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27/01/2017 | FRANCE | N°13/22319

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 27 janvier 2017, 13/22319


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 27 JANVIER 2017



N° 2017/49













Rôle N° 13/22319





[S] [W]





C/



SA SOGIMA

GIE LE CIGEM

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Henri BOUCHARA, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Pierre SAFAR, avocat au barreau de P

ARIS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section - en date du 11 Octobre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/03179.







APPELANTE



Madame [S] [W], demeurant [Adresse 1]...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 27 JANVIER 2017

N° 2017/49

Rôle N° 13/22319

[S] [W]

C/

SA SOGIMA

GIE LE CIGEM

Grosse délivrée

le :

à :

Me Henri BOUCHARA, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Pierre SAFAR, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section - en date du 11 Octobre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/03179.

APPELANTE

Madame [S] [W], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Henri BOUCHARA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SA SOGIMA, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pierre SAFAR, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Aurélie LAURENT, avocat au barreau de PARIS

GIE LE GICEM, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pierre SAFAR, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Aurélie LAURENT, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2017 prorogé au 27 Janvier 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2017.

Signé par Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [S] [W] a été engagée respectivement par la société de gestion immobilière SOGIMA et par le GICEM (Groupement d'Intérêt Economique des Sociétés Immobilières de Construction et d'Exploitation de la région Méditerranéenne) par contrats de travail à durée indéterminée à temps partiel en date du 4 juin 2007, en qualité de responsable du pôle ressources humaines, niveau 8, coefficient 440 de la convention collective nationale de l'immobilier, position cadre, pour trois jours de travail par semaine répartis entre ses deux employeurs à hauteur de 76 % pour le premier et de 24 % pour le second.

Elle a été convoquée par lettre du 7 février 2011 à un entretien préalable auquel elle ne s'est pas rendue, a été mise à pied conservatoire le 10 février suivant et licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er mars 2011.

Contestant notamment son licenciement, [S] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille qui, par jugement du 11 octobre 2013, a

-dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-condamné solidairement la société SOGIMA et le GIE GICEM à lui payer les sommes de

*15'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SOGIMA à lui payer

*399,20 € à titre de complément sur l'indemnité conventionnelle de licenciement,

*389,45 € à titre de rappel de salaire sur préavis,

*38,94 € au titre des congés payés y afférents,

- condamné le GIE GICEM à lui payer

*146,67 € à titre de paiement sur l'indemnité conventionnelle de licenciement,

*116,44 € à titre de rappel de salaire sur préavis,

*11,64 € au titre des congés payés y afférents,

- débouté Madame [W] du surplus de ses demandes,

- débouté la société SOGIMA et le GIE GICEM de toutes leurs demandes,

- condamné les parties qui succombent aux dépens.

Le 18 novembre 2013, [S] [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 18 octobre précédent.

Dans ses conclusions développées à l'audience, l'appelante demande à la cour de:

-infirmer partiellement le jugement rendu le 11 octobre 2013 par le conseil de prud'hommes de Marseille, -dire et juger que son licenciement est intervenu en violation des règles de procédure,

-dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-dire qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral au sens de l'article L1152-1 du code du travail,

-condamner en conséquence solidairement SOGIMA et GICEM au paiement des sommes suivantes:

*70 000 € en réparation du préjudice matériel subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse

*20 000 € en réparation du préjudice moral subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse

*50 000 € en réparation du préjudice subi consécutivement aux faits de harcèlement moral,

-condamner SOGIMA au paiement des sommes suivantes:

*389,20 € à titre de complément sur l'indemnité conventionnelle de licenciement,

*389,45 € à titre de rappel sur indemnité de préavis,

*38, 94 € au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,

*2 920,89 € en réparation du préjudice subi du fait de l'irrégularité de la procédure,

-condamner GICEM au paiement des sommes suivantes:

*146,67 € à titre de complément sur l'indemnité conventionnelle de licenciement,

*116,44 € à titre de rappel sur indemnité de préavis,

*11,64 € au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,

*873,37 € en réparation du préjudice subi du fait de l'irrégularité de la procédure,

-condamner SOGIMA et GICEM au paiement d'une somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

-assortir les condamnations des intérêts de droit à compter du jour de la demande.

Aux termes de leurs écritures soutenues oralement, la société SOGIMA et le GIE GICEM, intimés, concluent:

- à l'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Marseille,

- à la recevabilité de leurs écritures, fins et prétentions,

- au débouté de toutes les demandes de Madame [W],

- à sa condamnation à leur payer 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé, il est renvoyé aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'irrégularité de procédure :

[S] [W] a été convoquée par lettre du 7 février 2011 à un entretien préalable fixé au 17 février à 10 heures.

En arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 8 février 2011 et dans l'impossibilité de se rendre à l'entretien préalable organisé en dehors des horaires de sortie prévus, elle a été convoquée à nouveau par courrier électronique du 16 février 2011 à 16h50 à l'entretien préalable fixé cette fois à 11h30.

Reprochant à l'employeur de ne pas avoir respecté les forme et délai de la convocation, ni les horaires de sorties autorisées, elle sollicite la condamnation de chacun de ses employeurs à lui verser un mois de rémunération brute à titre d'indemnité pour procédure irrégulière.

La société SOGIMA et le GICEM font valoir que la salariée a travaillé le 8 février 2011, a pris connaissance de sa convocation à l'entretien préalable et a bénéficié ensuite d'un arrêt de travail sans lien avec l'agression ( vol à l'arraché pour lequel elle avait déposé plainte la veille). Rappelant ne pas être tenus de faire droit à une demande de nouvelle convocation, ils concluent au débouté de la salariée qui a été régulièrement convoquée à l'entretien préalable.

Il est possible de convoquer à l'entretien préalable, en vue de son licenciement, un salarié malade; toutefois l'employeur doit faire en sorte que l'intéressé puisse se présenter, se faire assister, prendre connaissance des motifs de son licenciement et soit mis en mesure de présenter ses observations.

En l'espèce, il résulte de son courrier du 8 février 2011 qu'[S] [W] a pris connaissance de sa convocation à entretien préalable ' en rentrant chez [elle]' et se disait disposée à écouter ' avec grande attention les explications' 'fournies par M. [T]' mandaté pour la recevoir lors dudit entretien.

Ce n'est que dans son courrier du 15 février 2011 que la salariée informait son employeur de son impossibilité de se rendre à l'entretien préalable du 17 suivant, en raison de son arrêt maladie ne prévoyant pas d'autorisation de sortie à 10 heures du matin.

[S] [W] ne justifie pas de la remise à l'employeur de son arrêt de travail dès le 8 février au matin et force est de constater qu'elle n'en évoquait pas l'existence dans son courrier du même jour.

Il n'est pas contestable, compte tenu de la chronologie des événements, que les horaires de sorties autorisées de la salariée n'étaient pas connus des employeurs lors de la fixation de la date et de l'heure de l'entretien préalable.

Par ailleurs, dans la mesure où l'accusé de réception du courrier du 15 février 2011 n'est pas renseigné sur sa date de présentation et où aucun accusé de lecture du courriel qui aurait été adressé, selon la salariée, 'par anticipation'' à [Courriel 1]' n'est versé au débat, il n'est pas démontré non plus que la société SOGIMA et le GICEM aient été destinataires du courrier d'[S] [W] avant le 16 février, date à laquelle ils ont proposé le report de l'entretien préalable à 11h30.

A la lecture de l'avis d'arrêt de travail, cet horaire correspondait aux possibilités de sortie de la salariée.

La preuve que l'employeur a décalé l'horaire de l'entretien préalable étant rapportée et aucun autre obstacle, notamment de date, n'ayant été invoqué par la salariée pour justifier son impossibilité de se rendre à l'entretien préalable, il y a lieu de dire la convocation régulière, les employeurs n'étant pas dans l'obligation de lui proposer une nouvelle date.

Il convient donc de rejeter la demande de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure et de confirmer le jugement de première instance de ce chef.

Sur le licenciement:

[S] [W] soutient que les véritables causes de son licenciement ne figurent pas dans les motifs souvent imprécis et erronés énoncés dans la lettre du 1er mars 2011 mais dans le fait qu'elle a tenté de résoudre des difficultés de fonctionnement en repositionnant le rôle de DRH, sans être soutenue par la direction.

Selon l'article L1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier

la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement en date du 1er mars 2011 indique:

' nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour insuffisance professionnelle préjudiciable aux intérêts de l'entreprise. En effet, nous vous reprochons, entre autres, les faits suivants:

- un manque d'investissement et de sérieux dans l'exécution de vos tâches, tel:

*les courriers adressés aux personnels, en janvier 2011, afin de les informer du montant de leur augmentation individuelle étaient erronés et vous avez persévéré bien que cela vous ait été signalé;

*le registre du personnel SOGIMA qui n'a pas été actualisé depuis novembre 2008, entrainant un risque pénal sérieux pour les dirigeants de la société;

* la mauvaise mise en 'uvre de 3 avenants de la convention collective des gardiens, concierges et employés d'immeubles;

* la mauvaise gestion de contrats de travail (période d'essai, préavis et solde de tout compte) ;

* les conditions de changement du courtier du contrat mutuelle prévoyance et leurs conséquences pour les salariés.

- une disponibilité insuffisante, sans vous soucier des exigences de l'entreprise, tel:

* votre participation à la préparation de la négociation annuelle obligatoire et à la convocation de la première réunion;

* la difficulté de disposer de tableaux synthétiques des rémunérations et primes pour la réunion de Directoire devant décider des augmentations individuelles pour l'année 2011 ;

* la complexité d'une collaboration avec vos interlocuteurs internes suite à la mise en 'uvre en octobre 2009 d'un Secrétariat général.

- des actes d'insubordination et un dénigrement de votre hiérarchie, tel:

* votre refus initial puis le mauvais esprit dans la rédaction d'une « catégorie maison» préalable aux rencontres NAO ;

* la diffusion au personnel du service des ressources humaines des modalités d'accès à un site internet d'un consultant sur les risques psycho-sociaux alors que la confidentialité des réponses devait être assurée aux salariés consultés;

*le courriel adressé à l'ensemble des membres du Comité de Direction pour les informer de votre non-participation à la réunion du Directoire sur l'attribution des augmentations individuelles 2011;

* le blocage de l'ordre de paie d'une prime d'un collaborateur dans un service de l'entreprise où cette disposition portait une incidence grave sur le climat social;

*la modification unilatérale et sans concertation interne de la date de la première rencontre avec le nouvel inspecteur du travail en charge de la société.'

Si le juge ne peut substituer son appréciation à celle de l'employeur sur les aptitudes professionnelles et l'adaptation à l'emploi du salarié, l'insuffisance professionnelle alléguée au soutien d'un licenciement doit reposer sur des éléments concrets, précis et imputables au salarié, être contemporaine du licenciement et perturber la bonne marche de l'entreprise.

Pour démontrer les carences professionnelles d'[S] [W], la société SOGIMA et le GICEM

produisent les échanges de courriels en date du 1er février 2011 entre [M] [J] et [C] [S] relatif à des montants inexacts ou à des pourcentages différents de ceux qui étaient annoncés relativement à des augmentations de rémunération, la réponse d'[S] [W] indiquant que les montants s'entendent ' hors ancienneté' et le commentaire de [M] [J] soulignant le manque de pertinence de ce mode de calcul et l'entêtement dans l'erreur de l'appelante.

Ils produisent également des courriels en date du 31 mars 2010 relevant une coquille sur l'appel à candidature d'une assistante de direction, fait pour lequel [M] [J] a constaté qu'' une fois de plus [S] ne contrôle pas suffisamment les documents émanant de son service' ainsi qu'un courriel en date du 10 juin 2010 de l'intéressée s'interrogeant sur la reprise d'une note au personnel ' il semblerait que vous vouliez la modifier. Merci de voir cela demain demain avec [L] [Z] et [V] MAIGNANT car je serai absente' et la note en réponse en date du 11 juin 2010 à l'attention d'[S] [W] lui précisant qu'il ' est inacceptable à votre niveau de responsabilité que vous laissiez notre président du directoire apposer sa signature sur une note qui comporte des fautes de français et d'orthographe et qui est destinée à être affichée dans l'entreprise'.

Il est versé au débat aussi un courriel de [F] [E] relevant une erreur d'[S] [W] dans la gestion d'une période d'essai et un rappel des règles applicables en la matière, l'attestation de [B] [B], secrétaire général et supérieur hiérarchique de Madame [W] à compter de 2009 stigmatisant ses carences professionnelles quant à l'application des accords d'entreprise notamment et citant le mauvais traitement du dossier [X], le livre d'entrées et de sorties du personnel non tenu à jour depuis janvier 2009, ses mauvais conseils sur le vote par correspondance pour les élections des délégués du personnel ayant occasionné des frais, son refus de mener des entretiens préalables à licenciement, la gestion à son bon vouloir de ses horaires et jours de présence.

Il est produit en outre un procès-verbal de constat d'huissier en date du 24 novembre 2010 sur la tenue du registre du personnel, un courriel du secrétaire du CHSCT reprochant à [S] [W] d'avoir divulgué des documents confidentiels.

En ce qui concerne le manque de sérieux dans l'exécution des tâches, les courriels produits démontrent une erreur de calcul dans différentes augmentations de salaires et la non remise en cause de la salariée. Le procès-verbal de constat d'huissier montre - nonobstant le démenti de l'intéressée qui ne justifie pas des données informatiques alléguées, ni de leur légalité- une carence manifeste dans la tenue du registre du personnel, non renseigné depuis novembre 2008. Il est démontré aussi une erreur d'appréciation dans la gestion d'une période d'essai.

Cependant, la lettre de la DIRECCTE en date du 12 avril 2010 et la réponse de [B] [B] sur l'application d'un accord collectif, le plan d'action seniors et la rédaction des contrats de travail des gardiens ne contiennent pas intrinsèquement la preuve que ces dossiers étaient suivis par [S] [W], ni que les retards et atermoiements mis à jour aient été la conséquence d'une inertie de cette dernière, compte tenu de la réorganisation des services intervenue en 2009. De même, la question posée par l'appelante relativement à la prise en charge des CTT (contrats de travail temporaire) ne saurait objectivement la discréditer, dans la mesure où la restructuration a mis les RH dans le giron du Secrétariat Général.

Aucun élément n'est versé par ailleurs - l'attestation de [B] [B] étant sujette à caution compte tenu de son lien de subordination avec l'employeur- pour démontrer les griefs tirés de la mauvaise mise en 'uvre de trois avenants de la convention collective des gardiens, concierges et employés d'immeubles, des conditions de changement du courtier du contrat mutuelle prévoyance et de leurs conséquences pour les salariés.

Sur la disponibilité de la salariée, la société SOGIMA et le GICEM produisent le planning des jours de présence d'[S] [W] en septembre et octobre 2009, la note du 25 novembre 2009 de [B] [B], secrétaire général déplorant l'impossibilité de trouver 'un créneau harmonieux' avec l'emploi du temps de sa collègue dans la société et la fréquence hebdomadaire nécessaire à leur collaboration, un message électronique de l'appelante du 5 mai 2010 relatif à ses congés payés et à sa venue un après-midi en remplacement d'un jeudi matin, un courriel du 29 novembre 2010 relatif à son absence entre midi et 14h30 pour motifs personnels (sa fille), un courriel du 16 décembre 2010 dans lequel elle disait ne pas pouvoir trouver le temps nécessaire pour travailler sur des tableaux de primes pour la date souhaitée par la Direction.

S'il est démontré que la répartition des jours de travail d'[S] [W] dans la semaine n'était pas toujours strictement respectée, ni modifiée par l'intéressée avec le délai de prévenance requis, force est de constater que ce grief ne lui a pas été officiellement reproché avant la rupture du lien contractuel et ne l'est qu'indirectement dans la lettre de licenciement par le biais du grief tiré de la ' complexité de collaboration avec les interlocuteurs internes', lequel est cependant documenté; toutefois, il y a lieu de constater que l'ampleur des attributions de l'appelante s'articulait mal avec le temps partiel contractualisé. En outre, sauf cas exceptionnel, quel que soit son investissement, un salarié peut, sans encourir un licenciement, avoir des imprévus à assumer, le contraignant à reporter une tâche de quelques heures.

Il n'est donné aucune illustration concrète de l'indisponibilité de la salariée pour la préparation de la NAO et de son insuffisante participation à cette négociation.

Sur l'insubordination, quelques courriels permettent de relever un ton parfois inadapté et un changement de rendez-vous avec l'Inspecteur du Travail peu orthodoxe eu égard au contexte hiérarchique. De même, le blocage d'une prime, pour des raisons avouées de procédure non respectée, peut être retenu à l'encontre d'[S] [W]. En revanche les autres griefs de cette rubrique ne sont pas vérifiés, en l'état des pièces produites.

En tout état de cause, les insuffisances et carences établies ne justifiaient pas la mesure de licenciement qui a été décidée sans mise en garde, ni vérification d'une part de l'adaptation au poste d'une salariée travaillant à temps partiel et d'autre part des moyens mis à sa disposition.

Le licenciement d'[S] [W] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Tenant compte de l'âge de la salariée (47 ans ) au moment de la rupture, de son ancienneté (4 ans), de son salaire moyen mensuel brut (soit 2 930,65 € au sein de la société SOGIMA et 840,17 € au sein du GICEM), des justificatifs de sa situation de demandeur d'emploi jusqu'en octobre 2014, il y a lieu de lui allouer la somme de 30 000 € à titre de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ayant été bénéficiaire des sommes de 2531,69 € et de 799,48€ à titre d'indemnités de licenciement respectivement de la part de la société SOGIMA et du GICEM, [S] [W] ne démontre pas qu'un reliquat lui est dû, compte tenu de son ancienneté et de ses salaires moyens. Sa demande doit donc être rejetée à ce titre.

L'appelante soutient par ailleurs que la fin des relations contractuelles a été fixée au 6 juin 2011, à tort puisque le point de départ du préavis est la date de présentation de la lettre de licenciement, soit le 10 mars 2011.

La société SOGIMA et le GICEM soutiennent que la date de présentation doit s'entendre de la date de première présentation de la lettre recommandée avec accusé de réception au domicile du salarié.

Au vu des pièces produits, [S] [W] ne justifie pas de la présentation à son adresse de la lettre de licenciement postérieurement au 7 mars 2011; elle doit donc être déboutée de ses demandes de rappels d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents.

Sur le préjudice moral:

[S] [W] réclame indemnisation du préjudice moral et psychologique subi du fait de son licenciement et produit des certificats médicaux attestant d'un suivi psychiatrique et de soins.

Cependant, aucune faute particulière des employeurs n'est démontrée pas plus qu'un préjudice spécifique et distinct de celui résultant de la rupture de la relation contractuelle.

La demande doit donc être rejetée et le jugement de première instance confirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral :

Selon l'article L 1152-1 du code du travail, "aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel."

L'article L1154-1 du code du travail prévoit que " lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L1152-1 à L1152-3 et L 1153-1à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles".

Pour établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, [S] [W] invoque

avoir subi à compter de juin 2008 une disqualification de sa fonction, la Direction des Ressources Humaines se trouvant remise en cause du fait de tensions sociales préexistantes à son arrivée, et ce de plus fort à partir de juin 2009 où la restructuration de la société l'a positionnée sous le secrétariat général, sans communication directe avec le Directoire et a vidé son poste de son contenu. Elle dit avoir été attaquée dans un document du CHSCT du 30 septembre 2008 dénonçant les procédures de licenciement du personnel en arrêt maladie sans prévenir les représentants du personnel, alors que la décision était approuvée et validée par ses supérieurs, et par le comportement agressif du secrétaire du CHSCT lui ' demandant de se taire'; elle avait alors été abandonnée par sa hiérarchie, passive, puis hostile, la rendant coupable du climat social détérioré, lui retirant sa confiance et lui manquant de respect, annonçant même son licenciement dès 2008, l'omettant des entretiens individuels des directeurs et la mettant à l'écart des réunions, des revues sociales, de la nouvelle organisation de la société. Elle se plaint aussi de mesures discriminatoires, ayant perçu un salaire inférieur à ses compétences, en l'absence de versement d'une prime qui lui avait été promise.

Pour étayer ses dires, elle produit notamment des échanges de courriels en date des 22 et 30 septembre 2008 montrant son attente de directive et la passivité de la direction la mettant en porte-à-faux, sa note du 1er octobre 2008 sur le suivi de la réunion du CHSCT du 30 septembre 2008, son rapport sur l'incident au cours de cette réunion où le secrétaire du CHSCT lui a dit qu' 'on ne lui avait pas donné la parole', le message de l'employeur lui rappelant qu'elle n'était pas invitée à la réunion extraordinaire du 8 octobre 2008 du comité d'entreprise et lui demandant des explications, son courrier du 5 février 2009 réclamant un entretien annuel d'évaluation pour les années 2008-2009, sa demande de réunion en date du 2 avril 2010 pour évoquer ses priorités, ses objectifs 2010, les indicateurs de performance, des courriels non lus adressés à [B] [B] les 2 et 6 août 2010, son courrier du 19 octobre 2009 indiquant qu'elle n'assistera plus aux réunions des IRP ' en attendant que soient reprécisées ses missions et responsabilités telles' que découlant de la nouvelle organisation mise en place, ses courriels se plaignant de n'avoir pas les moyens de ses attributions et notamment depuis son absence aux instances de direction.

Elle verse également au débat des certificats du Dr [O], psychiatre, en date des 25 novembre 2011, 23 juillet 2012 et 13 juin 2013 évoquant le suivi de [S] [W] et l'introduction d'un traitement anti-dépresseur depuis le 9 novembre 2009, le courrier du Dr [V], médecin du travail, en date du 31 janvier 2011 évoquant la demande de consultation de la salariée et l'évolution des répercussions de problèmes professionnels sur son état de santé.

Par ces éléments, [S] [W] établit l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris en leur ensemble, permettent de présumer un harcèlement moral à son encontre.

La société SOGIMA et le GICEM font valoir, pour leur part, qu'aucun lien de causalité ne peut être fait entre l'état de santé de Madame [W] et la relation de travail, que son licenciement n'a été annoncé qu'avec la lettre du 1er mars 2011, que les demandes du directeur général et du président du directoire sur ses interventions relèvent de leur pouvoir de direction et qu'elle était en qualité de responsable du pôle ressources humaines naturellement confrontée aux points de vue souvent divergents des représentants du personnel. Ils contestent toute mise à l'écart, l'ensemble des dossiers gérés par elle n'ayant pas diminué.

Au vu des pièces produites, il apparaît qu'[S] [W] a pris seule la décision de ne pas assister à certaines réunions, continuant à honorer de sa présence certaines autres, que le recrutement de Monsieur [N] par le Directoire était légitime, puisque placé sous son autorité directe, que toutes les primes contractuelles ont été payées.

Il n'est pas contestable par ailleurs que la nouvelle organisation hiérarchique de la société SOGIMA a été acceptée par elle, qu'elle-même se disait parfois incapable de répondre aux demandes particulières de sa hiérarchie compte tenu de sa charge de travail et de celle des membres de son service et qu'elle n'a donc pas été dépouillée de ses attributions, ni de ses dossiers.

En outre, il entrait dans le pouvoir de direction de l'employeur de stigmatiser les relations dégradées avec les salariés, de demander au cadre responsable des ressources humaines des explications sur certains points, de lui faire remarquer ses erreurs. Quant aux propos vifs de certains représentants du personnel, ils n'ont pas été répétés de façon à créer pour [S] [W] un malaise dont elle se serait plainte à la Direction qui, au contraire, a souhaité l'extraire du conflit; aucun manquement des employeurs n'est démontré à ce sujet.

Enfin, les pièces produites relativement aux entretiens d'évaluation sont contradictoires et ne démontrent pas une ostracisation de la salariée en la matière. Quant aux éléments médicaux versés au débat, ils n'induisent aucune origine professionnelle à l'état de santé constaté, le médecin du travail prenant la précaution de ne pas prendre position et de seulement 'répéter ce que la salariée exprime'.

Les employeurs démontrent ainsi que les faits matériellement établis par [S] [W] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral. La demande de réparation présentée à ce titre doit donc être rejetée et le jugement de première instance confirmé de ce chef.

Sur les intérêts:

Les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, courent à compter du jugement de première instance pour les sommes indemnitaires confirmées et à compter du présent arrêt pour les autres sommes.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et d'allouer à ce titre la somme de 1 500€ à [S] [W].

Les employeurs, qui succombent principalement, doivent être tenus aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré, pour une meilleure compréhension,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement d'[S] [W] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Rejette la demande relative à un harcèlement moral,

Condamne la société SOGIMA et le Groupement d'Intérêt Economique des Sociétés Immobilières de Construction et d'Exploitation de la région Méditerranéenne (GICEM) in solidum à payer à [S] [W] les sommes suivantes:

- 30 000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et en cause d'appel,

Dit que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, sont dus à compter du 11 octobre 2013 pour les sommes confirmées et à compter du présent arrêt pour les autres sommes,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la société SOGIMA et le Groupement d'Intérêt Economique des Sociétés Immobilières de Construction et d'Exploitation de la région Méditerranéenne ( GICEM) aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

David MACOUIN faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 13/22319
Date de la décision : 27/01/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°13/22319 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-27;13.22319 ?
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