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10/03/2017 | FRANCE | N°15/10273

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 10 mars 2017, 15/10273


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 10 MARS 2017



N° 2017/144





Rôle N° 15/10273





[K] [Z]





C/



SA AIR FRANCE

















Grosse délivrée

le :



à :



Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS

























Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 22 Mai 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/689.







APPELANT



Monsieur [K] [Z], demeurant [Adresse 1]
...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 10 MARS 2017

N° 2017/144

Rôle N° 15/10273

[K] [Z]

C/

SA AIR FRANCE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 22 Mai 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/689.

APPELANT

Monsieur [K] [Z], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 157

INTIMÉE

SA AIR FRANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Amandine DE FRESNOYE, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Janvier 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2017.

Signé par Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [K] [Z] a été engagé par la société AIR FRANCE, par contrat de travail à durée indéterminée en date du 22 juillet 1976, en qualité de manutentionnaire provisoire, échelle 3 coefficient 151.

Il a été élu délégué du personnel à compter de l'année 1991, puis conseiller prud'hommes et a exercé les mandats de délégué syndical et de membre du comité d'entreprise et du CHSCT .

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il occupait un emploi d'agent d'escale avion 4, niveau A09, coefficient 317.7383 de la convention collective nationale des transports aériens- convention Air France.

Se disant victime de discrimination syndicale et d'inégalité de traitement, il a saisi le 2 avril 2013 le conseil de prud'hommes de Marseille qui, par jugement du 22 mai 2015, a :

-constaté la prescription et l'irrecevabilité de son action en discrimination,

-constaté la prescription de son action fondée sur une inégalité de traitement,

-l'a débouté de ses demandes,

-débouté la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté les parties de toutes autres demandes,

-condamné le demandeur aux dépens.

Le 3 juin 2015, Monsieur [K] [Z] a interjeté appel de cette décision, qui lui avait été notifiée le 23 mai précédent.

Dans ses conclusions, l'appelant demande à la cour de:

-infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- de le dire recevable et bien-fondé en son action,

-dire qu'il a été victime d'une inégalité de traitement discriminatoire en termes de progression de carrière et de rémunération, à raison de son appartenance syndicale et de l'exercice de ses mandats représentatifs,

-condamner, en conséquence, la société AIR FRANCE au paiement des sommes suivantes:

*12 039,43 € à titre de rappel de salaire sur la base de la pratique d'entreprise instituée au bénéfice des salariés de l'entreprise,

*1 203,94 € à titre d'incidence congés payés sur rappel précité,

*78,70 € à titre de rappel de salaire au titre de la journée de grève du mois de juillet 2013,

*7,87 € à titre d'incidence congés payés sur rappel précité,

-dire qu'à titre d'indemnisation complémentaire, les sommes susvisées porteront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, en application des dispositions des articles 1153-1 et 1154 du Code civil,

-enjoindre à la société AIR FRANCE, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, d'avoir à établir et à lui délivrer des bulletins de salaire comportant les rappels de rémunération judiciairement fixés,

-lui enjoindre, sous astreinte identique, d'avoir à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux,

-condamner en outre la société AIR FRANCE au paiement des sommes suivantes:

*70 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice économique,

*20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

*1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la société AIR FRANCE aux dépens.

Aux termes de ses écritures, la société AIR FRANCE, intimée, conclut:

- à la confirmation du jugement déféré,

- au débouté de l'ensemble des demandes de Monsieur [Z],

- à son condamnation à lui payer 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- à sa condamnation aux dépens et frais de procédure.

Pour plus ample exposé, il est renvoyé aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRET

En exergue de ses demandes, [K] [Z] se dit ' victime d'une inégalité de traitement discriminatoire en termes de progression de carrière et de rémunération, à raison de son appartenance syndicale et de l'exercice de ses mandats représentatifs'.

Toutefois, les deux notions de discrimination et d'inégalité de traitement sont distinctes, la première supposant la prise en considération par l'employeur d'une ou plusieurs caractéristiques personnelles du salarié déterminant la différence de rémunération ou de traitement alléguée alors que la comparaison d'un salarié avec ses collègues placés dans une situation identique à la sienne et la revendication d'un même traitement relèvent de la seconde ou de la violation du principe ' à travail égal, salaire égal'.

Sur la discrimination:

Monsieur [Z] soutient qu'il a enduré une stagnation de son évolution de carrière et de sa rémunération depuis l'année 1991 en raison de ses activités syndicales qui ont été mises en avant pour lui refuser une promotion en 1996 et en 2006 notamment, qu'il a été privé d'entretien annuel pendant 17 ans et que ce n'est qu'en mai 2011 qu'il a été promu au niveau A 8 par son employeur qui a ainsi admis que son évolution de carrière accusait un retard d'au moins trois années. Il dit avoir dénoncé la discrimination dont il était l'objet par courrier du 18 juillet 2011 notamment.

La société AIR FRANCE conclut à la prescription de l'action en discrimination, dont le salarié a eu la révélation en 1993, puis encore en 2006, soit plus de cinq ans après la dernière mesure prétendument discriminatoire.

Selon l'article L1132-1 du code du travail, , dans une de ses versions applicables au litige, 'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi

n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.'

L'article L2141-5 du code du travail, dans une de ses versions applicables au litige, prévoit qu'' il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Un accord détermine les mesures à mettre en 'uvre pour concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale et pour prendre en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle.'

Selon l'article L1134-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, 'l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel.

Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.'

Il est manifeste en l'espèce, compte tenu de la date de saisine de la juridiction (le 2 avril 1013) par [K] [Z] qui a écrit un long courrier le 18 juillet 2011 retraçant la discrimination dont il se disait l'objet depuis l'année 1993, relatant le refus de promotion essuyé en 1997, puis en 2006

- faits révélés concomitamment à leur survenue-, que son action en réparation d'une discrimination syndicale est recevable pour des faits postérieurs au 2 avril 2008.

En l'espèce, [K] [Z] invoque

- l'absence d'entretien annuel en violation des dispositions du règlement intérieur de l'entreprise et des accords d'entreprise,

- des retards de carrière dénoncés par un courrier du 18 janvier 2010 des délégués du personnel affiliés au syndicat CGT,

- un rattrapage en mai 2011 dénoncé comme très loin de compenser les préjudices subis du fait de la stagnation de sa carrière,

- des ' avancements' rares, accordés à raison de ' points plancher' et indépendamment d'une quelconque promotion individuelle.

Pour étayer ses affirmations, il produit notamment

-ses bulletins de salaire jusqu'en décembre 2010,

- le courrier de la société AIR FRANCE en date du 16 mai 2011 l'informant de sa promotion au niveau A8 avec effet rétroactif au 1er octobre 2007, promotion accompagnée d'une augmentation de 12,10 points à cette date et lui indiquant que son passage en A9 ferait de nouveau l'objet d'un examen en fin d'année 2011,

- sa lettre de refus de ladite proposition relative à sa carrière en date du 23 juin 2011,

- sa lettre du 18 juillet 2011 retraçant les différents refus qui lui ont été opposés dans sa carrière, à compter de 1993,

- le courrier de la société AIR FRANCE en date du 14 novembre 2011 l'informant de sa promotion au niveau A9 à compter du 1er octobre 2011,

- son courrier du 18 juillet 2012 retraçant son parcours professionnel et indiquant qu'il n'a eu que deux fiches d'appréciation annuelle en 37 ans d'ancienneté,

- l'attestation de [M] [Q] et celle de [J] [V] indiquant qu'en 1993 le poste de chef chargement avait été refusé à [K] [Z] en raison de ses activités syndicales qui lui prenaient trop de temps et ne lui permettaient pas d'occuper le poste,

- l'attestation de [V] [E] indiquant qu'en 2006, le chef de service et le responsable du 'pôle piste' ont refusé la proposition de promotion d'[K] [Z] en raison de sa 'permanence syndicale',

- une fiche annuelle d'appréciation le concernant et indiquant dans les commentaires ' très bon travail, mais son mandat permanent de délégué du personnel ne nous permet pas d'apprécier son travail plus souvent',

- l'attestation de [G] [C] relatant qu'à chaque commentaire de fiche annuelle d'appréciation, un point sur sa carrière professionnelle était fait, ce qui lui a permis de changer de filière et ainsi d'évoluer,

- l'attestation de [O] [T] disant avoir été reçu régulièrement par sa hiérarchie pour un entretien annuel,

- le courrier du 18 janvier 2010 de délégués syndicaux CGT alertant sur une discrimination en matière de qualification et de promotion commise à l'encontre d' [K] [Z] notamment,

-différents comparatifs précis de sa carrière avec celle d'autres salariés d'AIR FRANCE

(ancienneté, progression, rémunération notamment) qui ont tous bénéficié du niveau A8 entre les années 1995 et 2008, niveau qu'il n'a obtenu lui-même qu'en mai 2011 et qui avaient pour la plupart en 2013 une classification ainsi qu'une rémunération supérieures.

En l'état des explications et pièces fournies, [K] [Z] établit la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination à son encontre.

La société AIR FRANCE fait valoir que la fiche annuelle d'évaluation de 1993 n'est pas discriminatoire puisque l'évaluateur saluait la qualité du travail de Monsieur [Z] et n'exprimait que le regret de ne pas pouvoir apprécier plus souvent son travail, sans porter aucun jugement de valeur.

Elle soutient par ailleurs que sa carrière n'a été aucunement retardée puisqu'il a été promu au poste

d''agent escale avion' classification A8 avec effet au 1er octobre 2007 puis à compter du 1er octobre 2011 au niveau A9.

En ce qui concerne l'absence d'entretien annuel, elle fait valoir qu'elle a fait droit à toute demande d'examen des situations des délégués syndicaux et qu'elle a procédé à des examens périodiques de sa situation, même en l'absence d'entretien annuel.

La société AIR FRANCE soutient que l'appelant a bénéficié d'une évolution normale de carrière et d'un avancement régulier d'au moins trois points par an, se traduisant par une augmentation de son coefficient et donc de sa rémunération. Elle indique il ne s'agit pas de 'points plancher' mais d'avancements correspondant aux dispositions conventionnelles protectrices des délégués syndicaux permanents.

Relativement aux promotions, elle rappelle qu'elles ne sont pas automatiques et supposent le respect de certaines conditions.

L'employeur produit notamment

- la fiche annuelle d'appréciation d'[K] [Z] en date de 1993,

- son bulletin de paye de juillet 2011 portant mention des régularisations de salaire résultant de sa promotion au niveau A8,

-des tableaux retraçant les nuages de points situant [K] [Z] par rapport à d'autres salariés en fonction de leur âge, ancienneté et coefficient,

-des extraits de la convention d'entreprise et du protocole d'accord concernant les mesures d'accompagnement à la mise en place de la polyvalence sur les escales de Marseille en date du 30 avril 2001,

-sa lettre du 28 juillet 2011 informant le salarié de ce que sa promotion du 16 mai 2011 était le résultat de l'examen de sa situation professionnelle,

- son courrier du 14 novembre 2011 l'informant de sa promotion au niveau A9 à compter du 1er octobre 2011.

Au vu des pièces produites, il est établi que l'appelant ne réunissait pas toutes les conditions nécessaires à certaines promotions et que n'ayant pas souhaité bénéficier de 'mesures d'accompagnement à la mise en place de la polyvalence à l'escale de Marseille' prévues par le protocole d'accord du 30 avril 2001, il ne pouvait être promu en son temps au poste d'agent polyvalent A07, lui permettant ensuite d'accéder à un poste de chef de piste B1.

Il est avéré en outre qu'un examen de sa situation a été effectif sans entretien formel d'évaluation, car objectivé par le courrier du 28 juillet 2011.

Cependant, il n'est pas démontré qu'[K] [Z] ait bénéficié d'entretien annuel en 2008, 2009 et 2010, ni qu'une fiche d'appréciation ait été formalisée, ni que les examens de sa situation - hors de tout entretien d'évaluation- allégués par l'employeur aient été faits périodiquement à son sujet.

Il est établi en outre que sa situation n'a évolué de façon significative que postérieurement au courrier du 10 janvier 2010 dénonçant une discrimination syndicale à son encontre, ce qui a été admis indirectement par la société AIR FRANCE qui l'a promu le 16 mai 2011 au niveau A8, sans toutefois compenser exactement le retard de carrière constaté et pour lequel elle ne donne aucune explication pertinente et objective, étrangère à toute discrimination syndicale.

En l'état de ces éléments, la discrimination syndicale est donc établie.

[K] [Z] invoque avoir subi un préjudice financier, ayant été privé d'une partie substantielle de sa rémunération de 1996 à 2008, un préjudice de jouissance puisque son pouvoir d'achat s'en est trouvé affecté, un préjudice économique lié à une retraite minorée de ce fait ainsi qu'un préjudice moral résultant de l'atteinte directe et grave à l'exercice d'un droit essentiel et d'une liberté fondamentale et à l'humiliation d'un ralentissement de carrière.

Par application des dispositions de l'article L1134-5 du code du travail, eu égard aux éléments produits relatifs au préjudice financier et moral subi par l'appelant de ce fait, il convient de fixer à 10'000 € la juste réparation lui revenant.

Sur l'inégalité de traitement:

[K] [Z] invoque une inégalité de traitement dont il a été victime depuis de longues années et réclame un rappel de salaire de 12'039,43 euros pour la période comprise entre 2008 et 2011.

La société AIR FRANCE fait valoir que cette action fondée sur une inégalité de traitement en matière de rémunération est irrecevable au regard de l'article L3245-1 du code du travail, un quelconque rappel de salaire ne pouvant intervenir que pour la période postérieure au 2 avril 2008.

L'article L3245-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, prévoit que ' l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil.'

Compte tenu de la date de saisine de la juridiction prud'homale (2 avril 2013), il convient de constater que toute demande de rappel de salaire sur la base d'une inégalité de traitement antérieure au 2 avril 2008 est atteinte par la prescription.

Il résulte du principe "à travail égal, salaire égal" que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et à l'employeur d'établir que la disparité de traitement est justifiée par des éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables, étrangers à toute inégalité de traitement.

En l'espèce, [K] [Z] soutient que huit de ses homologues ont tous bénéficié du niveau A8 entre les années 1995 et 2008, niveau qu'il n'a obtenu lui-même qu'en mai 2011 et que tous bénéficiaient lors de l'introduction de la procédure d'une classification ainsi que d'une rémunération supérieures aux siennes. Il soutient que sur une période de 10 ans, il aurait perçu en moyenne 40'931,44 € de moins que ses collègues de travail.

Il verse au débat les éléments de carrière, d'emploi, de rémunération de collègues ayant une ancienneté similaire à la sienne mais une rémunération supérieure de 17 330,62 € ( pour Monsieur [C]) à 81'636,71€ (Monsieur [M]).

Cependant, [K] [Z], mêlant la notion d'évolution de carrière et de rémunération avec celle d'inégalité de traitement, se compare à des salariés qui n'ont pas le même statut que lui ( par exemple les salariés [J], [O] et [M] étant agents de maîtrise), qui n'ont pas le même emploi que lui ( 'technicien serv avion' 2 pour Monsieur [F] et Monsieur [C], ' tech serv avion 1" pour Monsieur [R]), ou ayant fait des choix professionnels différents des siens, occupent un emploi de même dénomination mais avec une ancienneté supérieure (Monsieur [Y], Monsieur [H] notamment) - sans que les attributions, responsabilités et expérience acquise de chacun soient définies-, et qui n'assurent donc pas un travail de valeur égale.

De surcroît, il ne tire pas toutes les conséquences du rappel de rémunération qu'il a perçu à l'occasion de sa promotion au niveau A8 avec effet rétroactif au 1er octobre 2007, et de l'augmentation de 12,10 points de son salaire à cette date.

L'inégalité de traitement n'est donc pas caractérisée et la demande de rappel de salaire - dont le calcul de surcroît n'est pas objectivé - sur ce fondement, doit donc être rejetée, par confirmation du jugement de première instance, de ce chef, comme la demande de dommages-intérêts pour préjudice économique.

Sur le rappel de salaire au titre du jour de grève:

[K] [Z] soutient que son employeur pratique une retenue illicite dans le décompte des

jours de grève, en ayant calculé de façon erronée son taux horaire ( supérieur au taux horaire 'habituel') et en ayant déduit une somme au titre de la prime 'ABAT PRIMES ANP'; il réclame la somme de 78,70€ à titre de rappel de salaire pour le jour de grève de juillet 2013 ainsi que les congés payés afférents.

La société AIR FRANCE conteste toute erreur dans le calcul du décompte du jour de grève de juillet 2013, rappelant que le salaire à prendre à considération doit être le salaire mensuel- prime d'ancienneté incluse- et que les primes fixes ou occasionnelles correspondant au temps de l'absence au poste doivent être retranchées. Elle conclut au débouté de l'appelant.

Il est constant que la retenue à opérer sur la paie du salarié gréviste doit être identique à celle pratiquée pour toute autre absence d'une même durée et proportionnelle à cette durée.

La société AIR FRANCE, en l'espèce, a décompté une somme de 134,66 € au titre de la journée de grève de juillet 2013 d'[K] [Z] , soit à hauteur de 119,33 € au titre du salaire, à hauteur de 5,38 € au titre de la prime 'uniforme annuelle' et de 9,95 € au titre de la prime de fin d'année ainsi qu'une somme de 41,45€ correspondant à l'impact du jour de grève sur la prime forfaitaire mensuelle et la prime de transfert.

En effectuant une retenue sur la base du salaire brut mensuel comprenant l'ancienneté de l'intéressé et en considération de ses primes fixes mensuelles, de façon proportionnelle à la durée de la grève, l'employeur a procédé comme pour toute autre absence; la demande de rappel de salaire à ce titre (et au titre des congés payés afférents) doit donc être rejetée.

Le jugement de première instance sera donc confirmé de ce chef.

Sur les intérêts:

Les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, courent à compter du présent arrêt.

Sur la remise de documents:

En l'état du rejet de la demande de rappel de salaires, il convient de rejeter la demande de remise sous astreinte des bulletins de paie rectifiés et de régularisation de la situation d'[K] [Z] auprès des organismes sociaux.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer sur ce fondement la somme de 1500 € à [K] [Z], au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel.

Le jugement de première instance doit donc être infirmé de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré pour une meilleure compréhension,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société AIR FRANCE à payer à [K] [Z] les sommes de

- 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,

- 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, sont dus à compter du présent arrêt,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la société AIR FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

David MACOUIN faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 15/10273
Date de la décision : 10/03/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°15/10273 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-10;15.10273 ?
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