La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/02/2017 | FRANCE | N°15/08222

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 24 février 2017, 15/08222


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 24 FEVRIER 2017



N°2017/358













Rôle N° 15/08222







[O] [D] épouse [E]

[C] [E]

[T] [E]





C/



SARL CTIB

SAS CUENOD VENANT AUX DROITS DE LA STE CUENOD THERMOTECHNIQUE



FIVA

CPCAM DES ALPES MARITIMES SERVICE CONTENTIEUX

AREAS CAISSE MUTUELLE D'ASSURNCE ET DE PREVOYANCE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORG

ANISMES DE SECURITE SOCIALE









Grosse délivrée

le :

à :





Me Julie ANDREU

Me Julien MICHAL

Me Francis LEFEBVRE

Me Alain TUILLIER

Me Stéphane CECCALDI

Me Christophe PETIT









Copie certifiée conforme délivrée a...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 24 FEVRIER 2017

N°2017/358

Rôle N° 15/08222

[O] [D] épouse [E]

[C] [E]

[T] [E]

C/

SARL CTIB

SAS CUENOD VENANT AUX DROITS DE LA STE CUENOD THERMOTECHNIQUE

FIVA

CPCAM DES ALPES MARITIMES SERVICE CONTENTIEUX

AREAS CAISSE MUTUELLE D'ASSURNCE ET DE PREVOYANCE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Julie ANDREU

Me Julien MICHAL

Me Francis LEFEBVRE

Me Alain TUILLIER

Me Stéphane CECCALDI

Me Christophe PETIT

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des ALPES MARITIMES en date du 03 Avril 2015,enregistré au répertoire général sous le n° 21001660.

APPELANTS

Madame [O] [D] épouse [E] agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité d'ayant droit de Mr [Z] [E], né le [Date naissance 1] 1941 et décédé le [Date décès 1]/2010, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Julie ANDREU de la SELARL SELARL TEISSONNIERE-TOPALOFF-LAFFORGUE-ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [C] [E] agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité d'ayant droit de Mr [Z] [E], né le [Date naissance 1] 1941 et décédé le [Date décès 1]/2010, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Julie ANDREU de la SELARL SELARL TEISSONNIERE-TOPALOFF-LAFFORGUE-ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [T] [E], agissant tant en leur nom propre qu'en leur qualité d'ayant droit de Mr [Z] [E], né le [Date naissance 1] 1941 et décédé le [Date décès 1]/2010, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Julie ANDREU de la SELARL SELARL TEISSONNIERE-TOPALOFF-LAFFORGUE-ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SARL CTIB, demeurant [Adresse 4],

[Adresse 5]

représentée par Me Julien MICHAL, avocat au barreau de LYON substitué par Me Johanna VINE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SAS CUENOD VENANT AUX DROITS DE LA STE CUENOD THERMOTECHNIQUE, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Francis LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE substitué par Me Sandrine MATHIEU, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

FIVA, demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Annabelle DEGRADO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

CPCAM DES ALPES MARITIMES SERVICE CONTENTIEUX, demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Géraldine CHIAIA, avocat au barreau de MARSEILLE

AREAS CAISSE MUTUELLE D'ASSURNCE ET DE PREVOYANCE, demeurant [Adresse 9]

représenté par Me Christophe PETIT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Julie BRAU VANOT, avocat au barreau de NICE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 10]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Nathalie ARNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Février 2017

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Madame Nathalie ARNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

[Z] [E], ancien salarié de la société CUENOD THERMOTECHNIQUE aux droits de laquelle se trouve la société CUENOD et de la société CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT en qualité d'opérateur de maintenance des chaudières, a été atteint d'un adénocarcinome pulmonaire que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes a pris en charge au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles le 12 avril 2010. Il est décédé le [Date décès 2] 2010.

Après échec de la tentative de conciliation, [O] [D]-[E] veuve de [Z] [E], [C] [E] et [T] [E], enfants de [Z] [E], ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes Maritimes pour que la faute inexcusable des employeurs soit reconnue, que la rente de conjoint survivant soit majorée au taux maximum, que l'indemnité forfaitaire soit versée, que les préjudices soient indemnisées et qu'une indemnité au titre des frais irrépétibles leur soit allouée. La S.A.S. CUENOD et la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT ont soulevé l'inopposabilité à leur égard de la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle. La compagnie AREAS DOMMAGES, assureur de la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT, a opposé l'incompétence du tribunal des affaires de sécurité sociale pour statuer sur sa garantie.

Par jugement du 3 avril 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale a :

- débouté les consorts [E] de leur action en reconnaissance de la faute inexcusable,

- débouté la S.A.S. CUENOD et la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT de leur demande d'inopposabilité,

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré le jugement commun et opposable à la compagnie AREAS DOMMAGES,

- rejeté les autres demandes.

[O] [D]-[E], [C] [E] et [T] [E] ont interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 27 avril 2015.

[O] [D]-[E], [C] [E] et [T] [E] ont saisi le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante et ont accepté les offres faites le 25 mai 2016.

L'affaire a été fixée à l'audience du 31 mars 2016 et a été renvoyée contradictoirement à l'audience du 19 mai 2016, à l'audience du 3 novembre 2016, à l'audience du 12 janvier 2017 et enfin à celle du 26 janvier 2017 à la demande des parties.

Par conclusions visées au greffe le 26 janvier 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [O] [D]-[E], [C] [E] et [T] [E] :

- indiquent que [Z] [E] a travaillé en qualité de salarié pour la S.A.S. CUENOD du 1eroctobre 1972 au 30 avril 1985 et pour la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT du 2 mai 1985 au 31 août 2001,

- rappellent que l'éventuelle erreur commise par la caisse dans le cadre de la reconnaissance de la maladie professionnelle est sanctionnée par l'inopposabilité à l'employeur de la décision de la caisse et non par la nullité de la décision,

- soutiennent que [Z] [E] a été exposé aux poussières d'amiante dans les conditions du tableau n°30 bis au cours de son activité professionnelle,

- prétendent que les employeurs avaient conscience du danger et n'ont pas préservé [Z] [E] des risques encourus,

- imputent la maladie à la faute inexcusable de l'employeur, la S.A.S. CUENOD,

- demandent l'attribution de l'indemnité forfaitaire au regard du taux d'incapacité de 100 % de leur auteur et la majoration au taux maximum de la rente bénéficiant au conjoint survivant,

- sollicitent chacun la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 26 janvier 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, le Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante :

- observe que son intervention volontaire à l'instance en sa qualité de subrogé dans les droits des demandeurs est recevable,

- s'associe à l'argumentaire des demandeurs sur la faute inexcusable de la société CUENOD,

- demande que l'indemnité forfaitaire au taux maximum soit servie par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie à la succession de [Z] [E],

- demande que la rente bénéficiant au conjoint survivant soit majorée au taux maximum et que la majoration soit versée à [O] [D]-[E],

- chiffre les indemnisations venant réparer les préjudices subis par [Z] [E] à la somme de 19.300 euros s'agissant des souffrances physiques, à la somme de 59.800 euros s'agissant des souffrances morales et à la somme de 19.300 euros s'agissant du préjudice d'agrément,

- chiffre les indemnisations venant réparer les préjudices moraux à la somme de 32.600 euros s'agissant d'[O] [D]-[E], à la somme de 8.700 euros s'agissant de [C] [E] et la somme de 15.200 euros s'agissant d'[T] [E],

- demande que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie lui verse ces sommes,

- sollicite à l'encontre de la S.A.S. CUENOD la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 26 janvier 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. CUENOD qui interjette appel incident :

- conteste l'origine professionnelle de la maladie, fait valoir que [Z] [E] ne remplissait pas les conditions posées au tableau n°30 bis des maladies professionnelles relativement aux travaux lésionnels et à la durée d'exposition au risque, qu'il n'intervenait pas sur les chaudières mais sur les brûleurs, qu'il n'a pas été exposé à l'amiante ce que démontre une analyse technique et que la caisse n'a pas saisi un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et soulève la nullité de la décision par laquelle la caisse a reconnu la maladie professionnelle,

- déduit de l'absence d'une maladie d'origine professionnelle que les ayants droit de é [E] ne peuvent pas agir en reconnaissance de faute inexcusable,

- subsidiairement, conteste qu'elle a commis une faute inexcusable, critique les attestations produites et soutient qu'elle ne pouvait pas avoir conscience du danger,

- très subsidiairement, querelle les demandes financières présentées, prétend que le préjudice moral et le préjudice physique de [Z] [E] sont réparés par la rente, estime excessives les sommes réclamées et observe que la prise en charge des conséquences de la faute inexcusable doit être répartie entre les employeurs en fonction de la durée d'exposition au risque,

- en toute hypothèse, demande que la décision de la caisse de prise en charge de la maladie professionnelle lui soit jugée inopposable aux motifs que la caisse ne l'a pas appelée à la tentative de conciliation, que la caisse a mené son instruction en violation du principe du contradictoire alors qu'elle l'avait informée de la demande de [Z] [E] et que la caisse n'a pas suivi la procédure alors qu'elle avait émis des réserves motivées,

- reconventionnellement, sollicite la condamnation des ayants droit de [Z] [E] à lui verser la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante à lui verser la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à acquitter les dépens.

Par conclusions visées au greffe le 26 janvier 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT qui interjette appel incident :

- prétend que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle et du décès lui est inopposable pour violation du principe du contradictoire par la caisse qui ne lui a jamais notifié sa décision de reconnaître la maladie professionnelle et lui a imparti un délai insuffisant pour faire valoir ses observations à l'issue de son instruction,

- recherche la garantie de son assureur, la compagnie AREAS DOMMAGES, fait valoir que la clause d'exclusion de garantie concernant l'amiante ne lui est pas opposable dans la mesure où elle ne l'a pas acceptée et que cette clause contrevient aux exigences des articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances pour ne pas figurer en caractères apparents et vider le contrat d'assurance de sa substance,

- dénie la qualité de salarié à [Z] [E] qui était son gérant, observe qu'il n'exerçait pas des fonctions techniques dans un lien de subordination et ajoute que le contrat de travail n'a pas obéi aux règles régissant les conventions réglementées,

- conteste toute faute inexcusable, expose que [Z] [E] n'a pas été exposé à l'amiante et devait, en sa qualité de gérant, prendre les mesures nécessaires en cas d'exposition à l'amiante et souhaite la confirmation du jugement entrepris,

- subsidiairement, critique les montants des sommes réclamées qu'elle qualifie d'excessifs,

- reconventionnellement, sollicite la condamnation des ayants droit de [Z] [E] à lui verser la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à acquitter les dépens de l'instance.

Par conclusions visées au greffe le 26 janvier 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la compagnie AREAS DOMMAGES, assureur de la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT :

- relève qu'aucune demande n'est formulée à son encontre ni à l'encontre de la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT,

- s'associe à l'argumentaire de la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT sur la faute inexcusable,

- soutient que la juridiction de sécurité sociale n'a pas compétence pour entrer en voie de condamnation à son encontre et que la décision peut seulement lui être déclarée opposable,

- dénie sa garantie au motif que le contrat de responsabilité civile exclut les dommages de toutes natures causés par l'amiante.

Par conclusions visées au greffe le 26 janvier 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes :

- réplique que les conditions figurant au tableau n°30 bis des maladies professionnelles étaient réunies et qu'elle a légitimement reconnu l'origine professionnelle de la maladie avoir à saisir un é régional de reconnaissance des maladies professionnelles,

- précise que la maladie a été inscrite au compte spécial,

- objecte qu'elle a satisfait à son obligation d'information et au respect du principe du contradictoire à l'égard de la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT qui a été le dernier employeur de [Z] [E],

- affirme qu'elle n'avait aucune obligation envers la S.A.S. CUENOD,

- en déduit l'opposabilité de sa décision de prise en charge envers les deux employeurs

- s'en rapporte sur l'existence de la faute inexcusable et demande, en cas de reconnaissance d'une telle faute, que la S.A.S. CUENOD et la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT et le cas échéant l'assureur soient condamnés à lui rembourser les sommes dont elle doit faire l'avance,

- sollicite la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'intervention volontaire du Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante :

En application de l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante se trouve subrogé dans les droits d'[O] [D]-[E], de [C] [E] et d'[T] [E] qu'il a indemnisés et peut intervenir même pour la première fois en cause d'appel.

En conséquence, l'intervention volontaire à l'instance du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante doit être reçue.

Sur la compagnie AREAS DOMMAGES :

Il n'entre pas dans les pouvoirs de la présente juridiction de trancher la question de la garantie éventuellement due par la compagnie AREAS DOMMAGES à son assuré, la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT.

Le présent arrêt doit seulement être déclaré opposable à la compagnie AREAS DOMMAGES.

Sur la reconnaissance de la maladie professionnelle :

Dans le cadre d'un litige en reconnaissance de faute inexcusable, l'employeur peut contester l'origine professionnelle de la maladie.

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale présume d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

[Z] [E] a été atteint d'un cancer broncho-pulmonaire primitif.

Le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles désigne le cancer broncho-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante, fixe le délai de prise en charge à 40 ans sous réserve d'une exposition au risque de 10 ans et donne une liste limitative des travaux lésionnels dont font partie les travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante.

[Z] [E] a travaillé en qualité d'agent technique puis de chef monteur service après-vente pour la société CUENOD THERMOTECHNIQUE du 2 octobre 1972 au 30 avril 1985 et en qualité d'opérateur d'entretien pour la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT du 2 mai 1985 au 31 août 2001. Il a ainsi travaillé plus de dix ans pour chacune de ces deux sociétés.

Sur la fiche de poste versée par la société CUENOD figurent les réglages et mises au point des brûleurs.

Un technicien en chauffage atteste qu'il a travaillé avec [Z] [E] de 1977 à 1985 et qu'ils ont été contact avec les joints en amiante sur les brûleurs, les bandelettes en amiante sur les calorifugeages et les cordelettes et plaques en amiante sur les chaudières et que le nettoyage des pièces de chaudières générait un empoussièrement important d'amiante. Un ancien technicien en chauffage qui a travaillé avec [Z] [E] de 1972 à 1994 témoigne dans le même sens.

Il s'évince de ces éléments que les conditions médicales et administratives posées au tableau n° 30 bis des maladies professionnelles sont remplies.

La maladie est donc présumée d'origine professionnelle et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie n'avait nullement à saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles lequel est compétent lorsque les conditions administratives du tableau des maladies professionnelles ne sont pas satisfaites.

Il appartient dès lors à la société CUENODde rapporter la preuve que la maladie a eu une cause totalement étrangère au travail.

La société CUENOD verse uniquement les résultats des examens pratiqués à sa demande par l'Institut [Établissement 1] sur une cordelette d'isolation thermique de chaudière et qui ont conclus à l'absence d'amiante. Cette analyse effectuée en avril 1996 est dénuée de pertinence pour avoir été effectuée plus de 10 ans après le départ de [Z] [E] de l'entreprise.

Il n'est donc pas démontré que la maladie dont a été atteint [Z] [E] a une cause totalement étrangère au travail.

En conséquence, il doit être jugé que [Z] [E] a présenté une affection relevant du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles.

Sur l'inopposabilité de la décision de reconnaissance de maladie professionnelle à la S.A.S. CUENOD et à la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT :

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a l'obligation de diligenter une instruction au contradictoire du dernier employeur de la victime et le précédent employeur peut se prévaloir de la violation par la caisse du principe du contradictoire commis au préjudice du dernier employeur.

La S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT soutient que la caisse ne l'a jamais informée de la procédure d'instruction et ne lui a jamais notifié sa décision et elle se prévaut l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009. La caisse réplique que l'article R. 441-14 s'applique dans sa version antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, qu'ainsi la société ne peut se prévaloir du délai de dix jours et qu'un délai de cinq jours était suffisant. La société considère que, même à admettre la thèse de la caisse, sur l'information et le texte applicable, elle n'a pas disposé d'un délai suffisant.

La caisse a réceptionné la déclaration de maladie professionnelle le 10 décembre 2009. L'instruction du dossier a donc débuté avant le 1erjanvier 2010. Dans ces conditions, les modifications apportées par le décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 ne régissent pas le présent litige.

En vertu de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, la caisse, lorsqu'elle a diligenté une instruction, doit informer l'employeur avant de prendre sa décision sur les éléments recueillis et susceptibles de lui faire grief et sur sa possibilité de consulter le dossier. Ce même texte impose à la caisse d'octroyer à l'employeur un délai suffisant pour consulter le dossier et présenter ses observations. Le défaut de respect de ces prescriptions rend la décision de la caisse de reconnaître la maladie professionnelle inopposable à l'employeur.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a décidé de reconnaître la maladie professionnelle le 12 avril 2010. En cause d'appel, la caisse ne soutient pas comme elle l'a fait en première instance qu'elle a délivré l'information à la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT le 2 avril 2010. Elle ne verse aucune pièce et ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe qu'elle a satisfait aux prescriptions de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale en informant l'employeur et en lui octroyant un délai suffisant avant de prendre sa décision.

En conséquence, la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes de prendre en charge la maladie et le décès de [Z] [E], au titre de la législation sur les risques professionnels, doit être déclarée inopposable à la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT et à la S.A.S. CUENOD.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur la faute inexcusable :

Aucune demande n'est formée contre la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT. L'action est dirigée uniquement à l'encontre de la S.A.S. CUENOD.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie dont a été atteint le salarié et il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée alors même que d'autres fautes ont concouru au dommage.

Le danger inhérent aux poussières a été stigmatisé par un décret du 10 mars 1894 qui exigeait que les poussières soient évacuées au fur et à mesure de leur production et que soient installés dans les ateliers des systèmes de ventilation aspirante. Plusieurs décrets ultérieurs ont édicté des réglementations de plus en plus strictes pour préserver les salariés des poussières.

Le danger sur la santé des salariés causé par l'amiante a été reconnu par le droit du travail et le droit de la sécurité sociale. Ainsi, la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières renfermant de l'amiante a été inscrite au tableau des maladies professionnelles le 2 août 1945. L'asbestose qui trouve sa cause dans l'inhalation de poussières d'amiante a été inscrite au tableau des maladies professionnelles le 31 août 1950. Le décret du 17 août 1977 a instauré des mesures particulières d'hygiène pour les établissements dans lesquels les salariés étaient exposés aux poussières d'amiante et a notamment imposé un contrôle de l'atmosphère, la mise en place d'installations de protection collective et la mise à la disposition des salariés d'équipements de protection individuelle.

Les collègues de travail dont les témoignages ont été précédemment retranscrits attestent que, dans le cadre de son activité professionnelle au sein de la société CUENOD, [Z] [E] a respiré de la poussière d'amiante.

La S.A.S. CUENOD ne justifie nullement qu'elle a fourni à son salarié des protections contre l'inhalation de poussières d'amiante.

Ainsi, l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

En conséquence, la maladie professionnelle dont [Z] [E] est décédé est imputable à la faute inexcusable de l'employeur, la S.A.S. CUENOD.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les conséquences financières :

Seule la faute inexcusable de la victime qui se définit comme la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience autorise à réduire la majoration de la rente. Il résulte des éléments de la cause que [Z] [E]n'a pas commis une telle faute. Celle-ci n'est d'ailleurs pas soulevée.

En conséquence, la rente de conjoint survivant servie à [O] [D]-[E] doit être majorée au taux maximum prévu par la loi.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a reconnu à [Z] [E] un taux d'incapacité permanente de 100 % à compter du 17 novembre 2009.

En conséquence, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes doit verser à [O] [D]-[E], [C] [E] et [T] [E], indivisément, l'indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

[Z] [E] est né le [Date naissance 2] 1941. Il était âgé de 68 ans lorsque la maladie s'est déclarée et de 69 ans à son décès. Il a subi une intervention chirurgicale et des séances de chimiothérapie. Il a présenté des métastases osseuses. Il ne pouvait ignorer l'issue fatale de sa maladie qui évoluait défavorablement. Les documents médicaux au dossier mentionnent une douleur insuffisamment soulagée par le traitement morphinique.

[O] [D]-[E] est née le [Date naissance 3] 1942. Les époux [E] se sont mariés le [Date mariage 1] 1967. [C] [E] est né le [Date naissance 4] 1971 et est célibataire. [T] [E] est née le [Date naissance 5] 1972 et est célibataire. Elle travaille à MONTREAL, a pris un congé sans solde et est retournée vivre au domicile de ses parents lorsque la maladie de son père s'est déclarée.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie ne discute pas les réclamations financières.

Les éléments de la cause conduisent à chiffrer les indemnisations venant réparer les préjudices subis par [Z] [E] à la somme de 19.300 euros s'agissant des souffrances physiques, à la somme de 59.800 euros s'agissant des souffrances morales et à la somme de 19.300 euros s'agissant du préjudice d'agrément et à chiffrer les indemnisations venant réparer les préjudices moraux à la somme de 32.600 euros s'agissant d'[O] [D]-[E], à la somme de 8.700 euros s'agissant de [C] [E] et la somme de 15.200 euros s'agissant d'[T] [E].

En conséquence, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes doit régler au Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante la somme globale de 154.900 euros. La caisse ne dispose pas d'une faculté de recours contre la S.A.S. CUENOD ni contre la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT. En effet, l'article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale issu de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ne peut s'appliquer à la cause en l'état d'une décision de la caisse de reconnaître la maladie professionnelle antérieure à sa promulgation.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de débouter le Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante, la S.A.S. CUENOD, la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes de leurs demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la S.A.S. CUENOD à verser à [O] [D]-[E], [C] [E] et [T] [E], indivisément, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure étant gratuite et sans frais, les demandes relatives aux dépens sont dénuées d'objet.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Reçoit l'intervention volontaire à l'instance du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Juge que [Z] [E] a présenté une affection relevant du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles,

Déclare inopposable à la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT et à la S.A.S. CUENOD la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes de prendre en charge la maladie et le décès de [Z] [E], au titre de la législation sur les risques professionnels,

Impute à la faute inexcusable de l'employeur, la S.A.S. CUENOD, la maladie professionnelle dont [Z] [E] est décédé,

Majore au taux maximum prévu par la loi la rente de conjoint survivant servie à [O] [D]-[E],

Juge que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes doit verser à [O] [D]-[E], [C] [E] et [T] [E], indivisément, l'indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation,

Chiffre les indemnisations venant réparer les préjudices subis par [Z] [E] à la somme de 19.300 euros s'agissant des souffrances physiques, à la somme de 59.800 euros s'agissant des souffrances morales et à la somme de 19.300 euros s'agissant du préjudice d'agrément,

Chiffre les indemnisations venant réparer les préjudices moraux à la somme de 32.600 euros s'agissant d'[O] [D]-[E], à la somme de 8.700 euros s'agissant de [C] [E] et la somme de 15.200 euros s'agissant d'[T] [E],

Juge que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes doit régler au Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante la somme globale de 154.900 euros sans faculté de recours contre la S.A.S. CUENOD ni contre la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT,

Déboute le Fond d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante, la S.A.S. CUENOD, la S.A.R.L. CONFORT ET TECHNIQUE INDUSTRIELLE DU BATIMENT et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes de leurs demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. CUENOD à verser à [O] [D]-[E], [C] [E] et [T] [E], indivisément, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déclare les demandes relatives aux dépens dénuées d'objet,

Déclare le présent arrêt opposable à la compagnie AREAS DOMMAGES.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 15/08222
Date de la décision : 24/02/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°15/08222 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-24;15.08222 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award