La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2017 | FRANCE | N°15/04114

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 07 avril 2017, 15/04114


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 07 AVRIL 2017



N°2017/301



Rôle N° 15/04114







SASU CERTICALL, venant aux droits de Société FREE





C/



[T] [I]



















Grosse délivrée le :



à :



-Me Carole BESNARD BOELLE, avocat au barreau [Localité 1]



- Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section C - en date du 18 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 11/3616.





APPELANTE



SASU CERT...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2017

N°2017/301

Rôle N° 15/04114

SASU CERTICALL, venant aux droits de Société FREE

C/

[T] [I]

Grosse délivrée le :

à :

-Me Carole BESNARD BOELLE, avocat au barreau [Localité 1]

- Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section C - en date du 18 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 11/3616.

APPELANTE

SASU CERTICALL, venant aux droits de Société FREE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Carole BESNARD BOELLE, avocat au barreau [Localité 1]

INTIME

Monsieur [T] [I], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Frédéric FRIBURGER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Virginie PARENT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2017

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2017

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée déterminée du 1er septembre 2004 au 28 février 2005 , [T] [I] a été engagé par la société TISCALI en qualité de responsable comptabilité clients voix. Les relations contractuelles se sont poursuivies dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Depuis le 12 novembre 2007, il occupe le poste de Coordinateur Comptabilité Reporting.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale des télécommunications.

Le contrat de travail du salarié a été transféré à la société CERTICALL en application de l'article L 1224-1 du code du travail à compter du 2 janvier 2009.

Après entretien préalable le 22 juin 2011, [T] [I] a été licencié pour cause réelle et sérieuse par la société CERTICALL par lettre recommandée avec accusé réception du 6 juillet 2011 dans les termes suivants:

' Dans le prolongement de l'entretien préalable qui s'est déroulé dans nos locaux le 22 juin 2011, au cours duquel vous étiez assisté par [S] [C], Représentant du Personnel, nous vous informons par la présente de notre décision de vous licencier en raison des motifs que nous vous avons exposés lors de cet entretien préalable qui, nous vous le rappelons, sont les suivants:

Vous avez été engagé en contrat à durée déterminée à compter du t" septembre 2004 en tant que Responsable Comptabilité clients Voix, en classification D. Le 21 février 2005, votre contrat a été transformé en contrat à durée indéterminée, toujours sur le même poste. Par la suite, depuis le 12 novembre 2007, vous occupez le poste de Coordinateur Comptabilité Reporting, classifié dans la

convention collective au groupe D.

Dans le cadre de la réorganisation de la direction des services abonnés que nous avons mise en place au cours du premier semestre 2010, vous aviez été reçu à plusieurs reprises par le Responsable RH du site [Localité 2] (ou un membre de son équipe) afin de vous indiquer que la poursuite de votre activité en qualité de Coordinateur Comptabilité Reporting nécessiterait votre mutation à [Localité 1]. A cette occasion, vous leur aviez fait part de votre préférence pour un poste vous permettant de rester à [Localité 2]. Suite à votre requête, nous avions identifié de vous confier provisoirement un certain nombre de tâches liées à votre métier et domaine d'activité.

En revanche, comme nous l'avons abordé au cours de l'entretien du 22 juin 2011, toujours dans le cadre de l'évolution de nos services, nous avons été conduits à centraliser sur [Localité 1] l'ensemble de votre activité initiale; ainsi, l'ensemble de vos missions devant s'exercer depuis le site [Localité 1], ce changement nous a obligé à mettre en 'uvre votre clause de mobilité.

Par conséquent, nous vous avons confirmé le 06 mai 2011 votre affectation au service Recouvrement au [Adresse 3] au plus tard à compter du 20 juin 2011.

Cette mutation était assortie de dispositions d'accompagnement permettant de faciliter votre mobilité.

Malgré ces éléments, vous nous avez fait connaître par courrier du 23 mai 2011 votre décision de refuser cette mutation géographique.

Au cours de notre entretien du 22 juin 2011, vous n'avez pas souhaité revenir sur votre position et nous avez confirmé que votre décision était irrévocable. Vous nous avez également confirmé que vous n'aviez pas cherché à connaître, auprès de vos responsables, quel serait le contenu de vos activités sur le site [Localité 1]. En outre, au cours de cet entretien vous souhaitiez savoir si des opportunités de poste existaient depuis le site [Localité 2], en collaboration directe auprès du Directeur du site. Nous vous avons alors confirmé qu'aucune opportunité de cette nature n'existait.

Dans ce contexte, il nous est impossible de maintenir votre collaboration et nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour motif personnel.

Votre préavis d'une durée de deux mois, que nous vous dispensons d'effectuer, démarrera à votre retour de congés, soit le 23 juillet 2011. Ce préavis s'achèvera donc le 22 septembre 2011, date à

laquelle vous cesserez de faire partie de nos effectifs.

Nous vous informons que nous vous libérons de toute clause de non-concurrence qui vous aurait été signifiée dans votre contrat de travail; en conséquence, aucune contrepartie financière ne vous est

due.

Nous vous précisons également que conformément à la législation en vigueur, vous pouvez demander, avant le terme de la période de 2 mois correspondant à votre préavis, à bénéficier de votre droit individuel à la formation (DIF) de 120 heures qui permet d'accéder à des actions de formation continue, de bilan de compétences et de validation des acquis de votre expérience.

Nous vous demandons de restituer à la société et au plus tard à la fin de votre préavis tous documents, rapports, listes, correspondances, ainsi que tout matériel appartenant à la société (clés, badges) qui seraient encore en votre possession. Nous attirons votre attention sur le fait qu'en cas de non restitution du matériel nous serons dans l'obligation de retenir à la source leur valeur d'achat.

Au terme de votre préavis, notre service du personnel vous fera parvenir par courrier à votre domicile dans les meilleurs délais les sommes vous restant dues à titre de salaire et d'indemnité de congés payés. Nous vous enverrons conjointement, le solde de tout compte, votre certificat de

travail et une attestation Pôle Emploi.'

La société CERTICALL employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, [T] [I] a saisi le 25 juillet 2011 le conseil des prud'hommes de Marseille qui par jugement du 18 février 2015 a:

- déclaré le licenciement de [T] [I] en date du 06 juillet 2011, sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société CERTICALL, venant aux droits de la société FREE, à payer à [T] [I] les sommes de :

* 15.000 € la réparation du préjudice moral occasionné par le manquement de son employeur à son obligation de lui fournir des tâches à effectuer entre le ler mai 2010 et le 20 juin 2011,

* 30.187,92 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.500 € au titre des frais irrépétibles,

- rappelé que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement et que les intérêts ainsi produits ouvrent droit à capitalisation annuelle,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne seraient pas de plein droit exécutoires par application de l'article R 1454-28 du Code du travail,

- rejeté toutes autres demandes des parties,

- condamné la société CERTICALL, venant aux droits de la société FREE, à payer les dépens de l'instance.

Le 5 mars 2015, la société CERTICALL a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société CERTICALL demande de :

- infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE en date du 18 février 2015 ;

En conséquence,

- dire et juger la société CERTICALL venant aux droits de la société FREE recevable et bien fondée en ses explications et chefs de demandes,

- dire que le licenciement de Monsieur [I] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- dire Monsieur [I] mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- l'en débouter,

- condamner Monsieur [I] à verser à la société CERTICALL venant aux droits de la société FREE une somme de 1.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- le condamner aux entiers dépens.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, [T] [I] demande de :

Vu l'article 1235-3 du Code du Travail,

Vu l'article 9 du Code de Procédure Civile,

- déclarer non fondé, l'appel interjeté par la société CERTICALL à l'encontre du Jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille du 18 février 2015,

- constater que la société CERTICALL n'a pas respecté ses obligations contractuelles,

- constater que la clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail de Monsieur [T] [I] est illicite,

- constater au surplus la mise en 'uvre déloyale de ladite clause par la société CERTICALL,

- constater que le salaire mensuel moyen brut de Monsieur [T] [I] s'établit à 2515,66 €,

En conséquence :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré d'une part, que la société CERTICALL avait manqué à son obligation de fournir à Monsieur [I] des tâches à effectuer entre le 1 er mai 2010 et le 20 juin 2011 et d'autre part, que le licenciement de Monsieur [I] était dénué de cause réelle et sérieuse,

- confirmer la condamnation de la société CERTICALL au paiement de la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct du fait de la « mise au placard »,

- confirmer la condamnation de la société CERTICALL à verser à Monsieur [I] la somme de 1 500 euros en application de l"article 700 du Code de Procédure Civile

Pour le surplus,

- infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau:

- condamner la société CERTICALL au paiement de la somme de 45 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause :

- condamner la société CERTICALL à verser à Monsieur [T] [I] la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- dire et juger que ces sommes porteront intérêts à compter du jour de la saisine du Conseil de Prud'hommes et que les intérêts de ces sommes seront capitalisés,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de dommages-intérêts en raison d'une exécution fautive du contrat de travail

( absence de fourniture de travail)

L'article L 1222-1 du code du travail dispose : le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

[T] [I] rappelle à bon droit que l'une des obligations essentielles de l'employeur est de fournir du travail au salarié.

Il fait valoir qu'au cours de l'année 2010 ses attributions et moyens de travail lui ont été progressivement retirés, ceux-ci étant progressivement transférés à [Localité 1], qu'ainsi son poste de travail a été vidé de sa substance, qu'il s'en est ému et a sollicité un entretien auprès de la DRH à propos de son avenir professionnel, qu'il a sollicité à plusieurs reprises que des tâches lui soient confiées , que cette 'mise au placard' ressentie comme telle n'est pas restée sans conséquence sur son état de santé, le salarié ayant présenté des symptômes de souffrance psychologique au travail, et ayant été contraint de se placer en arrêt de travail pour maladie à compter du 21 février 2011 jusqu'au 1er mai 2011.

Au vu de la description de ses fonctions figurant dans le contrat de travail de Monsieur [I] et du calendrier de transfert des activités comptables de l'entreprise à [Localité 1] ( jointe à un e-mail interne du 4 mai 2010) , il a été à juste titre relevé par les premiers juges que l'essentiel des fonctions du salarié était programmé pour être transféré à [Localité 1] à compter du 1er mai 2010 ou du 1er juin 2010. L'employeur le reconnaît lui -même, puisqu'il admet dans ses conclusions( page 5) que le salarié était informé que la majeure partie des activités dont il avait la charge était transférée depuis juin 2010.

Le salarié justifie par un e-mail du 5 mai 2010 avoir sollicité un rendez-vous avec le service des ressources humaines pour faire un point sur son avenir professionnel . L'employeur verse aux débats un courriel du 1er juillet 2010 contenant compte rendu d'un entretien en date du 30 juin 2010 avec le salarié; il y est mentionné que le salarié a exposé que pour des raisons d'équilibre familial il refusait la mutation sur [Localité 1] compte tenu du rapatriement sur [Localité 1] de son activité comptable, et qu'il était ouvert à toute proposition ; il est indiqué également que réponse lui a été donnée de réfléchir à un projet de formation pour rendre son employabilité dans la région optimale.

M. [I] produit un e-mail du 8 septembre 2010 au terme duquel il indique n'avoir pas été sollicité pour la clôture du mois d'août 2010 ajoutant qu'il considère que le transfert de ses tâches a bien été effectué ; réponse lui est donnée par son interlocuteur qu'il n'a pas été sollicité dans la mesure où ce dernier était en congé ; Monsieur [I] produit également un échange de mails en date du 12 octobre 2010 , au terme duquel il est indiqué au salarié qu'il procédera les lundis mercredi et vendredi à l'encaissement des chèques mandats , et en réponse à sa demande de tâches de travail pour les mardis et jeudis , que si le volume d'encaissement les mardis et jeudis est supérieur à une remise simple il peut/doit aider [Y] car les encaissements doivent être traités le jour même pour que les clients récupèrent leur service.

Par courrier du 6 mai 2011 adressé à la DRH le salarié exposait que depuis le 1er juillet 2010 ses fonctions avaient été unilatéralement modifiées malgré des promesses de repositionnement , que les tâches confiées ont progressivement diminué de sorte qu'il subissait depuis cette date une 'mise au placard' ayant eu des répercussions graves sur son état de santé ayant conduit un arrêt travail du 21 février 2011 jusqu'au 1er mai 2011. Il sollicitait de nouveau un entretien en vue d'être informé sur sa situation et ses fonctions au sein de l'entreprise.

Par courrier du 16 mai 2011 l'employeur indiquait au salarié qu'il mettait en 'uvre la clause de mobilité, en vue d'un transfert du salarié au sein du service comptabilité et recouvrement basé à [Localité 1] évoquant une rencontre du salarié avec son responsable ressources humaines le 6 mai 2011, au cours de laquelle cette décision lui a été annoncée.

Par e-mails des 24 et 31 mai 2011, le salarié a sollicité du travail.

Le transfert à [Localité 1] de la majeure partie des tâches confiées au salarié, effectif à compter de mai et juin 2010, et les réclamations réitérées de M. [I] quant à la fourniture de travail à compter de cette date jusqu'au mois de mai 2011 date à laquelle la société CERTICALL a mis en oeuvre la clause de mobilité, établissent que l'employeur a en effet manqué à son obligation contractuelle de fournir du travail au salarié pendant plusieurs mois.

La mutation décidée par courrier du 16 mai 2011, l'employeur rappelant à M. [I] que son lieu d'exécution du contrat de travail était désormais à [Localité 1] à compter du 20 juin 2011, avec un maintien des modalités de son contrat de travail, ne peut permettre à la société CERTICALL de démontrer le contraire.

[T] [I] produit aux débats le justificatif de consultations psychiatriques les 1er octobre 2010, 26 janvier 2011, 21 février 2011, 18 mars 2011 ,4 avril 2011 , le praticien précisant que Monsieur [I] alléguait des symptômes de souffrance psychologique au travail.

Au vu de ces éléments, la cour dit qu'il y a lieu effectivement à condamnation contre la société CERTICALL au titre du manquement de l'employeur à son obligation de fournir du travail , mais , infirmant la décision déférée, et au regard des éléments soumis à la cour , ramène le montant des dommages et intérêts dus au salarié à la somme de 10000 €.

Sur la clause de mobilité

[T] [I] conclu au caractère illicite de la clause de mobilité contenue dans son contrat de travail, celle-ci ne répondant pas selon lui aux exigences de précision et de circonscriptions géographiques posées par le droit positif.

L'article 4 de l'avenant au contrat de travail du 29 octobre 2007 contient une clause de mobilité libellée de la manière suivante :

Le lieu de travail est fixé à l'adresse suivante : [Adresse 4]. Toutefois il est expressément convenu et accepté que ce lieu de travail pourra être modifié et transféré en tout autre lieu sur le territoire national.

Le collaborateur reconnaît expressément qu'il est soumis à une mobilité géographique et/ou fonctionnelle selon les dispositions de la convention collective

Pour être valable, une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée.

Il est à bon droit soutenu par la société CERTICALL que la clause de mobilité géographique opposable au salarié est en l'espèce licite, répondant aux conditions précitées. Il n'est pas rapporté la preuve contraire par un courrier de l'inspecteur du travail adressé à l'employeur le 18 juillet 2011, cette missive n'ayant pour objet que de rappeler à ce dernier d'une manière générale les conditions de validité des clauses de mobilité, et d'inciter l'employeur à examiner le contenu des clauses de mobilité figurant sur les contrats de travail des employés de l'entreprise Free à [Localité 2] au regard de ces règles.

Il ne saurait être prononcé la nullité de la clause de mobilité.

Sur la mise en oeuvre de la clause de mobilité et le licenciement

La mise en oeuvre d'une clause de mobilité prévue au contrat de travail correspond à un simple changement des conditions de travail, et non à une modification du contrat de travail qui nécessiterait l'accord du salarié.

La bonne foi contractuelle est présumée, de sorte qu'il n'appartient pas au juge de rechercher si la décision de l'employeur de modifier les conditions de travail d'un salarié est conforme à l'intérêt de l'entreprise .

Il incombe au salarié de démontrer que cette décision a en réalité été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt, ou bien qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle .

En l'espèce M. [I] soutient que l'employeur a mis en oeuvre la clause de mobilité de manière injustifiée par les intérêts de l'entreprise et déloyale en ce qu'elle avait pour but sous-jacent le départ de l'entreprise de Monsieur [I].

Une telle preuve n'est pas rapportée par les pièces produites aux débats . La cour constate en effet que :

- l'affirmation du salarié selon laquelle l'employeur aurait cherché à le faire démissionner ne repose sur aucune pièce, alors la société CERTICALL apparaît avoir confirmé au contraire lors de l'entretien du 22 juin 2011, que la place du salarié dans le service financier était à leur côté à [Localité 1] ( propos rapportés par M. [S] , délégué du personnel dans un compte rendu); notamment , une telle affirmation ne saurait être démontrée par la production d'un article de presse sur la politique des ressources humaines chez FREE daté du 19 mai 2016.

- [T] [I] ne justifie par aucune pièce ses allégations selon lesquelles son poste de travail ne devait pas être affecté par le transfert des activités comptables à [Localité 1], et qu'il devait être maintenu sur le site [Localité 2] aux conditions de travail contractuellement fixées.

- bien au contraire, il est constant que le salarié était informé depuis juin 2010 que la majeure partie des activités dont il avait la charge était transférée à [Localité 1].

- l'existence de la clause de mobilité dans son contrat de travail à laquelle il était tenue , n'était pas ignorée de [T] [I]. Le mail du 1er juillet 2010 rendant compte de l'entretien du 30 juin 2010 précise en effet : ' Il est conscient que si l'entreprise le souhaite, elle peut faire jouer la clause de mobilité de son contrat de travail et donc tout à perdre. Il est ouvert à toute proposition. Egalement il dit attendre le retour de RF sur des éventuelles opportunités de pose sur site. Je lui réponds qu'il n'y en aura pas et qu'il est temps de réfléchir à un projet de formation pour rendre son employabilité dans la région optimale. [T] dispose à ce jour d'un BTS de comptabilité et me répond qu'il souhaite aller vers un DECF pour pouvoir travailler au sein d'un cabinet d'expertise comptable. Au vu de son expérience professionnelle, je lui parle de la possibilité d'une VAE. Il ne connaît pas et va se renseigner.. [T] s'est engagé sur un premier retour vers la RH avant le 9 août ..'.

- conscient des conséquences de celle-ci, il a dès le mois de juin 2010 exposé à son employeur qu'il refuserait cette mutation, arguant d'une situation familiale ne le permettant pas.

- [T] [I] ne produit aux débats aucun élément établissant que cette mutation portait une atteinte disproportionnée à sa situation personnelle et familiale, le salarié ne justifiant notamment pas de l'emploi de son épouse en contrat à durée indéterminée ainsi qu'il en fait état.

- la société CERTICALL n'apparaît pas avoir pris de quelconques engagements de renoncer à la mise en oeuvre de cette clause, n'ayant tout au plus qu'inciter son salarié à réfléchir à un projet de formation.

- le salarié ayant lui-même déploré le fait que son poste de travail se trouvait vidé de sa substance, ne peut prétendre injustifiée la mise en oeuvre de la clause de mobilité, quand bien même celle-ci aurait été retardée de quelques mois, pour permettre au salarié d'étudier un projet de formation.

- s'il n'est pas contesté que l'employeur a mis en oeuvre cette clause au retour d'un congé maladie du salarié ( absent du 21 février 2011 au 1er mai 2011) , ce seul élément ne saurait caractériser un comportement déloyal de l'employeur, ce dernier rappelant à bon droit que M. [I] avait connaissance depuis juin 2010 du transfert de la majeure partie de ses activités à [Localité 1].

- la société CERTICALL objecte à bon droit avoir respecté un délai raisonnable pour mettre en oeuvre la clause de mobilité, le courrier du 6 mai 2011 indiquant que la prise de poste s'effectuera le 20 juin 2011.

La clause de mobilité ayant été mise en oeuvre de façon loyale et justifiée, [T] [I] ne peut donc valablement soutenir que l'employeur était tenu envers lui d'une recherche de reclassement.

Le refus du salarié d'accepter un changement de ses conditions de travail constitue une faute contractuelle susceptible de justifier la mesure de licenciement prise à son encontre. En conséquence la cour infirme le jugement ayant déclaré le licenciement de [T] [I] sans cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de ces prétentions de ce chef.

Sur les autres demandes

La cour confirme le jugement quant à la condamnation prononcée au titre des frais irrépétibles et alloue en cause d'appel une somme de 1500 € de ce chef au salarié.

La société CERTICALL est condamnée aux dépens .

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Infirme le jugement du conseil des prud'hommes,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne la société CERTICALL à payer à [T] [I] une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de fournir du travail ,

Dit que le licenciement de [T] [I] repose sur une cause réelle et sérieuse ,

Déboute [T] [I] de ces demandes de ce chef ,

Condamne la société CERTICALL à payer à [T] [I] une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société CERTICALL aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 15/04114
Date de la décision : 07/04/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°15/04114 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-07;15.04114 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award