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02/03/2017 | FRANCE | N°15/16506

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 02 mars 2017, 15/16506


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 02 MARS 2017



N° 2017/ 097













Rôle N° 15/16506







[N] [W]

SA ALLIANZ





C/



[O] [K]

COMPAGNIE GENERALI BELGIUM

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE

INSTITUTION DE PREVOYANCE DES EMPLOIS DE LA FAMILLE IRCEM PREVOYANCE





















Grosse délivrée

le :

à :


r>Me Sylvain PONTIER



Me Rachel SARAGA-BROSSAT



Me Corine SIMONI,



SCP AZE BOZZI









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 02 Juillet 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/03381.



APPELANTS



Monsieur [N] [W]

dem...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 02 MARS 2017

N° 2017/ 097

Rôle N° 15/16506

[N] [W]

SA ALLIANZ

C/

[O] [K]

COMPAGNIE GENERALI BELGIUM

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE

INSTITUTION DE PREVOYANCE DES EMPLOIS DE LA FAMILLE IRCEM PREVOYANCE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Sylvain PONTIER

Me Rachel SARAGA-BROSSAT

Me Corine SIMONI,

SCP AZE BOZZI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 02 Juillet 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/03381.

APPELANTS

Monsieur [N] [W]

demeurant [Adresse 1] ; la [Adresse 2]

représenté par Me Sylvain PONTIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Hannah DECH, avocat au barreau de MARSEILLE

SA ALLIANZ,

dont le siège social est : [Adresse 3]

représentée par Me Sylvain PONTIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Hannah DECH, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Madame [O] [K]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Martine SABBAN, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE,

dont le siège social est : [Adresse 5]

défaillante

INSTITUTION DE PREVOYANCE DES EMPLOIS DE LA FAMILLE

IRCEM PREVOYANCE,

dont le siège social est [Adresse 6]

représentée par Me Corine SIMONI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTERVENANTE VOLONTAIRE,

GENERALI BELGIUM

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Laurence BOZZI de la SCP AZE BOZZI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Fabrice CIRILLO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mars 2017

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mars 2017,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 4 juin 2005 Mme [O] [K] qui était passagère transportée de M. [N] [W] qui circulait au volant de sa moto assurée auprès de société AGF La Lilloise devenue Allianz Iard a été victime d'un accident au cours duquel elle a été gravement blessée.

Elle a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 15 mars 2006, lui a alloué une provision de 4 000 € et a prescrit une mesure d'expertise confiée au docteur [Z] qui a déposé son rapport le 24 janvier 2010.

Par ordonnance du 21 juin 2010 le juge des référés a condamné in solidum M. [W] et la société Allianz Iard à lui verser une provision complémentaire de 18'000 € à valoir sur son indemnisation.

Par acte du huissier de justice du 6 mars 2013 Mme [K] a fait assigner M. [W] et la société Allianz Iard devant le tribunal de grande instance de Marseille, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône (CPAM) et de l'Institution de prévoyance des emplois de la famille (IRCEM), tiers payeurs, pour qu'ils soient déclarés tenus à la réparation intégrale du préjudice corporel subi.

Par jugement du 2 juillet 2015 cette juridiction a :

- donné acte à M. [W] et à la société Allianz Iard de ce qu'ils ne contestent pas devoir indemniser Mme [K] des conséquences dommageables de l'accident,

- évalué le préjudice corporel de Mme [K] hors débours de la CPAM et de l'IRCEM à la somme de 368'181,03 €,

- condamné in solidum M. [W] et la société Allianz Iard à verser à Mme [K] avec les intérêts au taux légal à compter du jugement les sommes de :

* 316'181,03 € en réparation de son préjudice corporel déduction faite des provisions précédemment allouées à hauteur de 52'000 €,

* 1 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [W] et la société Allianz Iard à verser à l'IRCEM les sommes de :

* 13'432,06 € avec intérêts légaux à compter du 2 septembre 2014,

* 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts légaux à compter du jugement,

- déclaré le jugement commun et opposable à la CPAM,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 100'000 €,

- condamné in solidum M. [W] et la société Allianz Iard aux dépens avec distraction.

Il a détaillé comme suit les différents chefs de dommage de la victime directe :

* dépenses de santé actuelles : 5 774,87 € prises en charge par la CPAM et 4 826 € restées à la charge de la victime

* frais divers : 1 918 € au titre des honoraires d'assistance à expertise

* perte de gains professionnels actuels : 44'673,26 € dont 5 650 € d'indemnités journalières versées par la CPAM et 13'432,06 € de prestations garanties par l'IRCEM soit 25'591,20 € revenant à la victime

* perte de gains professionnels futurs : 283'025,83 € déduction faite des rentes mensuelles versées par la CPAM et l'IRCEM

* incidence professionnelle : aucune somme

* déficit fonctionnel temporaire : 15'600 €

* souffrances endurées : 9 000 €

* déficit fonctionnel permanent : 28'220 €.

Le tribunal pour statuer ainsi a notamment considéré :

- sur la perte de gains professionnels actuels, que Mme [K] justifiait percevoir au jour de l'accident un revenu mensuel net moyen de 1.861,39 € représentant sur 24 mois une perte de 44'673,26 € dont il convenait de déduire non seulement les indemnités journalières versées par la CPAM mais également l'intégralité des prestations garanties par l'IRCEM versées jusqu'à une date postérieure à la consolidation conformément à la demande de la victime, car ceci ne modifiait pas le montant final des sommes lui restant dues,

- sur la perte de gains professionnels futurs, que Mme [K] avait perdu son emploi en raison de l'accident et que sur la base d'un revenu mensuel net moyen de 1 861,39 € diminué des rentes mensuelles versées par la CPAM (339,81 €) et l'IRCEM (453,30 €) la perte annuelle était de 12'819,36 € soit une perte capitalisée de 283'025,83 € en fonction d'un euro de rente viagère de 22,078,

- sur l'incidence professionnelle, qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à cette demande Mme [K] étant intégralement indemnisée de sa perte de gains professionnels futurs.

Par acte du 15 septembre 2015, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [W] et la société Allianz Iard ont interjeté appel général de cette décision.

Par ordonnance du 21 septembre 2016, devenue irrévocable, le conseiller de la mise en état a prononcé, sur le fondement de l'article 902 du code de procédure civile, la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de la CPAM.

Par conclusions notifiées le 15 décembre 2015 la société Generali Belgium, assureur de l'autre véhicule impliqué dans l'accident, est intervenue volontairement à l'instance d'appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [W] et la société Allianz Iard demandent à la cour dans leurs conclusions du 11 décembre 2015, en application de la loi du 5 juillet 1985, de :

- donner acte à la société Allianz Iard de ce qu'elle ne conteste pas le droit à indemnisation de Mme [K],

- réduire les demandes d'indemnisation formulées par Mme [K] et par l'IRCEM et les débouter de leurs demandes non justifiées,

- déduire des sommes qui seront allouées à Mme [K] la créance de l'organisme social,

- déduire des sommes qui seront allouées à Mme [K] l'indemnité provisionnelle et la somme allouée au titre de l'exécution provisoire soit 85'000 €,

- dire n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision à intervenir,

- débouter Mme [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [K] aux dépens.

Ils proposent l'évaluation suivante du préjudice corporel de Mme [K] :

* dépenses de santé actuelles restées à charge : 4 826 €

* frais divers restés à charge : 1 320 €

* pertes de gains professionnels actuels : confirmation du jugement

* perte de gains professionnels futurs : aucune somme ni en faveur de la victime ni en faveur de l'IRCEM

* incidence professionnelle : aucune somme

* déficit fonctionnel temporaire total : confirmation du jugement

* souffrance endurées : 7 000 €

* déficit fonctionnel permanent : confirmation du jugement.

Ils soutiennent sur :

- les frais divers : qu'ils ne peuvent prendre en charge les honoraires du docteur [T] car la facture n'est pas libellée au nom de la victime, il s'agit d'une consultation qui a pu être prise en charge par la CPAM et l'imputabilité de cette dépense à l'expertise n'est pas établie,

- la perte de gains professionnels futurs : que l'expert a expressément conclu que la victime est au plan médical physiquement et intellectuellement apte à reprendre son activité habituelle, que le rapport provisoire du docteur [B] sur lequel s'est fondé le premier juge ne peut être pris en considération car il a été établi bien avant la consolidation, que la perte d'agrément retenue par le premier juge n'est pas justifiée, que la mise en invalidité décidée par la CPAM qui n'est d'ailleurs pas définitive n'est pas déterminante, que Mme [K] conserve très peu de séquelles et a des expériences professionnelles variées, qu'elle est titulaire d'un CAP de coiffure et conserve la possibilité d'exercer un grand nombre d'activités professionnelles,

- l'incidence professionnelle : qu'elle n'a pas été retenue par les experts et qu'aucune pièce n'atteste d'un tel chef de préjudice.

Mme [K] demande dans ses conclusions du 21 décembre 2016, de :

- constater que M. [W] et la société Allianz Iard ne contestent pas à leur obligation de l'indemniser des conséquences dommageables de l'accident,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur l'intérêt à agir et la recevabilité de l'intervention volontaire à titre accessoire pour la première fois en appel et manifestement tardive de la société Generali Belgium qui n'était pas partie à la procédure de première instance à laquelle elle n'a pas estimé devoir intervenir alors qu'elle a eu connaissance par le courrier du 14 juin 2013 de la société Allianz Iard de ses demandes,

- déclarer irrecevable en application des articles 125 et 546 du code de procédure civile l'appel formé par conclusions notifiées le 15 décembre 2015 par la société Generali Belgium partie intervenante à titre accessoire pour la première fois en cause d'appel,

- en tout état de cause, vu la signification du 18 août 2015 du jugement à la société Allianz Iard déclarer irrecevable comme tardif en application des articles 125 et 538 du code de procédure civile l'appel formé par la société Generali Belgium se déclarant subrogée dans les droits de la société Allianz Iard par conclusions d'intervention volontaire à titre accessoire notifiées le 15 décembre 2015,

- déclarer recevable son appel incident en application de l'article 909 du code de procédure civile dans ses conclusions notifiées le 12 février 2016 en ce que le tribunal de grande instance de Marseille a rejeté sa demande de 10'000 € en réparation du préjudice moral subi consécutif à la perte de son emploi d'assistante maternelle et a omis de statuer sur sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel de 967 € étant précisé qu'elle sollicite la confirmation du jugement sur ses autres chefs de préjudice,

vu l'avis sapiteur psychiatre du 18 novembre 2008 du professeur [W] [V] qui a conclu que l'IPP peut être fixée à 14 % compte tenu d'un syndrome de répétition persistant, d'un comportement phobique et d'un retentissement important sur le fonctionnement social, vu les conclusions du rapport d'expertise définitif du 24 janvier 2010 du docteur [Z]

- juger que son préjudice professionnel alors qu'elle exerçait l'emploi d'assistante maternelle agréée avant l'accident du 4 juin 2005 s'évince des constatations et des conclusions sur le plan psychiatrique du professeur [V],

- juger qu'elle a justifié de l'existence d'une perte de gains professionnels futurs imputable à l'accident,

- juger qu'il résulte des motifs du jugement que dans le calcul de la perte de gains professionnels futurs le tribunal a bien déduit la pension d'invalidité versée par la CPAM et le complément de pension d'invalidité versé par l'IRCEM,

en conséquence

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé au vu des constatations et des conclusions de l'avis sapiteur psychiatre du professeur [V] que « les troubles psychiatriques post- traumatiques persistants ainsi que la prise d'un traitement psychotrope étaient manifestement incompatibles avec l'emploi d'assistante maternelle et la responsabilité de s'occuper toute la journée de très jeunes enfants et incapacitants en toutes professions »,

- confirmer le jugement en ce que le tribunal a évalué sa perte de gains professionnels futurs à la somme de 283'025,83 €,

- débouter la société Allianz Iard, M. [W] et la société Generali Belgium de toutes leurs demandes,

- débouter la société Generali Belgium de sa demande subsidiaire injustifiée et abusive de sursis à statuer sur l'indemnisation de la perte de gains professionnels, le tribunal ayant tenu compte de la pension versée par la CPAM et alors qu'elle a communiqué le 12 février 2000 dans le cadre de la présente instance les pièces qu'elle avait communiquées en première instance à la société Allianz Iard,

- confirmer le jugement en ce qu'il a évalué les préjudices qu'elle a subi aux sommes suivantes après déduction poste par poste de la créance de la CPAM et de la créance de l'IRCEM :

* perte de gains professionnels actuels : 25'591,20 €

* dépenses de santé actuelles restées à charge : 4 826 €

* frais d'assistance à expertise : 1 918 €

* perte de gains professionnels futurs : 283'025,83 €

* déficit fonctionnel temporaire total : 15'600 €

* souffrances endurées : 9 000 €

* déficit fonctionnel permanent : 28'220 €,

faire droit à son à appel incident

- lui allouer la somme de 10'000 € en réparation du préjudice moral consécutif à la perte de son emploi d'assistante maternelle agréée,

- évaluer en conséquence son préjudice subi à la somme de 378'181,03 € après déduction poste par poste de la créance de la CPAM et de la créance de l'IRCEM,

- évaluer à la somme de 967 € son préjudice matériel,

- condamner in solidum M. [W] et la société Allianz Iard à lui verser :

* 378'181,03 € en deniers ou quittance en réparation de son préjudice corporel

* 967 € en indemnisation de son préjudice matériel,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [W] et la société Allianz Iard à lui verser la somme de 1 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [W] et la société Allianz Iard à lui verser la somme complémentaire de 2 500 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

- condamner la société Generali Belgium, eu égard à la tardiveté de son intervention volontaire celle-ci n'ayant pas estimé devoir intervenir en première instance, à cette demande injustifiée et abusive en appel la contraignant à conclure dans le bref délai de deux mois, à lui verser la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

- en tout état de cause débouter la société Generali Belgium de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile formulée à son encontre, l'article 554 du code de procédure civile ne permettant pas à un intervenant volontaire en cause d'appel de demander une condamnation personnelle non soumise au premier juge,

- juger que la société Generali Belgium conservera à sa charge ses dépens d'intervention volontaire en cause d'appel,

- condamer in solidum M. [W] et la société Allianz Iard aux dépens dont la taxe de 225 €.

L'IRCEM demande à la cour dans ses conclusions du 2 septembre 2016, en application des articles 1382 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. [W] et la société Allianz Iard à lui verser les sommes de

* 13'432,06 € avec intérêts légaux à compter du 2 septembre 2014

* 800 € avec intérêts légaux à compter du jugement,

- condamner solidairement M. [W] et la société Allianz Iard à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner solidairement M. [W] et la société Allianz Iard aux frais et dépens d'instance et d'appel.

La société Generali Belgium demande à la cour dans ses conclusions du 12 avril 2016, en application de l'article 554 du code de procédure civile et de la loi du 5 juillet 1985, de :

- constater qu'elle est subrogée de la société Allianz Iard au titre des provisions que celle-ci a versées à la victime et qu'elle lui a remboursées,

- constater qu'elle a vocation à supporter la charge de l'indemnisation définitive qui sera accordée à Mme [K],

en conséquence :

- infirmer le jugement,

- dire que Mme [K] ne justifie pas d'une perte de gains professionnels futurs imputable à l'accident,

- débouter Mme [K] de sa demande en paiement de ce chef,

- subsidiairement pour le cas dans lequel la cour retiendrait une perte de gains professionnels futurs viagère sur les bases retenues par le premier juge, dire que le montant de la pension d'invalidité versée par la CPAM doit être déduite de telles bases,

- surseoir à statuer sur l'indemnisation d'un tel poste de préjudice dans l'attente de la justification par Mme [K] des sommes perçues de l'organisme social au titre de la pension d'invalidité qui lui a été accordée,

- pour le surplus réduire le montant de l'indemnisation qui a été accordée,

- déduire des sommes qui seront allouées à Mme [K] le montant de la provision d'ores et déjà réglée ainsi que les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire soit 152'000 €,

- condamner Mme [K] au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [W] aux dépens avec distraction.

Elle fait valoir qu'elle a intérêt et qualité à intervenir à l'instance conformément à l'article 554 du code de procédure civile, que son intervention est accessoire conformément aux dispositions de l'article 330 du code de procédure et que n'étant pas partie au premier jugement elle ne pouvait en interjeter appel et devait attendre que la cour soit préalablement saisie, enfin, qu'elle n'était tenue d'aucun délai et qu'en toute hypothèse elle est intervenue dans le délai imparti à la société Allianz Iard pour établir ses propres conclusions d'appelant.

Elle conclut à la confirmation du jugement sur les dépenses de santé actuelles restées à charge, sur la perte de gains professionnels actuels, sur le déficit fonctionnel temporaire et sur le déficit fonctionnel permanent et offre la somme de 1 320 € au titre des frais d'assistance à expertise en reprenant les observations de la société Allianz Iard et celle de 7 000 € au titre des souffrances endurées.

Elle s'oppose à l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs car les expert et sapiteurs psychiatres, dont le professeur [V], ont retenu que la victime était au plan médical physiquement et intellectuellement apte à reprendre l'activité qu'elle exerçait avant l'accident, il n'est pas établi que la perte de l'agrément d'assistance maternelle soit imputable à l'accident, Mme [K] a conservé peu de séquelles, l'état dépressif et le stress post- traumatique ont vocation à évoluer avec un traitement et ne justifient pas une incapacité totale à l'exercice de toutes activités professionnelles, car Mme [K] a connu des expériences professionnelles variées et est titulaire d'un CAP coiffure, de sorte qu'elle peut exercer divers emplois ; elle soutient subsidiairement qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur ce point car le capital de la rente versée par la CPAM doit être imputé sur ce poste de préjudice.

Elle estime non fondée la demande relative à une incidence professionnelle qui n'a pas été retenue par les experts, dans la mesure où il n'est pas établi que la perte de l'agrément d'assistante maternelle soit due à l'accident et où Mme [K] ne justifie pas avoir renouvelé une demande d'agrément.

Elle soutient que le préjudice matériel ne peut être indemnisé faute de communication de factures.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'intervention volontaire de la société Generali Belgium

Selon l'article 554 du code de procédure civile 'Peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.'

Par ailleurs il est mentionné à l'article 325 du même code que 'L'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant' et à l'article 330 de ce code que 'L'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.'

L'intervention volontaire accessoire est possible en tout état de cause.

La société Generali Belgium est intervenue volontairement à l'instance par conclusions notifiées le 15 décembre 2015.

Elle n'était ni partie ni représentée à l'instance ayant donné lieu au jugement critiqué du 2 juillet 2015, elle justifie d'un intérêt légitime à se joindre aux demandes de la société Allianz Iard et son intervention est étroitement liée aux prétentions de cette dernière et de celles de Mme [K] ; en effet elle démontre par le courrier de la société Allianz Iard en date du 4 juin 2005 avoir remboursé à celle-ci la somme de 12 391,37 € représentant la créance de la CPAM et celle de 22.000 € correspondant aux provisions versées à Mme [K] et elle est exposée à un recours subrogatoire de la part de cet assureur.

Cette intervention est donc recevable.

Sur l'indemnisation

Le droit à indemnisation intégrale du préjudice corporel subi par Mme [K] n'a jamais été contesté ; seule est discutée en cause d'appel l'évaluation de ce préjudice.

Sur le préjudice corporel

L'expert le docteur [Z], indique dans son rapport du 24 janvier 2010 que Mme [K] a présenté un traumatisme crânien sans perte de connaissance, un traumatisme du membre supérieur droit avec entorse du poignet droit et dermabrasion du coude droit, un traumatisme de la main gauche avec arrachement osseux de P 2 du pouce gauche, un traumatisme du mollet droit avec hématomes et dermabrasion des deux genoux et une contusion du bassin et qu'elle conserve comme séquelles une gêne douloureuse à la mobilisation du rachis cervical, à la flexion de l'interphalangienne du pouce gauche et de l'adduction du pouce gauche et sur le plan psychiatrique un état dépressif avec inhibitions, sentiment de culpabilité, idées de suicide persistantes la première année après l'accident, un stress post-traumatique avec syndrome de reviviscence, cauchemars, conduites d'évitement, phobie sociale, claustrophobie, état d'alerte permanent, anxiété et retentissement dépressif sur l'autonomie.

Elle conclut à :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 4 juin 2005 au 4 juin 2007

- une consolidation au 5 juin 2007

- des souffrances endurées qualifiées de modéré à moyen

- un déficit fonctionnel permanent de 17 %.

L'expert a précisé que la victime est au plan médical, physiquement et intellectuellement apte à reprendre l'activité habituelle qu'elle avait avant l'accident et qu'il n'y a pas lieu de prévoir l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne ni des frais futurs ni d'autres préjudices annexes.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 1] 1962, de son activité d'assistante maternelle, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles 10 600,87 €

Ce poste correspond aux

* frais médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage pris en charge par la CPAM selon décompte définitif de cet organisme au 24 juin 2010 communiqué par Mme [K] soit la somme de 5.774,87 €

* frais restés à la charge de la victime soit la somme de 4 826 € non contestée par aucune des parties.

- Frais divers1 820 €

Ils sont représentés par

* les honoraires d'assistance à expertise par le docteur [E], médecin conseil, présent aux expertises provisoires du 26 avril 2006 et du 9 juillet 2008 et à l'expertise définitive du 24 janvier 2010 , par le docteur [T] présent aux opérations du sapiteur psychiatre le professeur [V] et par le docteur [L] présent devant le sapiteur psychiatre le docteur [B], selon mention de présence dans les divers rapports et factures de 350 € ( 20 octobre 2006 docteur [L]), 500 € (17 novembre 2008 au nom de M. [Y] mandataire de Mme [K], docteur [T]) et 970 € (19 mars 2010 docteur [E]) soit la somme de totale de 1 820 €.

En revanche il n'est pas établi que les deux factures du docteur [T] du 10 novembre 2008 et du 14 avril 2010 qui visent des consultations sont en rapport avec l'expertise ; aucune somme ne sera allouée sur ce point.

- Perte de gains professionnels actuels44 673,36 €

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Au vu de ses bulletins de salaire du mois de mai 2005, versés aux débats, Mme [K] qui gardait 4 enfants, percevait lors de l'accident un salaire net imposable de 1 709,61 € par mois (les indemnités d'entretien ou de nourriture correspondant à un remboursement de frais devant être déduites) augmenté à la somme de 1 861,39 € admise par toutes les parties.

Sa perte de gains s'établit ainsi à la somme de 44 673,36 € pour les deux ans d'arrêt d'activité correspondant à la période de déficit fonctionnel temporaire total du 4 juin 2005 au 4 juin 2007, la consolidation étant intervenue le 5 juin 2007.

Des indemnités journalières ont été versées sur cette même période par la CPAM du 4 juin 2005 au 6 décembre 2005 à concurrence de 5 650,50 € et par l'IRCEM du 4 juin 2005 au 4 juin 2007 à hauteur de 13 432,06 € selon l'attestation de cet organisme du 7 septembre 2010 qui s'imputent sur ce poste de dommage qu'elles ont vocation de réparer de sorte que la somme revenant personnellement à la victime s'établit à 25 590,80 €.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Perte de gains professionnels futurs /

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

En l'espèce l'expert n'a pas retenu de répercussion des séquelles de l'accident sur la possibilité pour Mme [K] de conserver une activité professionnelle d'assistante maternelle ou d'exercer un travail quelconque après la consolidation ; elle a en effet indiqué que Mme [K] est au plan médical physiquement et intellectuellement apte à reprendre l'activité habituelle qu'elle avait avant l'accident, ce qui inclut l'activité professionnelle ; cet expert s'est déterminé après avoir pris l'avis d'un sapiteur psychiatre, le professeur [V], qui, s'il a estimé que Mme [K] restait affectée d'un état de stress post-traumatique n'a pas conclu à une impossibilité médico-légale à l'exercice de la profession antérieure après la consolidation.

En outre le certificat médical du docteur [I], psychiatre, en date du 28 octobre 2015, communiqué par Mme [K], ne fait pas état d'une impossibilité de travailler ce médecin ayant seulement noté qu'elle présente des'manifestations symptomatiques résiduelles d'un état de stress post traumatique et notamment une anxiété phobique dans certaines situations lui rappelant les circonstances de l'accident' .

Enfin Mme [K] n'établit pas qu'une demande de renouvellement d'un agrément comme assistante maternelle lui a été refusée ni même qu'elle a déposé une telle demande.

Elle ne démontre donc pas subir, du fait de l'accident une perte de gains professionnels futurs certaine et actuelle ; sa demande d'indemnisation formée en ce sens doit être rejetée.

Mme [K] doit donc également être déboutée de sa demande de réparation d'un préjudice moral consécutif à la perte de son emploi d'assistante maternelle.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire15 600 €

L'indemnité de 15'600 € allouée par le tribunal n'est critiquée par aucune partie en cause d'appel.

- Souffrances endurées 9 000 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, de l'immobilisation par collier cervical, des examens et des soins notamment de rééducation; évalué à 3,5/7 par l'expert, il justifie l'octroi de l'indemnité de 9 000 € sollicitée par la victime.

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent28 220 €

L'indemnité de 28 220 € allouée par le tribunal n'est critiquée par aucune partie en cause d'appel.

Sur cette indemnité s'impute la pension d'invalidité réglée par la CPAM à compter du 4 juin 2008 qu'elle a vocation à réparer.

Cette pension était d'un montant mensuel de 305,82 € en juin 2008 puis de 339,81 € en juillet et août 2008.

Les arrérages se sont élevés du 4 juin 2008 à ce jour 2 mars 2017 à 35 646,06 € (305,82 €) + (339,81 € x 104 mois).

Pour la période à échoir le capital représentatif de cette pension doit être calculé en fonction d'une rente annuelle de 4 077,72 € (339,81 € x 12 mois) et de l'indice temporaire de 8,030 de l'arrêté du 11 février 2015 relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale pour une femme âgée de 54 ans à ce jour, ce qui représente 32 744,09 € (4 077,72 € x 8,030).

La pension d'invalidité versée par la CPAM s'élève ainsi à 68 390,15 € (35 646,06 € + 32 744,09 €)

De même doit s'imputer la rente invalidité complémentaire IRCEM de 15,11 € par jour versée à compter du 4 juin 2008.

Ce qui représente pour la période échue à ce jour 48 261,34 € (15,11 € x 3.194 jours) et pour la période à échoir 56 419,98 € (15,11 € x 465 jours x 8,030).

Après imputation à due concurrence de 28 220 € des pensions d'invalidité versées par la CPAM et par l'IRCEM aucune somme ne revient à la victime sur ce poste de dommage.

Le préjudice corporel global subi par Mme [K] s'établit ainsi à la somme de 109.914,23 € soit, après imputation des débours de la CPAM et de l'IRCEM, une somme de 56.836,80 € lui revenant, provisions non déduites.

Sur le préjudice matériel

Eu égard à la nature de l'accident et aux devis et facture de vêtements et équipements moto (casque, gants, bottes) produits, ce chef de dommage est établi et la somme de 967 € sera allouée à ce titre.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Mme [K] qui succombe dans l'essentiel de ses prétentions supportera la charge des entiers dépens d'appel avec recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Déclare recevable l'intervention volontaire en cause d'appel de la société Generali Belgium,

- Confirme le jugement,

hormis sur le montant de l'indemnisation de Mme [O] [K] et les sommes lui revenant et en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 100 000 €,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Fixe le préjudice corporel global de Mme [O] [K] à la somme de 109.914,23€

- Dit que l'indemnité revenant à cette victime à ce titre s'établit à 56.836,80 €

- Fixe le préjudice matériel de Mme [O] [K] à la somme de 967 €

- Condamne la société Allianz Iard à payer à Mme [O] [K] les sommes de

* 56.836,80 €, sauf à déduire les provisions versées, en réparation de son préjudice corporel,

* 967 € en réparation de son préjudice matériel,

- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne Mme [O] [K] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 15/16506
Date de la décision : 02/03/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°15/16506 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-02;15.16506 ?
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