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16/03/2017 | FRANCE | N°16/10307

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre a, 16 mars 2017, 16/10307


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 16 MARS 2017



N° 2017/106













Rôle N° 16/10307







SCI CRISTOFOL





C/



Compagnie d'assurances MAIF

Commune GARDANNE

SA MAAF ASSURANCES





















Grosse délivrée

le :

à :





Me Laurent HUGUES



Me Sylvie LEBIGRE



Me Luc

PLENOT



Me Jean-Rémy DRUJON D'ASTROS





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 26 Avril 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00612.





APPELANTE



SCI CRISTOFOL, demeurant [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Laurent HUGUES d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 16 MARS 2017

N° 2017/106

Rôle N° 16/10307

SCI CRISTOFOL

C/

Compagnie d'assurances MAIF

Commune GARDANNE

SA MAAF ASSURANCES

Grosse délivrée

le :

à :

Me Laurent HUGUES

Me Sylvie LEBIGRE

Me Luc PLENOT

Me Jean-Rémy DRUJON D'ASTROS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 26 Avril 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00612.

APPELANTE

SCI CRISTOFOL, demeurant [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Laurent HUGUES de la SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT SCHMITTER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Compagnie d'assurances MAIF, demeurant [Localité 1]

représentée et plaidant par Me Sylvie LEBIGRE de la SCP SCP CHABAS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Commune COMMUNE DE GARDANNE Représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité audit siège intervenante volontaire, demeurant [Adresse 2]

représentée et plaidant par Me Luc PLENOT de la SELARL PLENOT-SUARES-BLANCO-ORLANDINI, avocat au barreau de NICE

SA MAAF ASSURANCES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 3]

représentée et plaidant par Me Jean-Rémy DRUJON D'ASTROS de la SCP DRUJON D'ASTROS BALDO & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Florence TANGUY, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvie CASTANIE, Présidente

Mme Béatrice MARS, Conseiller

Mme Florence TANGUY, Conseiller (rapporteur)

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2017,

Signé par Madame Sylvie CASTANIE, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SCI Cristofol ayant acquis le 9 février 2007 un immeuble d'habitation, élevé sur cave d'un rez-de-chaussée et de deux étages, situé à [Localité 2], a fait réaliser des travaux de rénovation par M. [D] assuré auprès de la société MAAF, puis elle a loué les 3 appartements aménagés dans 1'immeuble et elle a souscrit une assurance en qualité de propriétaire non occupant, auprès de la société FILIA MAIF.

Elle a déclaré à son assureur un sinistre lié à des infiltrations en provenance de la toiture en novembre 2008.

En juin 2014, elle a chargé la société Umut de la réfection des façades qui étaient en partie fissurées, et le 16 juin 2014, un pan de la façade s'est effondré à 1'occasion des travaux préparatoires de cette entreprise.

Une expertise judiciaire a été ordonnée en référé, l'expert ayant déposé son rapport 1e 5 novembre 2015.

Par jugement du 26 avril 2016, le tribunal de grande instance dAix en Provence a :

- débouté la MAAF de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise ; - débouté la SCI Cristofol de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la MAIF ;

- dit que la MAAF ne peut être tenue à garantie qu'à hauteur de 7% du sinistre ;

- condamné la MAAF à payer à la SCI Cristofol la somme de l7 396,45 € en réparation de son préjudice matériel lié aux travaux de confortement (1 643,71 €) et à la reconstruction (15 752,74 €) de l'immeuble ;

- condamné la MAAF à payer à la SCI Cristofol en réparation de son préjudice matériel de nature financière :

4 307,41 € au titre des frais de relogement, pertes de loyers et indemnité d'occupation du domaine public, 112 € par mois à compter du 1er juillet 2015 jusqu'au complet paiement de l'indemnité qui lui est due pour la reprise de l'immeuble au titre de la perte de loyer complémentaire,

- débouté la SCI Cristofol de sa demande au titre du préjudice moral ;

- rappelé que s'agissant des préjudices immatériels, la MAAF est fondée à opposer à la SCI Cristofol son plafond de garantie et sa franchise contractuelle ;

- dit que pour l'ensemble des condamnations l'intérêt au taux légal sera dû a compter de la présente décision ;

- débouté la MAAF de son appel en garantie à l'encontre de la MAIF ;

- débouté la SCI Cristofol de sa demande de prolongation de la police d'assurance la liant à la MAIF ;

- dit la MAAF infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles ;

- débouté la MAIF de sa demande au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la MAAF à payer à la SCI Cristofol 3000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la MAAF aux dépens comprenant tous les frais d'expertise ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 3 juin 2016, la SCI Cristofol a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 13 juin 2016, et auxquelles il y a lieu de se référer, elle demande à la cour de :

- vu les articles L.113-5, L.113-1 et L.112-4 du code des assurances et 1134 alinéa 3, 1147, 1156 et 1162 du code civil et L.133-2 du code de la consommation,

- vu les articles 1792 et 1792-2 du code civil et L.241-1 et suivants et L.124-3 du code des assurances,

- déclarer la S.C.I. Cristofol recevable et bien fondée en son appel ;

- condamner in solidum pour la totalité les sociétés FILIA MAIF et MAAF et subsidiairement

la MAAF. à concurrence de 25%, à payer à la S.C.I. Cristofol les sommes suivantes :

585 749,29 € au titre des mesures conservatoires (23.481,48 €) et des travaux de démolition et de reconstruction de l'immeuble (562.597,81 €),

les intérêts au taux légal sur la somme de 23 481,48 € depuis le 15 octobre 2014 et jusqu'à son complet paiement, à titre d'indemnisation de son immobilisation depuis cette première date,

1534,40 € au titre des frais de relogement immédiat des locataires,

19 200 € au titre de la perte de loyers entre le 1er juillet 2014 et le 30 juin 2015,

1600 € par mois à compter du 1er juillet 2015 et jusqu'à la date du complet paiement de la somme ci-dessus de 585 749,29 €, au titre des pertes complémentaires de loyers,

38 400 € toujours au titre des pertes complémentaires de loyers pendant la période de réalisation elle-même des travaux de démolition et de reconstruction, phase préalable de conception comprise,

2400 € en remboursement des indemnités d'occupation du domaine public communal,

50 000 € en réparation de son préjudice moral,

40 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la suspension des effets de la résiliation du 24 octobre 2014 et la prolongation des effets de la police de la FILIA MAIF n°537 1830K pour l'immeuble situé [Adresse 4] jusqu'au 31 décembre 2019,

- condamner in solidum les sociétés FILIA MAIF et MAAF aux entiers dépens, en ce compris ceux de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire incluant ceux du sapiteur Sol - Essais et de première instance au fond.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 16 août 2016, et auxquelles il convient de se référer, la MAIF demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 26 avril 2016 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a accueilli la demande de démolition/reconstruction de l'immeuble

- débouter la SCI Cristofol et la MAAF de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formulées contre la MAIF,

- prononcer la mise hors de cause de la MAIF,

- très subsidiairement,

- réformer le jugement et dire et juger que les travaux de reprise tels que préconisés par l'expert devront être réalisés,

- débouter la SCI de sa demande au titre des travaux de démolition /reconstruction de l'immeuble,

- à titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que seuls les travaux de réparation de l'immeuble peuvent donner lieu à indemnisation,

- dire et juger que seulement 65 % pourront être mis à la charge de la MAIF en l'état du partage de responsabilité retenu par l'expert judiciaire,

- et dans l'hypothèse où la cour opterait pour des travaux de démolition/ reconstruction,

- dire et juger que seulement 65 % pourront être mis à la charge de la MAIF en l'état du partage de responsabilité retenu par l'expert judiciaire,

- appliquer un taux de vétusté de 40 % et faire application de la franchise contractuelle,

- en tout état de cause,

- débouter la SCI du surplus de ses demandes,

- condamner la SCI Cristofol au paiement de la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises au greffe le 4 août 2016, et auxquelles il y a lieu de se référer, la MAAF demande à la cour de :

- vu l'article 276 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire,

- dire et juger que l'expert judiciaire a manqué à ses obligations et n'a pas répondu à l'ensemble de ses chefs de missions,

- prononcer la nullité du rapport de M. [X], à tout le moins en ce qui concerne la responsabilité

de M. [D],

- en tout état de cause :

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné MAAF,

- dire n'y avoir lieu à retenir les conclusions de l'expert judiciaire concernant la répartition des

imputabilités,

- dire et juger que les désordres sont exclusivement imputables à la commune de Gardanne que la SCI Cristofol n'a pas souhaité mettre en cause sauf à statuer ce que de droit à l'égard de la MAIF,

- dire et juger que la responsabilité de M. [D] ne peut être engagée que sur le fondement

de l'article 1382 du code civil à l'exclusion des articles 1792 et suivants du code civil,

- dire et juger que la responsabilité de M. [D] n'est pas démontrée dans la survenance du sinistre,

- dire et juger que la MAAF n'a commis aucune faute,

- dire et juger que les conditions requises pour que les garanties de MAAF au titre des préjudices matériels et des préjudices immatériels, ne sont pas réunies,

- dire et juger en conséquence que les garanties de MAAF Assurances ne sont pas mobilisables,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de MAAF Assurances,

- mettre MAAF Assurances hors de cause,

- à titre subsidiaire,

- ordonner une nouvelle expertise sur le rôle de M. [D], confiée à un ingénieur ou BET structure aux fins de procéder aux analyses nécessaires, notamment par des sondages destructifs au droit du 2ème étage de la façade nord ou ouest pour vérifier si des infiltrations s'y sont produites et si elles ont pu altérer la cohésion des pierres et participer au processus d'effondrement situé au rez-de-chaussée..

- encore plus subsidiairement,

- dire et juger que la responsabilité de M. [D] n'est qu'infiniment résiduelle,

- dire et juger que la responsabilité de M. [D] ne saurait être engagée au-delà de 5% des

dommages,

- en tout état de cause,

- rejeter les demandes de condamnations in solidum,

- débouter la SCI Cristofol de sa demande d'indemnisation à hauteur de 562 597,81 €,

- fixer le montant des travaux de reprise à la somme de 39 666,70 € TTC retenue par l'expert judiciaire,

- dire qu'aucune condamnation au titre des dommages aux existants et des dommages immatériels ne pourra excéder le plafond de garantie de 304 899 €,

- dire que MAAF Assurances pourra opposer sa franchise contractuelle,

- dire et juger que MAAF Assurances ne pourrait être tenue que pour 5% de cette somme,

- dans cette hypothèse,

- dire et juger que la MAIF a engagé sa responsabilité dans la gestion du sinistre,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté MAAF Assurances de son appel en garantie,

- condamner la MAIF à relever et garantir MAAF Assurances de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

- débouter la SCI Cristofol de sa demande infondée à l'encontre de MAAF Assurances au titre

de son préjudice moral,

- débouter la SCI Cristofol de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant à verser à MAAF Assurances la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe le 22 décembre 2016, la Commune de Gardanne est intervenue volontairement à la procédure et a formé tierce opposition au jugement du 26 avril 2016 elle demande à la cour de :

- vu l'article 588 du code de procédure civile,

- constater que le jugement querellé a retenu la solution de démolition,

- la déclarer recevable dans sa demande de tierce opposition.

Elle reproche à la SCI de l'avoir écartée des débats et soutient que la solution de reprise technique de la façade ne peut être écartée.

MOTIFS :

La tierce opposition formée au jugement déféré n'est pas recevable ni à titre principal ni à titre incident, dès lors que l'affaire étant en son entier pendante devant la cour d'appel, seule la voie de l'intervention en cause d'appel est ouverte aux personnes étrangères jusque-là à l'instance. En effet la tierce opposition est exclue s'agissant des jugements frappés d'appel puisque les tiers peuvent intervenir en cause d'appel pour obtenir la préservation de leurs intérêts dans le cadre d'une procédure permettant le réexamen en fait et en droit de l'affaire.

L'intervention de la commune de Gardanne doit donc s'analyser en une intervention volontaire en cause d'appel, seule voie ouverte aux personnes étrangères jusque-là à l'instance.

La commune de Gardanne, au vu des éléments figurant au rapport d'expertise quant à sa responsabilité dans la survenance du sinistre, et qui n'a pas été partie en première instance, est recevable à intervenir volontairement pour critiquer la solution de réparation du dommage.

La MAAF conclut à la nullité du rapport d'expertise au motif que l'expert aurait omis de répondre à ses observations formulées dans trois dires en ce qui concerne le lien de causalité entre les infiltrations en toiture imputables à son assuré et le sinistre objet du litige. Il convient cependant de constater que l'expert a énuméré les dires qu'il a reçus, qu'il a listé trois notes de réponse aux dires des parties, du 9 octobre 2014, du 10 février 2015 et du 20 février 2015 et qu'il répond de manière explicite au dire de l'avocat de la MAAF du 17 septembre 2015 en page 40 de son rapport. En outre il apparaît clairement, à la lecture du rapport, qu'il s'est expliqué sur le lien de causalité entre les infiltrations en toiture et le sinistre et sur le degré d'imputabilité.

La demande de nullité du rapport sera donc rejetée.

L'expert retient huit causes du sinistre.

- la création, dans le sol, par la commune de Gardanne d'une galerie d'évacuation des eaux pluviales au ras de la façade de l'immeuble, entraînant une décompression du terrain,

- les infiltrations souterraines d'eau sous la voirie et au pied de l'immeuble, par le jeu des débordements des canalisations obstruées, provoquant des remontées d'eau par capillarité,

- le goudronnage rendant la zone imperméable et empêchant ainsi l'évaporation de l'eau s'infiltrant dans le sol,

- le manque d'entretien des réseaux communaux, avec présence d'affaissements et l'obstruction partielle de la galerie d'eau pluviale le long de la façade de l'immeuble,

- les vibrations liées à la circulation routière, compte tenu de la configuration des lieux,

- le mode constructif du bâtiment suivant la méthode dite du mur poids, et les matériaux employés lors de la construction, s'agissant d'un liant qui se délite avec le temps et s'imbibe de l'humidité résultant des remontées capillaires d'eau,

- les éléments ayant pu entraîner, dans la vie de l'immeuble, une éventuelle modification de sa résistance initiale, et notamment :

les modifications de façade comme la création d'un balcon créant des lignes verticales de fragilisation dans le mur de façade,

mais aussi les infiltrations d'eau en toiture à la suite des travaux effectués par M. [D] et les travaux de ravalement de façade qui ont empêché la respiration des façades et qui ont créé un déséquilibre entre l'assèchement de l'argile dans une partie des murs et la présence d'une humidité capillaire dans une autre partie des murs. L'expert explique que ce déséquilibre a favorisé un décollement de certains moellons de pierre fixés à l'enduit du reste de l'épaisseur des murs et que les particules décomposées du liant se sont tassées en partie basse en repoussant l'enduit vers l'extérieur et en le déformant.

L'expert explique que ces causes ont contribué à la survenance du sinistre, certaines de manière prépondérante, à savoir la décompression du terrain et les infiltrations en sous-sol, mais aussi le mode constructif de l'immeuble et certaines interventions sur cet immeuble, et d'autres par simple aggravation. Il ressort ainsi du rapport d'expertise que les infiltrations d'eau, même de faible importance, au travers de la toiture et qui ont perduré pendant seize mois en raison d'un différend entre les compagnies d'assurances, ont fragilisé le bâtiment déjà soumis à une décompression du terrain, à une altération et une déformation des murs de façade en raison des remontées capillaires sur des murs qui ne respiraient pas.

La SCI Cristofol serait donc fondée à rechercher la garantie de la MAAF, assureur de M. [D], sur le fondement de l'article 1792 du code civil pour les dommages résultant des infiltrations en toiture et rendant l'immeuble impropre à sa destination, s'il s'agissait de réparer les désordres affectant les travaux. Or ces dommages incluant les travaux de reprise ont été pris en charge en 2010 à la suite du sinistre de 2008. Et en l'occurrence, la SCI Cristofol demande l'indemnisation de désordres, causés par ces dommages, aux parties existantes de l'immeuble six ans plus tard. En son article 5, le contrat d'assurance de M. [D] prévoit qu'est garantie la responsabilité de l'assuré lorsque les parties existantes du bâtiment ayant fait l'objet de travaux sont endommagées à condition que (...) les dommages aux parties existantes soient la conséquence directe et exclusive de l'exécution des travaux. Or à l'évidence l'éboulement d'une partie du mur de façade n'est pas la conséquence exclusive ni même directe des travaux effectués par M. [D] en 2008, que ce soit les travaux en toiture ou la création d'un balcon. A ce titre la garantie de la MAF n'est pas mobilisable.

Par contre la SCI Cristofol recherche en outre la responsabilité de la MAAF pour faute en raison des conséquences de la prise en charge tardive par celle-ci du sinistre imputable à son assuré au titre de l'activité déclarée de couvreur de celui-ci. Ainsi que l'explique l'expert, les infiltrations même petites en toiture qui ont perduré pendant seize mois en raison de la prise en charge tardive de la MAAF ont participé au sinistre par aggravation des désordres qui en sont la cause. Les travaux effectués par M. [D] n'ayant participé que de manière modérée à la survenance du dommage, et seuls les travaux sur la toiture étant concernés, 5% du sinistre sera mis à la charge de l'assureur, sans que celui-ci puisse opposer à la SCI la franchise et les plafonds de garantie du contrat d'assurance de M. [D], la condamnation de la MAF résultant de ses propres fautes dans la survenance du dommage.

La SCI Cristofol invoque également la garantie de son assureur, la MAIF. En page 23 des conditions générales du contrat, il est précisé que l'assuré est couvert lorsque ses biens sont endommagés à la suite des événements accidentels suivants :

- (...) dégâts des eaux, et il est ajouté qu'en cas de souscription de la formule (...) Sérénité, l'assuré est également couvert dans tous les autres cas où ses biens sont endommagés à la suite d'un accident.

La SCI soutient que son immeuble s'est effondré, ce qui constituerait l'accident alors que l'effondrement du mur de façade constitue le sinistre, et il y a lieu de rechercher si ce sinistre est intervenu à la suite d'un accident. Or les investigations expertales mettent en évidence que l'effondrement de l'immeuble résulte de la conjonction de phénomènes lentement évolutifs et non d'un événement accidentel qui s'entend d'une action soudaine. C'est donc à juste titre que la MAIF dénie sa garantie accident.

Au titre de la garantie dégât des eaux, les dommages matériels affectant les biens immobiliers assurés sont garantis lorsqu'ils proviennent :

- de fuites, ruptures, débordements ou refoulements des conduites d'alimentation ou d'évacuation d'eau et des appareils qui y sont raccordés,

- du débordement ou renversement de récipients,

- d'infiltrations à travers les murs, façades, toitures, ciels vitrés, balcons et terrasses, joints d'étanchéité aux pourtours des installations sanitaires et au travers des carrelages.

Et sont exclus de la garantie les dommages causés par l'humidité ou la condensation lorsqu'ils ne sont pas la conséquence directe d'un événement garanti.

Les remontées capillaires non visées dans la liste ci-dessus ne sont pas comprises dans les risques garantis et les dommages en résultant sont exclus de la garantie. Seules les infiltrations en toiture rentrent dans le champ d'application de la garantie dégât des eaux. Encore faut-il cependant que les dommages matériels aient été causés directement par l'eau. Or ces infiltrations ne sont pas la cause directe de l'effondrement de la façade mais ont simplement conduit à une aggravation de la dégradation du mur.

La garantie dégât des eaux n'est donc pas non plus applicable à l'effondrement du mur.

La SCI Cristofol reproche à la MAIF un retard dans la gestion du sinistre consistant dans les infiltrations en toiture à la suite des travaux effectués par M. [D]. Elle fait valoir que ce sinistre qui a été déclaré le 22 octobre 2008, n'a été pris en charge qu'en février 2010. Or il n'appartenait pas à la MAIF de prendre en charge les travaux de reprise qui sont d'ailleurs expressément exclus de la garantie et aucune faute contractuelle dans l'application du contrat d'assurance ne peut être reprochée à la MAIF qui a diligenté une procédure contre la MAAF dans le cadre de la garantie protection juridique afin de permettre à son assuré d'obtenir le règlement de l'indemnité d'assurance par l'assureur du responsable du dommage. Pour cette même raison, la demande de la MAAF tendant à être relevée et garantie de ses condamnations par la MAIF au titre de la faute de celle-ci pour un prétendu retard dans la prise en charge du sinistre ne peut prospérer.

La garantie de la MAIF n'étant pas mobilisable et l'action en garantie fondée sur la faute dans l'exécution du contrat d'assurance étant non fondée, il y a lieu de mettre la MAIF hors de cause.

La SCI Cristofol justifie avoir exposé des frais à hauteur de 23 481,48 € pour les deux interventions de confortement des façades et pour les interventions nécessaires à la réalisation de l'expertise. La MAAF devra prendre en charge 5% du montant de cette somme.

L'expert préconise des travaux de remise en état de l'immeuble. Il estime que la réparation, bien que délicate, serait moins onéreuse que la démolition totale de l'immeuble et sa reconstruction. Il reconnaît cependant que cette solution demande de prendre de nombreuses précautions telles que l'étayage de l'ensemble des planchers et de la toiture de l'immeuble puis de réaliser la réfection du mur de la façade, secteur par secteur, pour maintenir l'ensemble en place. Il indique que Sol-Essais qui est intervenu en tant que sapiteur pour effectuer les sondages des terrains situés au droit de la façade, a exprimé la difficulté à trouver une entreprise de maçonnerie connaissant ce type de réalisation. Il rappelle que le BET structure AIG qui a assuré la maîtrise d'oeuvre de la mise en sécurité du bâtiment a clairement fait connaître sa préférence pour la solution de démolition/reconstruction. Il convient de rappeler que l'immeuble a plus de deux siècles, qu'il est atteint de graves dégradations atteignant 39,95% de la longueur de ses façades, que les travaux de réparation entrepris par la société Umut en juillet 2014, sous la maîtrise d'oeuvre d'un architecte et du BET structure AIG, ont provoqué un nouvel éboulement. La SCI Cristofol souligne que la solution de réparation a été refusée par huit professionnels. Au vu de ces éléments, la faisabilité de l'opération de remise en état, qui n'est attestée par aucun élément technique et dont les limites ont été clairement mises en évidence par la tentative de 2014, n'apparaît pas établie.

La commune de Gardanne s'insurge contre la reconstruction du bien, notamment en contestant les causes du sinistre identifiées par l'expert en ce qui concerne la décompression du terrain et le réseau communal fuyard alors que l'expert précise en page 31 de son rapport, que, pour que la réparation soit pérenne, il est nécessaire que la ville de [Localité 2] nettoie le réseau d'eau pluviale et rende le réseau étanche le long de la façade de l'immeuble. La remise en état du bâtiment sans que la commune, qui dénie sa responsabilité, effectue les travaux sur son réseau d'eau serait compromise. En outre le devis de la société Co.Re.Bat pour la remise en état de l'immeuble, en date du 3 juin 2015, produit par la commune de Gardanne, sans visite des lieux et sans réelle appréciation de la faisabilité de ces travaux, ne saurait prévaloir sur les éléments soumis par l'expert. Enfin l'expert a noté, en fin d'expertise, une aggravation du risque avec l'apparition de fissures au rez-de-chaussée de l'immeuble. L'évolution des dégradations rend encore plus improbable la possibilité de remettre les lieux en l'état. C'est donc à juste titre que la solution de démolition/ reconstruction a été retenue par les premiers juges.

L'expert chiffre les opérations de démolition et reconstruction de l'immeuble à la somme de 562 597,81 €. Compte tenu de l'état du bâtiment en raison de son âge et de son mode constructif, et nonobstant les travaux d'entretien effectués par ses propriétaires successifs, il y a lieu d'appliquer un coefficient de vétusté de 40% sur le coût de cette opération. Et c'est donc la somme de 335 558,68 € qui correspond au préjudice subi par la SCI Cristofol au titre de la démolition et de la construction de l'immeuble. La MAAF, qui en raison du degré d'implication de son assuré dans la survenance du dommage, doit supporter 5% du montant de ce préjudice, sera condamnée à payer à la SCI Cristofol la somme de 16 777,93 € à ce titre.

En outre la SCI Cristofol qui louait les trois appartements de l'immeuble a subi des pertes de loyers et a été contrainte de supporter des frais de relogement immédiat de ses locataires et elle devra payer une indemnité d'occupation du domaine public pendant les travaux.

Les préjudices immatériels subis par la SCI s'élèvent aux montants suivants :

- 1534 € pour les frais de relogement,

- 19 200 € pour la perte de loyers entre le 1er juillet 2014 et le 30 juin 2015,

- et 1600 € par mois à compter du 1er juillet 2015 jusqu'au complet paiement de l'indemnité qui

lui est due pour la reprise de l'immeuble,

- 38 400 € pour la perte de loyer pour la période de reconstruction de l'immeuble,

- 2 400 € pour l'occupation du domaine public communal.

La MAAF sera donc condamnée à lui payer la somme de 3076,70 € au titre des frais de relogement, pertes de loyers et indemnité d'occupation du domaine public et la somme de 80 € par mois au titre de la perte complémentaire de loyers, à compter du 1er juillet 2015 jusqu'à complet paiement de l'indemnité qui lui est due pour la reprise de l'immeuble.

En toute matière la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision, à moins que le juge n'en décide autrement. Compte tenu du caractère partiellement fondé des nombreux litiges relatifs aux responsabilités et aux garanties des assureurs, il n'y a pas lieu de reporter le départ des intérêts à une date antérieure.

La condamnation de la MAAF résultant de ses propres fautes dans la gestion du sinistre et non directement de l'application du contrat d'assurance, elle ne peut opposer à la SCI la franchise et les plafonds de garantie prévus au contrat.

La SCI Cristofol qui ne justifie pas avoir personnellement souffert d'un préjudice moral, sera déboutée de cette demande.

La MAIF a résilié la police d'assurance à effet au 31 décembre 2014 de manière régulière. La SCI Cristofol sollicite la prolongation de la police d'assurance jusqu'au 31 décembre 2019. C'est cependant de manière pertinente que les premiers juges ont retenu que le délai qui lui a été accordé par le juge des référés pour faire face au péril dont elle se prévaut était suffisant, étant observé que la situation n'a pas évolué depuis le jugement déféré, aucuns travaux n'ayant été entrepris. La demande sera donc rejetée.

Aucune considération d'équité ne commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la MAIF.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI les frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

Déclare la commune de Gardanne recevable en son intervention volontaire ;

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit que la MAAF ne peut être tenue à garantie qu'à hauteur de 7% du sinistre, en ce qu'il a dit que, s'agissant des préjudices immatériels, la société MAAF est fondée à opposer à la SCI Cristofol son plafond de garantie et sa franchise contractuelle, et en ce qui concerne le montant des condamnations prononcées contre la MAAF en réparation du préjudice matériel de la SCI Cristofol lié aux travaux de confortement et à la reconstruction de l'immeuble et du préjudice matériel de nature financière de celle-ci ;

Statuant à nouveau :

Dit que la MAAF est tenue à garantie à hauteur de 5% du préjudice subi par la SCI Cristofol ;

DIT que la MAAF ne peut opposer à la SCI Cristofol les plafonds de garantie et la franchise contractuelle prévue au contrat d'assurance de M. [D] ;

En conséquence condamne la société MAAF à payer à la SCI Cristofol la somme de 17 952 € en réparation de son préjudice matériel lié aux travaux de confortement (1174,07 €) et à la reconstruction (16 777,93 €) de l'immeuble ;

Condamne la société MAAF à payer à la SCI Cristofol en réparation de son préjudice matériel de nature financière :

- 3076,70 € au titre des frais de relogement, pertes de loyers et indemnité d'occupation du domaine public,

- 80 € par mois à compter du 1er juillet 2015 jusqu'au complet paiement de l'indemnité qui lui

est due pour la reprise de l'immeuble au titre de la perte de loyer complémentaire ;

DIT que pour l'ensemble des condamnations l'intérêt au taux légal sera dû à compter de la présente décision ;

Condamne la MAAF à payer à la SCI Cristofol la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande formée par la MAIF au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société MAAF aux dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés contre elle conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/10307
Date de la décision : 16/03/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3A, arrêt n°16/10307 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-16;16.10307 ?
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