COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 31 JANVIER 2017
N° 2017/ 78
Rôle N° 16/05108
SARL VETEMENTS HENRY MAZOYER
C/
SAS SOCIÉTÉ CAFAN
SA SOCIÉTÉ CCV BEAUMANOIR
Grosse délivrée
le :
à :
Me Rachel SARAGA-BROSSAT
SCP CAMPOCASSO & LAMBREY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 02 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/01854.
Saisine sur renvoi de l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 1er Mars 2016 enregistré sous le n° RG K14-14.716 cassant et annulant l'arrêt du 13 Février 2014 enregistré sous le n° RG 12/16290 rendu par la Cour d'Appel AIX EN PROVENCE à l'encontre du jugement du 2 Juillet 2012 enregistré sous le n° RG 10/01854 rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE
APPELANTE
SARL VÊTEMENTS HENRY MAZOYER au capital de 114 366.76€, immatriculée au RCS de CANNES sous le n°64B24, SIREN 696 420 249prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Rachel SARAGA-BROSSAT de la SELARL SELARL SARAGA-BROSSAT RACHEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Grégory KERKERIAN de la SELARL BOUZEREAU-KERKERIAN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
INTIMEES
SAS SOCIÉTÉ CAFAN La société CAFAN, société par actions simplifiée dont le siège social est situé [Adresse 2], représenté par son gérant en exercice y domicilié., demeurant [Adresse 2]
représentée par Me LAMBREY de la SCP CAMPOCASSO & LAMBREY, avocat au barreau de MARSEILLE
assistée par Me Jean-Pierre BLATTER de la SCP BLATTER RACLET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant
SA SOCIÉTÉ CCV BEAUMANOIR La société CCV BEAUMANOIR, société anonyme à conseil d'administration, dont le siège social est situé [Adresse 2], représentée par son Président en exercice y domicilié, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me LAMBREY de la SCP CAMPOCASSO & LAMBREY, avocat au barreau de MARSEILLE,
assisté par Me Jean-Pierre BLATTER, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Décembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Véronique BEBON, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Véronique BEBON, Présidente,
Madame Frédérique BRUEL, Conseillère
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2017.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Janvier 2017,
Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte reçu le 21 décembre 2001 par Maître [E], notaire à [Localité 1] ( Var) la société vêtements Henry Mazoyer a donné à bail à la SA Nos Enfants Aussi les lots n° 1, 3,11 de l'immeuble situé [Adresse 1] pour y exercer une activité de prêt à porter.
Par jugement du 24 décembre 2008, le tribunal de commerce de Nanterre a placé la société Nos Enfants Aussi en redressement judiciaire et par jugement du 24 mars 2009 a arrêté au profit de la société CCV Beaumanoir à laquelle s'est substituée la société Cafan, la cession des actifs de la société Nos Enfants Aussi, incluant le bail commercial consenti à cette dernière par la société vêtements Henry Mazoyer.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 mai 2009, l'administrateur judiciaire a écrit au bailleur pour l'informer de la cession judiciaire des baux consentis à la société Nos Enfants aussi et l'inviter à concourir à la cession.
La cession a été conclue par acte sous seing privé du 5 juin 2009 et signifiée au bailleur le 6 juillet suivant.
Faisant valoir que la cession était intervenue sans respecter la forme authentique expressément stipulée par le contrat de bail, le bailleur a assigné les sociétés cessionnaires en résiliation de bail et expulsion.
Par jugement en date du 2 juillet 2012, le tribunal de grande instance de Grasse a rejeté cette demande sur le fondement des articles L642-7 du code de commerce et 1134 du code civil.
La société vêtements Henry Mazoyer a relevé appel de ce jugement le 28 août 2012.
Par arrêt infirmatif du 13 février 2014, la cour d'appel de ce siège a retenu l'infraction contractuelle, prononcé à compter du 5 juin 2009 la résiliation du bail liant les parties aux torts des sociétés CCV Beaumanoir et Cafan, ordonné leur expulsion sous astreinte, fixé une indemnité d'occupation équivalente au montant des loyers et charges jusqu''à libération des lieux, et condamné ces société au paiement d'une indemnité de 2.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés CCV Beaumanoir et Cafan ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.
Par arrêt en date du 1er mars 2016, la cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt déféré au motif que, sauf disposition contraire du jugement arrêtant le plan de cession, la cession judiciaire forcée du bail commercial en exécution de ce plan n'est pas soumise aux exigences de forme prévues par ce contrat, et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel autrement composée.
La société vêtements Henry Mazoyer a saisi la présente cour par déclaration en date du 18 mars 2016.
Les dernières conclusions notifiées par la société vêtements Henry Mazoyer auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé sont en date du 29 novembre 2016.
Les dernières conclusions en notifiées par les sociétés Cafan et CCV Beaumanoir auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé sont en date du 21juillet 2016.
L'ordonnance de clôture est en date du 30 novembre 2016.
Les sociétés Cafan et CCV Beaumanoir ont sollicité le rejet des conclusions de la partie adverse en date du 29 novembre 2016 .
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la communication des conclusions
En application des articles 15 et 16 du code de procédure civile, les conclusions communiquées trop peu de temps avant la clôture pour que la partie adverse soit en mesure de répliquer utilement doivent être écartées des débats.
Tel est le cas des conclusions portées à 70 pages alors que les précédentes se limitaient à 10 et communiquées deux jours avant la clôture, alors même que la date de celle ci et de l'audience de plaidoiries avaient été communiquées depuis le 12 avril 2016 et que les intimées avaient notifié leurs propres conclusions dès le mois de juillet 2016 respectant ainsi le calendrier de procédure proposé dans le cadre de la mise en état, ce qui laissait le temps suffisant à l'appelant pour y répondre dans le respect des droits procéduraux de la partie adverse.
Les conclusions du 29 novembre 2016 seront donc écartées des débats et la présente cour statuera au vu des conclusions précédentes en date du 1er avril 2016 .
- Sur le fond
La clause 8-11° du bail conclu en les parties le 21 décembre 2001 est ainsi libellée :
' Le locataire ne pourra dans aucun cas et sous aucun prétexte, céder son droit au bail, ni sous louer en tout ou en partie les locaux loués sans le consentement exprès et par écrit du bailleur, sauf toutefois dans le cas de cession du bail à son successeur dans son commerce
....
en outre toute cession ou sous location devra avoir lieu moyennant un loyer égal à celui en vigueur à cette date qui devra être stipulé payable directement entre les mains du bailleur et elle devra être réalisée par acte authentique du ministère du notaire du bailleur auquel il sera appelé et dont une copie exécutoire lui sera remise sans frais pour lui'.
Au terme du jugement du tribunal de commerce en date du 24 mars 2009 arrêtant le plan de cession des actifs de la société 'Nos Enfants Aussi ' et emportant cession des contrats, dont le contrat de bail commercial au bénéfice de la sociétés CCV Beaumanoir à laquelle a été substituée la société Cafan , la cession de bail a été régularisée entre l'administrateur judiciaire et la société Cafan par acte sous seing privé en date du 5 Juin 2009 qui a été signifié au bailleur.
La société bailleresse soutient que le bail n'étant pas régularisé dans ce cadre par acte authentique, il en résulte une infraction immédiate et irréversible aux clauses du contrat justifiant la résiliation du bail.
Mais, il résulte de l'article L 642-7 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 ,rendu applicable par l'article L 631-22 du même code au plan de cession global des actifs d'une entreprise arrêté à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, que sauf, disposition contraire du jugement arrêtant le plan de cession, la cession forcée du bail en exécution de ce plan n'est pas soumise aux exigences de forme prévues par ce contrat contrairement aux dispositions de l'article L 641-12 du même code qui prévoit expressément qu'en cas de cession isolée du bail, le liquidateur peut céder le bail dans les conditions prévues au contrat avec le bailleur.
En effet, lorsqu'en application de l'article L 642-7 la cession de bail s'inscrit dans le cadre d'une opération globale de transmission de l'entreprise à un tiers justifiant la cession forcée des contrats pour les besoins du maintien de l'activité, cette cession résulte du titre judiciaire lui même et intervient indépendamment de la volonté restrictive des cocontractants , ce qui justifie la mise à l'écart des clauses contractuelles restrictives de la cession, dont notamment celles qui imposent, à peine d'inefficacité de la cession , le respect de certaines formalités comme la délivrance d'une copie exécutoire au bailleur d'un acte authentique.
La société bailleresse soutient que le jugement du tribunal de commerce du 24 mars 2009 inclut en l'espèce une disposition contraire aux prescriptions de cet article , en ce qu'il a ordonné à la page 37 de son dispositif la cession des contrats nécessaire à la poursuite de l'activité, dont le contrat de bail, au profit la société CCV Beaumanoir, autorisant sa substitution par une autre société à charge pour elle ' de respecter les conditions et obligations des contrats dont la cession est ordonnée par le présent jugement et ce dès l'entrée en jouissance'.
Mais cette exigence générale qui s'attache aux conditions de l'exécution des contrats tels qu'ils ont été maintenus au soutien de l'activité ne constitue qu'un rappel du troisième alinéa l'article 642-7 alinéa3 du commerce qui prévoit que les contrats doivent être exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure.
Elle a pour objet de maintenir dans les mêmes rapports contractuels le bailleur et le cessionnaire qu'avec le preneur pour l'avenir et non d'imposer une restriction spécifique à la cession de bail judiciairement ordonnée et poursuivie par l'administrateur judiciaire, quand bien même le transfert des droits ne s'opérerait qu'à la date de passation des actes de cession.
Le jugement ne contient donc en l'espèce aucune disposition spécifique imposant à l'administrateur judiciaire de respecter, s'agissant du contrat du bail litigieux, de régulariser la cession de bail par acte authentique.
Au demeurant, l'absence de cette formalité ne lèse pas les intérêts du bailleur puisqu'au titre exécutoire résultant du caractère authentique de l'acte de cession se substitue la force exécutoire du jugement arrêtant le plan qui implique de plein droit le maintien des conditions en cours.
La décision de première instance qui a déclaré opposable à la société Vêtements Mazoyer la cession du droit au bail commercial et rejeté la demande de résiliation de bail aux torts des sociétés cessionnaires sera ainsi, par substitution de motifs, entièrement confirmée.
Les dépens seront laissés à la charge de la S.A.R.L. Vêtements Mazoyer, partie perdante.
Il convient de rejeter sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à ce titre à payer la somme globale de 5.000€ aux sociétés Cafan et Beaumanoir.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par décision contradictoire, après en avoir délibéré,
Statuant sur renvoi de cassation,
Ecarte des débats les conclusions du 29 novembre 2016,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne la S.A.R.L. Vêtements Mazoyer à payer aux sociétés Cafan et CCV Beaumanoir la somme globale de 5.000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la S.A.R.L Vêtements Mazoyer aux entiers dépens, et autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande, à recouvrer directement ceux dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu de provision dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,