COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 30 MARS 2017
N° 2017/ 181
Rôle N° 16/13914
[U] [D]
C/
LE PROCUREUR GENERAL
[R] [G]
SCP [O] [S] [Y]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE
Me WILLM
PG
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 05 Juillet 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2016L00068.
APPELANT
Monsieur [U] [D]
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur LE PROCUREUR GENERAL,
demeurant COUR D'APPEL - [Adresse 2]
Monsieur [R] [G]
demeurant 5/9 Via Strada Solaro - SAN REMO (ITALIE)
défaillant
SCP [O] [S] [Y]
Représenté par Maître [I] [Y],
agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SEBM,
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Isabelle WILLM de la SCP WAGNER - WILLM, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine DURAND, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Anne CHALBOS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2017
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2017
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La société SEBM, ayant pour objet l'activité de bains maures, hammam, spa, soins esthétiques et de beauté, a été créée en décembre 2011.
Monsieur [U] [D] en fut le gérant de droit de la date de sa création au 15 décembre 2013, date à laquelle il a cédé ses parts sociales à Monsieur [R] [G].
Le 9 octobre 2014, sur l'assignation de la SCI Les Charmettes, bailleur, la société SEBM a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Nice, procédure convertie sur proposition du mandataire judiciaire en liquidation judiciaire le 3 décembre 2014.
La date de cessation des paiements a été fixée au 9 octobre 2014.
La SCI Les Charmettes, ayant déclaré une créance de 126.578,68 euros, a été nommée en qualité de contrôleur le 10 juin 2015.
Par exploit du 16 janvier 2016 la SCP [O] [S] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEBM a assigné Messieurs [D] et [G] devant le tribunal de commerce de Nice pour être condamnés solidairement au paiement de la somme de 197.821,29 euros au titre de l'insuffisance d'actif.
Par jugement réputé contradictoire du 5 juillet 2016, Monsieur [G] n'ayant pas comparu, le tribunal a :
Condamné Monsieur [U] [D] à payer à la SCP [O] [S] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEBM au paiement de la somme de 87.390,36 euros au titre des loyers impayés pendant sa gestion de droit,
Débouté la SCP [O] [S] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEBM de sa demande de condamnation de Monsieur [D] au titre de sa prétendue gestion de fait,
Débouté la SCP [O] [S] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEBM de sa demande dirigée à l'encontre de Monsieur [G] pour une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif,
Condamné solidairement Messieurs [D] et [G] à payer à la SCP [O] [S] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEBM la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par acte du 25 juillet 2016 Monsieur [U] [D] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 10 octobre 2016, tenues pour intégralement reprises, Monsieur [D] demande à la cour de :
Vu les articles L 651-1 et suivants du code de commerce,
Vu les articles L 631-4 et suivants du code de commerce,
Vu l'article L 651-2 du code de commerce,
Dire qu'il n'a commis aucune faute de gestion pendant la période où il était gérant de droit de la société SEBM,
Dire que la dette locative dont était redevable la société SEBM avait fait l'objet de l'octroi de délais judiciaires de paiement,
Dire qu'aucune faute ne peut être retenue à son égard au titre de la gérance de la société SEBM,
Dire qu'aucune des conditions nécessaires à l'action en responsabilité contre le dirigeant de droit pour insuffisance d'actif et gestion de fait ne peut être retenue à son encontre,
Par conséquent,
Infirmer le jugement attaqué,
Condamner la SCP [O] [S] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEBM au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions déposées et notifiées le 6 janvier 2017, tenues pour intégralement reprises, la SCP [O] [S] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEBM, demande à la cour de :
Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné Monsieur [U] [D] à payer à la SCP [O] [S] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SEBM au paiement de la somme de 87.390,36 euros au titre des loyers impayés pendant sa gestion de droit, et de celle de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles,
Infirmer les autres dispositions du jugement,
Statuant à nouveau,
Dire que la liquidation judiciaire fait apparaître une insuffisance d'actif de 197.821,29 euros,
Dire qu'elle est certaine dès lors qu'elle repose sur un titre exécutoire définitif du 6 février 2014 pour la somme de 87.390,36 euros, y ajoutant les indemnités d'occupation et frais y afférents soit la somme de 126.578,68 euros,
A titre subsidiaire et provisionnel,
Condamner solidairement Messieurs [D] et [G] au paiement de la somme de 197.821,29 euros au titre de l'insuffisance d'actif,
En toutes hypothèses,
Dire que Monsieur [D] en qualité de gérant de droit qu'au 13 décembre 2013 a commis des fautes de gestion ayant conduit à une créance de 87.390,36 euros,
Constater l'existence d'une gestion de fait de Monsieur [D],
Dire que Monsieur [D], gérant de fait, et Monsieur [G], gérant de droit, ont commis des fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif,
Par conséquent,
Condamner solidairement Messieurs [D] et [G] au paiement de la somme de 197.821,29 euros au titre de l'insuffisance d'actif et de celle de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Le Procureur Général a communiqué des conclusions le 10 février 2017
Monsieur [G], assigné le 14 novembre 2016 selon les formalités prévues au Règlement CE n° 1348/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, n'ayant pas constitué avocat, l'arrêt sera rendu par défaut.
Par ordonnance présidentielle du 24 novembre 2016 l'affaire a été fixée à l'audience du 16 février 2016 en application de l'article 905 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2017.
MOTIFS
Attendu qu'aux termes de l'article L 651-2 du code de commerce, 'Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous ses dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables...' ;
Sur l'insuffisance d'actif :
Attendu que les créances déclarées s'élèvent à 197.821,29 euros, dont 192.821,29 euros à titre échu et 5.000 euros à titre provisionnel, et 65.583,79 euros à titre privilégié ;
Attendu que la créance déclarée par le bailleur est d'un montant de 126.578, 68 euros ;
Attendu que ces créances n'ont pas été contestées, Monsieur [G], gérant de la société SEBM, n'ayant pas répondu aux convocations adressées par le mandataire judiciaire ;
Attendu qu'aucun actif n'ayant pû être recouvré, et le commissaire priseur en charge de l'inventaire des actifs ayant dressé un procès-verbal de carence, l'insuffisance d'actif est certaine à hauteur de la somme de 192.821,29 euros ;
Sur la responsabilité de Monsieur [D] :
Attendu que Monsieur [D] a été le gérant de droit de la sciété SEBM de sa création le 28 décembre 2011 au 15 décembre 2013, date de la cession de l'intégralité des parts sociales à Monsieur [R] [G] au prix de 10 euros ;
Attendu que cet acte a été enregistré le 13 mai 2014 et le procés verbal de l'assemblée générale extraordinaire, actant le hangement de gérant, a été déposé au greffe du tribunal de commerce de Nice le 3 juin 2014 ;
Attendu que le mandataire judiciaire soutient que Monsieur [D] a continué à gérer la société après la cession des titres à Monsieur [G], gérant de paille selon lui ;
Attendu toutefois qu'aucun élément du dossier ne démontre que Monsieur [D] a continué à administrer et gérer la société en toute indépendance après cette cession, les courriers versés aux débats s'échelonnant entre le 16 janvier 2012 et le 3 décembre 2013 antérieurs à la cession ne pouvant l'établir ;
Attendu que le fait que Monsieur [G] se soit désintéréssé de la procédure et n'ait répondu à aucune des convocations du mandataire judiciaire ne peut établir la gestion de fait reprochée à Monsieur [D] ;
Attendu que par conséquent seules les fautes antérieures à la cession des parts peuvent être retenues à l'encontre de Monsieur [D] ;
Attendu qu'il est certain qu'il a laissé s'accumuler fautivement des dettes de loyers, l'ordonnance définitive de référé du 6 février 2014 rendue sur assignation délivrée par le bailleur le 23 juillet 2013 ayant retenu un montant d'arrierés locatifs de 87.390,36 euros ;
Attendu que cette défaillance pendant plusieurs années a participé à la création de l'insuffisance d'actif constatée à l'ouverture de la procédure collective ;
Attendu que la date de cessation des paiements, fixée par le tribunal au 9 octobre 2014, n'ayant pas fait l'objet d'une décision de report, et seule cette date pouvant être retenue par la Cour pour apprécier l'existence de la faute reprochée à Monsieur [D], il ne peut lui être utilement fait grief d'avoir tardé à déclarer la cessation des paiements de la société SEBM en sa qualité de gérant de droit ;
Attendu que la démonstration de la poursuite d'une activité déficitaire ne peut résulter de la seule production de l'état de créances déclarées, non accompagnée des déclarations des créances ;
Attendu que le jugement ayant condamné Monsieur [D] à verser au mandataire judiciaire une somme de 87.390,36 euros au titre de l'insuffisance d'actif imputable à sa faute de gestion sera confirmé ;
Attendu que si Me [Y] ès qualités demande dans le dispositif de ses écritures la condamnation solidaire de Monsieur [G] en qualité de gérant de droit au paiement de la somme de 197.821,29 euros, il ne précise ni ne détaille les fautes de gestion de Monsieur [G] à l'origine de l'insuffisance d'actif, argumentant sur les seules fautes personnelles de Monsieur [D] ;
Attendu que le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que Monsieur [U] [D] est condamné à verser à la SCP[O] [S] [Y], ès qualités, la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en compensation des frais irrépétibles d'appel ;
Attendu qu'il sera condamné aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par mise à disposition au greffe, par défaut et publiquement,
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [U] [D] de ses demandes, fins et conclusions,
Déboute la SCP [O] [S] [Y] ès qualités de ses demandes de condamntion dirigées à l'encontre de Monsieur [R] [G],
Condamne Monsieur [U] [D] à verser à la la SCP[O] [S] [Y], ès qualités, la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en compensation des frais irrépétibles d'appel,
Condamne Monsieur [U] [D] aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT