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10/02/2017 | FRANCE | N°16/14871

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 10 février 2017, 16/14871


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 10 FEVRIER 2017



N°2017/281













Rôle N° 16/14871







[F] [H] [M] [D]

[Y] [N] [T] [D]





C/



SAS AIRBUS HELICOPTERS

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE



MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

















Grosse délivrée

le :

à :


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Me Grégoire MANSUY



Me Florence GASTINEAU



CPCAM DES BOUCHES DU RHONE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES-DU-RHONE en date du 30 Juin 2016,enregistré au réperto...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 10 FEVRIER 2017

N°2017/281

Rôle N° 16/14871

[F] [H] [M] [D]

[Y] [N] [T] [D]

C/

SAS AIRBUS HELICOPTERS

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Grégoire MANSUY

Me Florence GASTINEAU

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES-DU-RHONE en date du 30 Juin 2016,enregistré au répertoire général sous le n° 21404368.

APPELANTS

Mademoiselle [F] [H] [M] [D], [Adresse 1]

représentée par Me Grégoire MANSUY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [Y] [N] [T] [D], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Grégoire MANSUY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

SAS AIRBUS HELICOPTERS, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Florence GASTINEAU, avocat au barreau de PARIS

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 4]

représenté par Mme [B] [X] (Autre) en vertu d'un pouvoir général

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 5]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Nathalie ARNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Février 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Février 2017

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Madame Nathalie ARNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 25 juillet 2012, [E] [D], salarié de la S.A.S. AIRBUS HELICOPTERS en qualité de technicien, a été victime d'un accident mortel du travail au cours d'un essai d'hélicoptère.

Les ayants-droit de [E] [D], ses deux enfants, [F] [D] et [Y] [D], ont poursuivi la S.A.S. AIRBUS HELICOPTERS devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et en indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 30 juin 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale a débouté les consorts [D] de leurs demandes.

[F] [D] et [Y] [D] ont interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 21 juillet 2016.

Par conclusions visées au greffe le 12 janvier 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [F] [D] et [Y] [D] :

- exposent que l'hélicoptère volait à basse altitude, a heurté un câble électrique et s'est écrasé au sol,

- reprochent à l'employeur les manquements suivants :

* l'absence de supervision du vol,

* l'absence d'un plan de vol,

* ne pas avoir dressé la liste des sites adaptés aux essais,

* ne pas s'être inquiété du sort de l'appareil qui a décollé dans la direction opposée à celle annoncée,

* ne pas avoir mis en place ni avoir mis en 'uvre une procédure permettant de contrôler les essais,

- font valoir que le pilote était salarié de la S.A.S. AIRBUS HELICOPTERS et avait autorité sur [E] [D] et qu'il doit être considéré comme étant comme le substitué de l'employeur dans la gestion et la direction du vol d'essai,

- allèguent les fautes commises par le pilote et soutiennent que la S.A.S. AIRBUS HELICOPTERS est tenue des fautes commises par son pilote,

- ajoutent que les fautes du pilote ont été rendues possibles par le fait que l'employeur avait donné au pilote les fonctions de décideur, d'exécutant et de contrôleur du vol,

- affirment que l'employeur devait avoir conscience du danger au regard des risques générés par un vol d'essai et qu'il n'a pris aucune mesure pour protéger ses salariés en laissant cumuler plusieurs fonctions par le pilote,

- imputent l'accident à la faute inexcusable de l'employeur,

- réclament chacun la somme de 30.000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- rappellent que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie doit faire l'avance de ces sommes,

- sollicitent la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'employeur aux dépens.

Par conclusions visées au greffe le 12 janvier 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. AIRBUS HELICOPTERS :

- objecte que les investigations effectuées ont écarté toute cause technique et ont retenu des causes procédant d'erreurs de pilotage, à savoir que l'appareil volait sous la hauteur minimum de survol, que le câble électrique a été détecté tardivement et que la technique d'évitement du câble a été inappropriée,

- affirme que la mission confiée n'exigeait pas un vol à très basse altitude, que le personnel navigant était expérimenté, n'était pas fatigué et avait effectué dans les jours précédant l'accident un nombre d'heures de vol bien inférieur aux limites posées par le code de l'aviation civile, que le vol avait été préparé, que le plan de vol n'a pas été suivi, qu'elle n'avait aucun moyen de contrôler le respect du plan de vol, que le pilote n'a pas autorité sur les autres membres d'équipage, qu'il n'a pas un rôle de supervision et qu'il dispose d'une totale autonomie,

- conteste qu'elle a pu avoir conscience du danger et a commis une faute inexcusable, estimant imprévisible le comportement du pilote,

- subsidiairement, est à la réduction des demandes formées,

- s'oppose à la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 12 janvier 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône :

- s'en rapporte sur l'existence de la faute inexcusable et le préjudice moral des consorts [D],

- demande qu'en cas de reconnaissance d'une faute inexcusable l'employeur soit condamné à lui rembourser les sommes versées aux victimes.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la faute inexcusable :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié et il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée alors même que d'autres fautes ont concouru au dommage.

Le 25 juillet 2012 à 13 heures 45 lors d'un vol de contrôle, l'hélicoptère dans lequel se trouvait [E] [D] volait à basse altitude, a heurté un câble électrique et s'est écrasé dans les gorges du VERDON. [E] [D] était technicien. Il n'était pas le commandant de bord.

En vertu des articles L. 6522-2 et L. 6522-3 du code des transports, le commandant de bord assure le commandement de l'aéronef pendant toute la durée de la mission et est responsable de son exécution, choisit l'itinéraire et l'altitude de vol dans les limites définies par les règlements et par les instructions de l'autorité administrative et de l'exploitant et a autorité sur les personnes embarquées.

L'accident a donné lieu à une enquête du Bureau Enquêtes Accident Défense Air. Le rapport d'enquête a révélé que le commandant de bord avait volé durant 37 heures 35 au cours des 30 derniers jours et avait à son actif 9.983 heures de vol, que l'expérimentateur navigant d'essai 1 avait volé durant 35 heures 35 au cours des 30 derniers jours et avait à son actif 9.511 heures de vol, que l'expérimentateur navigant d'essai 2 avait volé durant 22 heures 55 au cours des 30 derniers jours et avait à son actif 1.968 heures de vol. Ces trois salariés avaient été déclarés aptes à leur poste sans restriction. La visibilité était supérieure ou égale à 10 kilomètres et le ciel était sans nuage. Le câble heurté par l'hélicoptère n'était pas balisé et ne figurait sur aucune carte. L'enquête a conclu qu'aucune cause technique n'est à l'origine de l'accident et que l'absence de balisage et de signalisation du câble a contribué de manière probable à l'accident. Les enquêteurs ont relevé trois défaillances humaines actives et ont précisé que l'appareil volait en deçà de la hauteur minimale de survol, que l'équipage a détecté tardivement le câble et que le pilote a utilisé une man'uvre d'évitement inappropriée. Ils ont estimé qu'un défaut de supervision a pu contribuer à l'événement et ont considéré probable l'hypothèse selon laquelle l'imprécision de la documentation relative aux zones d'essais et la latitude de décision laissée au commandant de bord ont contribué à l'événement.

La réglementation limite le nombre d'heures de vol maximal à 10 heures par période de 24 heures et à 95 heures par période de 30 jours.

Il résulte de la synthèse de l'enquête des militaires de la gendarmerie qu'aucune panne ou dysfonctionnement de l'appareil n'a été mis en évidence, que la maintenance de l'appareil est conforme à la réglementation, que les gorges du VERDON sont considérées comme un milieu hostile à l'aéronautique, que le câble électrique heurté est à une hauteur 110 mètres qui est inférieure aux hauteurs minimales de survol réglementées, que le pilote, M.[R], était au moment de l'accident à la fois décideur, exécutant et contrôleur des vols d'essais, que l'hélicoptère n'a pas bénéficié d'une dérogation pour voler à une altitude inférieure à celle réglementaire, que la fiche de vol désignait les ALPILLES comme secteur de vol, que le vol était effectué en Circulation Aérienne Générale, que la zone de l'accident ne figurait pas sur l'inventaire des zones d'essais en Circulation Aérienne Générale, que les conditions météorologiques étaient favorables, qu'après le décollage, le pilote a annoncé à la tour de contrôle un vol au Nord ce qui était conforme à la fiche FOCUS prévoyant un vol au-dessus des ALPILLES, que l'hélicoptère s'est dirigé vers l'Est en direction du VERDON, que les radars ont perdu sa trace car il volait à très basse altitude, que l'hélicoptère est entré dans les gorges du VERDON, qu'en Circulation Aérienne Générale la hauteur minimale de vol doit être de 150 mètres et de 300 mètres en cas de survol de rassemblements de personnes en plein air ce qui est le cas en été des gorges du VERDON, lieu très touristique, et que pendant la période estivale l'armée ne doit pas faire voler des appareils en dessous de 150 mètres et doit éviter les zones montagneuses.

M.[P], supérieur du pilote, était en congé et le pilote le remplaçait.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que, sans raison, le pilote a dirigé l'appareil sur les gorges du VERDON alors qu'il s'agit d'une zone dangereuse et non référencée pour les essais, que, sans prévenir, il n'a pas été faire les essais de vol au lieu initialement prévu et que, pour une cause inconnue, il volait à une altitude prohibée. Ce comportement fautif a été la cause de l'accident. Le pilote avait autorité sur [E] [D] et était le salarié de la S.A.S. AIRBUS HELICOPTERS. En premier lieu, la société est tenue des fautes commises par son salarié. En second lieu, les fautes ont été rendues possibles par le fait qu'en raison des congés estivaux la société avait fait cumuler au pilote les fonctions de décideur, d'exécutant et de contrôleur des vols d'essais ce qui laissait toute latitude de décision au pilote et ne permettait pas de contrôler ses choix concernant le vol.

Ainsi, l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

En conséquence, l'accident du travail survenu le 25 juillet 2012 à [E] [D] est imputable à la faute inexcusable de l'employeur, la S.A.S. AIRBUS HELICOPTERS.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur les conséquences financières :

L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ouvre droit à la réparation du préjudice moral des enfants d'un salarié décédé dans un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur.

[E] [D] était né le [Date naissance 1] 1961. Ses deux enfants, [F] [D] et [Y] [D] sont respectivement nés le [Date naissance 2] 1983 et le [Date naissance 3] 1986.

Les éléments de la cause conduisent à chiffrer le préjudice moral d'[F] [D] à la somme de 10.000 euros et le préjudice moral de [Y] [D] à la somme de 10.000 euros.

En application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône doit faire l'avance des indemnités allouées et la S.A.S. AIRBUS HELICOPTERS doit être condamnée à rembourser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône les indemnités allouées.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande de condamner la S.A.S. AIRBUS HELICOPTERS à verser à [F] [D] et [Y] [D], indivisément, la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure étant gratuite et sans frais, la demande relative aux dépens est dénuée d'objet.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Juge que l'accident du travail survenu le 25 juillet 2012 à [E] [D] est imputable à la faute inexcusable de l'employeur, la S.A.S. AIRBUS HELICOPTERS,

Fixe le préjudice moral d'[F] [D] à la somme de 10.000 euros et le préjudice moral de [Y] [D] à la somme de 10.000 euros,

Juge que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône doit faire l'avance des indemnités allouées,

Condamne la S.A.S. AIRBUS HELICOPTERS à rembourser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Bouches du Rhône les indemnités allouées,

Condamne la S.A.S. AIRBUS HELICOPTERS à verser à [F] [D] et [Y] [D], indivisément, la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déclare la demande relative aux dépens dénuée d'objet.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 16/14871
Date de la décision : 10/02/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°16/14871 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-10;16.14871 ?
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