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09/02/2017 | FRANCE | N°15/17285

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre b, 09 février 2017, 15/17285


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 09 FÉVRIER 2017



N° 2017/48













Rôle N° 15/17285







[M] [Q]

[T] [D] épouse [Q]

SARL GRALH INVESTISSEMENTS





C/



[F] [H]

SCP [X]-[O]-[W]- [V] - [G]





















Grosse délivrée

le :

à :



ME MAGNAN

ME KLEIN

SCP ERMENEUX


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Cour de Cassation de PARIS en date du 16 Juin 2015 enregistré au répertoire général sous le n° J 14-12369.





APPELANTS



Monsieur [M] [Q]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 09 FÉVRIER 2017

N° 2017/48

Rôle N° 15/17285

[M] [Q]

[T] [D] épouse [Q]

SARL GRALH INVESTISSEMENTS

C/

[F] [H]

SCP [X]-[O]-[W]- [V] - [G]

Grosse délivrée

le :

à :

ME MAGNAN

ME KLEIN

SCP ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Cour de Cassation de PARIS en date du 16 Juin 2015 enregistré au répertoire général sous le n° J 14-12369.

APPELANTS

Monsieur [M] [Q]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assisté par Me Anne Sophie LE FUR avocat au barreau de L'ESSONNE plaidant

Madame [T] [D] épouse [Q]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assisté par Me Anne Sophie LE FUR avocat au barreau de l'ESSONNE plaidant

SARL GRALH INVESTISSEMENTS immatriculée au RCS sous le n° 501 071 641, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assisté par Me Laurent SUSSAT, avocat au barreau de BORDEAUX plaidant

INTIMES

Monsieur [F] [H], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE plaidant

SCP [X]-[O]-[W]- [V] - [G] Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Maître [W] [V], agissant es qualité de LiquidateurJudiciaire à la Liquidation Judiciaire de la SCCV LES JARDINS RAMEL, domicilié es qualité au siège social sis

demeurant [Adresse 4]

représentée par la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assisté par Me Stéphane CATHELY, avocat au barreau de PARIS plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Novembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Brigitte PELTIER, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente

Mme Brigitte PELTIER, Conseiller

Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anaïs ROMINGER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 février 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 février 2017,

Signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente et Mme Anaïs ROMINGER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte du 29 août 2007, la société LES JARDINS RAMEL a acquis un ensemble immobilier comprenant un bâtiment à rénover pour devenir une résidence hôtelière de tourisme, moyennant le prix de 400 000 €, financé par un prêt.

Par actes notariés, établis par M. [H], en dates respectives des 3 mars 2008 et 17 octobre 2008, les époux [Q] et la société GRAHL INVESTISSEMENTS ont acquis auprès de la société Les Jardins Ramel des lots de copropriétés en état de futur achèvement (respectivement pour un prix de 265.000 euros et 285.300 euros outre frais et honoraires), pour une livraison prévue au 31 décembre 2008, au visa de la garantie intrinsèque d'achèvement ayant fait l'objet d'un acte notarié en date du 31 décembre 2007, avec paiement d'une partie du prix de vente, le surplus payable au fur et à mesure de l'achèvement des travaux ; cette vente, s'inscrivant dans un projet de défiscalisation s'entendait assortie d'un bail commercial en qualité de loueur en meublé professionnel conclu par les acquéreurs au bénéfice de la société Mona Lisa Hotel Residence.

Les lots n'ont pas été livrés et la liquidation du groupe Mona Lisa a été étendue à la société Les Jardins Ramel par jugement du 10 juin 2010 ; la société Grahl Investissements a déclaré sa créance pour un montant total de 401.245 euros.

Plusieurs acquéreurs dont les époux [Q] et la société Grahl Investissements ont saisi le Tribunal de grande instance de Marseille d'une action en responsabilité à l'encontre du notaire, rédacteur de l'acte et de la Banque Monte Paschi ; ils ont été déboutés de leurs prétentions par jugement en date du 10 août 2012, et ce jugement a été confirmé par arrêt du 8 octobre 2013 fixant la créance de la société Grahl Investissements à la somme de 84.290,80 euros ; le tribunal a retenu, s'agissant de la responsabilité du notaire :

- qu'il résultait des énonciations de l'acte dressé le 31 décembre 2007 que les fondations de l'immeuble étaient achevées depuis plusieurs années,

- qu'au vu des attestations du notaire et de la banque le seuil de financement de 75 % fixé par l'article R 261-18b du code de la construction et de l'habitation était atteint,

- que le notaire avait exécuté son obligation d'information sur le choix de la garantie d'achèvement de l'immeuble, sans qu'il soit tenu de vérifier la réalité des termes de l'attestation délivrée par la banque, et qu'il n'était pas exigé que les fonds propres soient bloqués sur un compte séquestre.

Par arrêt en date du 16 juin 2015, la Cour de cassation a cassé et annulé cette décision en ce qu'elle rejette les demandes de la société Grahl Investissements et de M. et Mme [Q] contre M. [H] et en ce qu'elle limite à la somme de 84 290,80 euros la créance de la société Grahl investissement à l'égard de la liquidation de la société Les Jardins Ramel, et a remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyé devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Aux termes de leurs dernières écritures en date du 28 juin 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, les époux [Q] concluent

' à la condamnation de Maître [H] à leur payer les sommes de :

- 60.000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral causé par ses manquements aux devoirs de conseil, de prudence et de vigilance,

- 150.000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice né de la perte de chance d'avoir renoncé à passer l'acte du 3 mars 2008,

' à la nullité de la vente qu'ils ont conclue et à la condamnation de Maître [H] à leur payer les sommes de :

- 172.250 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par l'inef'cacité de son acte,

- 145.224,30 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice de jouissance causé par l'inefficacité de son acte,

- 20.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile outre entiers dépens.

Ils soutiennent que Maître [H], notaire choisi par le vendeur, ayant régularisé l'intégralité des actes de cession des lots en défiscalisation, a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité :

' qu'il n'a pas satisfait à son devoir de conseil renforcé en se bornant à transmettre les textes applicables, sans les informer quant au risque, déjà reconnu, lié à la garantie intrinsèque d'achèvement, choisie par le vendeur ;

' qu'il aurait dû s'assurer de la réalité des fonds propres à la date de la vente du 3 mars 2008 sans se contenter de l'attestation bancaire délivrée le 31 décembre 2007 ; que compte tenu des virements opérés au bénéfice de la société Mona Lisa Etudes et Promotion les 24 et 25 janvier 2008 pour un montant supérieur à 400.000 euros, l'élément constitutif de la garantie intrinsèque, relatif aux fonds propres du vendeur, avait en réalité disparu au jour de la vente ; ils en déduisent, alors que les fonds propres n'ont pas à être séquestrés et que les éléments constitutifs de la garantie intrinsèque sont susceptibles d'évoluer, qu'il revient au notaire de s'assurer que les conditions justifiant de l'existence de cette garantie sont bien réunies au jour de la conclusion de la vente et que la nullité de la vente résulte de l'absence de garantie à la date à laquelle celle-ci a été passée ; qu'il doit être constaté que le société Les Jardins Ramel est insolvable.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 1er septembre 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la société GRAHL INVESTISSEMENTS conclut à la réformation du jugement déféré ;

- à la fixation de sa créance à la liquidation judiciaire de la SCCV Jardins Ramel à la somme de 427.451,57 € décomposée comme il en donne le détail, outre entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût du procès-verbal de constat d'huissier du 29 juillet 2010 ;

- à la condamnation de Me [H] au paiement d'une somme de 402 451,57 € en principal, ou à défaut sur le fondement de la perte de chance, au paiement d'une somme représentant 80% de ce montant ainsi que 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens.

Elle soutient en premier lieu qu'il convient de faire une nouvelle appréciation du montant de sa créance à l'égard de la liquidation du vendeur, comprenant les chefs de préjudices résultant :

1- des sommes indûment versées dans le cadre d'une opération n'ayant pas aboutie (la quote-part du prix de vente correspondant à l'achèvement du plancher du rez de chaussée non réalisé, les droits émoluments et honoraires, les commissions surfacturées ou vaines)

2- de la perte de loyer et du coût de l'emprunt

3- du trouble de jouissance résultant des coûts auxquels les copropriétaires d'un immeuble en l'état de ruine doivent faire face.

Elle soutient en second lieu que Me [H] en qualité de notaire instrumentaire, ayant reçu l'ensemble des actes concernant le projet immobilier, connaissant parfaitement les lieux et le dossier, la représentant de surcroît le jour de la signature de l'acte de vente conclu le 17 octobre 2008, circonstances qui auraient dû lui imposer de redoubler de prudence, a traité avec une confondante légèreté :

- la question de l'achèvement de l'ouvrage en se contentant d'une attestation relative à l'avancement des travaux datée du 24 août 2007, soit plus d'un an auparavant, alors même que la livraison était prévue à la date du 31 décembre 2008, soit deux mois et demi plus tard ; qu'il a ce faisant manqué à son obligation d'information et de conseil ; qu'une simple actualisation de l'attestation aurait permis au notaire et aux parties de prendre conscience de l'abandon du chantier et ce, d'autant que l'acte notarié fait également référence à l'attestation du maître d''uvre certifiant l'absence de travaux sur les fondations en date du 27 septembre 2007 et à la constatation de la réalisation de la condition suspensive du 31 décembre 2007 ;

- la question de la garantie d'achèvement en se contentant d'une attestation remontant à 14 mois émanant d'une société appartenant au même groupe que le vendeur et n'ayant aucune compétence technique ;

que le manquement du Notaire est directement à l'origine de son préjudice dont il convient de le déclarer responsable.

Aux termes de ses dernières écritures en date des 11 et 22 avril 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Me [H] conclut à la confirmation du jugement déféré ; au débouté adverse ; au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens.

Il soutient que

- la cour de cassation a rejeté le pourvoi de nombreux investisseurs déboutés de leur action indemnitaire à son encontre de sorte qu'il n'y a pas lieu à réexamen des moyens déjà tranchés s'agissant notamment de l'achèvement des fondations, telle que confirmée par l'attestation du Maître d''uvre ;

- que ni les époux [Q] ni la société Grahl Investissements ne caractérisent une faute à son encontre,

+ ni s'agissant de la garantie intrinsèque d'achèvement, tant en ce qui concerne sa nature au titre de laquelle les acquéreurs ont reçu toutes les informations nécessaires que son existence constatée au 31 décembre 2007, n'impliquant pas le séquestre des sommes, lesquelles doivent rester disponibles pour la réalisation de l'opération et enfin en ce qui concerne l'attestation du 31 décembre 2007, énonçant le montant des ventes déjà conclues permettant de constater le dépassement du seuil exigible de 75 % du coût du programme, lequel du fait des ventes ultérieurement conclues, n'avait pu mathématiquement qu'être dépassé à la date du 3 mars 2008, à laquelle les époux [Q] ont acquis leur lot ; qu'en tout état de cause, c'est bien au jour de la réalisation de la condition suspensive pour l'entier immeuble, que se fait l'appréciation de la réalité de la garantie intrinsèque ainsi acquise pour l'ensemble, les acquéreurs détenant encore 35 % du prix de vente leur permettant d'achever l'immeuble ;

+ ni s'agissant de l'attestation relative à l'avancement des travaux datée du 24 août 2007, puisqu'il ne lui appartient pas de se rendre sur les lieux et qu'il ne lui incombe pas de véri'er la réalité de la situation sauf s'il existe des éléments extérieurs susceptibles d'attirer son attention et d'induire une difficulté particulière qui pourrait engendrer de sa part des investigations et des demandes de pièces complémentaires ; que l'existence d'une telle situation n'est pas démontrée ;

- qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les faute reprochées et le préjudice, ce qui résulte notamment de ce que les acquéreurs n'ont pas opté pour l'achèvement de la construction et non pour la résolution de la vente et la restitution des sommes versées ; que l'obligation d'achever qui incombe au vendeur dans un premier temps, incombe ensuite aux acquéreurs qui n'ont pas entièrement réglé le prix d'acquisition ; que sa responsabilité n'est que subsidiaire ; qu'en l'absence de production de leur créance au passif de leur vendeur, les époux [Q] se sont privés de la voie de l'annulation.

- qu'il n'est pas fait la démonstration d'un préjudice certain, né et actuel en lien avec la faute alléguée puisque l'absence d'achèvement est la conséquence directe de la faute du promoteur ; que le notaire n'a pas à être substitué au promoteur dans le cadre de cette responsabilité ; que la restitution du prix est liée à la nullité de la vente qui n'est pas demandée ; que l'acquéreur ne peut reprocher à un tiers les conséquences de son choix procédural ; qu'il n'a pas utilisé les fonds garantis par le jeu de la garantie intrinsèque pour achever l'immeuble ; que les acquéreurs n'ont pas établi leur créance en restitution du prix payé à l'égard du vendeur ;

Aux termes de leurs dernières écritures en date du 11 octobre 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, le mandataire à la liquidation judiciaire de la société LES JARDINS RAMEL déclare s'en rapporter à justice sur la demande en 'xation de créance, à titre chirographaire, s'agissant de la quote-part du prix indûment versé et des frais imprévus de l'expertise amiable ; à l'irrecevabilité des demandes pour le surplus des postes de préjudices invoqués.

Il soutient en premier lieu que le caractère intangible de la déclaration de créance interdit à la société Gralh Investissement de prétendre former ultérieurement des demandes en fixation de créances dont la nature et/ou le montant serait différent.

Il soutient en second lieu qu'il convient de la débouter de ses demandes faute pour elle de justifier du fondement des créances qu'elle allègue et de leur quantum.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 novembre 2016.

SUR CE

I- Sur les demandes formées à l'encontre du notaire par les époux [Q] :

A Sur le manquement au devoir de conseil du Notaire :

C'est sans erreur d'appréciation et par des motifs complets et pertinents adoptés par la Cour, que le tribunal a constaté que le Notaire avait parfaitement satisfait à son obligation d'information quant à la nature de la garantie intrinsèque d'achèvement offerte par le Vendeur, observation devant être faite que ces dispositions confirmées par l'arrêt du 8 octobre 2013 n'ont pas été remises en cause par la cour de cassation ; les époux [Q] ne sont en conséquence pas fondés à soutenir que le Notaire a commis une faute en ne les informant pas des risques inhérents à la garantie intrinsèque d'achèvement telle qu'organisée par les dispositions applicables.

B Sur l'existence de la garantie intrinsèque d'achèvement :

En application de l'article L261-11 du Code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable au litige : « Le contrat doit être conclu par acte authentique et préciser : / (') / d) Lorsqu'il revêt la forme prévue à l'article 1601-3 du code civil, reproduit à l'article L. 261-3 du présent code, la garantie de l'achèvement de l'immeuble ou du remboursement des versements effectués en cas de résolution du contrat à défaut d'achèvement (') / L'inobservation des dispositions du présent article entraîne la nullité du contrat. Cette nullité ne peut être invoquée que par l'acquéreur et avant l'achèvement des travaux. /(...) » ; par ailleurs et en application de l'article R. 261-18 du même Code : « La garantie d'achèvement résulte de l'existence de conditions propres à l'opération lorsque cette dernière répond à l'une ou l'autre des conditions suivantes : / (') / b) Si les fondations sont achevées et si le financement de l'immeuble ou des immeubles compris dans un même programme est assuré à concurrence de 75 p. 100 du prix de vente prévu :

' par les fonds propres au vendeur;

' par le montant du prix des ventes déjà conclues;

' par les crédits confirmés des banques ou établissements financiers habilités à faire des opérations de crédit immobilier, déduction faite des prêts transférables aux acquéreurs des logements déjà vendus.

Toutefois, le taux de 75 p. 100 est réduit à 60 p. 100 lorsque le financement est assuré à concurrence de 30 p. 100 du prix de vente par les fonds propres du vendeur.

Pour l'appréciation du montant du financement ainsi exigé, il est tenu compte du montant du prix des ventes conclues sous la condition suspensive de la justification de ce financement dans les six mois suivant l'achèvement des fondations. » ; enfin l'article R. 261.20 du même Code prévoit : « Pour l'application des dispositions de l'article R. 261-18, b, le contrat doit préciser : / -que l'acheteur reconnaît être averti de la teneur desdites garanties ; / -que le vendeur tient à tout moment à la disposition de l'acheteur justification de ces garanties, en l'étude du notaire ayant reçu l'acte de vente. / Les justifications sont constituées : / -en ce qui concerne le montant du prix des ventes déjà conclues, par une attestation du notaire ; / -en ce qui concerne les crédits confirmés ou les fonds propres, par une attestation délivrée par une banque ou un établissement financier habilité à faire des opérations de crédit immobilier. »

Il en résulte que Me [H] qui a dressé le 31 décembre 2007 l'attestation d'acquisition de la garantie intrinsèque d'achèvement pour l'ensemble immobilier, en suite de la signature en date du même jour de 5 actes de vente conclus sous condition suspensive de réalisation de la dite garantie d'achèvement, est fondé à soutenir que l'existence cumulative des deux conditions, prévues par l'article R. 261-18 b) sus visé du Code de la construction et de l'habitation, doit être appréciée au jour de la réalisation de la condition suspensive et que le mécanisme, certes imparfait de la garantie intrinsèque d'achèvement permettait de considérer celle-ci définitivement acquise.

Il n'est en conséquence pas démontré que le Notaire a commis une faute en ne délivrant pas aux époux [Q] une attestation de garantie intrinsèque, réactualisée à la date du 3 mars 2008 à laquelle ils ont acquis leur lot ; au demeurant, si les époux [Q] observent qu'une partie des fonds constituant la garantie a fait l'objet d'un virement au profit du constructeur, cette circonstance, qui ne peut être qualifiée d'irrégulière, n'est de nature à établir ni que la condition relative à la justification du financement de l'immeuble faisait défaut à la date de leur acquisition, ni qu'il en résulte un lien de causalité entre la prétendue inefficacité de l'acte et leur préjudice résultant de l'inachèvement de l'immeuble et de la liquidation judiciaire du vendeur prononcée le 10 juin 2010.

Il suit de ce qui précède que les époux [Q], qui ne démontrent pas que l'élément constitutif de la garantie intrinsèque, relatif aux fonds propres du vendeur, avait disparu au jour de la vente qu'ils ont conclue le 3 mars 2008, doivent être déboutés de leur demande à fin de nullité de celle-ci et que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de leurs prétentions formées à l'encontre de Me [H].

I I- sur les demandes formées à l'encontre du notaire par la société Grahl Investissements :

En application de l'article L261-11 du Code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable au litige : « Le contrat doit être conclu par acte authentique et préciser : / a) La description de l'immeuble ou de la partie d'immeuble vendu ; / b) Son prix et les modalités de paiement de celui-ci ; / c) Le délai de livraison ; / d) Lorsqu'il revêt la forme prévue à l'article 1601-3 du code civil, reproduit à l'article L. 261-3 du présent code, la garantie de l'achèvement de l'immeuble ou du remboursement des versements effectués en cas de résolution du contrat à défaut d'achèvement ('.) / Il doit également mentionner si le prix est ou non révisable et, dans l'affirmative, les modalités de sa révision. / Il doit, en outre, comporter en annexes, ou par référence à des documents déposés chez un notaire, les indications utiles relatives à la consistance et aux caractéristiques techniques de l'immeuble. / Le règlement de copropriété est remis à chaque acquéreur lors de la signature du contrat ; il doit lui être communiqué préalablement. / Lorsqu'avant la conclusion de la vente, le vendeur a obtenu le bénéfice d'un prêt spécial du Crédit foncier de France ou du Comptoir des entrepreneurs, le contrat doit mentionner que l'acheteur a été mis en état de prendre connaissance, dans des conditions fixées par décret, des documents relatifs à l'équilibre financier de l'opération, au vu desquels a été prise la décision de prêt. L'inobservation des dispositions du présent article entraîne la nullité du contrat. Cette nullité ne peut être invoquée que par l'acquéreur et avant l'achèvement des travaux(...) »

L a société Grahl Investissements fait grief au Notaire en premier lieu de n'avoir pas sollicité un état d'avancement des travaux réactualisé à la date de la vente ; toutefois, elle n'invoque aucun texte imposant la production d'une telle réactualisation ou imposant au Notaire de s'assurer que la date prévue pour la livraison d'une construction est cohérente au regard de l'avancement des travaux ; à cet égard, il sera observé qu'elle ne soutient pas avoir été trompée quant à cet état d'avancement tel que décrit dans l'acte notarié sur la base de l'attestation délivrée les 24 août 2007, au demeurant non contredite par celle du 27 septembre 2007, certifiant l'absence de travaux sur les fondations ; en outre, et comme cela a été rappelé par les premiers juges, il n'est pas contesté qu'elle a été destinataire plusieurs jours avant la date de vente d'un dossier complet, contenant donc les indications non réactualisées sur l'état d'avancement de l'immeuble, sur lequel elle pouvait en conséquence exercer son droit de rétractation.

Enfin, le second grief développé par la société Grahl Investissements, tiré de de la garantie d'achèvement, constatée aux termes d'une attestation en date 31 décembre 2007, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés résultant de ce que cette garantie acquise à la date de la réalisation des conditions suspensives assortissant les premières ventes, ne nécessitait pas une réactualisation, observation devant être faite que l'acquéreur ne démontre également ni qu'à la date du 17 octobre 2008, à laquelle il est devenu acquéreur, la condition relative à la justification du financement de l'immeuble faisait défaut, ni qu'il en résulte un lien de causalité entre la prétendue inefficacité de l'acte et son préjudice résultant de l'inachèvement de l'immeuble et de la liquidation judiciaire du vendeur prononcée le 10 juin 2010.

Il suit de ce qui précède que le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a débouté la société Grahl Investissements de ses prétentions formées à l'encontre de Me [H].

I I- sur les demandes formées par la société Grahl Investissements à l'égard de la liquidation judiciaire de la société Les Jardins Ramel :

La société Grahl Investissements qui a déclaré sa créance pour un montant de 401.245 euros correspondant d'une part du remboursement de la partie du prix de vente payée pour des travaux non réalisés (185.445 euros), d'autre part au préjudice ressenti (200.000 euros), enfin à l'astreinte ainsi qu'aux condamnations prononcées par ordonnance du juge des référés du 12 février 2010 (15.800 euros) réclame la prise en compte de divers préjudices qu'il convient d'examiner au regard de sa déclaration de créance :

1- « quote-part du prix de vente correspondant aux travaux non réalisés » :

L'arrêt précédent de la cour d'appel de Céans qui a fixé à le montant dû de ce chef à la somme de 83.490,80 euros, n'a été cassé qu'en ce qu'il avait limité à la somme de 84.290,80 euros la créance de la société Grahl Investissements ; il convient en conséquence de retenir le montant précédemment alloué de ce chef.

2- « préjudice ressenti du fait du manquement du vendeur » :

Ce préjudice avait été déclaré pour un montant de 200.000 euros, la société Grahl Investissements précisant : « sans que cette liste soit exhaustive : privation et trouble de jouissance, perte de loyers, surcoût des travaux et formalités, frais et dettes imprévus » : la société Grahl Investissements réclame la fixation de cette créance ainsi que suit :

' 2.003,30 euros au titre des frais d'expertise,

' 4.532,91 euros au titre des droits, émoluments et honoraires, recalculés sur la base du prix de vente rectifié,

' 25.219,06 euros au titre de la commission d'agence, recalculée sur la base du prix de vente rectifié,

' 25.000 euros au titre des frais irrépétibles,

Elle soutient que les émoluments, honoraires et commissions d'agence doivent être recalculés sur la base du prix de vente rectifié ; le mandataire judiciaire qui s'en rapporte quant aux frais d'expertise, conteste les autres demandes au motif que ces préjudices n'ont pas été déclarés ; toutefois, la société Grahl Investissements est fondée à soutenir que le poste « surcoût des formalités » doit être regardé comme incluant les suppléments d'honoraires et de commissions réclamés sur la base d'un prix indu, le montant des frais d'expertise et frais irrépétibles relevant par ailleurs du poste « frais et dettes imprévus » ; il convient dès lors d'accueillir ces demandes en fixant à la somme de 6.000 euros le montant de l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

' 18.394,64 euros au titre de la commission Mona Lisa, en vertu du contrat de prestation de service, de conseil et d'assistance,

' 14.214,04 euros au titre de la commission Mona Lisa, pour la recherche des locataires, négociation et rédaction de bail commercial,

' 15.000 euros à titre de trouble de jouissance,

' 64.743 euros au titre des loyers perdus à compter du 1er janvier 2009 jusqu'à l'année 2015 comprise,

- 165.604,82 euros au titre du coût de l'emprunt qu'elle a contracté, assurance comprise,

- 9.249 euros à titre de perte de trésorerie, évaluée à titre forfaitaire à une annuité de loyers  :

La société Grahl Investissements fait valoir en premier lieu que les commissions prohibitives, versées à la société Mona Lisa, se sont révélées inutiles à l'aune de la situation dans laquelle elle se trouve confrontée.

Elle fait valoir en second lieu qu'il ressort des conclusions expertales que les travaux nécessaires à la réalisation du projet immobilier ont été évalués à une somme de 2.375.000 euros en 2010 à laquelle il convient d'ajouter les frais nécessaires à la présentation de nouveaux permis de démolir et de construire outre nouvelles études, dépenses que les copropriétaires n'ont pas les moyens de refinancer alors qu'ils doivent assumer la responsabilité de lots en ruine dont ils sont propriétaires.

Elle fait valoir en troisième lieu que sa créance au titre des loyers perdus a augmenté depuis la date de sa déclaration de créances, s'agissant d'une créance à exécution successive, pour laquelle seule les créances antérieures au jugement d'ouverture sont soumises à déclaration.

Elle soutient enfin qu'elle subit un double préjudice résultant d'une perte de revenus et d'une atteinte à sa trésorerie, aggravée par le coût d'une longue procédure.

Toutefois, et comme le soutient le mandataire à la liquidation de la société Les Jardins Ramel, la société Grahl Investissements n'est pas fondée à réclamer le remboursement de frais dont elle ne justifie pas et / ou qui résultent de sa décision d'avoir renoncé au prononcé de la nullité de la vente et d'être demeurée propriétaire de son lot, observation devant être faite,

- s'agissant du trouble de jouissance, que ce préjudice ne résulte pas des dépenses qu'elle invoque,

- s'agissant des loyers perdus, qu'elle ne produit pas le bail souscrit, seul susceptible de justifier la créance réclamée de ce chef, n'ayant au demeurant pas fait l'objet d'une garantie de paiement,

- s'agissant de l'emprunt souscrit ainsi que des commissions versées à la société Mona Lisa que sa déclaration ne peut être regardée comme visant ces dépenses, qui ne peuvent être considérées comme des coûts liés à la non réalisation des travaux.

Dès lors, et faute de démonstration d'un préjudice recevable plus ample, il lui sera alloué une somme complémentaire de 3.000 euros au titre de la perte de trésorerie, résultant de l'abandon par le promoteur du projet immobilier objet de la vente.

Il suit de ce qui précède que la créance de la société Grahl Investissements doit être fixée à la somme de 124.246,07 euros.

Enfin, les dépens de la présente procédure d'appel seront mis à la charge de la liquidation de la société Les Jardins Ramel, sans qu'il n'y ait lieu à d'autres indemnités sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement

Confirme le jugement déféré, y ajoutant,

Dit que la liquidation de la société LES JARDINS RAMEL supportera la charge d'une somme de 6.000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Fixe à la somme de 124.246,07 euros la créance de la société Grahl Investissements à l'égard de la liquidation de la société LES JARDINS RAMEL.

Rejette toute autre demande.

Fais masse des dépens de la présente procédure d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par la liquidation de la société LES JARDINS RAMEL.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/17285
Date de la décision : 09/02/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B1, arrêt n°15/17285 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-09;15.17285 ?
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