COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 07 AVRIL 2017
N°2017/309
Rôle N° 14/15916
[C] [L]
C/
SARL MARSEILLE MEAT COMPANY, Exploitante sous l'enseigne 'VIANDES A GOGO'
Grosse délivrée le :
à :
Me Carole GONZALEZ, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Nicolas CASTELLAN, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 21 Mai 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/3524.
APPELANT
Monsieur [C] [L], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Carole GONZALEZ, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE
SARL MARSEILLE MEAT COMPANY, Exploitante sous l'enseigne 'VIANDES A GOGO', demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Nicolas CASTELLAN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Isabelle BENETTI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 09 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Virginie PARENT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre
Madame Hélène FILLIOL, Conseiller
Madame Virginie PARENT, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2017
Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat à durée déterminée, à temps partiel du 12 août 2009, [C] [L] a été engagé par la société MARSEILLE MEAT COMPANY en qualité de vendeur, pour six mois à compter du 12 août 2009 pour un accroissement d'activité.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale de la boucherie.
L'employeur a remis à M. [L] une attestation pôle emploi datée du 8 août 2011 avec la mention ' fin de contrat de travail à durée déterminée'
La société MARSEILLE MEAT COMPANY employait habituellement au moins onze salariés au moment de la rupture des relations contractuelles.
Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, [C] [L] a saisi le 4 décembre 2012 le conseil des prud'hommes de Marseille qui par jugement du 21 mai 2014 a:
- requalifié le Contrat à Durée déterminée de [C] [L] en Contrat à Durée Indéterminée en tant que Vendeur qualifié Niveau II échelon A
- dit que la rupture du contrat est un licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamné la Société MEAT COMPANY, prise en la personne de son représentant légal en exercice à verser à [C] [L] les sommes suivantes:
* 790,40€ à titre de rappel de salaires d'Août 2009 à Août 2011,
* 79,40€ à titre de congés payés afférents,
* 505,96€ à titre du préavis,
* 50,59 € à titre des congés payés afférents,
* 505,96 € à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail en Contrat à Durée Indéterminée,
* 3.035,76€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 505,96€ à titre de dommages-intérêts pour procédure irrégulière,
* 1.200€ au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile et de l'Article 37 de la loi du 10 Juillet 1991.
- condamné la Société MEAT COMPANY à remettre un bulletin de salaire comportant la qualification de Vendeur Niveau II échelon A, et les documents sociaux conformes au présent Jugement,
- débouté [C] [L] du surplus de ses demandes fins et conclusions,
- débouté la Société MEAT COMPANY de sa demande reconventionnelle,
- dit que la moyenne des 3 derniers mois de salaire s'élève à 505,96€,
- condamné le défendeur aux entiers dépens.
Le 18 juillet 2014, [C] [L] a régulièrement interjeté appel de cette décision notifiée le 30 juin 2014.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, [C] [L] demande de :
- constater l'irrégularité du contrat de travail à durée déterminée à temps partiel,
- constater le non respect de la classification conventionnelle de Monsieur [L],
- constater l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat de travail,
En conséquence
- confirmer le jugement du Conseil des prud'hommes querellé en ce qu'il a:
- Requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
- Dit et jugé que la rupture du contrat de travail doit s'analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Condamné l'employeur au paiement de l'indemnité de préavis, l'indemnité de licenciement, l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière,
- Condamné l'employeur au paiement de la somme de 1.200,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- le réformer pour le surplus et :
- Requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,
A titre principal
- constater que Monsieur [L] occupait le poste de Responsable de point de vente,
- fixer le salaire de Monsieur [L] à la somme de 2.231,00 euros brut
- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes:
* Rappel de salaire temps plein et conventionnel 45.816,94 euros
* Congés payés afférents 4.581,69 euros
* Indemnité pour procédure de licenciement irrégulière 2.231,00 euros
* Indemnité de préavis (3 mois) 6.693,00 euros
* Congés payés afférents au préavis 669,30 euros
* Indemnité de licenciement 892,40 euros
A titre subsidiaire
- constater que Monsieur [L] occupait le poste de Responsable de point de vente adjoint,
- fixer le salaire de Monsieur [L] à la somme de 2.044,00 euros brut,
- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes:
* Rappel de salaire temps plein et conventionnel 41.256,16 euros
* Congés payés afférents 4.125,61 euros
* Procédure de licenciement irrégulière 2.044,00 euros
* Indemnité de préavis (3 mois) 6.132,00 euros
* Congés payés afférents au préavis 613,20 euros
* Indemnité de licenciement 817,60 euros
A titre infiniment subsidiaire
- fixer le salaire de Monsieur [L] en qualité de vendeur à la somme de 1.476,00 euros brut.
- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes:
* Rappel de salaire temps plein et conventionnel 27.315,16 euros
* Congés payés afférents 2.731,51 euros
* Procédure de licenciement irrégulière 1.476,00 euros
* Indemnité de préavis (2 mois) 2.952,00 euros
* Congés payés afférents au préavis 295,20 euros
* Indemnité de licenciement 590,40 euros
En tout état de cause
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 2.500,00 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 16.711,00 euros à titre de justes dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 13.386,00 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des dispositions légales,
- ordonner la remise d'un bulletin de salaire rectificatif sous astreinte de 250,00 euros par jour à compter de la décision à intervenir,
- ordonner la remise de l'attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte de 250,00 euros par jour à compter de la décision à intervenir,
- dire et juger que les condamnations à intervenir porteront intérêts légaux à compter de la demande en justice,
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens,
- dire que dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001~ portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96-1080 (tarif des huissiers) devront être supportées par le débiteur en sus.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société MARSEILLE MEAT COMPANY demande de :
- débouter M. [L] de l'ensemble de sa demande de réformation,
- condamner M. [L] au paiement d'une somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la requalification en contrat de travail à temps plein
L'article L 3123-14 du code du travail dispose:
Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments .
[C] [L] embauché pour un horaire de travail de 52 h par mois, soutient :
- avoir été à la disposition permanente de son employeur, qu'en l'absence de planning, il ne pouvait prévoir ni son rythme de travail , ni son temps de travail,
- qu'il travaillait en réalité à temps plein, effectuant de nombreuses heures supplémentaires qui n'ont jamais été payées.
Pour étayer ses déclarations, il produit:
- 3 attestations de M. [B], Mme [M], M. [F] qui attestent avoir été servi à de nombreuses reprises par M. Et Mme [L] du magasin ' viandes à gogo' côté fruits et légumes d'août 2009 à août 2011. Je remarquais la présence de M. [L] le matin et Mme [L] l'après-midi. Lorsque je me rendais tardivement au magasin, c'était M.[L] qui était présent au stand
- une attestation de M. [N] qui déclare: M. [S] [C] et son épouse [S] [N] s'occupe du magasin. Je passe aux magasins et c'est eux que je trouve en service , je suis client, je passe faire mets course chez eux trois fois par semaine et je suis témoin pour les périodes de janvier 2011 jusqu'au août 2011 qui était en place au travail.
La société MEAT COMPANY objecte que :
- le salarié ne produit aucune pièce permettant d'étayer son affirmation selon laquelle il a fait des heures complémentaires
- la répartition effective et limitée du salarié dans l'entreprise lui a été communiquée ( 13 h hebdomadaires, réparties le mardi, mercredi, jeudi de 10 h à 13 h et le samedi de 15h30 à 19h30),
- de nombreux clients , salariés, fournisseurs confirment cette présence,
- le salarié connaissait ses horaires de travail qui étaient réguliers,
- les attestations contraires produites par M. [L] sont rédigées en termes identiques, les propos rapportés ne sont pas cohérents, les témoins n'ayant pu être servis par Mme [L] à compter du mois d'août 2009, celle-ci ayant également embauchée après son mari le 29 janvier 2010.
Elle produit :
- des attestations de salariés ( mme [C], M. [V], Mme [T], Mme [E]) affirmant que les époux [L] étaient à temps partiel, et pour Mme [T] que ces derniers n'ont jamais voulu faire plus d'heures,
- une attestation de M. [R] qui déclare : chauffeur livreur au sein de la société LACT'ORIENT situé à l'adresse suivante [Adresse 3], certifie avoir constaté que le prénommé M. [L] [C] effectuait des achats à titre personnel dans le marché et non pour la boucherie viande à gogo ni pour son stand de légumes.
Le contrat de travail du 12 août 2009 mentionne que M. [L] exercera à temps partiel, effectuera 52 heures de travail par mois répartis de la manière suivante: de 6h30 à 13h30 ou de 13h30 à 19h30 en fonctions des besoins de l'entreprise ( soit des journées de 7h ou 6 h ). L'entreprise se réserve le droit de modifier ultérieurement cette répartition de l'horaire de travail.
Il est constant que pour la période du 12 février 2010 au 31 août 2011, aucun avenant écrit prévoyant la durée de travail et la répartition des horaires de travail n'a été signé entre les parties.
L'ensemble des bulletins de salaire pendant toute la période travaillée mentionne un horaire mensuel de 52h.
L'absence d'écrit mentionnant la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines à venir, fait présumer que l'emploi est à temps plein , et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve exacte hebdomadaire ou mensuelle prévue et de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.
Il est à juste titre relevé par l'appelant que la société MEAT COMPANY ne produit aucun planning ni aucune pièce permettant de démontrer que le salarié pouvait prévoir son rythme de travail, alors qu'elle affirme que la répartition effective et limitée au matin ou en soirée de l'activité de M. [L] a bien été communiquée à ce dernier, ce qu'elle ne justifie pas.
Les horaires du salarié invoqués par l'employeur dans ses écritures ( soit 3 journées de 3 heures et une journée de 4h par semaine) ne correspondent pas aux modalités fixées dans le contrat de travail du 12 août 2009 ( des journées de 7 heures), et il est justement observé par l'appelant que l'employeur n'établit pas avoir régulièrement informé le salarié de modifications.
L'employeur ne peut s'exonérer de la preuve qui lui incombe s'agissant des horaires de travail, au motif que le salarié n'a pas effectué durant l'exécution du contrat de travail une quelconque réclamation au titre de ceux-ci.
Les affirmations des témoins selon lesquelles le salarié était à temps partiel n'apportent aucun éclairage sur la durée de travail hebdomadaire ou mensuelle de celui-ci. Il n'est pas rapporté la preuve que le salarié pouvait prévoir son rythme de travail et n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
La cour infirmant la décision des premiers juges, fait droit à la demande requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps complet.
Sur la classification du salarié
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
Le contrat de travail du 12 août 2009 stipule que [C] [L] a été embauché en qualité de vendeur. Aucun document ( contrat de travail, bulletins de salaire) ne porte mention d'une classification.
La convention collective prévoit la classification niveau II échelon A pour l'emploi de vendeur.
[C] [L] soutient qu'il exerçait les fonctions de responsable de point de vente niveau VI échelon A et à tout le moins responsable adjoint de point de vente, niveau V.
Le salarié fait valoir qu'avec son épouse, il était seul à gérer le stand fruits et légumes situé dans un local attenant au magasin principal dont l'activité était la boucherie et qu'il assumait ainsi les tâches suivantes: gestion du stock et des marchandises ( commandes, achats, réceptions des livraisons, paiement, mise en rayon), vente ( accueil de la clientèle, vente, encaissement), ouverture et fermeture du magasin.
Le salarié produit 4 attestations de commerçants:
- M. [U], gérant de la société BANAPRIM déclare le 18 octobre 2011 que M. [L] [C] a effectué des achats au sein de la société BANAPRIM durant l'année 2011;
-M. [G] déclare le 17 octobre 2011 : M. [S] [C] a fait des achats chez mois St UNIPRIM pendant la période de mars 2011 à juillet 2011
- M. [K] déclare le 18 octobre 2011 que M. [S] [C] a effectué des achats à les Arnavaux depuis 2 ans août 2009 à août 2011
- M. [U] déclare le 17 octobre 2011 que M. [S] [C] a effectué des achats au sein de la société BANAPRIM durant la période de mars 2011 jusqu'au 31 août 2011
La Convention Collective Nationale définit les classifications revendiquées comme suit:
Responsable de point de vente, ETAM niveau VI échelon A
Le responsable de point de vente a la responsabilité du bon fonctionnement du point de vente (magasin, place de marché, tournée, etc.).
Responsable de point de vente adjoint, ETAM niveau V
Le responsable de point de vente adjoint assiste dans toutes ses tâches le responsable de vente (niveau VII, échelon A), il peut le suppléer dans certaines de ses tâches. Il peut également assurer le fonctionnement normal d'un point de vente sous une responsabilité hiérarchique.
Il est objecté à bon droit par la société MEAT COMPANY que les pièces produites par M. [L] ne permettent pas de rapporter la preuve de ce que le salarié effectuait des achats pour le compte de la société MEAT COMPANY, aucune des attestations ne faisant état de ces éléments, alors que de son côté l'employeur soumet à la cour l'attestation de M. [R] salarié de la société LACT'ORIENT située au [Adresse 4], indiquant avoir constaté au cours de l'année 2009 et 2011 que M. [L] [C] effectuait des achats à titre personnel dans le marché et non pour la boucherie viande à gogo ni pour son stand de légumes.
Il a donc été à bon droit retenu par les premiers juges que M. [L] ne rapportait pas d'éléments suffisamment probants sur la nature des tâches effectuées, son niveau d'autonomie et de responsabilité. Il convient de rejeter ses demandes de repositionnement en responsable de point de vente ou responsable de point de vente adjoint , de confirmer le jugement en ce qu'il retient que la classification du salarié était vendeur niveau II échelon A.
Sur les rappels de salaire
Il n'est pas contesté par l'employeur qui demande la confirmation du jugement l'existence d'un rappel de salaire dû en considération du fait que le salarié devait , en application de sa classification , être payé selon un salaire horaire de 9.30 € et non 8.82 € , puis 8.86 € puis 9 € comme mentionné sur les bulletins de salaire et payé au salarié.
Concernant la période de janvier à août 2011, le salarié soutient avoir perçu uniquement:
- un salaire brut de 468 € en janvier 2011,
- un salaire brut de 468 € en février 2011.
Les parties produisent chacune une attestation assedic en des termes différents,
- celle produite par le salarié en date du 8 septembre 2011 mentionne le paiement des sommes suivantes en 2011 :468 € brut en janvier et février 2011, 18 € brut en mars 2011, 360,15 € en juillet 2011
- celle produite par l'employeur en date du 30 août 2011 mentionne le paiement des sommes suivantes en 2011 : 468 € brut en janvier, février, avril, mai, juin , juillet 2011, 18 € en mars 2011 et 1033€ en août 2011.
Seul le salarié produit des bulletins de salaire 2011 ( janvier, février et août ); ceux-ci sont conformes à l'attestation assedic qu'il produit.
La société MEAT COMPANY ne peut sans se contredire affirmer d'une part qu'il est faussement prétendu par le salarié une absence de paiement de salaire depuis avril 2011, et demander d'autre part la confirmation du jugement en ce qu'il a relevé que la société MEAT COMPANY indique que les salaires d'avril à août 2011 n'ont pas été réglés en raison de l'absence au travail de M. [L] qui se serait rendu en Algérie.
La cour retiendra en conséquence à défaut de bulletins de salaire, les éléments de rémunération figurant dans l'attestation produite par M. [L].
Il s'en suit, la cour ayant retenu la requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps plein, l'existence d'un rappel de salaire conformément au décompte opéré par le salarié., sauf à déduire les sommes de 18 € et 360,15 €.
En conséquence, infirmant le jugement, la cour condamne la société MEAT COMPANY au paiement d'une somme de 26 936,78€ de rappels de salaire et celle de 2693,67 € pour l'incidence congés payés.
Sur la requalification en contrat à durée indéterminée
L'article L 1243-11 du code du travail dispose :
Lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.
Il est produit aux débats le contrat à durée déterminée du 12 août 2009 embauchant [C] [L] pour 6 mois jusqu'au 12 février 2010 pour un motif de ' surcroît d'activité' .
L'employeur produit un avenant pour la période du 1er février 2011 au 31 août 2011, dont l'authenticité est contestée par le salarié, qui dénie sa signature sur ce document ayant donné lieu de sa part à une plainte pour faux et usage de faux (pièce 12).
Il n'est en tout état de cause, pas contesté que la relation contractuelle s'est poursuivie à l'échéance du contrat initial , de manière continue jusqu'au 31 août 2011 sans que l'employeur ne justifie de la signature d'avenant pour la période travaillée du 13 février 2010 au 1er février 2011.
En application de l'article L 1242-12 du code du travail, la relation contractuelle a donc été à juste titre requalifiée de contrat à durée indéterminée . La cour confirme le jugement de ce chef.
Sur les demandes en paiement au titre de la rupture
Aucune discussion n'est soulevée devant la cour sur la rupture du contrat de travail valant licenciement sans cause réelle et sérieuse .
La cour relève que si le conseil des prud'hommes de Marseille a retenu à juste titre dans les motifs du jugement que la rupture du contrat de travail s'analysait par suite de la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse , le dispositif du jugement énonce toutefois : 'dit que la rupture du contrat est un licenciement pour cause réelle et sérieuse ', de sorte qu'une infirmation de ce chef doit être opérée.
Il est admis par l'employeur que le salarié peut prétendre aux indemnités de rupture et à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .
Le contrat de travail ayant été qualifié de contrat de travail à temps complet, et au regard du salaire brut revenant au salarié de 1476 € , il convient de fixer comme suit les sommes dues à M. [L]:
- 2952 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 295,20 € pour l'incidence congés payés
- 590,40 € à titre d'indemnité de licenciement ,
- 1476 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière.
Le salarié justifie d'une ancienneté de 2 ans dans une entreprise de plus de onze salariés; il peut donc prétendre à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal à 6 mois de salaire, en application de l'article L1235-3 du code du travail. Le salarié ne justifie par aucune pièce sa situation postérieurement à la rupture. Il est produit par l'employeur un extrait KBIS d'une société de commerce de détail de fruits et légumes créée en mars 2012 par M. [L]. La cour fixera à 8856 € le montant des dommages et intérêts dûs à M. [L].
Les condamnations prononcées en première instance seront donc infirmées.
Sur la demande d'indemnité de requalification
Lorsque le juge fait droit à une demande de requalification d'un CDD en CDI, introduite par un salarié, il doit condamner l'employeur à verser à l'intéressé une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire .
La cour infirme le montant de la condamnation prononcée de ce chef et condamnera la société MEAT COMPANY à payer à M. [L] une somme de 1476 €.
Sur la demande nouvelle d'indemnité au titre du travail dissimulé
Il n'est pas démontré par [C] [L] que la société MEAT COMPANY s'est abstenue délibérement et intentionnellement de mentionner sur les bulletins de salaire les heures effectuées par le salarié. Cette demande doit être rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect des dispositions légales
A l'appui de cette demande, [C] [L] invoque les manquements de l'employeur à ses obligations légales suivants:
- mention dans le contrat à durée déterminée d'une période d'essai de un mois, alors qu'en application de l'article L 1242-10 du code du travail, la période d'essai aurait dû être de 2 semaines,
- le contrat de travail mentionnait par ailleurs la possibilité d'effectuer des heures complémentaires en aucun cas majorées, sans mentionner les limites dans lesquelles elles pouvaient être accomplies, en contravention avec les dispositions de l'article L3123-14 du code du travail,
- aucune de mention obligatoire dans le contrat à temps partiel n'a été respectée,
- l'attestation pôle emploi produite par l'employeur n'est pas signée, est distincte de celle remise au salarié.
Il est à bon droit relevé par l'employeur que M. [L], ne justifie pas d'un préjudice né des irrégularités invoquées du contrat à durée déterminée du 12 août 2009 ou de la production d'une attestation pôle emploi distincte de celle à lui remise.
La cour confirme le rejet de ces prétentions.
Sur les autres demandes
La cour ordonnera la délivrance des bulletins de salaire rectifiés et d'une attestation pole emploi rectifiée dans les termes du présent arrêt, sans qu'il n'y ait lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au profit de M. [L]. La cour confirme le montant de la condamnation prononcée à ce titre en première instance et alloue au salarié une somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles.
La société MEAT COMPANY sera condamnée aux dépens. Les émoluments fixés par l'article R 444-55 du code de commerce, ne sont pas dus en application de l'article R 444-53 3° du même code, s'agissant des condamnations résultant de créances nées de l'exécution d'un contrat de travail.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme le jugement du 21 mai 2014 du conseil des prud'hommes en ce qu'il a :
- requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
- dit que [C] [L] était vendeur qualifié niveau II échelon A,
- condamné la société MEAT COMPANY à payer à [C] [L] une somme de 1200 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
- débouté [C] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour non respect des dispositions légales,
- débouté la société MEAT COMPANY de ses demandes,
- condamné la société MEAT COMPANY aux dépens,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Requalifie le contrat de travail de [C] [L] en contrat de travail à temps complet,
Dit que la rémunération moyenne mensuelle de ce dernier est de 1476 €,
Condamne la société MEAT COMPANY à payer à [C] [L] les sommes suivantes:
- 26 936,78€ de rappels de salaire d'août 2009 à août 2011 et celle de 2693,67 € pour l'incidence congés payés.
- 2952 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 295,20 € pour l'incidence congés payés
- 590,40 € à titre d'indemnité de licenciement
- 1476 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière
- 8856 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 1476 € à titre d'indemnité de requalification
- 1500 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel
Déboute [C] [L] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,
Ordonne à la société MEAT COMPANY de délivrer à [C] [L] les bulletins de salaire et une attestation pôle emploi rectifiés conformes,
Dit n'y avoir lieu à astreinte,
Condamne la société MEAT COMPANY aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT