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02/02/2017 | FRANCE | N°13/03877

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 02 février 2017, 13/03877


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 02 FEVRIER 2017



N°2017/047













Rôle N° 13/03877







[N] [P]

[X] [P]

[Y] [L]





C/



[B] [E]

[G] [U]

[C] [O]





































Grosse délivrée

le :

à :Me François TOUCAS



Me Laurence LEVA

IQUE



Me Sylvie MAYNARD



Me Romain CHERFILS





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 25 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 09/05939.



APPELANTS



Madame [N] [P]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/009915 du 02/10/2012 accordée par le bure...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 02 FEVRIER 2017

N°2017/047

Rôle N° 13/03877

[N] [P]

[X] [P]

[Y] [L]

C/

[B] [E]

[G] [U]

[C] [O]

Grosse délivrée

le :

à :Me François TOUCAS

Me Laurence LEVAIQUE

Me Sylvie MAYNARD

Me Romain CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 25 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 09/05939.

APPELANTS

Madame [N] [P]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/009915 du 02/10/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 1]

Madame [X] [P]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/009906 du 01/10/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 2] 1989 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 1]

Monsieur [Y] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/009917 du 02/10/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 1]

représentés par Me François TOUCAS, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Philippe COMANI, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

Monsieur [B] [E]

né le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [G] [U],

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Sylvie MAYNARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Philippe CARLINI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Julien GENOVA, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [C] [O],

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Yves SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Décembre 2016 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier GOURSAUD, Président, et Madame Anne VELLA, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Février 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Février 2017.

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le [Date naissance 5] 2003 est né [M] [L], fils de [N] [P] et de [Y] [L].

[M] [L] était porteur d'une trisomie 21 qui n'a pas été décelée lors de la grossesse.

Le 9 décembre 2003, Mme [N] [P] a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Provence Alpes Côte d'Azur, cette commission n'étant saisie que du cas du docteur [E] qui avait réalisé des échographies, et de son remplaçant, le docteur [Q].

Le 25 octobre 2004, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux a désigné un collège expert en la personne du docteur [Y], gynécologue obstétricien, lequel a déposé un rapport le 12 janvier 2005.

En conclusion de son rapport, le docteur [Y] a conclu à l'absence de faute de ces deux praticiens.

Par décision du 15 mars 2005, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Provence Alpes Côte d'Azur a rejeté la demande des parents de [M] [L] pour défaut de lien de causalité entre les soins dispensés à Mme [P] et la non détection de la trisomie de [M].

Mme [N] [P] et M. [Y] [L] ont alors sollicité en référé l'organisation d'une mesure d'expertise médicale au contradictoire du docteur [E] mais également du docteur [U], médecin généraliste ayant suivi la grossesse de Mme [N] [P], et de son remplaçant, le Docteur [O].

Par ordonnance du 25 avril 2008, le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulon a désigné le professeur [H], spécialisé en gynécologie obstétrique.

Le professeur [H] a déposé un rapport le 16 février 2009.

Par exploits d'huissier en date des 27 et 28 octobre 2009, Mme [N] [P], M. [Y] [L] et Mme [X] [P], respectivement mère, père et soeur de [M] [L], ont fait assigner le docteur [G] [U], le docteur [C] [O] et le docteur [B] [E] devant le tribunal de grande instance de Toulon aux fins de faire juger la responsabilité de ces trois praticiens et obtenir l'indemnisation de leur préjudice.

Le juge de la mise en état de ce tribunal a étendu les opérations d'expertise au docteur [O], qui n'avait pas été valablement convoqué à la première expertise, et a complété la mission de l'expert sur l'analyse des préjudices.

Le professeur [H] a déposé un rapport complémentaire le 14 décembre 2010.

Par jugement en date du 23 février 2012 auquel il est expressément référé pour un exposé plus complet des faits et des prétentions des parties, le tribunal de grande instance de Toulon a dit Mme [N] [P], M. [Y] [L] et Mme [X] [P] mal fondés en leurs demandes, les en a déboutés et les a condamnés aux dépens.

Par déclaration en date du 22 février 2013, Mme [N] [P], M. [Y] [L] et Mme [X] [P] ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 11 juin 2013, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel interjeté par les consorts [L] et [P] à l'encontre du docteur [E] et par un arrêt du 6 novembre 2013, statuant sur déféré de cette ordonnance, la cour d'appel de ce siège a confirmé l'ordonnance déférée.

Par une seconde ordonnance en date du 14 octobre 2014, le conseiller de la mise en état a sursis à statuer sur les demandes des consorts [L] et [P] jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir sur le pourvoi déposé à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 6 novembre 2013.

Il a été communiqué aux débats une ordonnance de la Cour de cassation en date du 31 mars 2016 constatant la déchéance du pourvoi.

L'affaire a en conséquence été fixée à l'audience de plaidoiries du 7 décembre 2016.

Dans le dernier état de leurs conclusions en date du 22 mai 2013, Mme [N] [P], M. [Y] [L] et Mme [X] [P] demandent à la cour de :

- recevoir leur appel et le dire fondé,

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 23 février 2012,

- constater les fautes caractérisées de chacun des médecins défendeurs et dire et juger qu'ils sont chacun fautifs et tenus responsables,

- constater chacun des préjudices subis par les appelants,

- condamner les docteurs [E], [U] et [O], in solidum, au versement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir :

- à Mme [N] [P] :

. 20.000 € au titre des dépenses de santé,

. 5.000 € au titre des frais divers,

. 8.000 € au titre des frais de logement adapté,

. 5.000 € au titre des frais de véhicule adapté,

. 1.800.000 € au titre de l'assistance tierce personne,

. 614.400 € au titre du préjudice professionnel,

. 5.300 € au titre du préjudice esthétique

. 25.500 € au titre des souffrances endurées,

. 23.000 € au titre du préjudice d'affection,

. 108.000 € au titre du déficit fonctionnel,

. 8.000 € au titre du préjudice d'agrément,

. 16.000 € au titre du préjudice sexuel,

. 10.000 € au titre du préjudice d'établissement,

. 10.000 € au titre de la perte de chance subie.

- à M. [Y] [L]:

. 5.000 € au titre des dépenses de santé,

. 2.000 € au titre des frais divers,

. 614.400 € au titre du préjudice professionnel,

. 20.000 € au titre des souffrances endurées,

. 23.000 € au titre du préjudice d'affection,

. 108.000 € au titre du déficit fonctionnel,

. 5.300 € au titre du préjudice d'agrément,

. 16.000 € au titre du préjudice sexuel,

. 10.000 € au titre du préjudice d'établissement,

. 10.000 € au titre de la perte de chance subie.

- à Mme [X] [P] :

. 5.000 € au titre des dépenses de santé,

. 2.000 € au titre des frais divers,

. 10.000 € au titre du préjudice de scolarité,

. 18.000 € au titre du préjudice d'affection,

. 33.750 € au titre du déficit fonctionnel,

. 5.300 € au titre du préjudice d'agrément,

. 8.400 € au titre du préjudice d'établissement,

. 12.500 € au titre des souffrances endurées.

- rejeter toute autre demande contraire aux présentes.

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- condamner solidairement et in solidum les docteurs [E], [U] et [O] à verser à :

- Mme [N] [P] , la somme de 3.000 € par application de l'article 75 de la loi du 11 juillet 1991 sur l'aide juridique,

- Mme [X] [P] la somme de 2.000 € par application de l'article 75 de la loi du 11 juillet 1991 sur l'aide juridique,

- M. [Y] [L], la somme de 2.000 € par application de l'article 75 de la loi du 11 juillet 1991 sur l'aide juridique,

- condamner solidairement et in solidum les docteurs [E], [U] et [O] aux entiers dépens, qui comprendront les coûts d'expertise, distraits comme en matière d'aide

juridictionnelle.

Les consorts [P] et [L] qui soutiennent que le jugement doit être réformé en ce qu'il s'abstient de définir la faute caractérisée et élude le fait que la charge de la preuve repose sur les médecins défendeurs, font valoir que :

- les intimés ont commis des fautes caractérisées,

- en l'état des connaissances et techniques existant en 2003, il existait des moyens de dépistage de la trisomie 21 et cette information n'a pas été donnée à Mme [P],

- les médecins qui n'ont jamais préconisé ni conseillé les techniques de dépistage de la trisomie 21 ont ainsi commis une abstention fautive qui les a privés de la possibilité de déceler la présence d'une anomalie sur l'enfant à naître et d'interrompre la grossesse,

- alors que l'analyse du docteur [E] mentionnait l'impossibilité de voir la clarté nucale, le docteur [O] qui remplaçait le docteur [U] aurait du informer Mme [P] de l'impossibilité de diagnostiquer par échographie et lui conseiller des examens complémentaires,

- l'expert qui n'avait pas la preuve que la première grossesse était anormale a conclu à tort que Mme [P] était responsable du mauvais suivi.

S'agissant de l'étendue de leur préjudice, ils déclarent que :

- la solidarité nationale refuse de compenser certaines charges particulières découlant tout au long de la vie de l'enfant handicapé,

- après découverte du handicap et des fautes des médecins, ils ont du bénéficier de soutiens psychiatriques, médicamenteux et psychologiques qui ont généré des dépenses de santé et des frais divers,

- [M] nécessite une présente constante toute sa vie et ils doivent assurer sa garde quotidienne ce qui génère un besoin en tierce personne d'au moins 35 heures par semaine,

- ils ont du faire face à des frais d'adaptation de logement et de véhicule,

- leur préjudice économique calculé sur la base du S.M.I.C. ne saurait être inférieur à 614.400 €,

- [X], soeur de [M], est victime par ricochet et après le décès de ses parents, ce sera à elle de s'en occuper,

- elle a du en outre elle aussi assurer une présence auprès de l'enfant et s'absenter de l'école et elle s'est retrouvée en difficulté scolaire et a du revoir à la baisse son orientation professionnelle,

- ils subissent aussi un trouble dans leurs conditions d'existence en tant que déficit fonctionnel ainsi qu'un préjudice d'affection, un préjudice de souffrance, un préjudice d'agrément, un préjudice sexuel ainsi qu'un préjudice d'établissement car ils ne pourront être un jour grand-parent et [X] aura des difficultés à fonder une famille,

- ils subissent aussi un préjudice de perte de chance car les fautes des médecins les ont privés de la possibilité de se préparer à la naissance d'un enfant handicapé.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 24 juin 2013, le docteur [G] [U] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulon le 23 février 2012,

- débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre,

- condamner les appelants à la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens distraits au profit de Maître Sylvie Maynard, avocat, sur son affirmation de droit.

Le docteur [U] fait valoir que la preuve d'une faute caractérisée qui seule permet d'engager la responsabilité du médecin n'est pas rapportée en l'espèce.

Il déclare que :

- il a reçu Mme [N] [P] le 17 février 2003 pour suspicion de grossesse, et non pas de suivi de grossesse, à un moment où il était impossible de savoir si elle était réellement enceinte,

- il a demandé un contrôle par test sanguin et une échographie pensant que Mme [P] reviendrait le consulter par la suite si elle souhaitait être suivie, ce qu'elle n'a pas fait,

- il ne peut lui être fait le reproche de ne pas l'avoir informée de la possibilité de pratiquer un dépistage de la trisomie 21 dés lors qu'elle n'est venue qu'une seule fois en consultation et dans l'unique but d'établir si elle était ou non enceinte,

- les demandeurs ne démontrent pas davantage l'existence d'un lien de causalité dés lors que la perte de chance d'avoir pu renoncer à la grossesse est quasi inexistante,

- par ailleurs, Mme [P] a fait preuve de négligence dans le suivi de sa grossesse.

S'agissant des préjudices allégués, le docteur [O] soutient que :

- les sommes demandées par les parents au regard des montants sollicités visent en fait à tenter de faire indemniser le préjudice de l'enfant ce qui n'est pas juridiquement possible,

- il convient dés lors d'exclure les charges particulières découlant de l'handicap de l'enfant telles que les dépenses de santé, les frais divers, la tierce personne et les frais d'adaptation du logement et du véhicule,

- il convient aussi d'exclure les préjudices invoqués par Mme [X] [P] en sa qualité de soeur de [M] [L], celle-ci n'étant pas accessible à une indemnisation,

- au surplus la causalité entre les préjudices évoqués et le handicap de son frère est discutable,

- seul un préjudice moral pour les parents serait susceptible d'ouvrir un droit indemnisation au titre d'une perte de chance qui ne saurait dépasser 10 %.

Dans le dernier état de ses écritures en date du 2 avril 2013, le docteur [O] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 février 2012,

- condamner Mme [N] [P], M. [Y] [L] et Melle [X] [P] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens distraits au profit de la Selarl Boulan / Cherfils / Imperatore, sous son affirmation de droit,

subsidiairement,

vu l'expertise du Professeur [H] à laquelle, non convoqué valablement, il n'était ni présent, ni représenté,

vu le rapport d'expertise du Professeur [H] et son absence de respect du principe contradictoire,

- lui déclarer non opposable les deux expertises du professeur [H],

en conséquence,

- débouter Mme [N] [P], Melle [X] [P] et Monsieur [L] de toutes les demandes formulées à son encontre ,

- les condamner au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la Selarl Boulan / Cherfils / Imperatore, sous son affirmation de droit,

très subsidiairement,

vu l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 et l'article L 114-5 du code de l'action sociale et des familles,

vu l'absence de production dans la procédure du dire du docteur [D] de l'ordonnance de référé du 26 mai 2009, du rapport d'expertise des docteurs [Y], [I] et [Z], des dires adressés par maîtres [R] et Toucas,

vu I'absence de communication de documents effectués à La requête de Mme [N] [P], Melle [X] [P] et M. [L] à son conseil,

vu son absence de faute,

- débouter Mme [N] [P], M. [Y] [L] et Melle [X] [P] de toutes leurs demandes comme injustifiées et infondées,

- les condamner au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens distraits au profit de la Selarl Boulan / Cherfils / Imperatore, sous son affirmation de droit.

Le docteur [O] fait valoir que :

- le professeur [H] n'a pas relevé de faute patente de la part des médecins, la preuve d'une faute caractérisée n'est donc pas rapportée et il n'appartient pas aux médecins d'établir qu'ils n'ont pas commis de faute lorsque l'expert n'en retient aucune,

- l'échographie de 12 semaines d'aménorrhée devait être pratiquée aux alentours du 11 avril 2003 et l'information a été donnée de réaliser une échographie à la 12ème semaine afin de contrôler la clarté nucale,

- Mme [N] [P] fera sa 2ème échographie non pas le 11 avril 2003 mais le 28 avril et n'a pas reconsulté le docteur [U],

- elle ne verra son remplaçant que le 26 mai soit à 19 semaines d'aménorrhée,

- les parties ne peuvent demander qu'une indemnité au titre de leur seul préjudice moral qui ne comprend aucunement tous les postes de préjudice allégués.

Le docteur [O] fait valoir à titre subsidiaire et pour le cas où la cour envisagerait de retenir une faute conjointe des médecins que :

- les rapports d'expertise et les conclusions du professeur [H] lui sont inopposables,

- il n'avait pu en effet comparaître à la première expertise dés lors que suite à une convocation à une mauvaise adresse à un nom mal orthographié, il n'avait pas été valablement convoqué et qu'en ce qui concerne la 2ème expertise aucune convocation n'a été adressée à lui même ni à son conseil et qu'il n'était ni présent, ni représenté.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 novembre 2016 et l'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 7 décembre 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient au préalable de constater que par suite de l'ordonnance du 11 juin 2013, confirmée par l'arrêt de déféré du 6 novembre 2013, la cour n'est plus saisie de l'appel des consorts [P] et [L] à l'encontre du docteur [E] ce qui rend irrecevables leurs demandes formées par eux à l'encontre de ce praticien.

La position du docteur [O] qui se prévaut à titre principal des observations de l'expert sur l'absence de faute patente et demande, mais seulement à titre subsidiaire, que ce rapport lui soit déclaré inopposable est pour le moins contradictoire.

A supposer qu'il n'est pas été valablement convoqué, ce rapport d'expertise n'en constitue pas moins un élément d'appréciation soumis à la libre discussion des parties et dont le docteur [O] se prévaut d'ailleurs puisqu'il reprend à son compte certaines des observations de l'expert et ne critique d'ailleurs pas expressément ses conclusions.

L'article L 114-5 du code de l'action sociale et des familles dispose que nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.

L'alinéa 3ème de cette disposition précise toutefois que lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis à vis des parents d'un enfant né d'un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale.

Les consorts [P] et [L] reprochent essentiellement aux docteur [U] et [O] de ne pas avoir préconisé ni conseillé à Mme [P] les techniques de dépistage de la trisomie 21 et d'avoir ainsi commis une abstention fautive qui les a privés de la possibilité de déceler la présence d'une anomalie sur l'enfant à naître.

Dans son rapport, le professeur [H] relève que :

- le suivi médical de la grossesse de Mme [P] a été inadéquat comme ne respectant pas les sept consultations prénatales conseillées et obligatoires,

- Mme [P] a en effet consulté son médecin traitant, le docteur [U] pour le diagnostic le 17 février 2003 (première consultation pré-natale)

- le docteur [U] l'a adressée au docteur [E] pour une échographie et ce dernier lui a conseillé une 2ème échographie à 12 semaines d'aménorrhée vers le 11 avril 2003 mais cette 2ème échographie n'a eu lieu que le 28 avril 2003, soit au delà de la 14ème semaine d'aménorrhée,

- Mme [P] n'a pas reconsulté son médecin traitant avec les données de la première échographie dans le mois qui a suivi cette échographie et n'a vu son remplaçant le docteur [O] que le 26 mai 2003, soit à la 18ème ou même la 19ème semaine d'aménorrhée, date à laquelle sa grossesse a été tardivement déclarée,

- elle a subi un 3ème échographie le 16 juin 2013 et une 4ème le 9 septembre 2013,

- elle a revu le docteur [U] le 26 septembre 2013 pour la 3ème consultation prénatale, a subi une 5ème échographie le 2 octobre 2003 pour le suivi de la fin de grossesse et elle a accouché le 4 octobre 2013;

Cette chronologie des faits incontestable et la conclusion technique selon laquelle Mme [P] n'a pu avoir à une date suffisamment précoce l'information concernant le dépistage de la trisomie 21 ne sont pas discutées par les parties.

Le professeur [H] relève également que :

- il y a eu une information médicale probablement insuffisante et mal perçue par Mme [P],

- un suivi médical qui s'est poursuivi ultérieurement de façon anarchique avec le non respect des consultations prénatales mensuelles que Mme [P] ne pouvait pas méconnaître ayant déjà été enceinte préalablement avec une grossesse ayant évolué jusqu'à son terme,

- Mme [P] n'a pas fait preuve d'assiduité et de constance pour recontacter les médecins et prendre les rendez-vous de consultation et qu'elle était probablement peu réceptive à cette information sur le risque de trisomie 21, information prédictive toujours mal aisée à transmettre et à recevoir, étant précisé que le contexte du suivi médical des grossesses en 2003 n'est pas comparable à la pratique actuelle dans le cadre de la médecine prédictive où tout est maintenant acté et signé.

Il conclut à l'existence d'une responsabilité incombant de façon partagée à Mme [P] et à son médecin traitant, tout en estimant qu'il n'est pas relevé de faute patente de la part des médecins, les docteurs [U], [O] et [E].

Cette appréciation tout en nuance de l'expert ne permet pas à l'évidence de retenir l'existence d'une faute grave à l'encontre des deux médecins.

Il ne peut être reproché au docteur [U] son attitude lors de la première consultation à une date où la grossesse de Mme [P] n'était pas encore certaine et ce alors même qu'il l'a adressée normalement au docteur [E] pour une échographie qui constitue une méthode de dépistage de la trisomie 21.

Compte tenu de l'absence de certitude d'une grossesse à cette date, il était prématuré de délivrer une information sur le risque de trisomie 21.

Le docteur [U] n'a pas revu Mme [P] avant le 26 septembre 2013, il lui était donc difficile de délivrer une quelconque information sauf à considérer qu'il aurait du impérativement la convoquer, ce qui ne peut être soutenu.

Il ressort par ailleurs de la chronologie ci-dessus que Mme [P] n'a pas respecté le délai qui lui avait été conseillé pour réaliser la 2ème échographie qui a eu lieu finalement le 28 avril 2013, soit à une date où selon l'expert la grossesse était trop avancée pour permettre une mesure significative de la clarté nuquale dans le cadre du dépistage de la trisomie 21.

Le docteur [O] n'a quant à lui vu Mme [P], une seule fois en remplacement du docteur [U], le 26 mai 2003, soit à une date où le dépistage par ce moyen n'était plus possible.

La faute caractérisée au sens de l'article L 114-5 sus visé s'entend d'une faute d'une intensité et d'une gravité certaine comme le fait d'exposer délibérément la mère à un risque de donner naissance à un enfant atteint d'une grave malformation congénitale.

Elle ne saurait résulter d'une simple erreur de diagnostic voire comme en l'espèce d'un manquement à un devoir d'information.

Il ressort de ce qui précède que consorts [P] et [L] ne rapportent pas la preuve d'une faute caractérisée au sens de l'article L 114-5 du code de l'action sociale et des familles et il convient par voie de conséquence de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

La cour estime que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des parties intimées en cause d'appel.

La solution donnée au litige en cause d'appel conduit la cour à condamner les consorts [P] et [L] aux dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevables en cause d'appel les demandes des consorts [P] et [L] à l'encontre du docteur [E].

Confirme le jugement entrepris en toute ses dispositions.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne Mme [N] [P], M. [Y] [L] et Mme [X] [P] in solidum aux dépens de l'instance d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 13/03877
Date de la décision : 02/02/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°13/03877 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-02;13.03877 ?
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