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06/04/2017 | FRANCE | N°15/18995

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 06 avril 2017, 15/18995


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 06 AVRIL 2017



N° 2017/ 168













Rôle N° 15/18995







SA AXA FRANCE IARD

SA POLYCLINIQUE [Adresse 1]





C/



Etablissement Public ONIAM

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE





















Grosse délivrée

le :

à :

Me Pierre-yves IMPERATORE



SCP MAGNAN


r>











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 17 Septembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/02018.





APPELANTES



SA AXA FRANCE IARD

dont le siège social est : [Adresse 2]

représentée par Me Bruno ZANDOTTI de la ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 06 AVRIL 2017

N° 2017/ 168

Rôle N° 15/18995

SA AXA FRANCE IARD

SA POLYCLINIQUE [Adresse 1]

C/

Etablissement Public ONIAM

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Pierre-yves IMPERATORE

SCP MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 17 Septembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/02018.

APPELANTES

SA AXA FRANCE IARD

dont le siège social est : [Adresse 2]

représentée par Me Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SA POLYCLINIQUE [Adresse 1],

dont le siège social est : [Adresse 3]

représentée par Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Pierre-yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Etablissement Public ONIAM,

dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Me Bernard VATIER de la SCP GRANRUT - VATIER - BAUDELOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Mathide BRUN, avocat au barreau de PARIS , Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE,

dont le siège social est : [Adresse 5]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Février 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2017

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2017,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 26 décembre 2002 Mme [K] [T] a accouché au sein de la Polyclinique [Adresse 1], l'obstétricien étant le docteur [W] ; au cours de l'accouchement celui-ci a utilisé des spatules de Thierry afin de procéder à l'extraction de l'enfant qui présentait des troubles du rythme cardiaque ; à la suite de cet accouchement Mme [T] a présenté une lésion du périnée de type 2 entraînant des incontinences urinaire et anale.

Mme [T] a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) qui a désigné le docteur [V] en qualité d'expert qui a déposé son rapport le 20 février 2009.

Par avis du 28 mai 2009 la CRCI a estimé que les préjudices de Mme [T] étaient en rapport avec le comportement fautif de la Polyclinique [Adresse 1] et a mis à la charge de celle-ci l'indemnisation de cette victime.

La SA Axa France Iard, assureur de la Polyclinique [Adresse 1], a indiqué à Mme [T] qu'elle n'entendait pas lui présenter d'offre d'indemnisation dans la mesure où elle contestait l'avis de la CRCI.

Mme [T] a sollicité la substitution de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Une nouvelle expertise a été prescrite en 2012 afin d'évaluer les préjudices postérieurs à la consolidation ; deux protocoles d'accord ont été signés le 29 avril 2010 et le 25 avril 2012 et l'ONIAM a versé à Mme [T] la somme de 70'457,13 €.

Par acte d'huissier de justice du 10 février 2014 l'ONIAM a fait citer la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence pour obtenir le remboursement des sommes versées à Mme [T].

Par jugement du 17 septembre 2015, assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction a:

- déclaré la Polyclinique [Adresse 1] responsable des préjudices subis par Mme [T] à la suite de son accouchement du 26 décembre 2002,

- condamné in solidum la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard à verser à l'ONIAM les sommes suivantes :

° 70'457,13 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

° 7 045,71 € au titre de l'indemnité de 10 % prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique,

° 1 750 € au titre des frais d'expertise amiable,

° 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré qu'il ressortait du rapport d'expertise du docteur [V] que les troubles d'incontinence subis par Mme [T] étaient de façon évidente reliés à l'accouchement car ils étaient absents avant celui-ci, qu'il n'avait pas été retrouvé de faute technique quant à l'utilisation des spatules de Thierry, qu'il était possible de retenir un aléa thérapeutique, que cependant l'expert avait relevé qu'il n'avait pas été aidé dans sa tâche par la perte du dossier de l'accouchement, que la Polyclinique [Adresse 1] avait reconnu dans ses écritures qu'elle avait perdu le dossier médical ce qui constituait un manquement à ses obligations

et démontrait un défaut dans l'organisation et le fonctionnement de cet établissement, qu'elle avait donc commis une faute et que pour s'en exonérer il lui incombait de démontrer que l'incontinence de Mme [T] était due à une faute du médecin ce qu'elle ne démontrait pas.

Par déclaration du 27 octobre 2015 la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard ont interjeté appel général de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard demandent à la cour dans leurs conclusions du 25 janvier 2016, en application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, de :

à titre principal

- réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- juger qu'il n'existe aucun lien causal entre la perte du dossier médical et le préjudice corporel de la patiente indemnisé par l'ONIAM,

- juger que le préjudice ne pourrait s'analyser qu'en une perte de chance de rapporter la preuve d'une faute,

- juger que la preuve d'un lien causal entre la perte du dossier médical et la perte de chance de rapporter la preuve d'une faute n'est pas rapportée au regard des éléments dont disposait l'expert pour établir ses conclusions,

- débouter l'ONIAM de toutes ses demandes à l'encontre de la Polyclinique [Adresse 1],

- mettre hors de cause la Polyclinique [Adresse 1],

à titre subsidiaire si un lien de causalité devait être retenu

- juger que la réparation des préjudices ne peut s'inscrire que dans le cadre de la notion de perte de chance, laquelle serait en l'occurrence minime,

- réduire les sommes sollicitées par l'ONIAM à de plus justes proportions et débouter l'ONIAM de ses demandes injustifiées notamment sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique,

- condamner l'ONIAM au paiement d'une somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'ONIAM aux dépens avec distraction.

Elles font valoir que le docteur [W] était lié à la Polyclinique [Adresse 1] par un contrat d'exercice libéral, que le seul préjudice qui pourrait être allégué serait celui relatif à une perte de chance de démontrer l'existence d'une éventuelle faute du praticien laquelle n'engagerait pas la responsabilité de l'établissement de soins, qu'au cours des opérations d'expertise Mme [T] a décrit son vécu de la période de l'accouchement qui a également été relaté par le docteur

[W], que la seule divergence qui a été notée par l'expert est relative à l'existence ou non d'une expression utérine effectuée par une sage-femme dans le cadre d'un accouchement réalisé par l'obstétricien libéral et donc sous sa seule responsabilité, que même si l'expert a été gêné de ne pas pouvoir analyser le dossier obstétrical de Mme [T] ceci ne l'a pas empêché de mener à bien son expertise et de conclure «au niveau du médecin accoucheur aucun élément dans les documents disponibles, dans les propos de Mme [T] et dans les propos du docteur [W] ne permettent de penser que le docteur [W] a commis une faute médicale de soins lors de la prise en charge de la grossesse et de l'accouchement de Mme [T] », que la clinique ne peut être tenue pour responsable de la qualité du dossier de suivi de grossesse qui n'est pas le sien mais celui du docteur [W].

Elles ajoutent que l'ONIAM se contente de formuler une hypothèse en vertu de laquelle l'analyse du tracé de RCF aurait permis de déterminer si une césarienne n'aurait pas été préférable à l'utilisation de spatules, que ce raisonnement est battu en brèche par le constat de l'état de santé satisfaisant de l'enfant, qu'en toutes hypothèses le choix effectué par l'obstétricien libéral a été judicieux puisque la lésion périnéale est le fruit d'une complication médicale connue et que le dossier de la clinique n'aurait en aucune façon pu permettre de déterminer si l'extraction par spatules a été réalisée de façon conforme aux règles de l'art.

L'ONIAM demande à la cour au terme de ses écritures du 17 mars 2016, en application de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la Polyclinique [Adresse 1] est responsable de l'ensemble des conséquences dommageables engendré par l'accouchement de Mme [T],

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard à lui rembourser la somme de 70'457,13 € versée à Mme [T] en vertu des protocoles transactionnels des 29 avril 2010 et 25 avril 2012 portant intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard à lui verser la somme de 7 045,71 €,

- condamner solidairement la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard à lui verser la somme de 10'568,57 € au titre de l'indemnité de 15 % prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard à lui rembourser les frais de l'expertise amiable engagée pour examiner le cas de Mme [T] dans le cadre de la procédure diligentée devant la CRCI soit la somme de 1 750 €,

- condamner solidairement la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner solidairement aux dépens avec distraction.

Il rappelle qu'en vertu de l'article L 1142-15 du code de la santé publique en cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, il est substitué à l'assureur puis subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou le cas échéant son assureur et peut obtenir le remboursement des frais d'expertise, que le juge saisi dans le cadre de la subrogation condamne le cas échéant l'assureur ou le responsable à lui verser une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue et que lorsqu'il a transigé avec la victime cette transaction est opposable à l'assureur ou le cas échéant au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées.

Il soutient que l'absence totale de dossier médical a privé les parties de la possibilité d'établir les circonstances de la survenue de la lésion du périnée présentée par Mme [T], que la perte du dossier médical n'est pas contestée, que celle-ci n'a pas permis à l'expert de se prononcer sur l'existence d'une faute car aucun élément ne permet de déterminer d'une part, si une césarienne aurait été plus adaptée que l'utilisation de spatules de Thierry à la situation dans laquelle Mme [T] et son enfant se trouvaient, d'autre part, si l'utilisation de ces spatules a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science, enfin, si la constatation de la lésion du périnée et les soins ont été attentifs et diligents, d'autant que l'expert a relevé en page 21 de son rapport l'éventualité d'une prise en charge retardée de la complication en soulevant qu'une réparation chirurgicale du sphincter aurait pu être effectuée au cours de l'année 2003.

Il indique que la perte du dossier médical constitue un défaut d'organisation du service engageant la responsabilité de la Polyclinique [Adresse 1] et que celle-ci qui ne prouve pas que tous les soins ont été conformes aux règles de l'art doit l'indemniser de la totalité de la somme versée à Mme [T].

La CPAM assignée par la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard par acte d'huissier du 26 janvier 2016 délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'indemnisation

Il est mentionné à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, applicable, en vertu de la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002, aux actes de soins postérieurs au 5 septembre 2001, que :

I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

La Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard ne contestent pas que le dossier médical de Mme [T] relatif à son séjour au sein de la Polyclinique [Adresse 1] et à son accouchement a été perdu.

Cette perte constitue une faute de la Polyclinique [Adresse 1] dans l'organisation des soins donnés à Mme [T] et engage la responsabilité de cet établissement en application des dispositions susvisées.

L'ONIAM a communiqué le courrier de la SA Axa France Iard en date du 4 août 2009 par lequel celle-ci a informé la CRCI de ce qu'elle n'était pas en mesure de faire une offre et les 'protocole d'indemnisation transactionnnelle' signés avec Mme [T] le 29 avril 2010 et le 25 avril 2012 en exécution desquels il a versé à celle-ci les sommes de 35.946 € et 34 511,13€, ce qui n'est pas remis en cause.

En vertu de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, l'ONIAM qui s'est substitué à la SA Axa France Iard est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de Mme [T] à l'encontre de celle-ci et de la Polyclinique [Adresse 1].

En l'espèce l'expert a mentionné dans son rapport du 16 février 2009, que :

- le dossier obstétrical de la clinique a été perdu ; le déroulement de l'accouchement n'est pas analysable (page 8),

- le docteur [W] a indiqué que l'accouchement avait été 'banal' et qu'une extraction instrumentale était nécessaire en raison de modifications du rythme cardiaque,

- le dossier de suivi de la grossesse n'est pas un dossier fiable,

- la perte du dossier de l'accouchement et les imperfections du dossier de la grossesse rendent difficile la réalisation de l'expertise,

- le dossier de suivi de la grossesse contient un résumé de l'accouchement rédigé par le docteur [W] lors de la consultation post-natale du 5 février 2004 ; il est noté que l'enfant pesait 3710 g à la naissance ; la présentation était céphalique ; l'accouchement a été fait aux termes de 40 semaines d'aménorrhée et demie et non pas 39 semaines d'aménorrhée, sous péridurale ; une extraction par spatules de Thierry sur une présentation en OS a été réalisée en raison d'une altération du rythme cardiaque f'tal ; une lésion de type 2 du périnée c'est-à-dire une déchirure simple sans lésion du sphincter anal a été observée ; l'enfant présentait un score d'Apgar de sept à une minute de neuf à cinq minutes et de dix à dix minutes ; l'enfant présentait un poids de naissance supérieur à la moyenne mais sans macrosomie ; on ne retrouve pas dans ce dossier des échographies obstétricales réalisées pendant la grossesse ni de mesure de la hauteur utérine lors des différentes consultations,

- 'l'expert est très gêné' de ne pouvoir analyser le dossier obstétrical ni le partogramme (tableau de bord de l'accouchement) ni les échographies ni le tracé du monitorage foetal (page 9),

- le récit de Mme [T] est un peu différent de celui du docteur [W] car elle indique que la sage femme a pratiqué une expression utérine ; cette manoeuvre est contre-indiquée et fait suspecter un accouchement difficile (page 9),

- le compte rendu de l'accouchement fait lors de la consultation post-natale par le docteur [W] décrit une déchirure simple ; l'échographie endo-rectale pratiquée le 8 août 2005 conclut à la rupture du sphincter externe dans sa position haute et à la quasi absence de sphincter interne; cet examen réalisé tardivement permettra l'intervention qui a lieu le 6 février 2006 visant à réparer le sphincter anal et à reconstituer le noyeux fibreux central du périnée ; les lésions semblent avoir été sous-estimées au décours de l'accouchement car il existait une déchirure du sphincter externe de l'anus ; cette déchirure du sphincter anal peut être considérée comme un accident médical consécutif à l'extraction instrumentale par spatules de Thierry d'autant que l'enfant pesait 3700 g et se présentait en occipito- sacré ce qui augmente le risque de lésions du périnée,

- la survenue d'une incontinence urinaire du post-partum est liée à la pose de forceps, à l'existence d'une macrosomie f'tale et aux efforts expulsés prolongés ; en l'espèce l'enfant ne présentait pas de macrosomie mais son poids était clairement supérieur à la moyenne et il se présentait en occipito- sacré ; en l'absence de dossier médical l'expert ne peut pas vérifier l'absence d'indication de césarienne d'une part, et la réalité de l'indication d'extraction instrumentale, d'autre part ; l'extraction instrumentale a été réalisée sur un f'tus se présentant avec l'occiput en arrière ce qui expose le périnée à un plus grand risque de déchirure ou d'étirement ; il ne semble pas avoir existé d'efforts expulsés prolongés bien qu'on ne puisse l'affirmer avec certitude n'ayant pas eu accès au dossier obstétrical,

- dans l'incontinence anale les facteurs de risque sont l'âge maternel, l'existence d'un périnée complet, la rupture échographique du sphincter anal et l'usage du forceps ; en l'espèce, l'âge de Mme [T] n'avait rien de particulier et elle n'a pas eu de périnée complet mais une déchirure de type II d'après le dossier du suivi de la grossesse ; on regrette l'absence de dossier obstétrical; la rupture échographique du sphincter anal n'a pas été recherchée alors que la patiente se plaignait d'incontinence anale au décours de son accouchement qui a eu lieu le 26 décembre 2002 ; c'est seulement en 2006 que le diagnostic sera fait par échographie endorectale et qu'une intervention de réparation du sphincter anal sera effectuée ; on peut regretter qu'une échographie du sphincter anal n'ait pas été effectuée au moment où peu de temps après la naissance où la patiente se plaignait d'incontinence anale ; on ne dispose pas de renseignements pour savoir si l'expulsion a été prolongée,

- l'expression abdominale : les descriptions données par le docteur [W] et Mme [T] diffèrent ; l'expert n'a aucun moyen de vérifier l'existence d'une expression abdominale soit une pression sur le fond de l'utérus avec l'intention spécifique de raccourcir la durée de la deuxième phase de l'accouchement qui aurait été pratiquée ou non par une sage-femme.

L'expert a en outre mentionné dans ses conclusions que les troubles d'incontinence sont à l'évidence reliés à l'accouchement car ils étaient absents avant la grossesse et l'accouchement.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'expert a établi un lien au moins pour partie entre l'utilisation des spatules de Thierry et les incontinences annale et urinaire, s'est interrogé sur l'opportunité d'utiliser des spatules de Thierry plutôt que de pratiquer une césarienne et a relevé que Mme [T] a évoqué la réalisation d'une expression utérine par une sage-femme ce qui signerait un accouchement difficile et non banal et est contre-indiqué mais qu'il n'a pas pu émettre un avis formel sur ces différents points en raison de la perte du dossier de l'accouchement qui n'a pas été suppléé par d'autres documents fiables.

Ainsi que vu supra l'expert a déploré en de nombreux stades de son analyse le manque d'éléments sur le déroulement de l'accouchement l'empêchant de mener à bien sa mission.

Si cet expert a indiqué que 'la relation chronologique avec l'accouchement des troubles d'incontinence urinaire et anale n'implique pas de faute médicale du médecin qui a réalisé l'accouchement' et que 'les incontinences constituent un aléa thérapeutique lié à l'extraction instrumentale' ceci ne peut dès lors être retenu comme une affirmation donnée avec certitude et en connaissance de tous les paramètres relatifs à l'état de la mère et de l'enfant tout au long de l'accouchement et est dès lors sans incidence.

Du fait de la perte du dossier médical de Mme [T], il appartient à la Polyclinique [Adresse 1] et à la SA Axa France Iard de fournir les éléments permettant de retracer le déroulement précis de l'accouchement et de rapporter la preuve d'une part que l'accouchement a été pratiqué dans les règles de l'art et notamment qu'il n'y a pas eu d'expression utérine, que l'utilisation de spatules de Thierry était indiquée plutôt qu'une césarienne, de sorte que la survenue des incontinences urinaire et anales n'aurait pu être évitée, et, d'autre part, de ce qu'il n'y a pas de lien entre la perte du dossier médical de Mme [T] et la perte de chance subie par celle-ci de pouvoir réclamer aux professionnels de santé (obstétricien et/ou sage femme) la réparation de son préjudice corporel lié aux incontinences anale et urinaire dont elle reste atteinte.

La Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard n'ont pas fourni les éléments ci-dessus énoncés ; elles doivent être condamnées in solidum à rembourser à l'ONIAM les sommes versées à Mme [T] mais seulement au titre de la perte de chance subie par celle-ci d'obtenir la réparation de son préjudice corporel, perte de chance qui doit être évaluée eu égard à l'ensemble des données de l'expertise à 75 % de ce préjudice.

L'évaluation du préjudice corporel de Mme [T] n'étant pas discutée, il convient de condamner in solidum la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard à verser à l'ONIAM la somme de 52 842,85 € (70'457,13 € x 75 %).

Sur la pénalité et les frais d'expertise amiable

Selon l'article L. 1142-15 du code de la santé publique 'En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue.'

Le premier juge a justement fixé, eu égard aux circonstances de la cause, le montant de la pénalité due en vertu de ce texte par la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard, à la somme 7 045,71 €.

Les dispositions du jugement doivent être également confirmées sur le recours de l'ONIAM au titre des frais de l'expertise amiable.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard qui succombent partiellement dans leurs prétentions supporteront la charge des entiers dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à l'ONIAM une indemnité de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et le rejet de la demande de la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard formée au même titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement,

hormis en ce qu'il a condamné in solidum la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard à payer à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 70 457,13 €,

Statuant à nouveau sur le points infirmé et y ajoutant,

- Dit que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ne peut obtenir le rembousement des sommes versées à Mme [K] [T] qu'au titre de la perte de chance subie par celle-ci,

- Fixe cette perte de chance à 75 % du préjudice corporel, soit 52 842,85 €,

- Condamne in solidum la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard à payer à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 52 842,85 €,

- Condamne in solidum la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard à payer à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Déboute la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard de leur demande au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés en cause d'appel ,

- Condamne in solidum la Polyclinique [Adresse 1] et la SA Axa France Iard aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 15/18995
Date de la décision : 06/04/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°15/18995 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-06;15.18995 ?
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