COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AVANT DIRE DROIT
DU 02 FEVRIER 2017
N° 2017/058
Rôle N° 15/14728
[U] [D]
C/
LABORATOIRES SERVIER
CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Philippe CAMPS
Me Jacques-Antoine ROBERT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 17 Juillet 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/14424.
APPELANTE
Madame [U] [D]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/009152 du 14/09/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Philippe CAMPS, avocat au barreau de TOULON
INTIMES
S.A.S. LABORATOIRES SERVIER SAS,
dont le siège social est [Adresse 2]
représentée par Me Jacques-Antoine ROBERT, avocat au barreau de PARIS
CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE
dont le siège social est [Adresse 3]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 23 Novembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne VELLA, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier GOURSAUD, Président
Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller
Madame Anne VELLA, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2017
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Février 2017 après prorogation,
Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE
Mme [U] [D] s'est plainte des effets du médicament 'Médiator'.
Par ordonnance du 19 décembre 2012, le juge des référés a ordonné une expertise en désignant le docteur [H] pour donner un avis sur l'imputabilité de l'état de santé de la plaignante à la prise de ce médicament pendant plusieurs années.
L'expert a déposé son rapport le 20 avril 2013.
Par acte des 10 et 12 novembre 2014, Mme [D] a fait assigner la société les Laboratoires Servier devant le tribunal de grande instance de Marseille pour recevoir l'indemnisation de son préjudice et ce, en présence de la Cpam des Bouches du Rhône
Selon jugement rendu le 17 juillet 2015, le tribunal a :
- débouté Mme [D] de ses demandes d'indemnisation ;
- mis les dépens à la charge de Mme [D] sous réserve des règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.
Il a considéré qu'il n'existe aucun indice certain, militant en faveur d'une causalité entre le traitement reçu par Mme [D] et sa pathologie valvulaire actuelle. Pour asseoir sa décision, le tribunal a relevé que l'expert judiciaire a indiqué que le caractère morphologique des atteintes valvulaires à l'échographie, s'il est compatible avec une atteinte toxique au niveau mitral, est beaucoup moins explicite au niveau du tricuspide. Cet expert a conclu que le caractère incertain d'une étiologie en relation avec la seule prise du médiator, des atteintes valvulaires, semble difficile à retenir dans cette affaire
Par déclaration d'appel du 7 août 2015, dont la régularité et la recevabilité, ne sont pas contestées Mme [D] a relevé appel général de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Selon ses conclusions du 9 octobre 2015, Mme [D] demande à la cour de :
' réformer le jugement ;
' juger qu'elle a reçu du Médiator à compter de 1992, déclenchant une valvulopathie à compter de 2005 ;
' juger que la société Servier n'apporte aucune preuve contraire exonératoire de son obligation de sécurité de résultat ;
' rappeler qu'en toute hypothèse le doute profite à la victime ;
à titre principal
' condamner la société Les laboratoires Servier au paiement d'une somme de 66'000€ au titre des préjudices décrits et quantifiés par l'expert ;
à titre subsidiaire si la cour estimait l'imputabilité à hauteur de 50 %,
' condamner la société Les laboratoires Servier au paiement de la somme de 33'000€ pour les préjudices subis et la perte d'une chance d'amélioration de son état de santé ;
' condamner Les laboratoires Servier au paiement de la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Elle a fait valoir qu'elle doit bénéficier des dispositions de la loi Kouchner qui précisent que, pour les contaminations post-transfusionnelles, la victime doit apporter des éléments qui rendent vraisemblable la contamination post transfusionnelle et dès lors la partie en défense doit apporter la preuve contraire. La loi du 29 juillet 2011 pose le principe que la victime n'a pas à faire la preuve de la défectuosité du médicament, et ainsi le doute profite à la victime.
Par décision du 3 juillet 2014 du tribunal administratif de Paris, la responsabilité de l'État est posée du fait de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, et ce à compter du 7 juillet 1999, qui correspond à la date de la séance de la commission nationale de pharmacovigilance au cours de laquelle a été évoquée la situation de la molécule 'benfluorex' à qui était imputé un cas de valvulopathie cardiaque suffisamment caractérisé pour conduire à la suspension ou au retrait de l'autorisation de mise sur le marché du 'Médiator'.
Le rapport d'expertise établit qu'elle a pris de l'Isoméride et du Médiator pendant 18 ans de 1988 à 2006 et l'expert judiciaire conclut que la valvulopathie constatée en 1995 ne préexistait pas avant la prise du Médiator.
Le certificat du 1er septembre 2012 du docteur [Q] corrobore la prise d'anorexigènes à l'occasion d'un anneau gastrique pour sur-poids, dont notamment le 'benfluorex et la fenfluramine'. Cette attestation déterminante permet de retenir le lien de causalité entre la prise médicamenteuse et l'atteinte valvulaire.
Dans un certificat du 9 avril 2014, le professeur [B], chef de service de cardiologie de l'hôpital [Établissement 1], présent lors des opérations d'expertise du docteur [H], estime que la pathologie valvulaire est d'origine médicamenteuse et que l'hypothèse d'une cardiopathie ischémique ne lui apparaît pas crédible. Il a confirmé cette position lors d'une consultation du 2 décembre 2014. L'expertise judiciaire n'écarte pas formellement la relation de cause à effet entre la prise du Médiator et les valvulopathies dont elle souffre. En conséquence elle sollicite une indemnisation qu'elle chiffre de la façon suivante :
- déficit fonctionnel temporaire du 4 décembre 2005 au 26 juin 2006 : 4000€
- déficit fonctionnel permanent 30 % : 60'000€
- préjudice esthétique 1,5/7.
À titre subsidiaire elle demande la condamnation des Laboratoires Servier à lui payer la somme de 33'000€, s'il était retenu une part d'imputabilité à 50 % et une perte de chance d'améliorer son état de santé.
Par conclusions du 23 novembre 2016, la société les Laboratoires Servier demande à la cour :
à titre principal de :
' juger que la preuve de sa responsabilité n'est pas rapportée ;
' confirmer le jugement qui a rejeté les demandes de Mme [D] ;
à titre subsidiaire
' ordonner une nouvelle expertise judiciaire ;
' désigner un nouveau cardiologue choisi hors du département des Bouches-du-Rhône et des départements limitrophes, en se faisant remettre l'ensemble des dossiers, documents médicaux, notamment les dossiers des docteurs [B], [P], [Q], [C], [X], [A] et [O], et ceux du service de cardiologie de l'hôpital [Établissement 1], du service de chirurgie cardiaque de [Établissement 1], service de pneumologie de l'hôpital [Établissement 2] et selon mission définie au dispositif de ses conclusions ;
' rejeter la demande formée par Mme [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
' la condamner aux entiers dépens.
Elle rappelle qu'elle commercialise le médicament Médiator (benfluorex) depuis 1976 après une première autorisation de mise sur le marché en 1974, renouvelée jusqu'à son retrait du marché en novembre 2009. En effet, à cette date les résultats de deux études qu'elle a elle-même menées et financées, ont mis en lumière l'existence d'un risque accru de développer une valvulopathie après trois mois de consommation de ce médicament.
L'expert [H] a relevé dans son rapport que dans le cas de Mme [D], aucune prescription sur ordonnance n'a été présentée et que la durée d'exposition au risque médicamenteux reste vague. Il a indiqué en conclusion que le caractère certain d'une étiologie des atteintes valvulaires, en relation avec le seul Médiator lui semblait difficile à retenir dans cette affaire.
Elle conclut à la recevabilité de l'action en responsabilité de Mme [D] sur le fondement du droit commun interprété à la lumière de la directive européenne 85/374/CEE du 25 juillet 1985, transposée dans la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, soit donc sur l'existence d'une faute des laboratoires Servier au sens des articles 1240 et 1241 du code civil. Elle souligne que l'obligation de sécurité de résultat mentionnée par l'appelante dans ses conclusions n'est plus applicable depuis le 30 juillet 1988, date limite fixée pour la transposition de la directive sur les produits défectueux.
Conformément à la jurisprudence rappelée récemment par la Cour de Cassation dans un arrêt du 29 mai 2013, il appartient à Mme [D] de démontrer la réalité d'un dommage indemnisable, l'imputabilité de ce dommage à la prise du médicament, l'existence d'un fait générateur de responsabilité en l'occurrence une faute ou un défaut du produit, et un lien de causalité directe et certain avec les manquements ou le défaut allégué et le dommage. La seule implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir son défaut au sens de l'article 1386-4 du code civil.
Conformément à l'article L. 1142-24-5 du code de la santé publique, aucune présomption n'a été créée par la loi et il revient à un collège d'experts de l'Oniam de rendre un avis, sur la base de pièces, sur l'existence ou l'absence de lien de causalité entre la prise de benfluorex et la pathologie présentée par le demandeur.
L'expert judiciaire a conclu que rien ne permet d'affirmer de façon explicite une atteinte de la valve mitrale due au seul Médiator, du fait de la prise de deux molécules, Médiator et Isoméride pouvant expliquer l'aspect de l'atteinte mitrale. Une participation d'une atteinte dégénérative ou ischémique est par ailleurs possible. Il a indiqué qu'un lien de causalité entre la prise du seul Médiator et l'état de santé de la requérante est difficile à retenir. De plus la preuve de délivrance du médicament Médiator ne repose que sur un certificat du docteur [Q] qui, sans préciser être le médecin prescripteur atteste d'une prise de 1988 à 2001.
Elle fait valoir que dans le cadre de l'instance devant la cour, Mme [D] produit plusieurs certificats médicaux qui n'ont pu être discutés de manière contradictoire, ni soumis à l'expert judiciaire et selon lesquelles l'insuffisance tricuspidienne serait en lien avec la prise de Médiator. Toutefois elle rappelle qu'il appartient à Mme [D] d'apporter au préalable la preuve d'une imputabilité certaine de la pathologie présentée au produit en cause. Mme [D] étant défaillante, le jugement doit être confirmé.
Elle conteste l'affirmation de l'appelante qui consiste à dire que la loi du 29 juillet 2011 pose le principe que la victime n'a pas à faire la preuve de la défectuosité du médicament. L'article 22 de cette loi n'a pas eu pour effet d'instituer un régime spécial de responsabilité fondée sur la reconnaissance du caractère défectueux du produit. Il appartient toujours au requérant de démontrer l'existence d'un défaut du médicament Médiator.
À ce propos elle rappelle que la Cour de Cassation dans un arrêt du 19 mars 2009 a jugé qu'un médicament ayant causé un effet indésirable ne peut pas pour autant être considéré comme défectueux, alors même qu'aucune information relative à l'effet indésirable en cause n'était fournie, et ce en raison notamment de l'état des connaissances scientifiques lors de la mise sur le marché comme de la prescription. Les autorités de santé estiment donc que les connaissances scientifiques ne permettaient pas avant la fin de l'année 2009 de considérer que le rapport bénéfice/risque du produit était défavorable et que la prise du médicament médiator emportait un risque cardiaque pour les patients. Le médicament médiator ne peut donc être considéré comme un produit défectueux dans la mesure où, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques de l'époque, le produit répondait à la sécurité à laquelle le public pouvait légitimement s'attendre.
Mme [D] ne prouve pas l'existence d'une faute, et partant de là tout lien de causalité entre sa pathologie et une faute prouvée est donc inexistante.
L'expert judiciaire a évalué le préjudice de Mme [D] au regard de la cardiopathie ischémique qu'elle présente. Les laboratoires Servier soulignent que l'Affssaps a rappelé en juillet 2011 de manière limitative les risques pouvant être induits par la prise de Médiator en indiquant qu'elle pouvait entraîner une valvulopathie, c'est-à-dire un mauvais fonctionnement des valves cardiaques se manifestant par une fuite valvulaire, le tout en indiquant que ces complications sont peu fréquentes et leur importance varie selon les personnes et la durée du traitement, mais elle pointait un autre risque cardio-vasculaire concernant une pathologie rare appelée hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Il n'y a donc aucun préjudice en lien de causalité avec la prise de Médiator.
À titre subsidiaire les laboratoires Servier demande à la cour d'instaurer une nouvelle expertise judiciaire dans l'hypothèse où elle ne rejetterait pas les demandes de Mme [D] et selon une mission détaillée au dispositif de ses conclusions.
La Cpam des Bouches du Rhône, assignée par Mme [D] par acte d'huissier du 2 décembre 2015, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat
Par courrier du 14 octobre 2016, elle a indiqué que l'expertise ayant retenu l'absence d'imputabilité du Médiator aux préjudices allégués, aucun relevé des prestations imputables n'a été présenté.
L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le fondement
Dans ses conclusions Mme [D] fonde sa demande sur la loi du 29 juillet 2011 qui crée un mécanisme d'indemnisation amiable des personnes traitées par benfluorex, qui selon elle, pose le principe que la victime n'a pas à faire la preuve de la défectuosité du médicament et que le doute doit profiter à la victime.
Cette loi instaure la possibilité pour une victime qui fait état d'un déficit fonctionnel permanent de déposer un dossier devant l'Oniam qui l'analyse dans le cadre d'un examen soumis à un collège d'experts. Dans le délai de six mois du dépôt du dossier, un avis est émis sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages ainsi que sur la responsabilité encourue. A l'issue de cet avis rendu, qui ne peut être contesté que par voie judiciaire, le ou les responsables disposent d'un délai de trois mois pour faire une offre d'indemnisation de la victime. A défaut, et dans le silence du responsable, l'Oniam dispose à son tour d'un délai de trois mois pour formuler une offre qu'il réglera au nom du responsable désigné dans l'avis.
S'il est possible que le président d'un collège d'experts, désigné pour examiner les dossiers soumis à l'Oniam, a pu demander au groupe de travail de reconnaître le préjudice sur la base d'une faute présomptive d'imputabilité, comme cela est le cas en matière de contamination post-transfusionnelle, et non d'un lien direct et certain entre les valvulopathies et la prise de benfluorex, en revanche la création d'un fonds d'indemnisation a pour objet d'instaurer un dispositif de facilitation de l'indemnisation des victimes du benfluorex et non pas d'instituer un régime spécial de responsabilité fondée sur la reconnaissance du caractère défectueux du produit, et le principe sur lequel Mme [D] s'appuie ne peut valoir devant le juge judiciaire en l'absence d'une disposition légale spécifique dont elle ne rapporte pas la preuve de l'existence.
C'est donc sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil qui régissent la responsabilité du fait des produits défectueux et que la société les Laboratoires Servier invoque, qu'il convient d'analyser le présent litige.
Mme [D] doit donc prouver le caractère défectueux du Mediator au moment où elle a été traitée par ce médicament, l'imputabilité au défaut présenté par le Mediator du dommage allégué, ainsi que la nature et l'étendue des préjudices ainsi causés.
La société les Laboratoires Servier peut s'exonérer de sa responsabilité, si elle est engagée, en établissant qu'au moment du traitement les données scientifiques disponibles ne permettaient pas de suspecter le défaut du produit.
Sur le caractère défectueux du produit
Le Mediator a été commercialisé par la société les Laboratoires Servier à partir de 1976, après avoir reçu une autorisation de mise sur le marché en 1974. Il a pour indication initiale le traitement des hypertriglycéridémies et le diabète de type 2, mais il s'avère qu'il a été prescrit également pour ses qualités anorexigènes dans le cadre d'un amaigrissement.
En novembre 2009, ce médicament a fait l'objet d'une décision de suspension de son autorisation de mise sur le marché, puis il a été retiré du marché en juin 2010, en raison de sa toxicité cardio-vasculaire, caractérisée par un risque d'hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathies.
Le principe actif du Mediator est le benfluorex, qui a pour métabolite la norfenfluramine.
A la lecture des différentes publications médicales il est établi aujourd'hui que la stimulation des récepteurs de la sérotonine par la norfenfluramine, métabolite commun des fenfluramines et du benfluorex, induit la prolifération des fibroplasties et augmente la synthèse de collagène et de glycosaminoglycanes. Il en résulte des aspects fibrose avec épaississement et rigidité valvulaire, et un remaniement de l'appareil sous-valvulaire, responsables de régurgitations de type restrictif.
Sur le plan anatomopathologique, les experts décrivent 'des valves épaissies rétractées, d'aspect blanchâtre et des raccourcissements et fusions de cordage. Histologiquement on note une fibrose dense plutôt localisée à la surface des valves, dont l'architecture d'ensemble n'est pas altérée. Par comparaison, les atteintes valvulaires rhumatismales entraînent des anomalies histologiques plus diffuses du tissu valvulaire et un infiltrat inflammatoire qui n'est habituellement pas rencontré dans des atteintes médicamenteuses'.
Les atteintes bivalvulaires sous benfluorex ont été décrites et le lien entre la prise du Mediator et l'apparition de valvulopathies est désormais acquis, ce qui a conduit à un retrait de son autorisation de mise sur le marché en novembre 2009.
Si la société les Laboratoires Servier conteste l'implication du Mediator dans la pathologie dont Mme [D] souffre, en revanche, elle ne remet pas en cause ces données scientifiques et en l'état ce médicament est un produit défectueux dans la mesure où il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et que les risques afférents à son utilisation qui n'ont été portés ni à la connaissance des médecins ni des patients, dépassent son intérêt thérapeutique.
Sur les causes d'exonération de la société les Laboratoires Servier
L'article 1386-11 du code civil prévoit que le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment où il a mis le produit en circulation n'a pas permis de déceler ce défaut.
La société les Laboratoires Servier soutient que les autorités de santé estiment que les connaissances scientifiques ne permettaient pas avant la fin de l'année 2009 de considérer que le rapport bénéfice/risque du produit était défavorable et que la prise du médicament Mediator emportait un risque cardiaque pour les patients.
Il convient donc d'examiner si les données scientifiques entre 1988 et 2005, date d'exposition de Mme [D] permettaient à la société les Laboratoires Servier de déceler ce défaut.
La société Les laboratoires Servier fait valoir que la première publication scientifique portant sur les effets du benfluorex date de 2003 et émane d'un auteur espagnol à propos d'un cas isolé chez un sujet ayant absorbé cette molécule pendant un an et ayant développé des fuites valvulaires, aortiques, mitrales et tricuspides. La seconde étude publiée en 2006 ne concerne là encore qu'un seul patient, et ce n'est qu'en 2009, que le docteur [Z] évoque le rôle de cette molécule dans le processus de valvulpotahie. Depuis lors seuls trois cas de valvulopathie ont été rapportés, et ce n'est que le 20 juillet 2010 que le Mediator a été retiré du marché. Elle en conclut qu'aucun signal de toxicité cardiaque de ce médicament n'a été révélé avant 2009, et que la notice d'information qu'elle délivre avec le médicament ne pouvait contenir aucune information sur le risque de valvulpotahie avant le 30 novembre 2009.
Ces quelques éléments ne suffisent cependant pas à écarter sa responsabilité de plein droit, engagée au titre de la production d'un produit défectueux.
La société Les laboratoires Servier ne fournit qu'une information tronquée qui ne rappelle pas que le principe actif du Mediator est le benfluorex, qui a pour métabolite la norfenfluramine, qui dérive de l'amphétamine et qui présente des effets anorexigènes puissants. Elle fait par-là même l'économie de l'histoire de la mise sur le marché et du retrait de ce même marché de tels anorexigènes, se contenant d'évoquer quelques bien plus récentes publications sur le sujet.
En effet on peut lire dans le jugement rendu le 3 juillet 2014 par le tribunal administratif de Paris, communiqué aux débats par Mme [D], qui a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables éventuelles pour une patiente de l'absorption du médiator, que les fenfluramines, classe de substances dérivées de l'amphétamine et à laquelle s'apparente le benfluorex, ont été progressivement suspectées dans l'apparition de cas d'hypertension artérielle pulmonaire et de valvulpotahies cardiaques au cours de l'année 1980 et au début des années 1990. En 1995 une étude pharmaco-épidémiologique internationale a conclu à l'existence d'un risque d'hypertension artérielle pulmonaire lié à l'usage des anorexigènes en général et des fenfluramines en particulier. En suivant, des restrictions importantes à la prescription des fenfluramines ont été prises en 1994 et 1995 par l'Agence du médicament avant d'en suspendre les autorisations de mise sur le marché en 1997. A cette époque, le benfluorex qui a été présenté par la société Les laboratoires Servier pour avoir des caractéristiques différentes, n'a pas été visé par ces mesures. Toutefois le signalement en février 1999 d'un cas d'hypertension artérielle pulmonaire et en juin 1999 celui d'un cas de valvulopathie cardiaque imputables au benfluorex ont été portés à la connaissance des autorités de santé.
Or et en l'espèce, la société Les laboratoires Servier ne s'explique nullement sur l'antériorité des suspicions portées à l'encontre des conséquences, fussent-elles limités à un faible nombre de patients, du benfluorex, principe actif du médiator, et alors que cette antériorité est contemporaine de la prise de ce médicament par Mme [D].
Dès lors, la société Les laboratoires Servier qui ne prouve pas que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment où elle a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler ce défaut, ne peut être exonérée de sa responsabilité qui est engagée.
Sur l'imputabilité
Pour les besoins de la discussion médicale, l'expert a repris dans le corps de son rapport plusieurs études sur les valvulopathies au benfluorex, dont :
- celle du professeur [I] [T] (département de cardiologie - Insert ERI, Chu [Établissement 3]) à qui se sont joints plusieurs groupements hospitalo-universitaires qui ont analysé l'ensemble des données disponibles,
- un avis du docteur [G] [I],
- un avis d'expert du docteur [M] [Y].
Il en ressort que pour établir l'imputabilité médicamenteuse dans la présence de valvulopathie il faut :
- la présence de valvulopathie plus régurgitante que sténosante, la présence d'une régurgitation au moins modérée, supérieure à 2/4 (en raison de la fréquence de petite régurgitation dans la population générale),
- une exposition d'au moins trois mois au produit ,
- des données échographiques :
' l'aspect des feuillets mitraux ou aortiques est épaissi avec restriction de la cinétique valvulaire à l'origine de la régurgitation,
' l'atteinte aortique est plus fréquente que l'atteinte mitrale ; elle est le plus souvent modérée,
' l'aspect est très similaire aux lésions décrites dans les tumeurs carcinoïdes,
- les critères exigés par Droogmans une fois le diagnostic différentiel fait et qui sont :
' épaississement des feuillets valvulaires + épaississement et raccourcissement des cordages,
' diminution de la mobilité des valves pendant la systole,
' régurgitation de grade supérieur à 2/4 (en connaissant la fréquence des fuites tricuspides physiologiques et des fuites mitrales fonctionnelles).
Il résulte de l'expertise du docteur [H] que :
Mme [D], née le [Date naissance 1] 1965 a été traitée par Mediator entre 1988 et 2005. Bien que les prescriptions de ce médicament pendant une période de 17 ans n'aient pas été produites lors des opérations d'expertise, l'expert a retenu sa prise effective en soulignant qu'elle était attestée par le certificat médical du docteur [Q] du 1er septembre 2012 et par celui du docteur [R], et qu'elle était mentionnée lors de l'entrée de la patiente le 4 décembre 2005 à l'hôpital du Chu [Établissement 1].
Mme [D] a été hospitalisée du 4 décembre 2005 au 12 décembre 2005, et les examens pratiqués ont conclu à une 'sténose du tronc commun distal nécessitant un traitement chirurgical', puis elle a été transférée en chirurgie cardiaque à l'Hôpital [Établissement 1], où elle a bénéficié d'une revascularisation myocardique par double pontage aorto-coronarien.
Du 21 avril 2009 au 23 avril 2009, au Chu [Établissement 1] elle a subi une 'coronarographie diagnostique', et a été traitée par angiocoronarographie.
Le 25 octobre 2010, Mme [D] a été hospitalisée pour une coronarographie de contrôle à la suite d'une épreuve d'effort positive. Elle a subi une angiographie coronaire qui a conclu à une 'sténose significative du tronc commun qui vascularise une marginale de petit calibre elle aussi sub-occluse. Occlusion de l'artère intra- ventriculaire antérieure proximale. Perméabilité du pontage saphène - Bissectrice - Perméabilité du pontage mammaire gauche pédiculée - IVAII - Pas de resténose CD - Indication à un traitement médicamenteux de première intention'.
Le 10 février 2011 un examen echocardiographique note une insuffisance mitrale modérée, une insuffisance tricuspide sévère avec dilatation des cavités droites et HTAP (hypertension artérielle pulmonaire) à 45mm hg.
Lors d'une consultation non datée, le professeur [B], faisant référence à cet examen du 10 février 2011, a souligné la prise d'un traitement d'Isoméride et de Mediator pendant plusieurs années et il a adressé Mme [D] au professeur [L] [V] pour que la patiente bénéficie d'un suivi pneumologique de référence dans le domaine de l'HTAP.
Du 26 juillet 2011 au 30 juillet 2011, Mme [D] a été hospitalisée dans le service du professeur [L] [V], pour un bilan de suspicion d'HTAP et les examens ont conclu à une pression artérielle pulmonaire dans les limites de la normale.
Le 24 août 2011 le professeur [B] a établi le certificat médical suivant : Mme [D] 'présente une cardiopathie qui peut être reliée à la prise d'anxiogènes'.
Le 13 novembre 2012, le professeur [B] et le docteur [S], radiologue échographie, ont procédé à une echocardiographie-doppler et ils ont conclu à :
'- une insuffisance mitrale minime à modérée par rétractation du feuillet antérieur probablement d'origine médicamenteuse (prise de benfluorex + fenfluramine) Aorte normale.
- VG non dilaté, de cinétique normale. FEVG 60%. Pressions de remplissage normales
- PAP normales
- IT sévère centrale dont le mécanisme restrictif est essentiellement fonctionnel par dilatation modérée et surtout dysfonction systolique. Cette dernière est peut-être d'origine ischémique (diminution de l'apport en sang dans un organe). Néanmoins on ne peut éliminer une restriction de mouvement liée à la prise d'anorexigènes qui peut donner le même aspect. Cependant les feuillets sont peu épaissis et peu rigides - POD peu élevées - surveillance annuelle.'
Le 4 février 2013, une échocardiographie transthoracique réalisée par le docteur [S] indique une 'insuffisance tricuspide sévère (SOR = 40nm2) par rétraction des feuillets sans épaississement important dont l'aspect est évocateur d'une atteinte secondaire à la prise d'anorexigènes. OD dilaté, VD peu dilaté et de cinétique normale. IM (insuffisance mitrale) modérée elle aussi restrictive par rétraction des 2 feuillets probablement en rapport avec la prise d'anorexigènes. OG modérément dilatée. VG non dilaté, FEVG 65%. Absence d'atteinte aortique et pulmonaire.'
L'expert judiciaire a pratiqué le 12 février 2013 une échocardiographie montrant 'une valve mitrale avec des feuillets discrètement épaissis et une insuffisance mitrale mineure sans retentissement sur la fonction ventriculaire gauche qui est normale, une OG très discrètement dilatée à 43MM, une fuite tricuspide 3/4 avec une V max de fuite à 2,8m/s, une valve tricuspide discrètement épaissie et une dilatation des cavités droites modérée, l'absence d'atteinte aortique, des PAP normes à 30 mm hg. (Pression artérielle pulmonaire).
Il indique que la valvulopathie mitrale ne préexistait pas, chez Mme [D], avant la prise de Mediator, à la vue des informations dont il dispose. Il a reçu deux documents des docteurs [R] et [Q] faisant état d'une insuffisance mitrale grade 1 à 2/4 décelée en 1995, alors que ces deux médecins confirment la prise de Mediator depuis 1992. L'ensemble des documents a également mis en évidence la prise d'Isoméride pendant plusieurs années.
Il précise que la prise de cette seconde molécule peut interférer dans l'appréciation de l'atteinte valvulaire et qu'il lui est très difficile de faire la part des choses sur le risque médicamenteux entre les deux molécules administrées à Mme [D]. En revanche, il estime très clairement que Mme [D] ne présente pas d'hypertension artérielle objectivable et recevable.
Il écrit sur l'état de la patiente qu'elle présente :
- un surpoids,
- une hyperlipidémie
- une cardiopathie ischémique ayant fait l'objet d'un pontage aorto-coronaire puis d'une angioplastie coronaire avec pose de stent actif, sans atteinte de la fonction ventriculaire gauche systolique,
- une valvulopathie tricuspide et mitrale avec une insuffisance mitrale peu importante sans retentissement actuel sur la fonction VG, une insuffisance tricuspide importante sans HTAP mais avec dilatation modérée du ventricule droit
Il poursuit en soulignant :
'nous avons donc une survenue des valvulopathies mitrale et tricuspide en 1995 dans le cadre de la prise de Médiator et dans les suites proches de la prise d'isoméride. Nous avons la prise potentielle de deux produits pouvant avoir un effet valvulaire nous avons une cardiopathie ischémique pouvant avoir un rôle potentiel dans le développement d'une défaillance ventriculaire droite avec majoration d'une insuffisance tricuspide et d'une atteinte mitrale par dysfonction des piliers. L'imputabilité de l'atteinte mitrale et tricuspide en relation avec le seul médiator nous semble de ce fait très difficile à retenir, même si le rôle médicamenteux dans la survenue des atteintes valvulaires, essentiellement l'atteinte mitrale, est probable à la vue de l'aspect échographique.'
Au vu des divers examens échographiques qu'il qualifie de 'relativement discordants' la patiente 'présente une insuffisance tricuspide d'importance moyenne avec dilatation des cavités droites sans HTAP, une insuffisance mitrale peu importante dont l'aspect morphologique à type de baguette de tambour et évocateur d'une atteinte médicamenteuse, elle n'a pas de retentissement systolique sur le VG dont la fonction est normale. Le caractère morphologique de la valve mitrale est évocateur d'une atteinte médicamenteuse alors que l'aspect de la valve tricuspide reste spécifique. Rien ne permet d'affirmer de façon explicite une atteinte de la valve mitrale due au seul Médiator du fait de la prise de deux molécules Médiator et Isoméride pouvant expliquer l'aspect de l'atteinte mitrale. Une participation d'une atteinte dégénérative ou ischémique est par ailleurs possible. L'imputabilité du Médiator seul nous semble dès lors difficile à établir.'
En conclusion l'expert écrit que :
' - l'étiologie de la double valvulopathie est difficile à établir de façon certaine à la vue de notre information, en effet deux médicaments pris l'ISOMERIDE et le MÉDIATOR peuvent avoir eu un rôle,
- mais il faut reconnaître que l'apparition des valvulopathies en 1995 est concomitante des prises médicamenteuses,
- l'existence d'une cardiopathie ischémique certaine pouvant avoir un rôle dans la majoration de l'IM (insuffisance mitrale) et dans la survenue d'une atteinte ventriculaire droite avec insuffisance tricuspide est notable,
- le caractère morphologique des atteintes valvulaires à l'échographie, s'il est compatible pour une atteinte toxique au niveau mitral est beaucoup moins explicite au niveau tricuspide.
Tout cela rend l'étiologie des atteintes valvulaires difficile à établir de façon certaine entre une étiologie ischémique, dégénérative ou médicamenteuse même si l'atteinte mitrale de part sa morphologie est suspecte d'atteinte médicamenteuse. Le caractère certain d'une étiologie EN RELATION AVEC LE SEUL MÉDIATOR des atteintes valvulaires nous semble difficile à retenir dans cette affaire.
A la vue de nos informations un lien de causalité direct entre la prise du seul MÉDIATOR et l'état de santé de' Mme [D] 'est difficile à retenir, une participation indirecte est toujours possible à la vue de nos observations précédentes.
La lecture de ces conclusions met en exergue la prise de Mediator pendant une période longue, l'apparition d'une valvulopathie en 1995, soit à une période contemporaine de la prise de benfluorex, des atteintes valvulaires à l'échographie compatibles avec une atteinte médicamenteuse au niveau mitral. En revanche l'expert souligne d'une part que ces atteintes valvulaires ne mettent pas en évidence de façon explicite une atteinte toxique au niveau tricuspide, et d'autre part qu'il lui est très difficile d'imputer ces atteintes valvulaires au seul Mediator, alors que Mme [D] a dans le même temps, pris de l'Isoméride. Il conclut à la difficulté de retenir l'imputabilité unique du Mediator à la pathologie valvulaire et n'exclut pas in fine une participation indirecte du benfluorex.
Mme [D] produit plusieurs certificats médicaux, dont celui du 24 août 2011 du professeur [B] qui indique 'confirmer que Mme [D] présente une cardiopathie qui peut être reliée à la prise d'anorexigènes', puis celui du 9 avril 2014 du même praticien qui sur les éléments d'anamnèse et sur les critères échographiques, relie sa pathologie valvulaire à une pathologie médicamenteuse et écarte une cardiopathie ischémique tricuspidienne qui ne lui semble pas crédible. Enfin le 7 avril 2015 le professeur [B] et le docteur [S] qui disent avoir pris connaissance du rapport d'expertise judiciaire écrivent :
' qu'il était difficile de détecter cette valvulopathie en 2009 en raison des performances moins évoluées des appareils d'echocardiographie, et de la complexité à détecter une valvulopathie médicamenteuse,
' qu'il existe une atteinte du ventricule droit sans atteinte du ventricule gauche et il est indiqué que cette insuffisance tricuspide pourrait être liée à une pathologie ischémique,
' or les insuffisances tricuspides liées à une dysfonction ventriculaire droite d'origine ischémique sont rares et elles ne sont en aucun cas associées à un raccourcissement des cordages comme il a été observé. On note une limitation de la valve tricuspide à la fois en systole et en diastole, ce qui n'est pas retrouvé en cas de cardiopathie ischémique.
' selon les critères de Droogmans les caractéristiques de cette fuite tricuspide sont fortement compatibles avec une atteinte médicamenteuse.
En conséquence, en l'état de ces éléments discordants émanant de praticiens rompus aux cardiopathies et notamment aux valvulopathies, la cour estime nécessaire de procéder à une nouvelle expertise, dans les conditions définies au dispositif.
Sur les demandes annexes
Les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont réservés.
Par ces motifs
La cour
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Dit que la responsabilité du fait des produits défectueux et la société les Laboratoires Servier s'analyse sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil ;
- Déboute Mme [D] de sa demande tendant à voir juger qu'elle n'a pas à faire la preuve de la défectuosité du Médiator ;
- Dit que le Médiator est un produit défectueux qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et que les risques afférents à son utilisation qui n'ont été portés ni à la connaissance des médecins ni des patients, dépassent son intérêt thérapeutique ;
- Dit que la société Les laboratoires Servier a engagé sa responsabilité de plein droit en sa qualité de producteur du Médiator, produit défectueux ;
- Dit que la société Les laboratoires Servier qui ne prouve pas que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment où elle a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler ce défaut, ne peut être exonérée de sa responsabilité ;
- Ordonne une expertise médicale,
Désigne pour y procéder :
Dr [F] [X]
Cardiologue, Expert près la Cour d'appel de Paris
[Adresse 4]
XXXXXXXXXX
lequel aura pour mission de :
- Convoquer et entendre les parties, recueillir leurs observations et se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;
- Se faire remettre l'ensemble des dossiers, documents médicaux, notamment les dossiers des docteurs [B], [P], [Q], [C], [X], [A] et [O], et ceux du service de cardiologie de l'hôpital [Établissement 1], du service de chirurgie cardiaque de [Établissement 1], service de pneumologie de l'hôpital [Établissement 2] ;
- Examiner Mme [U] [D] ;
- Décrire son état antérieurement au traitement incriminé, ses antécédents et les facteurs de risques éventuels qu'elle présentait ;
- Préciser au vu des éléments recueillis, les dates, durée et posologie du traitement incriminé ainsi que de tous traitements dont elle a pu bénéficier antérieurement concomitamment au traitement litigieux, en indiquant pour chacun de ces traitements le nom du prescripteur ;
- Dire si le traitement litigieux était adapté à l'état de santé de Mme [D], notamment au regard de l'autorisation de mise sur le marché du produit ;
- Déterminer la pathologie dont est atteinte Mme [D] au jour de l'examen, en décrire l'étiologie et préciser, en l'état de la science s'il est possible de circonscrire les facteurs pouvant être à l'origine de cette maladie, et en dresser si possible la liste exhaustive ;
- Donner son avis sur le lien de causalité directe ou indirecte entre la prise de Médiator et l'état actuel de Mme [D] ;
En ne s'attachant qu'à la seul part imputable à la prise de Médiator, et en tenant compte de l'état antérieur de Mme [D] :
- Décrire les lésions qu'elle impute à la prise de Médiator ; préciser si ces lésions et les soins subséquents sont bien en relation directe et certaine avec la prise de Médiator ; indiquer toute intervention médicale ou chirurgicale rendue nécessaire par l'état actuel de Mme [D], consécutive à la prise du médicament Médiator ;
- Estimer la durée du déficit fonctionnel temporaire total et/ou partiel en indiquant la date de consolidation des blessures,
- Déterminer la ou les périodes pendant lesquelles cette victime a été dans l'incapacité d'une part d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, d'autre part de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; en cas d'incapacité partielle en préciser le taux,
- Apprécier le degré des souffrances physiques et/ou psychiques endurées,
- Evaluer le taux de déficit fonctionnel permanent qui peut subsister, avec le cas échéant sa répercussion sur la vie professionnelle,
- Indiquer si l'état de la victime nécessite l'assistance d'une tierce personne, à titre temporaire ou permanent ; déterminer l'étendue de ce besoin en aide humaine en précisant la nature des actes concernés par la perte d'autonomie et la durée quotidienne ou hebdomadaire indispensable,
- Donner son avis sur le préjudice esthétique,
- Donner son avis sur le préjudice sexuel,
- Donner son avis sur le préjudice d'agrément spécifique,
- Répondre explicitement et précisément, dans le cadre de ces chefs de mission, aux dires des parties, après leur avoir fait part de ses premières conclusions et leur avoir imparti un délai pour présenter ces dires, délai qui ne pourra être inférieur à un mois ;
- Dit que l'expert pourra, s'il le juge nécessaire recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne ;
- Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe de la Cour d'appel d'Aix en Provence (10° chambre) dans les quatre mois de l'avertissement qui lui sera donné par ce greffe du versement de la consignation, sauf prorogation du délai dûment sollicitée auprès du juge du contrôle en temps utile ;
- Dit que conformément à l'article 173 du code de procédure civile, en le mentionnant dans l'original, l'expert devra remettre aux parties et aux avocats copie de son rapport ;
- Dit que Mme [D] qui est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale est exonérée du paiement de la consignation ;
- Désigne l'un des membres de la 10e chambre de la Cour pour contrôler l'expertise ordonnée
- Renvoie la cause à la mise en état
- Réserve les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT