisées;

- que la société pouvait donc librement modifier les modalités de calcul et d'octroi de la rémunération variable ;

- que les plans de rémunérations unilatéraux de THE PHONE HOUSE ne pouvaient en tout état de cause être repris en l'état dans la mesure où ils portaient sur des ventes de produits spécifiques à la société PHONE HOUSE ( clé 3 G, nombre de PC, ADS, assurances ec) et devaient être nécessairement adaptés dans le cadre du transfert des contrats de travail ;

- que les nouvelles modalités, conservant la structure de la rémunération variable et la simplifiant ont été présentées au comité d'entreprise et approuvées par lui ;

- que les 'challenges'organisés auraient pu permettre au salarié de dépasser le seuil annuel de 18000 €, les challenges n'étant pas plafonnés;

- la société a garanti pendant le mois d'ouverture l'attribution de 80 % de la prime variable et a réduit de 15 % les objectifs cibles pour la première année pour permettre l'adaptation des salariés aux nouveaux produits;

- qu'en tout état de cause la modification ne revêt pas l'importance que le salarié lui prête et ne saurait justifier une prise d'acte, [R] [M] ayant reçu chaque mois des primes variables;

Attendu que le conseil de prud'hommes n'a pas répondu à l'argumentation des parties ;

Attendu qu'il ressort des pièces versées par le salarié :

- que le 1er novembre 2009, il a signé un courrier adressé par la société PHONE HOUSE l'avisant qu'il était promu au poste de conseiller commercial confirmé et précisant ' votre rémunération brute mensuelle sera de 834,30 € ; à cette rémunération contractuelle fixe s'ajoutera un complément variable calculé en fonction des ventes que vous aurez réalisées ; les modalités de calcul et de paiement de ce complément vous seront précisées dans un document distinct ; votre salaire minimum brut mensuel ne saurait toutefois être inférieur à 1655,73 € pour un mois complet travaillé ;

- que le 5 novembre 2009, il a signé un document intitulé 'avenant au contrat de travail conseiller commercial', actant qu'à compter du 1er janvier 2010, il 'bénéficierait du nouveau système de rémunération mis en place soit une rémunération fixe mensuelle correspondant au salaire minimum conventionnel (1655,73 €) outre un potentiel de variable mensuel dont le montant et les modalités d'attribution applicables à l'exercice en cours sont précisées dans l'annexe contractuelle jointe';

- que par la suite, en 2010, et 2011, lui ont été soumis deux avenants de promotion, l'un en tant que responsable adjoint de magasin, l'autre en tant que responsable de magasin reprenant les mentions de l'avenant du 5 novembre 2009 au chapitre rémunération avec pour seule modification le nouveau montant du salaire conventionnel minimum ;

- qu'enfin en 2012, il a reçu un courrier lui attribuant le titre de responsable de magasin confirmé, lui précisant qu'à sa rémunération brute mensuelle de 2170 € s'ajoutera un complément variable calculé en fonction des ventes réalisées ;

Attendu que [R] [M] communique également les annexes relatives à la rémunération variable pour chacun des postes qu'il a occupés et fixant les seuils rappelés plus haut ;

Attendu qu'il résulte de la lecture du compte-rendu du comité d'entreprise réuni le 6 août 2013, (seules les pages 1, 4,5 et 6 sur 11 étant communiquées) que le président-directeur-général de la société THE NEW CASE lui a présenté les nouvelles composantes de la rémunération variable par ailleurs répertoriées dans un document produit intitulé ' projet' faisant état d'une prime variable mensuelle, d'une prime collective, d'un booster individuel et d'une prime annuelle pour les responsables de magasin ; qu'il est fait référence à la vente de 'terminaux nus' entrant en ligne de compte pour le calcul de la part variable, la société ne contestant toutefois pas que cette activité n'a pas été exercée ;

Attendu que les annexes ont valeur contractuelle ainsi qu'il en résulte même de l'accord des parties;

Attendu que la société THE NEW CASE ne conteste pas avoir apporté des modifications affectant la rémunération variable ;

Attendu que peu important l'incidence de celles-ci, la rémunération du salarié constitue un élément du contrat de travail, synallagmatique qui est intangible, sauf accord des parties ;

Attendu qu'en effet, ainsi qu'en dispose l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise ; qu'elles doivent être exécutées de bonne foi ;

Attendu que par suite, la seule circonstance que l'employeur modifie les conditions de rémunération sans l'accord du salarié, justifie la prise d'acte sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs invoqués à son soutien ; qu'il convient en conséquence d'infirmer la décision de première instance ;

B/ sur les conséquences

Attendu que la prise d'acte reconnue justifiée a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Attendu que [R] [M] peut prétendre à une indemnité de préavis et de licenciement lesquelles ne sont contestées qu'en leur principe par l'intimée ; qu'il convient de lui allouer les sommes respectives de 2664 € et 6660 € outre les congés payés afférents pour l'indemnité de préavis ;

Attendu que [R] [M] ne justifie pas de sa situation professionnelle ni de ses revenus postérieurement à sa prise d'acte ; qu'au regard de son âge au moment de la prise d'acte (27 ans), de son ancienneté (6 ans), la cour lui alloue la somme de 18.000 € à titre de dommages-intérêts;

C/ sur la demande relative à l'annulation de la convention de forfait jours annuelle

Attendu que le conseil de prud'hommes n'a pas répondu à cette demande ;

Attendu que [R] [M] fait valoir au visa de l'article L 3121-39 du code du travail, que la convention collective ne prévoit pas la faculté de conclure une convention forfait jours à l'année de sorte qu'il est fondé à prétendre au paiement des heures supplémentaires au delà de la 35ème heure, soit 4 h par jour du 9 mai 2011 jusqu'en août 2014, puis 10 h par jour pendant 6 mois, selon un calcul détaillé dans ses conclusions et aboutissant à une somme globale de 11507,07 €;

Attendu que la société THE NEW CASE indique que le forfait-jours est autorisé au sein de la société par un accord d'entreprise conclu le 2 avril 2008 et s'applique de plein droit aux salariés conformément à l'article L 2261-10 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de l'examen de l'avenant en date du 2 mai 2011, portant promotion au poste de responsable de magasin et au statut de cadre, que la durée du travail était désormais décomptée sur la base de 217 jours travaillés ; que ce dispositif a été prévu par un accord d'entreprise en date du 2 avril 2008 comme le souligne à juste titre l'employeur, conformément aux prescriptions légales posées à l'article L 3121-39 de sorte que la demande d'annulation n'est pas fondée ;

D/ sur la demande relative au droit à la formation

Attendu que le conseil de prud'hommes n'a pas répondu à cette demande ;

Attendu que [R] [M] demande à être indemnisé de la perte de chance d'utiliser les droits qu'il avait acquis et qu'il n'a pu utiliser du fait de l'absence de réalisation de son préavis ; que la société THE NEW CASE fait valoir que les heures acquises sont portables et peuvent être utilisées soit auprès d'un nouvel employeur soit pendant la période de chômage ;

Attendu qu'il est exact que l'article L 6323-18 dans sa rédaction applicable à l'époque organisait le transfert des droits acquis au titre du DIF, soit vers le nouvel employeur, soit vers le régime d'assurance chômage ;

Mais attendu que du fait de la rupture imputable au l'employeur, le salarié a bien été dans l'impossibilité d'exercer son droit à la formation de sorte qu'il est fondé à solliciter une indemnité en réparation due à une perte de chance d'utiliser ses droits ; que la cour évalue ce préjudice à la somme de 100 € ;

E/ sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

Attendu que le conseil de prud'hommes n'a pas répondu précisément à cette demande ;

Attendu que [R] [M] indique qu'en raison des circonstances qui ont entouré la rupture de son contrat de travail, il est fondé à réclamer la réparation de son préjudice moral ; qu'il fait valoir tout à la fois, une charge de travail considérable, des négligences dans l'accomplissement des formalités nécessaires à l'indemnisation de son accident du travail qui l'ont exposé à des difficultés financières ;

Attendu que la société THE NEW CASE s'oppose à toute indemnisation faisant valoir que [R] [M] ne rapporte pas l'existence de faute, de préjudice et du rapport de causalité nécessaire ;

Attendu que toutefois le salarié a produit les multiples courriels et courriers qu'il a dû adresser tant à son employeur qu'à la caisse d'assurance maladie pour obtenir l'indemnisation à laquelle il avait droit à raison de l'accident du travail qu'il avait subi, et ce en raison de négligences de la société pendant plusieurs mois qui a tardé à communiquer les éléments demandés ; que ces négligences sont constitutives d'une faute laquelle a généré un préjudice indubitable constitué par le retard dans le versement des indemnités et l'incertitude financière à laquelle était exposé [R] [M] ; que la cour lui alloue la somme de 1000 € en réparation du préjudice moral ;

F/ sur les autres demandes

Attendu que la société THE NEW KASE étant réputée in bonis au regard de l'homologation du plan de redressement par voie de continuation de la société, les créances antérieures à l'ouverture du redressement judiciaire étant couvertes par l'AGS, la présente décision sera opposable à cette dernière et sa garantie ne jouera qu'en cas d'insuffisance de fonds de la société THE NEW KASE, dans la limite prévue aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail et sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement ;

Attendu qu'en raison de l'économie du présent arrêt, il convient de confirmer par substitution de motifs, le rejet de la demande reconventionnelle de la société THE NEW KASE ;

Attendu que l'équité justifie qu'il soit alloué à [R] [M] la somme de 2500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les dépens de 1ère instance et d'appel sont mis à la charge de la société THE NEW KASE;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale;

Infirme dans son intégralité le jugement du conseil de prud'hommes sauf en ce qu'il a débouté la SAS NEW KASE de ses demandes reconventionnelles ;

Statuant à nouveau, par ajout et substitution,

Juge que la prise d'acte de [R] [M] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Condamne la SAS THE NEW KASE à payer à [R] [M] :

- la somme brute de 6660 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- la somme brute de 666 € au titre des congés payés sur préavis

- la somme de 2664 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

- la somme de 18.000 € à titre de dommages intérêts pour rupture abusive

- la somme de 100 € à titre de dommages-intérêts au titre de la perte de chance du DIF

- la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral

Déboute [R] [M] de sa demande d'annulation de la clause de forfait jours ;

Déboute [R] [M] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires;

Condamne la société THE NEW KASE à payer à [R] [M] la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit le présent arrêt opposable au CGEA/AGS et que sa garantie ne jouera qu'en cas d'insuffisance de fonds de la société THE NEW KASE, dans la limite prévue aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail et sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement ;

Condamne la SAS THE NEW KASE aux dépens de première instance et d'appel .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 15/08270
Date de la décision : 07/04/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°15/08270 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-07;15.08270 ?
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