La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2017 | FRANCE | N°15/02380

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 30 mars 2017, 15/02380


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

3e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 30 MARS 2017



N°2017/104













Rôle N° 15/02380







SAS SODAM





C/



[C] [B]

[Y] [U] épouse [B]





Grosse délivrée

le :

à :

Me J-C PYOT

Me R. CHERFILS







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 15 Janvier 2015 enregistr

é au répertoire général sous le n° 13/8811.





APPELANTE



SAS SODAM,

siège social [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Jean-Claude PYOT, avocat au barreau de GRASSE





INTIMES



Monsieur [C] [B]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] (POLOGNE),

demeur...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 30 MARS 2017

N°2017/104

Rôle N° 15/02380

SAS SODAM

C/

[C] [B]

[Y] [U] épouse [B]

Grosse délivrée

le :

à :

Me J-C PYOT

Me R. CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 15 Janvier 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/8811.

APPELANTE

SAS SODAM,

siège social [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Jean-Claude PYOT, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur [C] [B]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] (POLOGNE),

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Karl Fredrik SKOG, avocat au barreau de PARIS

Madame [Y] [U] épouse [B]

née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 2] (MANCHE),

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Karl Fredrik SKOG, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François BANCAL, Président, et Mme Patricia TOURNIER, Conseillère.

Monsieur Jean-François BANCAL, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère (rédactrice)

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2017.

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige:

Le 22/10/2009, M. [C] [B] et Mme [Y] [U] épouse [B], demeurant à [Localité 3], ont signé avec la société SODAM, exerçant à l'enseigne LES MAISONS DU SOLEIL, un contrat de construction d'une maison individuelle sur un terrain leur appartenant à [Localité 4]. Le prix convenu était de 277 000 euros, s'agissant des ouvrages à réaliser par la société SODAM, et de 42 487 euros, s'agissant du second oeuvre que les maîtres d'ouvrage se réservaient. La livraison était prévue 16 mois après l'ouverture du chantier.

Selon la déclaration d'ouverture du chantier (D.R.O.C) du 24/02/2010, l'ouverture du chantier est intervenue le 15/02/2010.

Aux mois de mai et octobre 2010, les époux [B] ont signalé à la société SODAM des malfaçons affectant la structure du bâtiment.

Par ordonnance du 08/12/2010 rendue à la demande des époux [B], le Président du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN, statuant en référé, a :

- ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [K] [S],

- ordonné la suspension des travaux jusqu'au dépôt du rapport d'expertise,

- sursis à statuer sur le surplus des demandes,

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 22/12/2010.

Par ordonnance du 19/01/2011,le Président du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN, statuant en référé, a condamné solidairement M. et Mme [B] à verser à la société SODAM la somme provisionnelle de 44 808,10 euros, facturée le 30/07/2010, correspondant à 75% de l'avancement des travaux et à l'achèvement des cloisons, et ce avec intérêts à compter de la mise en demeure du 28/09/2010.

Cette somme a été payée par chèque adressé le 01/02/2011.

L'expert [S] a clôturé son rapport le 28/06/2012, qui a été complété d'additifs le 06/07/2012 et le 14/11/2012, dans lesquels il constate que la société SODAM a réparé certaines malfaçons et qu'elle a procédé aux travaux de confortation des façades au 14/11/2012.

Le 30/08/2013, un procès-verbal de réception avec réserves a été établi par les parties.

Le 17/10/2013, les époux [B] ont consigné, auprès de la CARPA de Draguignan, la somme de 14 182,14 euros correspondant à 5% du montant du prix dû au stade de la réception.

Par acte d'huissier du 27/09/2013, la société SODAM a assigné les époux [B] devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de GRASSE aux fins d'obtenir leur condamnation à lui payer la somme de 58 252,55 euros, outre intérêts au taux de 1% par mois depuis le 15/07/2013.

Par ordonnance du 02/12/2013, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de GRASSE a :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir comme il appartiendra, mais d'ores et déjà,

- débouté les époux [B] de leur 'exception de litispendance et de connexité au profit du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN statuant au fond',

- vu l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile,

- condamné solidairement les époux [B] à payer à la SARL SODAM la somme de 58 252,55 euros, outre intérêts au taux légal de 1% par mois depuis le 15/07/2013,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les époux [B] aux dépens.

Par acte d'huissier du 30/09/2013, les époux [B] ont assigné au fond la société SODAM, exerçant à l'enseigne LES MAISONS DU SOLEIL, devant le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN, aux fins de voir juger que la défenderesse est responsable des malfaçons et retards apportés à la construction et ils ont réclamé le paiement de diverses sommes au titre des pénalités de retard, du préjudice de jouissance, du coût de l'expertise et des frais irrépétibles, sollicitant la compensation entre ces sommes et celles qu'ils restaient devoir à la société SODAM.

Par jugement contradictoire du 15/01/2015, le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN a:

- fixé la somme due par la SARL SODAM à M. [C] [B] et Mme [Y] [U] épouse [B] ensemble à 70 542,66 euros à titre de pénalités de retard correspondant à 764 jours de retard,

- fixé à 11 949,24 euros la somme due par M. [C] [B] et Mme [Y] [U] épouse [B] solidairement à la SARL SODAM au titre du solde du prix des travaux,

- après compensation partielle entre ces créances réciproques, condamné la société SODAM à payer à M. [C] [B] et Mme [Y] [U] épouse [B] ensemble la somme de 58 593,42 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30/09/2013,

- dit que les intérêts échus pour une année entière seront intégrés au capital et pourront produire eux-mêmes des intérêts,

- ordonné la déconsignation de la somme consignée par les époux [B] le 17/10/2014 sur le compte séquestre du bâtonnier de l'ordre des avocats de Draguignan au profit de M. et Mme [B],

- rejeté les demandes supplémentaires des époux [B] à titre de dommages et intérêts,

- condamné la SARL SODAM à payer à M. [C] [B] et Mme [Y] [U] épouse [B] ensemble la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de la SARL SODAM au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SODAM aux dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire, avec distraction.

Par déclaration du 17/02/2015, la SAS SODAM a interjeté appel.

Par dernières conclusions récapitulatives avec bordereau de pièces communiquées notifiées par le R.P.V.A. le 31/07/2015, l'appelante demande à la cour :

'Vu les dispositions des articles L 230-1 et suivants du Code de la Construction et de l'Habitation,

Vu les dispositions des articles 1134 et 1184 et suivants du Code Civil,

Vu les dispositions des articles 564 et suivants du Code de Procédure Civile,

Vu le procès-verbal de constat de Maître [X], Huissier de Justice à [Localité 5], en date du 28 septembre 2010 rapportant la preuve incontestable que les travaux de reprise des blocs ytong, objet de la demande, étaient en cours dès avant la saisine du Juge des Référés aux fins d'expertise,

Vu les causes légitimes de prorogation des délais d'exécution des travaux pour cause d'intempéries, de force majeure, ou de cas fortuit,

Vu la suspension du délai de livraison pendant l'interruption du chantier,

Vu le rapport d'expertise judiciaire dressé par Monsieur [S] le 28 juin 2012,

Vu le retard théorique de livraison du 15 juin 2011 au 15 juillet 2013, soit 760 jours ' alors que le Juge du premier degré retenait un retard de 764 jours '

' de constater que l'expert judiciaire impute à la société SODAM une période de 210 jours au titre des travaux de reprise consécutifs aux défauts de mise en 'uvre des blocs Ytong et autres éventuelles malfaçons.

' de constater l'absence de retard dans la livraison de la maison objet du CCMI en date du 14 octobre 2009, eû égard aux causes légitimes de prorogation et/ou de suspension du délai contractuel d'exécution des travaux,

' de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

' de débouter les époux [B] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

' de les condamner à payer à la SAS SODAM 'l'échéance livraison' de 5 %, soit 14 182,14 €.

' de les condamner à payer à la SAS SODAM la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' de les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.'

Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées notifiées par le R.P.V.A. le 07/07/2015, M. [C] [B] et Mme [Y] [U] épouse [B], intimés, demandent à la cour:

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté toute suspension de délai contractuel pendant la durée de l'expertise et pour des arrêts intempéries,

- de l'infirmer en ce qu'il a suspendu le délai pour un retard de paiement qui n'était pas dû, en ce qu'il a condamné Monsieur et Madame [B] au paiement du solde de la construction et en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes indemnitaires,

statuant à nouveau de ces chefs,

- de condamner la SAS SODAM à payer à Monsieur et Madame [B] la somme de 76 205,37 euros au titre des pénalités de retard et la somme de 58 980 euros au titre des préjudices matériels,

- de débouter la SAS SODAM de sa demande de paiement du solde de la construction,

en tout état de cause,

- de débouter la SAS SODAM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la SAS SODAM à payer à Monsieur et Madame [B] la somme de 10 000 euros au titre du préjudice de désagrément,

- de condamner la SAS SODAM à payer à Monsieur et Madame [B] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- de condamner la SAS SODAM aux entiers dépens, dont les frais d'expertise judiciaire pour 7 919,28 euros, avec distraction.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17/01/2017.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les pénalités de retard

Il résulte des pièces régulièrement communiquées et des explications des parties :

- que la durée d'exécution des travaux était contractuellement fixée à 16 mois à compter de l'ouverture du chantier, soit jusqu'au 15/06/2011 (pièces 15 et 20),

- que la réception de l'ouvrage a eu lieu le 30/08/2013, étant précisé d'une part, qu'il n'est pas soutenu qu'il y aurait eu livraison de l'ouvrage ou entrée effective dans les lieux des époux [B] avant cette date, et d'autre part, que la société SODAM ne démontre par aucune pièce que la livraison de l'ouvrage avait été proposée par elle à la date du 15/07/2013, comme elle l'affirme dans ses écritures, la pièce 39 qu'elle invoque étant un courrier par lequel elle sollicite uniquement l'appel de fonds des 95%,

- que les conditions générales du contrat, paraphées, stipulent: 'le délai de construction et la date de fin du délai contractuel de construction seront prorogés:

* de la durée des interruptions de chantier imputables au maître de l'ouvrage, notamment celles provoquées par des retard de paiement,

* en cas de modification demandées par le maître de l'ouvrage, notamment par voie d'avenants ou imposées par l'administration,

* de la durée des retards apportés dans l'exécution des travaux à réaliser par le maître de l'ouvrage ou commandés par lui à des tiers,

* de la durée des interruptions pour cas de force majeure ou cas fortuits,

* de la durée des intempéries pendant lesquelles le travail est arrêté conformément aux dispositions des articles L 731-1 et suivants du code du travail, signalées par LRAR au maître de l'ouvrage ou par lettre remise en main propre contre décharge.

En cas de retard dans la livraison, le constructeur devra au maître de l'ouvrage une indemnité égale à 1/3000 ème du prix convenu fixé au contrat par jour de retard.'

S'agissant des interruptions de chantier imputables au maître de l'ouvrage, notamment celles provoquées par des retards de paiement, cette clause figurant au contrat doit être réputée non écrite en application de l'article L 231-3 d) du code de la construction et de l'habitation qui dispose qu'en matière de CCMI: 'sont réputées non écrites les clauses ayant pour objet ou pour effet, de décharger le constructeur de son obligation d'exécuter les travaux dans les délais prévus par le contrat en prévoyant notamment des causes légitimes de retard autres que les intempéries, les cas de force majeure et les cas fortuits'.

En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a fait application de cette clause en retenant une déduction de 42 jours du retard total reproché à la société SODAM.

S'agissant de la suspension des travaux ordonnée par le juge des référés, alors que l'appelante soutient que la désignation d'un expert ne s'imposait pas en l'espèce, que c'est en raison de la suspension des travaux ordonnée par le juge des référés qu'elle n'a pas pu poursuivre les travaux et qu'elle a ensuite été confrontée à la lenteur de l'expert qui a seulement clôturé son rapport le 28/06/2012, il convient de relever :

- qu'elle n'a pas interjeté appel de l'ordonnance rendue par le juge des référés le 08/12/2010,

- que contrairement à ce qu'elle prétend, elle n'avait manifestement pas pris en compte dans toute leur ampleur les malfaçons mises en évidence par l'expert, en tant qu'elles affectaient la structure de l'ouvrage et ne permettaient pas de garantir sa solidité, notamment par rapport aux risques sismiques, de sorte qu'une interruption de la construction s'avérait en l'espèce indispensable,

- qu'en effet, l'expert a constaté lors des deux accedits du 10/03/2011 et du 17/11/2011:

* que le mode d'assemblage des murs de la maison présentait partiellement des modules collés dont le chevauchement des joints verticaux ne croise pas assez les assises supérieures, cet assemblage en coup de sabre n'étant pas conforme à la méthode de pose recommandée, que la société SODAM a incorporé des éléments en béton à des endroits où les produits spécifiques YTONG auraient dû être utilisés conformément aux conditions du contrat de construction et des prescriptions du fabricant, qu'il y avait erreur de conception dans la compatibilité des matériaux et le mode de mise en oeuvre (pages 8 et 11 du rapport),

* que les malfaçons ou erreurs d'assemblage affectaient la construction à de nombreux endroits sur toutes les façades, selon la liste établie en page 9 de son rapport,

* que seulement certaines malfaçons avaient été reprises et réparées par le constructeur, mais que d'autres subsistaient et nécessitaient des aménagements spécifiques à la construction telle qu'elle se présentait lors de l'expertise, impliquant une attention particulière dans les solutions de reprise et de confortation de l'existant,

- que dès l'accedit du 17/11/2011, il était convenu entre les parties et l'expert que la société SODAM procéderait aux réparations nécessaires sous son contrôle,

- que, dans son pré-rapport du 13/04/2012, l'expert a préconisé l'application d'un nouveau revêtement protecteur homogène sur toutes les façades et rebours en tableaux, afin de restituer un support compact et isolant avant l'enduit couleur et a indiqué à la société SODAM qu'elle devrait faire connaître sa position en terme de prise en charge du nouveau produit retenu pour le revêtement des façades, et le fixer sur un délai de réalisation au plus tard le 30/04/2012, précisant que le dépôt du rapport sera conditionné par la durée d'exécution des travaux de confortation et leur réception,

- que pour autant, comme l'a exactement relevé le premier juge, au 06/07/2012, la société SODAM n'avait fait connaître aucun calendrier de travaux, et elle ne produit en appel aucune pièce justifiant qu'elle aurait satisfait aux demandes de l'expert,

- que dès lors, l'indisponibilité de l'expert pendant les vacances d'été, ne peut exonérer la société SODAM de sa responsabilité dans le retard d'exécution des travaux qui lui incombaient,

- qu'ainsi, comme l'a justement estimé le premier juge, la durée de la suspension des travaux de construction pendant l'expertise est entièrement imputable à la société SODAM.

En conséquence, le jugement déféré doit ici être confirmé, étant relevé au surplus que la suspension judiciaire des travaux ne peut être assimilée à un cas fortuit comme le soutient l'appelante, puisqu'elle a en l'espèce pour origine son propre comportement.

S'agissant des intempéries

En relevant :

- que le contrat de construction liant les parties faisait référence aux dispositions de l'article L 731-2 du code du travail pour déterminer les jours d'intempéries,

- que ce texte, abrogé en 2008, avait été repris à l'article 5424-8 du code du travail et définissait les jours d'intempéries comme ceux pendant lesquels les conditions atmosphériques rendent effectivement le travail dangereux ou impossible pour les salariés de sorte que l'arrêt de chantier est décidé par l'entrepreneur,

- qu'il appartient à l'employeur, qui entend échapper au paiement de pénalités de retard, d'établir le nombre de jours pendant lesquels les conditions atmosphériques n'ont pas permis de travailler sur le chantier,

- que la SARL SODAM ne produisait que des bulletins météorologiques, faisant état des quantités de pluie et de chutes de neige, n'établissant pas que le travail avait été effectivement arrêté sur le chantier, puisqu'ils n'étaient pas complétés par des comptes-rendus de chantier ou des bulletins de la caisse des congés payés chargée d'indemniser les salariés en cas de chômage forcé,

- qu'en conséquence les 237 jours d'intempéries invoqués par la SARL SODAM ne pouvaient être retenus comme venant en déduction du retard de livraison,

le premier juge a fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel.

À ces justes motifs que la cour adopte, il convient seulement d'ajouter :

- que le contrat de construction liant les parties prévoit une procédure particulière en cas d'intempéries, l'article 2-6 des conditions générales stipulant notamment :

le délai de construction et la date de fin du délai contractuel de construction seront prorogés (....) de la durée des intempéries (....) signalées par lettre recommandée avec accusé de réception au maître de l'ouvrage ou par lettre remise en main propre contre décharge,

- qu'en l'espèce, la SARL SODAM ne produit aucun courrier adressé au maître de l'ouvrage concernant des intempéries ayant entraîné une interruption de chantier,

- que les seuls bulletins météorologiques produits en pièces 50 et 51 par la SARL SODAM indiquent un cumul de précipitations, sans aucune précision sur le caractère normal ou anormal de la pluviométrie relevée, de sorte que l'existence d'intempéries sur 237 jours n'est aucunement démontrée.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici confirmé.

Sur le montant des pénalités de retard

Les conditions générales du contrat liant les parties prévoient à l'article 2-6 in fine 'qu'en cas de retard dans la livraison, le constructeur devra au maître de l'ouvrage une indemnité égale à 1/3000 ème du prix convenu fixé au contrat par jour de retard.'

En l'espèce, le prix convenu était de 277 000 euros.

Compte tenu de ce qui précède, la durée totale du retard est de 805 jours (sur la période allant du 15/06/2011 au 30/08/2013).

Dès lors, le montant total des pénalités de retard doit être calculé ainsi:

(277 000 : 3000) X 805 soit 74 328,33 euros.

Le jugement déféré doit donc ici être réformé.

Sur le préjudice de jouissance

Les époux [B] réclament la somme totale de 58 980 euros au titre de leur 'préjudice matériel' correspondant en réalité à un préjudice de jouissance puisqu'ils font valoir qu'ils habitaient CERGY PONTOISE, qu'ils ont vendu leur maison et ont dû aller habiter dans leur appartement de deux pièces et leur studio situés à CANNES LA BOCCA, dans l'attente de la livraison de leur maison à [Localité 4].

Ils indiquent également que Mme [B], qui logeait chez elle sa tante âgée, dont elle était la tutrice, a du prévoir un hébergement provisoire dans une maison de retraite du 31/05/2012 au 30/08/2013.

Les pièces produites ne permettent pas de déterminer :

- à quelle date ils ont vendu leur maison de CERGY PONTOISE et à quelle date ils auraient emménagé dans leur appartement et leur studio de CANNES LA BOCCA,

- si ces biens situés à CANNES LA BOCCA étaient en location, avant qu'ils n'y emménagent,

- si l'hébergement de Mme [J] [O] à L'EHPAD [Établissement 1] à [Localité 6] est en lien direct avec leur absence de logement à [Localité 4], les factures produites concernant uniquement la période de mai à décembre 2012, alors que l'évaluation de cette partie du préjudice concerne la période du 31/05/2012 au 30/08/2013, selon leurs indications en page 19 de leurs écritures, et faisant apparaître un forfait dépendance,

- si les époux [B] ont eux-mêmes assumé effectivement le coût de l'hébergement de Mme [J] [O] à L'EHPAD [Établissement 1] à [Localité 6], puisque les photocopies des factures produites en pièce 12 portent seulement une mention manuscrite avec un numéro de chèque et qu'il résulte des pièces produites sous le numéro 13 que la personne protégée perçoit des revenus (pensions de retraite, revenus de capitaux mobiliers et revenus fonciers nets) et qu'elle bénéficie d'une allocation personnalisée d'autonomie servie par le Conseil Général de la Manche, sans que les comptes de la tutelle ne soient toutefois produits,

qu'il s'ensuit que les époux [B] ne rapportent pas la preuve du préjudice qu'ils invoquent.

En conséquence, le jugement déféré doit ici être confirmé.

Sur le préjudice de 'désagrément'

Alors que les époux [B] réclament la somme de 10 000 euros au titre d'un préjudice de désagrément lié 'aux manquements de la SAS SODAM qui refuse encore de reconnaître ses torts', ils ne démontrent pas l'existence d'un préjudice spécifique distinct du préjudice lié au retard de livraison de leur maison.

En conséquence, cette demande doit être rejetée.

Sur le paiement du solde du prix de la construction

L'article 2-7 b) des conditions générales liant les parties stipule notamment: 'dans le cas où des réserves auraient été formulées lors de la réception ou dans le délai de 8 jours, une somme au plus égale à 5% du prix convenu, est consignée jusqu'à la levée de ces réserves entre les mains d'un consignataire accepté par les deux parties ou, à défaut, désigné par le Président du Tribunal de grande instance'.

Contrairement à ce qui a été indiqué par le premier juge, la preuve de l'exécution des travaux nécessaires à la levée des réserves repose sur l'entrepreneur, soit en l'espèce sur la SAS SODAM, constructeur.

Alors que le procès-verbal de réception du 30/08/2013 comporte en annexe une liste de 37 réserves établie sur trois pages, la SAS SODAM soutient qu'aucune de ces réserves ne rend l'ouvrage inhabitable et qu'en tout état de cause, 'les réserves qu'elle a admises ont toutes été levées'.

Elle conteste également les nouvelles réserves émises par les maîtres de l'ouvrage, par courrier LRAR du 06/09/2013, soutenant que les époux [B] étaient assistés de leur avocat lors de la réception.

Or, d'une part, le procès-verbal de réception produit en pièce 5 par les intimés ne mentionne aucunement la présence d'un avocat, ce document étant seulement signé par les maîtres de l'ouvrage et par le représentant de la SAS SODAM, de sorte qu'en application de l'article 2-7 b) des conditions générales, les maîtres de l'ouvrage pouvaient, dans un délai de 8 jours suivant la réception, dénoncer les vices apparents qu'ils n'auraient pas alors signalés, ce qu'ils ont fait dans leur courrier du 06/09/2013 adressé dans ce délai ;

d'autre part, il n'appartient pas au constructeur 'd'admettre les réserves', mais il lui incombe de prouver qu'il a effectivement levé toutes les réserves, ou le cas échéant que les réserves invoquées ne sont pas réelles, preuve qui n'est aucunement rapportée en l'espèce, étant au surplus relevé que, si dans plusieurs courriers qu'elle a adressés aux maîtres de l'ouvrage, la SAS SODAM affirme que certaines réserves n'en sont pas ou ont fait l'objet d'une 'obstruction à levée de réserve', elle ne le démontre par aucune pièce, notamment un avis technique circonstancié, ou un constat d'huissier.

Enfin, la SAS SODAM, qui reconnaît la réalité de la non-conformité de la hauteur du rez-de-chaussée et a appliqué elle-même des déductions concernant 20 linteaux U, l'annulation d'une hauteur sous plafond et des stops enduits pour la somme de 2 232,90 euros dans son courrier du 10/04/2014 mettant en demeure les époux [B] de lui régler un solde de 11 949,24 euros TTC (pièce 18 des intimés), ne produit aucune pièce permettant une évaluation objective du coût afférent à l'absence de levée de ces réserves.

En conséquence, l'appelante ne justifiant pas de l'exigibilité du solde réclamé de 5% du prix de la construction, alors qu'elle n'a pas levé l'ensemble des réserves faites par les maîtres de l'ouvrage, doit être déboutée de sa demande en paiement et le jugement déféré être ici infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant, la SAS SODAM supportera les dépens.

Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a alloué aux époux [B] une indemnité de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté la demande de la SAS SODAM à ce titre.

La SAS SODAM sera également condamnée à payer à M. [C] [B] et Mme [Y] [U] épouse [B] une indemnité supplémentaire de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme partiellement le jugement déféré en ce que le premier juge a :

- rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [C] [B] et Mme [Y] [U] épouse [B] au titre du préjudice de jouissance,

- condamné la SAS SODAM à payer à M. [C] [B] et Mme [Y] [U] épouse [B] une indemnité de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS SODAM aux dépens, qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire,

Le réforme pour le surplus et Y ajoutant,

Dit que les travaux ont subi 805 jours de retard ouvrant droit aux pénalités contractuellement prévues,

Condamne la SAS SODAM à payer à M. [C] [B] et Mme [Y] [U] épouse [B] une somme de 74 328,33 euros au titre des pénalités de retard,

Déboute M. [C] [B] et Mme [Y] [U] épouse [B] de leur demande d'indemnisation au titre du 'préjudice de désagrément',

Déboute la SAS SODAM de sa demande en paiement du solde du marché,

Déboute la SAS SODAM de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne la SAS SODAM à payer à M. [C] [B] et Mme [Y] [U] épouse [B] une indemnité supplémentaire de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne la SAS SODAM aux dépens.

En ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/02380
Date de la décision : 30/03/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°15/02380 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-30;15.02380 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award